Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 octobre 2017, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 septembre 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour une durée de trois mois et a subordonné la reprise de son activité aux résultats d'une nouvelle expertise ;
2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de M. B...A...et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du conseil national de l'ordre des médecins ;
Considérant ce qui suit
:
1. Aux termes de l'article
R. 4124-3 du code de la santé publique, applicable aux situations d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme : " I. - Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'agence régionale de santé soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. (...) / II. - La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. (...) / VI. - Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre ". Il résulte de ces dispositions que, s'agissant des médecins, si le conseil régional de l'ordre des médecins n'a pas statué au terme d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle il a été saisi du cas d'un praticien, la décision à prendre relève du Conseil national de l'ordre des médecins.
2. Il ressort des pièces du dossier que le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ordre des médecins a été successivement saisi, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 4113-14 du code de la santé publique citées ci-dessus, du cas de M. A..., médecin-anesthésiste-réanimateur, par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins le 15 mai 2017, puis par le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur le 17 mai suivant. Par une décision prise, en application des dispositions du VI de ce même article, sur renvoi du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Conseil national de l'ordre des médecins a, par la décision attaquée du 5 septembre 2017, suspendu M. A...du droit d'exercer la médecine pendant une durée trois mois et subordonné la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise.
3. En premier lieu, il est constant, d'une part, que le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de l'ordre des médecins n'a pas statué sur le cas de M. A...avant le 16 juillet 2017, soit dans les deux mois suivant sa saisine, le 15 mai 2017, par le conseil départemental des Bouches-du-Rhône et que, d'autre part, la décision litigieuse du Conseil national de l'ordre des médecins est intervenue, le 5 septembre 2017, alors que ce délai était expiré. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 1 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision qu'il attaque est entachée d'incompétence. Est à cet égard sans incidence la circonstance, à la supposer établie, que le dossier de l'affaire aurait été transmis au Conseil national par le conseil régional de l'ordre avant l'expiration du délai de deux mois.
4. En deuxième lieu, la circonstance que la décision a été prise et notifiée le jour même de la réunion de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins est sans incidence sur sa légalité.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne comporterait ni la signature du président de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins ni ses nom, prénom et qualité manque en fait.
6. En quatrième lieu, le rapport d'expertise prévu par les dispositions citées ci-dessus de l'article
R. 4124-3 du code de la santé publique a pour seul objet d'éclairer l'instance ordinale et ne la lie pas pour l'appréciation, qui lui incombe, de l'existence éventuelle d'un état pathologique rendant dangereux l'exercice de la médecine. Par suite, la circonstance que le rapport d'expertise ait conclu que l'état de M. A..." ne contre-indiquait pas ", à la date du 31 juillet 2017, une reprise de son activité, ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que le Conseil national de l'ordre des médecins prononce, par la décision attaquée, une suspension du droit d'exercer la médecine.
7. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'en estimant, au vu de l'ensemble des éléments d'information dont il disposait sur le comportement de M.A..., notamment les éléments relatifs à son état de dépendance alcoolique, dont le rapport d'expertise soulignait d'ailleurs qu'il en sous-estimait les conséquences, que l'état de santé de l'intéressé rendait dangereux l'exercice de la médecine et justifiait une mesure de suspension d'une durée de trois mois, le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle et a fait une exacte application des dispositions de l'article
R. 4124-3 du code de la santé publique.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article
L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au Conseil national de l'ordre des médecins.
Copie en sera adressée au directeur de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur et au conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins.