Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 1 octobre 2013, 10PA01028

Mots clés société · sanction · aéroports · pouvoir · commission · préfet · amende · constats · soutenir · sûreté · perception · concernée · communication · commandement · recouvrement

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro affaire : 10PA01028
Type de recours : Plein contentieux
Président : M. PERRIER
Rapporteur : M. Ermès DELLEVEDOVE
Rapporteur public : M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP CHEVRIER PRETNAR

Texte

Vu la requête, enregistrée le 26 février 2010, présentée pour la SA Aéroports de Paris, dont le siège est 291, boulevard Raspail, à Paris (75014), représentée par son directeur général en exercice, par MeA... ; la société Aéroports de Paris demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0503870/1-0507671/1 en date du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 19 avril 2005 par laquelle le préfet du Val-de-Marne lui a infligé une amende administrative d'un montant de 2 250 euros, et, d'autre part, du titre de perception en date du 14 juin 2005 par lequel le préfet du Val-de-Marne a mis à sa charge le paiement de cette somme ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 318 euros à titre de remboursement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu l'arrêté interministériel du 12 novembre 2003 ;

Vu l'arrêté préfectoral n° 2003/4217 du 31 octobre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2013 :

- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,

- les conclusions de M. Rouset, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., pour la société Aéroport de Paris ;

1. Considérant que, dans le cadre de contrôles effectués sur le site de l'aéroport d'Orly, la direction de la police aux frontières d'Orly a constaté le 23 janvier 2005 qu'une porte, séparant la zone publique d'une zone réservée, était restée ouverte, les 24 et 25 janvier 2005, la présence de cartes d'embarquement vierges laissées librement accessibles au public sur des comptoirs d'enregistrement et le 27 janvier 2005 qu'aucune consigne de sûreté n'avait été aménagée au profit des passagers aux abords d'un comptoir d'enregistrement ; que les constats, établis par cette direction, ont été notifiés à la société Aéroports de Paris le 24 janvier 2005, s'agissant des deux premiers manquements, le 26 janvier 2005, s'agissant du troisième manquement et le 28 janvier 2005, s'agissant du quatrième manquement ; que, à la suite de l'avis de la commission de sûreté de l'aéroport d'Orly du 31 mars 2005, le préfet du Val-de-Marne a, par une décision n° 2005/1366 du 19 avril 2005, infligé à la société Aéroports de Paris une amende administrative de 2 250 euros sur le fondement des dispositions de l'article 5 de l'arrêté préfectoral susvisé du 31 octobre 2003 relatif à la police sur l'aéroport d'Orly, du a) de l'article 40 et de l'article 41 de l'arrêté interministériel susvisé du 12 novembre 2003 relatif aux mesures de sûreté du transport aérien ; que la société Aéroports de Paris fait appel du jugement en date du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cette décision et du titre de perception n° 2005/163 du 14 juin 2004 par lequel le préfet du Val-de-Marne a mis à sa charge le paiement de cette somme ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité de la décision du 19 avril 2005 :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte l'exposé des motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'en particulier, le préfet du Val-de-Marne a visé le code de l'aviation civile ; que le préfet n'était pas tenu de préciser le détail des numéros des procès-verbaux dressés par la direction de police aux frontières d'Orly ; que l'erreur de plume figurant sur la lettre de notification de la décision litigieuse est pareillement sans incidence sur la légalité de cette décision ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile dans sa rédaction alors applicable : " Les manquements aux dispositions énumérées à l'article R. 217-1 font l'objet de constats écrits dressés par les militaires de la gendarmerie, les officiers et les agents de la police nationale, les agents des douanes ainsi que par les fonctionnaires et agents spécialement habilités et assermentés en application de l'article L. 282-11. Ils portent la mention des sanctions encourues. Ils sont notifiés à la personne concernée et communiqués au préfet par le chef du service auquel appartient le rédacteur du constat. / A l'expiration du délai donné à la personne concernée pour présenter ses observations, le préfet peut saisir la commission instituée à l'article R. 217-4 qui lui émet un avis sur les suites à donner. / La personne concernée doit avoir connaissance de l'ensemble des éléments de son dossier. Elle doit pouvoir être entendue par la commission avant que celle-ci émette son avis et se faire représenter ou assister par la personne de son choix. La commission peut également entendre l'employeur d'une personne physique mise en cause. / Aucune amende ou mesure de suspension ne peut être prononcée plus de deux ans après la constatation d'un manquement " ; que, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

4. Considérant que, en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la société Aéroports de Paris, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait pas disposé de l'ensemble des éléments du dossier préalablement à la saisine de la commission de sûreté ni qu'elle aurait été privée à ce titre d'une garantie de procédure ; qu'en particulier, eu égard notamment aux signatures et mentions manuscrites apposées par la société Aéroports de Paris sur les documents relatifs aux " notifications des manquements " et aux " synthèses des faits constatés par le service ", la société ne saurait sérieusement soutenir que, lors de la notification des constats de manquement, les procès-verbaux auraient été communiqués de manière incomplète ou qu'elle n'aurait pas reçu effectivement communication des rapports annexés à ces documents alors même qu'elle n'a émis aucune réserve expresse lors de cette notification ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le respect du principe général des droits de la défense implique que la personne concernée, après avoir été informée des griefs formulés à son encontre, soit mise à même de demander la communication de son dossier et dispose de la faculté de pouvoir présenter utilement ses observations avant que l'autorité disposant du pouvoir de sanction se prononce ; que la procédure spéciale prévue par l'article R. 217-2 précité du code de l'aviation civile prévoit que la commission de sûreté d'un aéroport peut être saisie pour avis par le préfet avant que celui-ci prononce une sanction pour manquement aux règles de sécurité aéroportuaire ; que cette commission émet son avis au vu des seuls éléments du dossier dont la personne concernée, après avoir été informée des griefs formulés à son encontre, peut demander la communication ; que cet article organise une procédure contradictoire, impliquant le droit pour la personne en cause de formuler ses observations écrites et d'être entendue par la commission ; qu'eu égard aux garanties ainsi apportées, la procédure répond aux exigences qu'implique le respect des droits de la défense ; que, contrairement à ce que soutient la société Aéroports de Paris, ni cet article ni aucun principe général du droit et en particulier celui des droits de la défense n'imposent, en revanche, la communication de l'avis de la commission à la personne concernée ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. / (...) / 3. Tout accusé a droit notamment à : / a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; / b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (...) " ; que les stipulations précitées de l'article 6 ne sont applicables, en principe, qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et ne peuvent être invoquées pour critiquer une procédure administrative, alors même qu'elle conduirait au prononcé d'une sanction ; qu'il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse où la procédure d'établissement de cette sanction pourrait, eu égard à ses particularités, emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge ;

