Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mai 2000, 99-87.225

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2000-05-11
Chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon
1999-03-19

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ; Statuant sur les pourvois formés par : - 1 ) B... Etienne, - Z... Paul, - Y... Michel, parties civiles, contre l'ordonnance du président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de LYON, en date du 13 mars 1998, qui, dans la procédure suivie contre Jean-Pierre A..., notamment pour faux et usage, a dit n'y avoir lieu à saisir la chambre d'accusation de leur appel d'une ordonnance de refus d'actes rendue par le juge d'instruction ; - 2 ) B... Etienne, partie civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de LYON, en date du 19 mars 1999, qui, dans la même procédure, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; I - Sur les pourvois contre l'ordonnance du 13 mars 1998 : Attendu qu'aucun moyen n'est produit ; II - Sur le pourvoi contre l'arrêt du 19 mars 1999 : Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen

unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 150 et 151 anciens du Code pénal, 441-1 nouveau du Code pénal, 2, 3, 85, 86, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale; "en ce que la chambre d'accusation a dit n'y avoir lieu à suivre sur une plainte contre personne non dénommée des chefs de faux et d'usage de faux, déposée notamment par Etienne B... ; "aux motifs que Jean-Pierre A... était mis en examen du chef de faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque ; que le 26 août 1988, le Crédit Lyonnais avait consenti à la société Motel du Château de l'Ile un prêt de 3 000 000 F garanti par un nantissement sur le fonds de commerce et le cautionnement de certains associés qui, par actes sous seing privé intervenus en juillet, août et septembre 1988, avaient chacun souscrit un cautionnement solidaire pour un montant de 300 000 F, plus intérêts ; qu'un avenant du 2 février 1989 avait prévu la décomposition des utilisations du prêt, tant en ce qui concernait son déblocage qu'en ce qui concernait les modalités de nantissement du fonds de commerce donné en garantie ; que ce contrat de prêt, daté du 12 juillet 1989, avait été enregistré le même jour, alors que l'avenant du 2 février 1989 faisait état du prêt consenti le 26 août 1988 ; que le nantissement avait été inscrit le 19 juillet 1989 ; que le 4 avril 1990, la société Motel du Château de l'Ile avait été placée en redressement judiciaire, et un plan de cession avait été établi ; que la banque avait régulièrement déclaré sa créance à hauteur de 4 024 836 F, mais le commissaire à l'exécution du plan avait fait savoir le 25 octobre 1990 que le prix de cession ne couvrirait qu'une partie des créances superprivilégiées et de celles nées pendant la période d'observation ; qu'assignés par la banque, les associés avaient fait valoir que leur cautionnement avait été souscrit en juillet, août et septembre 1988 sans préciser les conditions du prêt consenti le 12 juillet 1989 ; que la banque avait soutenu que le prêt avait été consenti le 26 août 1988, comme précisé par l'avenant du 3 février 1989, mais que la date du 12 juillet 1989 avait pour objet de permettre l'inscription du nantissement, impossible auparavant en raison de l'absence d'immatriculation régulière de la société Motel du Château de l'lle au registre du commerce, et du déblocage effectif de sommes stipulées versables par deux fractions ; que les associés avaient déposé plainte avec constitution de partie civile pour faux en écriture et usage, estimant que la banque n'avait pas inscrit en temps utile le nantissement sur fonds de commerce et que la créance de la banque, postérieure à celle de l'URSSAF, était privée de tout effet utile ; qu'ils soutenaient que la banque avait postdaté le contrat principal de prêt du 26 août 1988 dans le but d'échapper à la déchéance encourue en vertu des dispositions de l'article 2037 du Code civil ; qu'ils soutenaient qu'en effet, la banque, déchue de son recours, n'aurait pu actionner les cautions; qu'ils se plaignaient donc de la perte de la possibilité d'invoquer une perte ; que, mis en examen le 25 septembre 1994, Jean-Pierre A... avait reconnu avoir signé l'avenant du 2 février 1989 faisant référence à la date du 26 août 1988 pour le prêt principal, tout en niant avoir été l'auteur de l'apposition de la date inexacte du 12 juillet 1989 ; qu'il avait soutenu qu'aucun préjudice n'était résulté de cet état de fait pour les plaignants ; qu'il était certain que le contrat de prêt du 26 août 1988 n'était pas daté ; qu'il était constant que le fonds de commerce avait été revendu au prix de 500 000 F, prix insuffisant pour couvrir le montant des dettes qui lui étaient attachées ; que Jean-Pierre A... avait expliqué que l'ensemble des signatures était requis préalablement au déblocage des fonds, lequel était intervenu le 26 août 1988 ; que pour leur part, les parties civiles insistaient sur le fait que la banque avait adopté pour point de démarrage du prêt une