Conseil d'État, 17 octobre 1994, 120898

Synthèse

  • Juridiction : Conseil d'État
  • Numéro d'affaire :
    120898
  • Type de recours : Recours en cassation
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Textes appliqués :
    • Loi 87-1127 1987-12-31 art. 11
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000007848604
  • Rapporteur : M. Chabanol
  • Rapporteur public :
    M. Bachelier
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Texte intégral

Vu la requête

sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 novembre 1990 et 5 mars 1991 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LEP INTERNATIONAL (FRANCE), venant aux droits de la société Géravia, dont le siège est ... ; la SOCIETE LEP INTERNATIONAL (FRANCE) demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 12 juillet 1990 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant qu'il a condamné la société Géravia à garantir Aéroports de Paris de la totalité des condamnations mises à sa charge au bénéfice de diverses sociétés d'assurances; Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code

des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance N° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret N° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi N° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat, - les observations de Me de Nervo, avocat de la SOCIETE LEP INTERNATIONAL (FRANCE), de la SCP Piwnica, Molinié, avocat des Aéroports de Paris, de Me Choucroy, avocat de la Société d'Applications Métalliques (SAM) et de Me X..., avocatde la Société Reynaud Frères, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que

, le 26 février 1986, un incendie a détruit à Orly un hangar appartenant à Aéroports de Paris, dans lequel la société Géravia, aux droits de laquelle vient la SOCIETE LEP INTERNATIONAL avait entreposé des marchandises que lui avaient confiées certains de ses clients ; qu'après s'être prononcée sur la responsabilité à l'égard de ces derniers de cet établissement public et de la société d'applications métalliques qui était chargée des travaux qui furent à l'origine du sinistre, la cour administrative d'appel de Paris a, par l'article 2 de son arrêt en date du 12 juillet 1990, faisant l'objet du pourvoi de la SOCIETE LEP INTERNATIONAL, condamné la société Géravia à garantir intégralement Aéroports de Paris des condamnations prononcées à son encontre ; Sur la fin de non recevoir opposée par Aéroports de Paris aux moyens présentés devant le Conseil d'Etat par la SOCIETE LEP INTERNATIONAL : Considérant que la société Géravia, régulièrement mise en cause devant la cour administrative d'appel de Paris, n'a produit aucune observation ; que, toutefois, dès lors qu'elle censurait le jugement en date du 27 septembre 1988 du tribunal administratif de Paris, en ce que par ce jugement le tribunal avait rejeté les conclusions dirigées par Aéroports de Paris contre la société Géravia, la cour administrative d'appel se trouvait nécessairement saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des moyens de défense de la société Géravia devant le tribunal administratif ; que par suite les mêmes moyens présentés au juge de cassation par la SOCIETE LEP INTERNATIONAL venue aux droits de la société Géravia, sont recevables ; Sur les conclusions de la SOCIETE LEP INTERNATIONAL : Considérant que la société Géravia occupait une partie du hangar en cause en vertu d'un contrat conclut avec Aéroports de Paris ; que, les travaux étant à l'origine du sinistre ayant eu pour objet d'installer des grillages en vue de rendre plus efficaces les séparations entre les surfaces affectées à chaque occupant, ils se rattachaient à l'exécution par Aéroports de Paris de ses obligations contractuelles ; que, par suite, c'est à bon droit que la cour administrative d'appel s'est référée aux dispositions dudit contrat pour se prononcer sur les responsabilités qui pouvaient peser sur l'un ou l'autre des contractants à l'occasion de ce sinistre, même si, vis-à-vis des propriétaires des marchandises détruites, il revêtait le caractère d'un dommage de travaux publics ; Considérant qu'aux termes de l'article 20 du cahier des clauses et conditions générales applicables au contrat d'occupation susmentionné, "en ce qui concerne les biens mobiliers les occupants sont tenus d'assurer eux-mêmes directement tous agencements, matériels, objets mobiliers, marchandises et denrées pouvant leur appartenir, de même que tous objets mobiliers appartenant soit à leur personnel, soit à des tiers, et se trouvant ou pouvant se trouver dans les lieux attribués. En cas de sinistre ils ne peuvent exercer aucun recours contre l' Aéroport de Paris et ils s'engagent à garantir l'Aéroport de Paris contre tous les recours pour tous dommages qui pourraient être occasionnés à ces biens mobiliers" ; qu'une telle clause ne peut toutefois recevoir d'application, ainsi que l'a jugé la cour, si le dommage a résulté d'une faute lourde du bénéficiaire de ladite clause ;Considérant qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, pour écarter toute faute lourde de la part d'Aéroports de Paris, et condamner la société Géravia à garantir cet établissement sur le fondement des dispositions précitées, la cour s'est référée à l'appréciation qu'elle avait portée, dans la même décision, sur le comportement d'Aéroports de Paris dans l'exécution du marché qui unissait cet établissement à la société d'applications métalliques pour la réalisation des travaux en cause ; qu'en se référant ainsi à un contrat distinct tant par son objet que par ses parties de celui qui unissait Aéroports de Paris à la société Géravia, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué en ce qu'il condamne la société Géravia à garantir Aéroports de Paris des condamnations prononcées contre lui ; Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, "s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant que, pour l'application des clauses du contrat liant Aéroports de Paris à la société Géravia, Aéroports de Paris doit répondre non seulement de ses fautes, mais de celles de son entrepreneur ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'incendie ayant détruit le hangar a résulté de l'imprudence grave des préposés de l'entreprise d'applications métalliques qui, devant effectuer des travaux appelant l'usage de chalumeaux, ont méconnu les prescriptions de l'ordre de service leur imposant, soit d'éloigner à distance convenable les matériels pouvant être atteints par des projections de particules en ignition, soit de protéger ces matériels avec des bâches ignifuges ; que l'ensemble de ces manquements est constitutif d'une faute lourde, de nature à exonérer la société Géravia des obligations nées pour elle des dispositions de l'article 20 précité du cahier des clauses et conditions générales applicables à son contrat d'occupation ; que la SOCIETE LEP INTERNATIONAL est par suite fondée à demander que soient rejetées les conclusions dirigées contre la société Géravia par Aéroports de Paris ;

Article 1er

: L'article 2 de l'arrêt en date du 12 juillet 1990 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il condamne la société Géravia à garantir Aéroports de Paris des condamnations prononcées à son encontre. Article 2 : Les conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Paris par Aéroports de Paris, tendant à ce que la société Géravia le garantisse des condamnations prononcées contre lui, sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LEP INTERNATIONAL (FRANCE), à Aéroports de Paris, à la société d'applications métalliques (SAM), à la société Reynaud Frères et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.