LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article
1382 du code civil, ensemble l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2014), que Mme X..., propriétaire de deux garages dans un immeuble en copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaire de l'immeuble Le Midi (le syndicat), pour abus de droit et rupture d'égalité entre copropriétaires, en annulation de la décision de l'assemblée générale du 5 mars 2012 ayant attribué sept emplacements de stationnement à des copropriétaires dénommés et maintenu le loyer annuel de ceux-ci à 360 euros ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt relève que le règlement de copropriété prévoit que des emplacements de stationnement seront déterminés et loués aux copropriétaires qui en feront la demande moyennant un loyer et des conditions fixées par chaque assemblée générale annuelle et que les produits des locations viendront en déduction des charges communes et retient que la rupture d'égalité ne peut s'apprécier qu'en comparant des situations équivalentes, ce qui n'est pas le cas entre copropriétaires ayant acquis des lots de stationnement et les copropriétaires qui bénéficient, par des renouvellements annuels décidés en assemblée générale et susceptibles de ne pas être reconduits, de la possibilité de louer à prix modique des emplacements dans la cour commune de l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'attribution d'office du même emplacement à un même copropriétaire et si l'absence d'une contrepartie pour les copropriétaires lésés n'entraînaient pas une rupture d'égalité entre les copropriétaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande d'annulation de la résolution n° 16 de l'assemblée générale du 5 mars 2012, l'arrêt rendu le 18 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Midi aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Midi et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir constater l'existence d'un abus de majorité et prononcer l'annulation des résolutions n° 15 et 16 de l'assemblée générale ordinaire du 5 mars 2012 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « la résolution 15 a consacré le rejet de la demande de Mme X... qui tendait à la suppression d'un emplacement de parking dans la cour commune ; que la résolution 16 a consacré l'attribution des parkings n° 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 8 à des copropriétaires dénommés et a maintenu le loyer annuel de ceux-ci à 360 euros ; que Mme X... soutient sa demande d'annulation en faisant valoir que l'emplacement de stationnement n° 8 dans la cour se trouve à côté de la sortie de son garage, et gêne sa manoeuvre compliquée pour l'utiliser ; que le procès-verbal d'huissier du 6 mars 2013, s'il décrit et précise les dimensions des emplacements de parking dans la cour, ne permet en aucun cas d'établir la gêne invoquée, pas plus que les photographies produites ; que Mme X... invoque, à l'appui de sa demande d'annulation ; 1) L'application à tort de la majorité de l'article 25 au lieu de celle de l'article 24 pour la résolution 15 qui a été rejetée à la majorité absolue de 501 voix sur 1000 exprimées ; que s'il a été indiqué dans le procès-verbal que cette résolution devait être adoptée à la majorité de l'article 25, il s'avère que même en appliquant la majorité de l'article 24, elle n'a pas été adoptée en sorte que Mme X... ne peut prétendre à son annulation de ce chef ; 2) Le non-respect du règlement de copropriété et l'absence de participation aux charges ; que le règlement de copropriété du 27 octobre 1961 a prévu, en page 49, « dans la cour seront déterminés des emplacements de parkings qui seront partie commune à tous les copropriétaires. Ces emplacements seront loués par les soins du syndic aux copropriétaires qui en feront la demande moyennant un loyer et à des conditions qui seront fixées lors de chaque assemblée annuelle. La location sera toujours consentie pour une année. Les produits de ces locations seront compris dans les recettes de la copropriété et viendront en déduction des charges communes ; que contrairement à ce que soutient Mme X..., les clauses modificatives du règlement de copropriété adoptées le 10 septembre 1975 n'ont rien changé à cette situation alors qu'elles étaient destinées à la mise en harmonie du règlement avec la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967 ; que quant à la prétendue absence de participation aux charges des bénéficiaires des locations, un loyer annuel voté en assemblée générale a été fixé à 360 euros ; que peu importe que ce prix ne corresponde pas à celui du marché dès lors que rien ne prouve que les charges d'entretien de ces emplacements seraient d'un montant supérieur au prix de location ; 3) L'abus de majorité ou la rupture d'égalité ; que l'abus de majorité est caractérisé dans l'hypothèse où la majorité