7. Considérant que la procédure instituée par l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile aménage, comme il a été dit plus haut, le pouvoir de sanction du préfet de telle sorte que le respect des droits de la défense est pleinement assuré ; que, dans ces conditions, l'absence de communication de l'avis de la commission de sûreté de l'aéroport d'Orly à la société requérante dans le cadre de cette procédure n'emporte pas de conséquence de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable de la procédure ultérieurement engagée devant le juge ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que les manquements litigieux ont été constatés par la direction de la police aux frontières d'Orly les 23, 24, 25 et 27 janvier 2005 et les procès-verbaux de constats de ces manquements notifiés à la société Aéroports de Paris les 24, 26 et 28 janvier suivant, ainsi qu'il a été précisé au point 1 ci-dessus ; que la société requérante a reconnu les faits devant la commission de sûreté de l'aéroport d'Orly ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commis le préfet du Val-de-Marne ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes du II de l'article R. 217-1 du code de l'aviation civile dans sa rédaction alors applicable : " II. En cas de manquement constaté aux dispositions : / a) Des arrêtés préfectoraux et de leurs mesures particulières d'application relatifs aux points b, d, e et f de l'article R. 213-3 ; / b) Du premier alinéa de l'article L. 213-4, de l'article L. 282-8 en ce qu'il prévoit que les agents effectuant des visites de sûreté sont agréés, des articles R. 213-4, R. 213-10, R. 213-11, R. 213-12, R. 282-6, R. 321-8, R. 321-9 et R. 321-10 et des textes pris pour leur application ; / c) Des arrêtés et mesures pris en application de l'article R. 213-1. / Le préfet peut, en tenant compte de la nature et de la gravité des manquements et éventuellement des avantages qui en sont tirés, après avis de la commission instituée à l'article R. 217-4, prononcer à l'encontre de la personne morale responsable une amende administrative d'un montant maximum de 7 500 euros (...) " ;

10. Considérant qu'aucune disposition légale ou règlementaire ni aucun principe général du droit et en particulier celui de la proportionnalité des peines ne fait obstacle à ce que le préfet, dans le cadre du pouvoir de sanction dont il dispose en vertu de l'article R. 217-1 précité du code de l'aviation civile, prononce une sanction administrative unique pour plusieurs manquements constatés aux règles susmentionnées ; que la circonstance que le tribunal administratif a fait référence au procès-verbal de la réunion de la commission de sûreté proposant des montants d'amende de 1 000 euros pour chacun des deux manquements liés aux cartes d'embarquement, de 250 euros pour l'absence de consigne visuelle et de 1 000 euros pour la porte laissée ouverte est à cet égard sans incidence ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la sanction pécuniaire méconnait le principe de proportionnalité ;

Sur la légalité du titre de perception du 14 juin 2005 :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 217-3 du code de l'aviation civile dans sa rédaction alors applicable : " Les amendes et mesures de suspension font l'objet d'une décision motivée notifiée à la personne concernée. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. Les amendes sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine " ; qu'aux termes de l'article 81 du décret susvisé du 20 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique dans sa rédaction alors applicable : " Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le titre de perception mentionne expressément la somme exigée ainsi que les procès-verbaux ayant conduit à l'édiction de la sanction pécuniaire ; que, dans ces conditions, si le titre de perception ne fait pas référence à la décision susvisée du 19 avril 2005, il indique avec suffisamment de précision les bases de liquidation de la créance dont le requérant avait préalablement eu connaissance par la notification de cette décision ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des points 2 à 10 ci-dessus que la décision du 19 avril 2005 n'est entachée d'aucune illégalité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la sanction administrative présenté à l'appui des conclusions contestant le titre de perception ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant, en troisième lieu, que la société Aéroports de Paris fait valoir que, ayant fait opposition au titre de perception susvisé, l'émission du commandement de payer représente un risque de double recouvrement de l'amende ; que, toutefois, le présent arrêt statue au fond sur le bien-fondé du titre de perception qui n'est entaché d'aucune illégalité ainsi qu'il résulte des motifs précisés aux points 11 à 13 ci-dessus ; que dès lors, en tout état de cause, l'administration a pu à bon droit émettre un commandement de payer pour avoir paiement de la somme susmentionnée et des frais de recouvrement correspondants ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, la société Aéroports de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date des 19 avril 2005 et 14 juin 2005 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

16. Considérant que les décisions susvisées n'étant entachées d'aucune illégalité, la société requérante n'est pas fondée, en tout état de cause, à demander le remboursement des sommes qu'elle réclame ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par la société Aéroports de Paris et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :



Article 1er : La requête susvisée de la société Aéroports de Paris est rejetée.

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N° 10PA01028