Cour de cassation, Première chambre civile, 14 décembre 1999, 97-21.321

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1999-12-14
Cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile, section A)
1997-09-25

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par M. Pierre Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 25 septembre 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile, section A), au profit : 1 / de M. Jean-Paul A..., demeurant ..., 2 / de M. Christian C..., demeurant La Roche, 24330 Saint-Pierre de Chignac, 3 / de M. Paul E..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ; M. C... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 9 novembre 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, MM. Ancel, Durieux, Mme Bénas, MM. Guérin, Sempère, Bargue, conseillers, Mmes Catry, Cassuto-Teytaud, conseillers référendaires, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Renard-Payen, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. C..., de Me Copper-Royer, avocat de M. E..., de la SCP Ghestin, avocat de M. A..., les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que M. A... a acheté le 12 juillet 1991, à M. Y..., garagiste, une voiture R21 ayant parcouru 58 000 kms ; qu'à la suite de pannes successives intervenues quelques semaines plus tard, le garagiste Coignard a relevé des malfaçons sur ce véhicule et constaté qu'il avait été accidenté et mal réparé ; que l'acquéreur a alors découvert que la voiture, gravement accidentée alors qu'elle appartenait à une dame D..., avait ensuite été la propriété de deux "casseurs" successifs, avant d'être achetée par M. C..., ouvrier carrossier du garage Fougère, lequel, après l'avoir réparée, l'avait vendue à M. X..., qui l'avait lui-même revendue au garage Fougère ; que M. A... a fait expertiser son véhicule par M. Z..., qui a relevé un choc important et des réparations faites en dépit du bon sens et constaté que M. E..., qui avait effectué le contrôle technique du véhicule le 18 décembre 1990, à la demande de M. C..., avait mentionné dans son rapport la nécessité d'importantes réparations ; que l'acquéreur a obtenu en référé une expertise confiée à M. B..., au vu de laquelle il a fait assigner M. Y... devant le tribunal de grande instance de Périgueux en résolution de la vente avec restitution du prix, outre des dommages-intérêts ; que M. Y... a appelé en garantie MM. C... et E... ; que l'arrêt attaqué a prononcé la résolution de la vente, ordonné la restitution du véhicule à M. Y... et condamné celui-ci à payer à M. A..., la somme de 60 000 francs, assortie des intérêts légaux, ainsi que 31 000 francs à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice financier et 5 000 francs en réparation du trouble de jouissance ; qu'il a également rejeté les appels en garantie formés par M. Y... ;

Sur le deuxième moyen

du pourvoi principal :

Attendu que M. Y... fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. A... des dommages-intérêts, en réparation du préjudice financier de celui-ci et 5 000 francs au titre du trouble de jouissance qu'il a supporté, alors, selon le moyen, que le vendeur d'une chose atteinte d'un vice caché, n'est tenu à des dommages-intérêts envers l'acquéreur, autres que ceux correspondant aux frais de la vente, que s'il connaissait le vice ; qu'en l'espèce, M. A... avait expressément reconnu dans ses conclusions d'appel que M. Y..., comme celui-ci le faisait valoir dans ses écritures d'appel, avait été définitivement relaxé du chef de tromperie, au motif qu'il ignorait, au moment de la vente du véhicule, qu'il s'agissait d'un véhicule accidenté ; qu'en le condamnant à payer à M. A... des dommages-intérêts en réparation de préjudices distincts des frais occasionnés par la vente, ce qui supposait sa mauvaise foi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. Y... était un vendeur professionnel, a méconnu le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, et a violé les articles 1351, 1645, et 1646 du Code civil ;

Mais attendu

que la cour d'appel a relevé que M. Y... était garagiste, constatation qui l'assimilait à un vendeur professionnel, sans que sa relaxe au pénal puisse avoir une incidence sur l'instance civile le concernant ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche et le moyen

unique du pourvoi incident de M. C..., pris en sa première branche :

Vu

les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt attaqué

a alloué à M. A... une somme de 31 000 francs, en réparation du préjudice subi par lui du fait qu'il a été contraint de poursuivre le paiement des échéances de l'emprunt qu'il avait contracté pour acquérir son véhicule ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que l'intéressé qui s'était borné, dans ses conclusions d'appel, à réclamer une somme de 31 604 francs "à titre de dommages-intérêts liés au mauvais fonctionnement du véhicule" n'invoquait aucun autre préjudice, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen

du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu

l'article 1641 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter

M. Y... de son appel en garantie dirigé contre M. C..., l'arrêt attaqué énonce que le recours exercé par M. Y... contre l'intéressé, trouve son fondement dans les éléments d'une expertise judiciaire qui n'était pas opposable à celui-ci ;

Qu'en statuant ainsi

, sans rechercher si, indépendamment des constatations de l'expert, il ne résultait pas de la condamnation pénale de M. C..., pour tromperie à l'égard de M. X... auquel il avait revendu le véhicule sans l'avertir qu'il avait été accidenté, invoquée en conclusions par M. Y..., que les vices affectant ce véhicule étaient imputables à M. C..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen

du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu

l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter

M. Y... de sa demande en garantie dirigée contre M. E..., l'arrêt attaqué énonce que le recours exercé par M. Y... contre l'intéressé trouve son fondement dans les éléments d'une expertise judiciaire qui n'est pas opposable à celui-ci ;

Qu'en statuant ainsi

, sans rechercher si, indépendamment du rapport d'expertise, M. E... n'avait pas commis une faute en délivrant les pièces nécessaires à la mise en circulation du véhicule, malgré les anomalies relevées lors du contrôle technique qu'il avait effectué, comme le soutenait M. Y... dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen

du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :

Vu

l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour débouter

M. Y... de sa demande en garantie dirigée contre MM. C... et E..., l'arrêt attaqué énonce qu'il apparaît surprenant que l'intimé recherche la mise en cause des deux intéressés, sur le fondement d'une faute délictuelle qu'ils auraient commis à son égard avant la vente litigieuse, tout en prétendant que les faits générateurs de sa propre responsabilité sont postérieurs à cette vente ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'il résultait des conclusions de M. Y... que celui-ci soutenait, à titre principal, pour dégager sa responsabilité, que l'antériorité des vices n'était pas établie et, à titre subsidiaire, dans le cas où la cour d'appel jugerait l'acquéreur bien fondé en ses demandes, la thèse contraire, à laquelle était subordonnée l'efficacité de son recours en garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxièmes branches du premier moyen du pourvoi principal et du moyen unique du pourvoi incident : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a résolu la vente, ordonné la restitution du prix et condamné M. Y... à payer à M. A... une somme de 5 000 francs, en réparation du dommage qu'il a subi du fait de la privation de jouissance de son véhicule, l'arrêt rendu le 25 septembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ; Condamne M. A... et M. E... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. E... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.