AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Roger,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 19 septembre 2002, qui, pour infractions à la réglementation sur les transports routiers, l'a condamné à 2 amendes de 155 euros chacune et à une amende de 120 euros ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen
de cassation, pris de la violation des articles 485, 486, 510,
512,
513,
591,
592 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué constate d'une part que lors des débats, la Cour était composée de M. Albert, Président, et de MM. Delpech et You, conseillers, d'autre part, que le président et les conseillers susdésignés ont délibéré conformément à la loi, de troisième part que lors des débats et du prononcé de l'arrêt, la Cour était composée de M. Albert, Président, M. Hovaere, conseiller, et Mme Martin-Pigalle, conseiller (arrêt page 1) ;
"alors que seuls les magistrats ayant assisté à l'intégralité des débats de l'affaire peuvent en délibérer ;
"qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué constate d'une part que les trois magistrats ayant délibéré, à savoir M. Albert, Président, et MM. Delpech et You, conseillers, étaient présents lors des débats, d'autre part que la Cour était par ailleurs composée, lors de cette même audience des débats, de M. Albert, Président, M. Hovaere, conseiller, et Mme Martin-Pigalle, conseiller ;
"qu'en l'état de ces mentions contradictoires, qui ne permettent pas à la Cour de Cassation de vérifier que les magistrats ayant délibéré ont assisté à l'intégralité des débats, la décision entreprise ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré et que l'arrêt a été lu par l'un d'eux, en application de l'article
485 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen
de cassation, pris de la violation des articles 1, 1 , 3bis de l'ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958, 3, alinéa 2, du décret 86-1130 du 17 octobre 1986, 4.6, 7, 2-1 du règlement CEE 85-3820 du 20 décembre 1985,
427,
485,
512,
591 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Roger X... coupable d'avoir le 15 et le 16 janvier 2001, effectué ou fait effectuer un transport routier à l'intérieur de la communauté économique européenne sans respecter les dispositions réglementaires prescrivant des interruptions et des temps de repos après une période de conduite continue, en dépassant cette durée de 20 %, et d'avoir le 12 janvier 2001, effectué ou fait effectuer un transport routier à l'intérieur de la communauté économique européenne sans respecter les dispositions réglementaires prescrivant des interruptions et des temps de repos après une période de conduite continue, en dépassant cette durée de moins de 20 % ;
"aux motifs propres que la matérialité des faits en elle-même n'est pas contestée ; que Roger X... a admis avoir fait effectuer des transports d'ordures ménagères les 12, 15 et 16 janvier, et qu'il n'a pas contesté les résultats du relevé du chronotachygraphe démontrant les dépassements reprochés de la durée de conduite ; que Roger X... explique que l'activité de NCI Alibis ne relèverait pas de la réglementation CEE des transports routiers mais des dérogations prévues par le règlement CEE du 20 décembre 1985 en son article 4, visant les véhicules affectés à l'enlèvement des immondices ; mais attendu que cette dérogation vise les véhicules affectés au ramassage des déchets, ainsi qu'à leur acheminement à proximité, dans le cadre d'un service général d'intérêt public ; qu'il est établi par la société NCI Abilis qu'elle a procédé à toutes les formalités nécessaires et aux inscriptions obligatoires liées au transport des déchets dangereux ou non dangereux ; mais attendu que les trois transports visés à la prévention ne saurait être considérés comme du ramassage d'ordures, ce que Roger X... ne prétend d'ailleurs pas ; qu'il ne s'agit pas non plus d'un transport de proximité, puisque ces transports ont été effectués à partir de Saint-Pierre d'Oléron, les 12 et 16 janvier à destination de Clérac (17), et le 15 janvier à destination de Le Vigeant (86) ; que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que le camion en cause n'est nullement un camion-benne réservé au ramassage et au transport de proximité, et que la société NCI Abilis effectuait bel