est utilisée dans un intérêt autre ou contraire à l'intérêt collectif, pour défendre un intérêt individuel ou exclusif du groupe majoritaire ; qu'en l'espèce, rien ne démontre que l'intérêt collectif des copropriétaires soit contraire aux résolutions votées dans le cadre de ce qui a été prévu par le règlement de copropriété pour répartir les emplacements de stationnement, tandis que Mme X... les conteste en défendant son intérêt particulier, et alors même qu'elle n'a pas sollicité l'attribution d'un de ces emplacements ; que quant à la prétendue rupture d'égalité, celle-ci ne peut s'apprécier qu'en comparant des situations équivalentes, ce qui n'est pas le cas entre les copropriétaires ayant acquis des lots de parkings et les copropriétaires bénéficiant, par des renouvellements annuels décidés en assemblée générale et susceptibles de ne pas être reconduits, de la possibilité de louer à prix modique des emplacements dans la cour commune ; 4) Le non respect des règles d'accessibilité prévues par la loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003 ; qu'à défaut de précision sur les dispositions de cette loi qui permettraient d'annuler les résolutions attaquées, et à défaut pour Mme X... d'avoir rapporté la preuve d'un problème d'accès à son garage, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes d'annulation des résolutions 15 et 16 de l'assemblée générale ordinaire du 5 mars 2012 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Mme X... est propriétaire de deux garages au sein de la communauté immobilière dénommée Le Midi sise 4 rue Gauthier Roux à Nice, l'un donnant sur la rue et l'autre donnant sur une cour intérieure ; que des emplacements de parkings ont été créés dans cette cour depuis fort longtemps ; que Mme X... s'est plainte de la gêne de l'un d'eux et a sollicité sa suppression lors de l'assemblée générale ordinaire du 5 mars 2012 ; que par résolution numéro 15, cette demande a été rejetée par l'assemblée, laquelle a procédé à l'attribution des parkings dans sa résolution n° 16 ; que Mme X... sollicite l'annulation de ces 2 résolutions au motif tout d'abord que l'emplacement de parking numéro 8 se trouvant à côté de la sortie de son garage la contraint à une manoeuvre compliquée pour s'en extraire ; que de ce chef, Mme X... ne rapport la preuve ni d'une impossibilité ni même d'une difficulté à sortir de son garage et par voie de conséquence d'une atteinte grave à sa jouissance ; que Mme X... soutient par ailleurs que le fait de donner une autorisation uniquement à certains copropriétaires d'occuper ces parkings constitue un abus de majorité ; que le règlement de copropriété établi le 27 octobre 1961 dispose en son article 8 que sont déterminés dans la cour des emplacements de parkings qui seront parties communes à tous les copropriétaires ; que ces emplacements seront loués par les soins du syndic aux copropriétaires qui en feront la demande moyennant un loyer et à des conditions qui seront fixées lors de chaque assemblée annuelle ; que les produits de ces locations seront compris dans les recettes de la copropriété et viendront en déduction des charges communes ; que la disposition finale de cet article précise que les conditions particulières précédentes ne pourront être modifiées qu'à l'unanimité ; que de fait, il n'est pas contesté que chaque année ces emplacements de parkings font l'objet de locations à qui en fait la demande au sein du syndicat, avec en cas d'excès de demandes, un système d'attribution tournant ; que ce système respecte une égalité entre les copropriétaires ; que Mme X... ne rapporte donc pas la preuve d'un abus de majorité résultant du fait qu'il est procédé à ces locations de cette manière ; que Mme X... allègue par ailleurs une violation du règlement de copropriété au motif que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leur lot, alors qu'en l'espèce, ils ne participent pas aux charges afférentes à l'entretien de cette cour ; que cette disposition n'est pas applicable à des éléments dont les copropriétaires ne sont pas propriétaires, mais simples locataires ; qu'il convient en conséquence de débouter Mme X... de l'intégralité de ses demandes de nullité » ;
