Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. Olivier Vagneux demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 10 août 2023, par laquelle le maire de la commune de Savigny-sur-Orge a rejeté sa demande de publication de sa tribune d'expression libre dans le magazine municipal de septembre 2023.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie du fait de l'imminence de la publication prévue le 5 septembre 2023 ; il ne peut être regardé comme s'étant lui-même placé dans une situation d'urgence ;
- les moyens suivants sont propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision querellée : l'article
L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales et l'article 32 du règlement intérieur du conseil municipal sont méconnus dès lors qu'il a envoyé sa tribune en format HTML et PDF, ce qui correspond à un " format texte " ; la commune ne s'est jamais expliquée sur ce qu'est un " format texte ", notion qui n'existe pas en science informatique ; ce faisant le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation, une double erreur de droit et un détournement de pouvoir ;
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête enregistrée le 17 août 2023 sous le n° 2306783 par laquelle M. B demande l'annulation de la décision attaquée.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les demandes de référé.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un courriel du 9 août 2023, M. B, élu d'opposition au sein du conseil municipal de la commune de Savigny-sur-Orge, a transmis sa tribune à publier dans le magazine municipal pour le mois de septembre. Par un courrier du 10 août 2023, le maire lui a indiqué que les formats " html " et " pdf " dans lesquels il lui a adressé sa tribune n'étaient pas conformes à l'article 32 du règlement intérieur du conseil municipal du 15 décembre 2022 qui exige une transmission au " format texte ", et l'a invité à renvoyer sa tribune dans un format conforme avant le 16 août. Par la présente instance, M. B demande au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision.
2. Aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ". Aux termes de l'article
L. 522-1 de ce code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles
L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique () ". L'article
L. 522-3 du même code dispose : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article
L. 522-1 ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 du même code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire ".
3. En application de l'article
L. 522-3 du code de justice administrative, lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les dispositions de l'article
L. 522-1 de ce code relatives à la procédure contradictoire et à la tenue d'une audience.
4. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
5. D'autre part, aux termes de l'article
L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d'application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur ". Aux termes de l'article 32 du règlement intérieur du conseil municipal de la commune de Savigny-sur-Orge, pris en application de ces dispositions : " Les élus du Conseil municipal bénéficient d'un droit d'expression dans chaque bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal. Seules sont concernées les publications qui rendent compte des réalisations du Conseil municipal et ne se limitent pas à des renseignements pratiques ou techniques sur la commune. Cette expression prend la forme d'une tribune libre ouverte aux élus de la majorité et de l'opposition (). La transmission des textes s'effectue par voie de message électronique en pièce-jointe, ou support dématérialisé, au format texte au plus tard 20 jours avant la publication du bulletin. Les élus seront informés par courriel de la date prévisionnelle de publication des bulletins d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal. / Un bon à tirer mis au format sera remis aux élus pour relecture. A compter de la réception de ce bon, les élus disposent d'un délai de 24h pour transmettre leurs corrections ou signifier leur bon pour accord. Toute modification ainsi sollicitée sera adressée par courrier électronique dans un délai de 24 h. Toute absence de réponse produite dans les délais susvisés sera considérée de fait comme une validation. / Toute production non transmise, non validée et/ou non conforme aux dispositions énoncées ci-dessus ne saurait être publiée ".
6. Il résulte de l'instruction que l'obligation, énoncée à l'article 32 du règlement intérieur du conseil municipal, de transmettre par fichier au " format texte " les tribunes à publier au bulletin municipal, a été rappelée à de nombreuses reprises à M. Olivier Vagneux, conseiller municipal d'opposition, l'intéressé indiquant dans sa requête s'être vu refuser la publication de sa tribune, pour ce motif, à cinq reprises depuis septembre 2022. Par un courrier du 13 avril 2023, le maire de Savigny-sur-Orge a par ailleurs précisé à M. B que le " format texte " attendu correspondait à un " texte brut Unicode (Unicode plain text en anglais) " et qu'il pouvait utiliser " des logiciels déjà présents dans le système d'exploitation Windows " notepad " ou mac " pages " ou télécharger un logiciel libre " Notepad ++ ". M. B persiste toutefois à transmettre ses tribunes au format HTML et PDF, dont il ne peut pourtant ignorer qu'ils seront rejetés par la commune, et n'établit, ni même n'allègue être dans l'impossibilité de communiquer son texte dans un format adéquat, à l'instar des autres élus d'opposition. En particulier, en se bornant à soutenir qu'il n'entend pas acquérir de nouveaux logiciels sur ses deniers personnels, il ne démontre pas être dans l'impossibilité de disposer d'un logiciel offrant le format exigé, alors qu'il existe notamment des logiciels libres et gratuits concurrents de la suite Microsoft Office. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la transmission du texte au format unicode ferait obstacle, au stade de la mise en page et des échanges pour correction expressément prévus à l'article 32 du règlement intérieur précité, à la valorisation de parties du texte par mise en gras ou surlignage, alors qu'il est constant que plusieurs textes publiés dans le magazine municipal jusqu'à présent, y compris de l'opposition, ont pu bénéficier d'une telle mise en page. En refusant, sans motif légitime, de transmettre sa tribune dans un format adéquat, M. B s'est donc lui-même placé dans la situation d'urgence qu'il invoque.
7. Il suit de là que la condition d'urgence exigée par les dispositions susmentionnées de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Dès lors, les conclusions de M. B présentées au titre de cet article doivent être rejetées par application de l'article
L. 522-3 du même code.
8. Aux termes de l'article
R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". En l'espèce, M. B a déjà formé pas moins de 117 requêtes devant le tribunal administratif de Versailles depuis le 1er janvier 2023. En particulier, il a formé de nombreuses requêtes tendant à la suspension de la publication du magazine municipal, fondée tant sur l'article
L. 521-1 que sur l'article
L. 521-2 du même code et qui ont donné lieu systématiquement à des ordonnances de rejet au motif qu'il devait être regardé comme s'étant lui-même placé dans la situation d'urgence qu'il invoquait. Malgré sa condamnation à trois reprises à des amendes pour recours abusifs pour des affaires similaires, par des ordonnances des 24 avril, 30 mai et
19 juin 2023, il persiste à présenter une requête en référé manifestement dénuée d'urgence. Par suite, la présente requête présente un caractère abusif et il y a lieu de condamner M. B au paiement d'une amende de 1 500 euros.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. Olivier Vagneux est rejetée.
Article 2 : M. Olivier Vagneux est condamné à payer une amende pour recours abusif d'un montant de 1 500 (mille cinq cents) euros.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Olivier Vagneux et au directeur départemental des finances publiques des Yvelines.
Copie en sera adressée à la commune de Savigny-sur-Orge.
Le juge des référés,
Signé
B. A
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.