et bien ces jours-là des transports routiers de marchandises ; qu'au surplus, on ne voit pas comment, sauf à tourner en cercles indéfiniment, un chauffeur pourrait être considéré comme effectuant un transport de "proximité", en conduisant plus de 4 heures 30 sans interruption ;
que dès lors la culpabilité de Roger X... est établie au regard de l 'ordonnance du 23 décembre 1958, du décret du 17 octobre 1986, du décret du 23 juillet 1992 et du règlement CEE du 20 décembre 1985, la DRE et le tribunal ayant par erreur visé le décret du 31 mai 1997 ;
qu'en ce qui concerne la sanction, le tribunal a fait une juste appréciation de la gravité des faits et de Ia personnalité du prévenu au vu de ses précédentes condamnations dans des dossiers très proches, en prononçant trois amendes de 155, 155 et 120 euros (arrêt, pages 4 et 5) ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges, qu'il est exact que l'activité de la société NCI Abilis bénéficie d'un régime dérogatoire ; mais cette dérogation ne s'applique plus lorsque l'entreprise se livre à un transport de déchets, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui ; il résulte en effet d'un arrêt du 21 mars 1996 de la Cour de Justice des Communautés européennes que la dérogation prévue par l'article 4, point 6 du règlement CEE n° 3820/85 du 20 décembre 1985 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par la route ne s'applique qu'aux véhicules affectés au ramassage de déchets de toutes sortes ne faisant pas l'objet d'une réglementation plus spécifique, ainsi que leur acheminement à proximité, dans le cadre d'un service général d'intérêt public assuré directement par les autorités publiques ou sous leur contrôle par des entreprises privées ; or, il doit être constaté que, lors du contrôle, le véhicule de l'entreprise se situait à plusieurs kilomètres du siège de l'agence, et qu'il effectuait un transport de deux bennes de 30 m3 de déchets pour Ia SA Nicollin, située à St-Pierre d'Oléron ; un tel transport ne se rattache ni à une activité de ramassage de déchets au sens de l'arrêt du 21 mars 1996, ni à une activité de service public, mais relève d'un contrat d'enlèvement relevant du droit privé ; Il est exact que les dépassements constatés ne se rapporte pas au contrat de transport au cours duquel le véhicule a été contrôlé, mais il résulte de la procédure que le véhicule et sa remorque, qui ne correspondent manifestement pas aux camions bennes utilisés pour l'enlèvement des déchets sur la voie publique, sont utilisés pour des missions de transport relevant du droit commun, et Roger X... n'indique pas au cours de quelle activité de service public, exécutée sous le contrôle des autorités publiques, le véhicule et son chauffeur auraient été affectés les 12, 15 et 16 janvier 2001 (jugement page 3) ;
"alors que relèvent de l'exemption prévue par l'article 4.6 du règlement CEE n° 3820/85 et, partant, ne sont pas soumis à la réglementation concernant les durées maximales de conduite sans interruption, les véhicules qui sont affectés aux opérations de collecte de déchets impliquant des déplacements sur une distance limitée et de fréquents arrêts ;
"que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Roger X... du chef de dépassement de la durée de conduite continue, la cour d'appel s'est bornée à énoncer, par motifs propres, que les trois transports visés à la prévention, effectués les 12, 15 et 16 janvier 2001, ne sauraient être considérés comme du ramassage d'ordures, et par motifs adoptés des premiers juges, que le véhicule contrôlé et sa remorque ne correspondent manifestement pas aux camions bennes utilisés pour l'enlèvement des déchets sur Ia voie publique ;
"qu'en statuant ainsi, sans rechercher concrètement la nature de l'activité exercée par l'ensemble routier litigieux au cours de Ia période visée à la prévention, soit les 12, 15 et 16 janvier 2001, et alors qu'elle admet que les dépassements constatés ne se rapportent pas au contrat de transport au cours duquel le véhicule a été contrôlé, le 17 janvier 2001, la cour d'appel qui se détermine par des motifs inopérants et, en outre, méconnaît le principe de la présomption d'innocence, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments les contraventions dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;