Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 16 janvier 2001, 99-11.785

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2001-01-16
Cour d'appel de Lyon (3e chambre)
1999-01-22

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par : 1 / la société Y... international, société anonyme, dont le siège est ..., 2 / la société Vetrotex Espana, société anonyme, dont le siège est Alcala de Henares, 28800, (Espagne), 3 / la société Y... France, société anonyme, dont le siège est ..., 4 / la société Y... Italia, dont le siège est via E. Romagnoli 6, Milan (Italie), en cassation d'un arrêt rendu le 22 janvier 1999 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre), au profit de la société Brenntag, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ; Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 21 novembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de Me Ricard, avocat de la société Y... international, de la société Vetrotex Espana, de la société Y... France, de la société Y... Italia, de Me Choucroy, avocat de la société Brenntag, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique, pris en ses six branches :

Attendu qu'il résulte

de l'arrêt attaqué (Lyon, 22 janvier 1999) que les sociétés Y... France, Y... Italia, Vetrotex X... et la société Y... international, mandataire des précédentes, ont assigné en référé la société Brenntag pour obtenir paiement de provisions à valoir sur plusieurs factures de fournitures qu'elles lui avaient livrées dans le cadre d'un contrat de distribution mais que cette dernière refusait de leur payer, s'estimant titulaire à leur encontre d'une créance de dommages et intérêts pour résiliation abusive et déloyale de son contrat de distribution, ce dont elle avait saisi le juge du fond ;

Attendu que les sociétés Y... France, Y... Italia, Vetrotex X... et Y... international font grief à