1°/ ALORS QUE doivent être prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant la modification du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait expressément valoir, dans ses conclusions d'appel, que si l'article 8 du règlement de copropriété du 27 octobre 1961, modifié le 18 septembre 1975, posait le principe de la détermination d'emplacements de parking situés dans la cour de l'immeuble, ni la création, ni le nombre, ni la dimension de ces emplacements de parking n'avaient été ultérieurement décidés par l'assemblée générale des copropriétaires statuant à la majorité de l'article 26 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « le règlement de copropriété du 27 octobre 1961 a prévu, en page 49, « dans la cour seront déterminés des emplacements de parkings qui seront partie commune à tous les copropriétaires. Ces emplacements seront loués par les soins du syndic aux copropriétaires qui en feront la demande moyennant un loyer et à des conditions qui seront fixées lors de chaque assemblée annuelle. La location sera toujours consentie pour une année. Les produits de ces locations seront compris dans les recettes de la copropriété et viendront en déduction des charges communes » ; qu'en déboutant Mme X... de ses demandes, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si la création, le nombre et la dimension des emplacements de parking situés dans la cour de l'immeuble avaient été décidés par l'assemblée générale statuant à la majorité de l'article 26, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°/ ALORS QUE chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; qu'il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en conséquence, rompt l'égalité entre les copropriétaires dans la jouissance des parties communes une décision d'assemblée générale qui attribue à certains d'entre eux les emplacements de stationnement dans la cour commune à des conditions qui seront fixées lors de chaque assemblée annuelle, sans contrepartie pour les copropriétaires lésés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu, par motifs adoptés, qu'il n'était pas contesté que chaque année les huit emplacements de parking situés dans la cour commune faisaient l'objet de locations à qui en faisait la demande au sein du syndicat des copropriétaires, avec en cas d'excès de demandes, un système d'attribution tournant ; qu'en déboutant néanmoins Mme X... de sa demande d'annulation pour rupture d'égalité, aux motifs que celle-ci ne pouvait s'apprécier qu'en comparant des situations équivalentes, ce qui n'était pas le cas entre les copropriétaires ayant acquis des lots de parkings et les copropriétaires bénéficiant, par des renouvellements annuels décidés en assemblée générale et susceptibles de ne pas être reconduits, de la possibilité de louer à prix modique des emplacements dans la cour commune, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles
1382 du code civil et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
3°/ ALORS QUE chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; qu'il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en conséquence, rompt l'égalité entre les copropriétaires dans la jouissance des parties communes une décision d'assemblée générale qui attribue d'office à certains d'entre eux les emplacements de stationnement dans la cour commune lors de chaque assemblée annuelle, sans contrepartie pour les copropriétaires lésés ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait expressément valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'attribution d'office à Mme Y...de l'emplacement de stationnement n° 1 situé dans la cour commune « en raison de son emplacement contigu à la cuisine de son logement », sans contrepartie pour les autres copropriétaires, rompait l'égalité entre ceux-ci dans la jouissance des parties communes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si une telle attribution d'office n'entraînait pas une rupture d'égalité entre les copropriétaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1382 du code civil et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
4°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; qu'il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en conséquence, rompt l'égalité entre les copropriétaires dans la jouissance des parties communes une décision d'assemblée générale qui attribue à certains d'entre eux les emplacements de stationnement dans la cour commune à des conditions qui seront fixées lors de chaque assemblée annuelle, sans contrepartie pour les copropriétaires lésés ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait expressément valoir, dans ses conclusions d'appel, que le montant du loyer annuel de 360 € acquitté par les occupants des places de parking, soit 28 € mensuels, ne correspondait pas au prix du marché, et rompait en conséquence le principe d'égalité entre copropriétaires en ce qu'il en favorisait certains au détriment des autres, sans réelle contrepartie ; qu'en déboutant néanmoins Mme X... de sa demande d'annulation pour rupture d'égalité, aux motifs que « peu import (ait) que ce prix ne corresponde pas à celui du marché dès lors que rien ne prouve que les charges d'entretien de ces emplacements seraient d'un montant supérieur au prix de location », de sorte que ne constituait pas une rupture d'égalité entre copropriétaires « la possibilité de louer à prix modique des emplacements dans la cour commune », la cour d'appel a violé les articles
1382 du code civil et 9 de la loi du 10 juillet 1965.