Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
Par cinq requêtes distinctes, la société Expatrium International Limited a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos entre 2006 et 2012, de la taxe d'apprentissage, de la contribution au développement de l'apprentissage, et de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquelles elle a été assujettie au titre de ces mêmes années, des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012, ainsi que des rappels de TVA qui lui ont été réclamés pour la période courant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1611089, 1611092, 1611096, 1611098, 1611100 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a déchargée des pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont ont été assorties les impositions litigieuses et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2019 et le 20 décembre 2019, la société Expatrium International Limited, représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant à sa charge.
Elle soutient que :
- la procédure dont elle a fait l'objet est irrégulière en raison de l'erreur de fait entachant le procès-verbal de flagrance fiscale du 19 juin 2013 ;
- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales et le principe de confiance légitime énoncé par l'instruction administrative BOI-SJ-RES-10-20-10-20120912 ;
- c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle disposait d'un centre de direction effective constituant un établissement stable en France ;
- les rappels de TVA ne sont pas justifiés dès lors que le lieu du siège social est le lieu de rattachement prioritaire des prestations de services.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Expatrium International Limited ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée le 22 mai 1968 ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée le 19 juin 2008 ;
- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,
- et les observations de M. C..., gérant de la société Expatrium International Limited.
Des notes en délibéré présentées par Me D... pour la société Expatrium International Limited ont été enregistrées le 21 janvier 2021.
Considérant ce qui suit
:
1. Les requêtes susvisées n° 19VE01794, 19VE01795, 19VE01796, 19VE01797 et 19VE01798, introduites par la société Expatrium International Limited, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. La société Expatrium International Limited, société de droit britannique constituée le 11 novembre 2004, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012, consécutive à l'exercice d'un droit de visite et de saisie au domicile de M. E... C..., son directeur général et unique associé, ayant donné lieu à un procès-verbal de flagrance fiscale. A l'issue de cette vérification, l'administration a estimé que de 2006 à 2012, la société Expatrium International Limited avait exercé en France une activité occulte de mise à disposition de personnel par l'intermédiaire d'un établissement stable et a mis à sa charge des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre 2006 et 2012, la taxe d'apprentissage, la contribution au développement de l'apprentissage, la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre de ces mêmes années, des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 à 2012, ainsi que des rappels de TVA pour la période courant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012 en assortissant ces impositions des pénalités correspondantes, pour un montant global de 2 690 285 euros. Par un jugement n° 1611089, 1611092, 1611096, 1611098 et 1611100 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a accordé la décharge des pénalités mises à sa charge et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Expatrium International Limited fait appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) I - Lorsque, dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 16 B, L. 16 D et L. 80 F (...) les agents de l'administration des impôts ayant au moins le grade de contrôleur constatent pour un contribuable se livrant à une activité professionnelle et au titre de la période en cours pour laquelle l'une des obligations déclaratives prévues aux articles
170,
172,
223 et
287 du code général des impôts n'est pas échue, l'un au moins des faits suivants : / 1° L'exercice d'une activité que le contribuable n'a pas fait connaître à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, sauf s'il a satisfait, au titre d'une période antérieure, à l'une de ses obligations fiscales déclaratives (...) ils peuvent, en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale de la nature de celle mentionnée au premier alinéa, dresser à l'encontre de ce contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale (...) ". La société Expatrium International Limited soutient que la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que, contrairement à ce qu'indique le procès-verbal de flagrance fiscale daté du 19 juin 2013, elle exerce une activité de portage salarial et non une activité de consultant en mobilité internationale, cette dernière activité étant exercée par son dirigeant seul, M. C..., à titre personnel.
4. La plaquette commerciale de la société Expatrium International Limited annexée à la proposition de rectification indique qu'elle exerce l'activité de " conseil et formation en mobilité internationale " et que son savoir-faire couvre les domaines relatifs à la mobilité internationale, au contrat de travail des expatriés, à la rémunération internationale, à la fiscalité, à la protection sociale des expatriés, à la politique de ressources humaines et à la gestion de retour. La société requérante a par ailleurs signé un contrat avec la société Electricity Development Corporation sur le projet hydroélectrique de Lom Pangar lui confiant la planification intégrée de ce projet. Au vu de ces documents, l'administration fiscale a pu à bon droit conclure que l'activité de la société requérante ne se limitait pas au portage salarial mais s'étendait à celle de consultant en mobilité internationale. Par suite, la société Expatrium International Limited n'est pas fondée à soutenir que le procès-verbal de flagrance fiscale daté du 19 juin 2013 est irrégulier.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
5. En premier lieu, aux termes de l'article
209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 6 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même convention : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) un siège de direction ; / b) une succursale ; / c) un bureau (...) 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 5, est considérée comme établissement stable dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. / 5. On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat contractant a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité ". Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (...) ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) un siège de direction ; / b) une succursale ; / c) un bureau (...) 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe. / 6. Une entreprise n'est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité (...) ". Il résulte de ces stipulations que, pour être regardée comme ayant un établissement stable en France, une société résidente au Royaume-Uni doit soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres.
6. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments obtenus des services fiscaux britanniques lesquels ont été saisis d'une demande d'échange de renseignements, que le siège social de la société Expatrium International Limited se situe dans les locaux londoniens de la société Frenger International Limited. Cette dernière est spécialisée dans la domiciliation d'entreprises et assure, pour le compte de la société requérante, un service de " filiale virtuelle " consistant en la réception et le renvoi du courrier, l'encaissement des chèques, la gestion d'une ligne téléphonique dédiée, la représentation de la société Expatrium International Limited devant les autorités fiscales britanniques, ainsi que des prestations de gestion de ses salariés et de comptabilité. Si la société requérante soutient que de telles prestations constituent l'essentiel de son activité de portage salarial, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la société Expatrium International Limited exerce en vérité une activité de consultant en mobilité internationale qui dépasse la simple activité de portage salarial. La société Expatrium International Limited ne peut utilement se prévaloir de ce que les documents papiers retrouvés à son siège social seraient beaucoup plus importants en volume que ceux retrouvés au domicile de son gérant, dès lors que le constat du 18 octobre 2013 sur lequel elle se fonde est postérieur aux années en litige et qu'en tout état de cause, l'ordinateur de M. C... comportait un nombre important de documents concernant la gestion de la société requérante.
7. En outre, la société Frenger International Limited ne peut être reconnue comme constituant le centre de direction effective de la société Expatrium International Ltd dès lors qu'elle n'a pas le pouvoir de représenter commercialement cette dernière et constitue un agent jouissant d'un statut indépendant au sens de l'article 4.4 de la convention fiscale
franco-britannique du 22 mai 1968 et de l'article 6.5 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008.
8. Par ailleurs tous les contrats de la société requérante, tant avec les clients qu'avec les personnels recrutés, sont signés par M. C... qui dispose de la carte bancaire de la société. La société Expatrium International Limited mentionne dans la majorité de ses courriers et courriels, y compris commerciaux, un numéro de téléphone fixe français qui correspond au numéro personnel de M. C.... Si la société requérante soutient que les documents saisis au domicile de ce dernier étaient beaucoup moins nombreux que ceux présents au sein de la société Frenger International Limited, il résulte de l'instruction que l'ordinateur portable de M. C... contenait l'ensemble des éléments lui permettant d'assurer la gérance de la société depuis la France. En outre, compte tenu de son activité, qui nécessite peu de moyens matériels, la société " Expatrium International Limited " n'est pas fondée à se prévaloir de l'exigüité des appartements occupés par son gérant au cours de la période vérifiée.
9. Enfin il ressort de la proposition de rectification du 30 avril 2015, dont le contenu n'est pas contesté par M. C... sur ce point, que, au cours de la période vérifiée, le temps de présence de M. C... à Londres est faible, de l'ordre de 13 % en moyenne et que 84,35 % des frais remboursés par la société Expatrium International Limited à son gérant ont été engagés en France. Par ailleurs, il n'est pas contesté que les clients de la société requérante sont, à titre principal, localisés en France, à hauteur de 68 % du chiffre d'affaires de la société sur la période vérifiée, que la majeure partie des personnels que la société recrute en vue de les mettre à disposition de ses clients résident en France, à hauteur de 79 % par an sur la période vérifiée, et que ces personnels bénéficient d'assurances mobilité majoritairement souscrites auprès de compagnies d'assurance françaises et d'une prise en charge auprès des caisses de sécurité sociale, de retraite et chômage françaises.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, alors même qu'elle avait son siège social au Royaume-Uni, la société Expatrium International Limited disposait, durant les années litigieuses, d'une installation fixe d'affaires en France par laquelle elle exerçait son activité, au sens des stipulations précitées des articles 4 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 et 5 de la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008, au domicile de son dirigeant. Il suit de là qu'en application des stipulations précitées des articles 6 et 7 desdites conventions, les bénéfices tirés des activités exercées dans cet établissement stable situé en France étaient imposables en France. Par suite, c'est donc à bon droit que l'administration a assujetti la société requérante à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre 2006 et 2012.
11. En deuxième lieu, la situation fiscale de la société requérante n'étant pas identique à celle de son gérant, l'administration fiscale n'a pas méconnu le principe de confiance légitime en mettant à la charge de la société Expatrium International Limited les impositions litigieuses alors que le contrôle fiscal de M. C... n'avait pas donné lieu à rectification.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". L'article L. 80 B du même livre dispose que : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (...). ".
13. Les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables aux faits de l'espèce en l'absence de rehaussement d'une imposition primitive. La société Expatrium International Limited n'est par ailleurs pas fondée à se prévaloir d'une position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales qui doit résulter, ainsi que l'expose l'instruction administrative BOI-SJ-RES-10-20-10-20120912 dont la société requérante se prévaut, d'une réponse écrite signée par un fonctionnaire qualifié pour engager l'administration fiscale et ne peut donc découler d'une absence de rectification lors d'un précédent contrôle fiscal.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
14. Aux termes de l'article
256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article
256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) ". Aux termes de l'article
259 du même code, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; / 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire (...) b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis (...) ".