l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes alors, selon le moyen : 1 / que la compensation judiciaire ne s'opère qu'entre créances certaines, liquides et exigibles, résultant d'obligations réciproques liant les parties ; qu'en l'espèce, pour débouter les sociétés appelantes de leurs demandes en paiement des factures non contestées par la société Brenntag, débitrice d'une somme supérieure à 2 230 000 francs HT, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que celle-ci justifie d'un principe certain de créance né de l'obligation d'indemnisation de l'ensemble des sociétés du groupe Y... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'existence et la nature de la faute imputable personnellement à chacune des sociétés créancières appelantes, n'a pas caractérisé la réciprocité des obligations et a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1289 du Code civil et 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; qu'en s'en tenant à "un principe certain de créance", sans établir l'existence certaine d'une créance -contestée- de Brenntag, sans évaluer son montant, sans établir sa liquidité et son exigibilité à l'encontre de chacune des sociétés créancières appelantes, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1290 et 1291 du Code civil et 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; 2 / que la responsabilité civile n'est engagée qu'en raison de la faute personnelle imputable à son auteur ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle se bornait à énoncer que la société Y... renforcement est l'auteur des pratiques déloyales incriminées et que la résiliation des contrats de distribution notifiée à la société Brenntag est le fait de la société Y... international et de la société Lorcet, la cour d'appel ne pouvait, pour débouter les sociétés Y... France, Y... Italia et Vetrotex X... de leurs demandes en paiement de factures non contestées, affirmer que l'ensemble des sociétés du groupe Y... avaient par leurs fautes respectives, concouru à la réalisation du préjudice subi par la société Brenntag, sans caractériser la faute commise par chacune des sociétés susvisées, l'arrêt manque de base légale au regard des articles 36. 5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 1289 et suivants et 1382 du Code civil ; 3 / que la lettre de résiliation du 24 juillet 1997 adressée à la société Brenntag émane de la société Y... et fixe un préavis au 1er novembre 1997 ; qu'en déclarant que cette lettre est envoyée par la société Y... international, la cour d'appel en a dénaturé les termes et violé l'article 1134 du Code civil ; 4 / que les sociétés Y... avaient fait valoir devant la cour d'appel que les résiliations dont se plaignait la société Brenntag étaient le fait des sociétés Lorcet et Y... renforcement, qu'il s'agissait de deux sociétés distinctes et de deux contrats distincts, que la société Y... renforcement n'agissait pas comme leur mandataire, ni a fortiori en tant que représentant d'un "groupe Y...' qui n'existait pas ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ces différents moyens, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 5 / que dans ses écritures d'appel en date du 1er décembre 1998, les sociétés Y... contestaient formellement tout débauchage et toute manoeuvre destinée à capter la clientèle pendant le préavis ; qu'en affirmant que le débauchage n'était pas contesté, de même que l'envoi d'une lettre circulaire destinée à capter la clientèle pendant le préavis, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4, 7, 9, 12, 16 du nouveau Code de procédure civile ; 6 / que devant la cour d'appel, les sociétés Y... avaient rappelé qu'il n'existait pas de contrat écrit, que les conditions générales de vente n'imposaient aucune exclusivité d'achat des produits Y... , qu'elles contestaient l'existence même du préjudice allégué par Brenntag dès lors qu'un préavis de trois mois, porté à quatre mois lui avait été accordé, que la reprise de ses stocks lui avait été proposée, et qu'aucun justificatif comptable ou financier n'avait été produit par la société Brenntag qui réalise un chiffre d'affaires annuel supérieur au milliard de francs en sorte que la résiliation des contrats de distribution ne pouvait avoir de conséquences préjudiciables sur son activité ; qu'en retenant cependant l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel a commis une erreur de droit et violé l'article 36. 5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dénaturé le contenu des relations contractuelles qui n'imposaient aucune exclusivité d'achat à la société Brenntag, n'a pas justifié sa décision en ne caractérisant pas en quoi le délai de préavis était en l'espèce manifestement insuffisant et, en ne recherchant pas si, comme l'exposaient les sociétés appelantes, les termes des accords conclus, le chiffre d'affaires réalisé par la société Brenntag avec la distribution des produits Y... représentant une part infime de son chiffre d'affaires total (environ 0,01%), l'absence d'état de dépendance économique prouvée, l'absence de toute exclusivité à la charge de Brenntag, et la proposition de reprise des stocks n'étaient pas autant de circonstances excluant tout abus de droit de résiliation, entachant ainsi son arrêt de manque de base légale au regard de l'article 36. 5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 1382 du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, qu'une compensation judiciaire peut intervenir même quand la créance alléguée ne remplit pas les conditions de la compensation légale ; que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder aux recherches inopérantes visées à la première branche du moyen ; Attendu, en second lieu, que les juges étaient seulement tenus d'apprécier si l'éventualité d'une compensation entre créances réciproques était de nature à rendre sérieuse ou non la contestation par la société Brenntag des obligations invoquées par les sociétés Y... au titre de leurs demandes de provision ; qu'ayant retenu que la société Brenntag était fondée à se prévaloir, non pas d'une créance à l'encontre du "groupe Y...", mais, en raison des agissements fautifs imputables aux diverses sociétés de ce groupe ayant concouru à la réalisation de son préjudice et de nature à entraîner leur condamnation in solidum à son profit, d'une créance sur chacune de ces sociétés, certaine en son principe, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées à la dernière branche du moyen, a légalement justifié sa décision ; Attendu, en troisième lieu, que la lettre de résiliation adressée le 24 juillet 1997 à la société Brenntag par la société Y..., sans autre précision, ayant fait l'objet d'une rectification d'erreur matérielle, le 29 août suivant, de la part de la société Y... international, c'est par une interprétation de ces deux lettres, que leur rapprochement rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que la résiliation émanait de la société Y... international ; Attendu, en quatrième lieu, qu'en énonçant que cette rupture émanait de la société Y... international, elle-même mandataire des autres sociétés Y..., et procédait de leur volonté déclarée de réorganiser leur réseau de distribution en développant un réseau interne confié à la société Y... renforcement, la cour d'appel a, par là-même répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ; Attendu, en cinquième lieu, qu'en estimant qu'il résultait des pièces produites que la rupture du contrat de distribution s'était accompagnée du débauchage, non contesté à l'époque, d'un collaborateur de la société Brenntag et de l'envoi d'une lettre circulaire aux clients de cette dernière avant l'expiration de la période de préavis, les juges n'ont fait qu'user de leur pouvoir d'appréciation sans méconnaître les termes du litige ; Que le moyen n'est fondé en aucune de ses six branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Y... international, Vetrotex X..., Y... France et Y... Italia aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette leur demande ; Condamne les sociétés Y... international, Vetrotex X..., Y... France et Y... Italia à une amende civile de 12 000 francs envers le Trésor public ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille un.