15. Pour l'application des dispositions applicables jusqu'au 31 décembre 2009, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que de l'article 44 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dans sa version en vigueur au cours de la période d'imposition en litige, qui en reprenait le contenu, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997
(C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel les prestations de services sont fournies ne présentant d'intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle d'un point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.
16. Ainsi, jusqu'au 31 décembre 2009, le rattachement de prestations de services soit à un établissement satisfaisant aux critères énoncés au point précédent dont le prestataire dispose en France, soit au siège de son activité économique situé sur le territoire d'un autre Etat membre, détermine si la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces prestations est due en France ou dans l'autre Etat membre.
17. Il résulte des dispositions applicables à compter du 1er janvier 2010, issues de la transposition en droit interne des articles 44, 192 bis, 193, 194 et 196 de la directive du 28 novembre 2006 dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2010, éclairées notamment par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne GST Sarviz AG Germania du 23 avril 2015 (C-111/14, points 20 à 25), ainsi que de l'article 53 du règlement n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesures d'exécution de la même directive, que lorsque le lieu des prestations de services se trouve en France parce qu'elles sont fournies à des assujettis remplissant les conditions définies à l'article
259 du code général des impôts, le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente est le prestataire qui les fournit s'il est lui-même établi en France. Doit être regardé comme tel le prestataire qui a en France un établissement stable depuis lequel les prestations sont fournies et qui satisfait aux critères énoncés au point 8, lesquels demeurent pertinents sous l'empire des nouvelles dispositions, ainsi qu'il ressort notamment de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Welmory du 16 octobre 2014 (C-605/12, points 53 à 58). Dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire.
18. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 6 à 10 que la société Expatrium International Limited a un établissement stable en France, qui constitue également son centre de direction effective.
19. La société requérante soutient que ses clients pratiquant l'auto-liquidation, le rattachement à l'établissement stable conduirait à un double paiement de la TVA et ne conduirait pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal. Ce moyen est inopérant pour ce qui est des rappels de TVA au titre des années 2010 à 2012.
20. Pour ce qui est des rappels de TVA au titre des années 2006 à 2009, la société Expatrium International Limited n'établit pas que l'ensemble des sociétés clientes auraient procédé à cette auto-liquidation. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 6 à 8 que la société Expatrium International Limited, qui a une activité de prestation de services, disposait entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2012 d'un établissement en France présentant un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées. Il est constant que la majorité de ses clients, durant les années 2010 à 2012, était également située en France. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé, en application des dispositions précitées des articles 256, 256 A et
259 du code général des impôts, que le lieu de la prestation de services, objet des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, était situé en France au cours de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2009.
21. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à contester les rappels de TVA mis à sa charge.
En ce qui concerne la taxe d'apprentissage et la contribution au développement de l'apprentissage :
22. Aux termes de l'article
224 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit (...) est versé au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (...) 2. Cette taxe est due (...) 2° Par les sociétés (...) passibles de l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article 1599 quinquies A du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Il est institué une contribution au développement de l'apprentissage dont le produit est reversé aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue mentionnés à l'article
L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales. / Cette contribution est due par les personnes ou entreprises redevables de la taxe d'apprentissage en application de l'article 224 (...) ".
23. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 6 à 10 que la société Expatrium International Limited disposait d'un établissement stable en France entre 2006 et 2012 et qu'elle était passible de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos durant ces années. Par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a assujettie, en application des dispositions précitées des articles 224 et 1599 quinquies A du code général des impôts, à la taxe d'apprentissage et à la contribution au développement de l'apprentissage au titre des années 2006 à 2012.
En ce qui concerne la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue :
24. Aux termes de l'article 235 ter C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2005 au 1er mai 2008 : " Cet article reproduit les dispositions de l'article
L. 950-1 du code du travail : " Tout employeur (...) doit concourir au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions mentionnées à l'article L. 900-2 et à l'article L. 900-3 " ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable du 1er mai 2008 au 31 décembre 2012 : " Conformément aux dispositions de l'article
L. 6331-1 du code du travail, tout employeur (...) concourt au développement de la formation professionnelle continue dans les conditions définies par ce même article ".
25. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 6 à 10 que la société Expatrium International Limited disposait d'un établissement stable en France entre 2006 et 2012. Par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a assujettie, en application des dispositions précitées de l'article 235 ter C du code général des impôts, à la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre des années en litige.
En ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :
26. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (...) ".
27. Il résulte de ce qui est énoncé aux points 6 à 10 que la société Expatrium International Limited disposait d'un établissement stable en France entre 2010 et 2012. Il résulte de l'instruction que, pour chaque année d'imposition en litige, la société requérante avait un chiffre d'affaires supérieur au seuil de 152 500 euros. Par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a assujettie, en application des dispositions précitées de l'article 1586 ter du code général des impôts, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années en litige.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la société Expatrium International Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus des conclusions de sa demande après l'avoir déchargée des pénalités pour manoeuvres frauduleuses.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la société Expatrium International Limited sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Expatrium International Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. A..., premier vice-président,
M. Tronel, président assesseur,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2021.
Le président de la formation de jugement,
B. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 19VE01794, 19VE01795, 19VE01796, 19VE01797 et 19VE01798