date compatible avec la prise effective de sa garantie, alors que celle de l'URSSAF, en l'absence d'autre créancier privilégié, remontait au 31 mai 1989 ; que pour eux, c'était dans les 15 jours du 26 août 1988 que leur situation de créanciers privilégiés aurait pu être prise en compte ; que le mis en cause avait rétorqué qu'en l'absence de preuve de l'identité de l'auteur du faux (la date inexacte du 12 juillet 1989), et faute pour les plaignants d'établir la possibilité d'existence de leur préjudice, les infractions n'étaient pas constituées ; qu'il rappelait la situation obérée du fonds de commerce revendu à perte ; qu'il soutenait que la banque créancière n'avait commis aucune négligence par la réalisation tardive et efficace de sa sûreté et que les cautions n'auraient pu tirer aucun profit des droits susceptibles de lui être transmis par subrogation ; qu'il devait être souligné qu'Alain X..., employé du Crédit Lyonnais, entendu le 29 juillet 1996, avait reconnu que le prêt du 26 août 1988 était resté non daté pour des raisons de commodité bancaire et qu'il l'était demeuré jusqu'au 12 juillet 1989 car des documents nécessaires faisaient défaut ; qu'il avait reconnu avoir volontairement accompli cet acte pour faciliter les formalités ; que M. C..., l'une des cautions parties civiles, avait fait valoir que l'inscription du nantissement était possible dès le 8 février 1988, date de l'immatriculation de la société au registre du commerce et que le complexe hôtelier était en activité dès le 3 février 1989 ; qu'il avait sollicité la mise en examen de M. X... (arrêt p. 4 et 5) ; que les faits reprochés à Jean-Pierre A... ne lui étaient pas imputables, puisque l'information avait permis d'établir qu'il n'était pas l'auteur de l'apposition de la date du 12 juillet 1989 alors que le prêt avait été conclu le 26 août 1988 ; qu'aux termes de l'article 441-1 du Code pénal, le délit de faux était constitué par toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui avait pour objet ou qui pouvait avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; que les circonstances de la cause ne démentaient pas la relation des faits qui avait été fournie par les préposés de l'établissement bancaire, puisque si l'immatriculation de la société remontait au 8 février 1988, la date réelle de commencement de l'exploitation principale était ultérieure, comme ne remontant qu'à la date du 4 janvier 1989, aux termes mêmes de l'extrait délivré par le registre du commerce et des sociétés ; que les formalités de nantissement étaient liées à la production des documents relatifs à cette exploitation et que le retard mis à les fournir avait justifié le fait pour le banque de différer leur accomplissement, dès lors que les biens à venir ne pouvaient être l'objet de sûretés réelles ; qu'était établi le fait que le nantissement ne pouvait être pris en août 1988, puisque le fonds de commerce n'était pas encore créé et qu'il ne pouvait être grevé d'un nantissement par anticipation ; que l'obligation des cautions dépendait exclusivement de l'existence du prêt et de l'exigibilité de son remboursement ; qu'était démontré le fait que les créances superprivilégiées et celles de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 absorbaient la totalité de l'actif réalisable ; qu'il était d'ailleurs avéré que l'URSSAF avait déjà inscrit une créance totale de 273 742 F antérieurement au nantissement pris le 19 juillet 1989 ; qu'ainsi, même le caractère éventuel du préjudice allégué ne pouvait être retenu ; qu'en réalité, cette pratique bancaire avait été utilisée pour permettre l'inscription régulière d'un nantissement qui aurait bénéficié aux cautions par voie de subrogation si le produit de la réalisation de l'actif avait été suffisant ; qu'ainsi, et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les cautions n'avaient pas été privées d'un avantage auquel elles pouvaient prétendre ; qu'enfin, et sur l'utilité de la prise de garantie, le préjudice invoqué était la perte du droit prévu à l'article 2037 du Code civil, lequel permettait seulement d'invoquer celui résulté de la faute du créancier pour le cas où elle serait démontrée ; que l'ensemble de ces éléments conduisait à retenir que le délit de faux n'était pas constitué ; qu'il s'ensuivait que celui d'usage de faux n'était pas mieux établi (arrêt p. 7 et 8) ; "alors que, d'une part, la chambre d'accusation ne s'est pas expliquée sur l'articulation fondamentale du mémoire de la partie civile (p. 5), selon laquelle la falsification par le prêteur de la date d'un contrat de prêt cause nécessairement un préjudice, au moins éventuel, à l'emprunteur ou aux cautions ; "alors que, d'autre part, la chambre d'accusation n'a pas répondu à l'articulation fondamentale du mémoire d'Etienne B... (notamment p. 3), selon laquelle la banque avait falsifié la date du prêt pour dissimuler la faute consistant à avoir tardé à inscrire son nantissement sur le fonds de commerce de l'emprunteur et à s'être laissée devancer par d'autres créanciers tels que l'URSSAF, une telle faute étant de nature, si elle n'était pas occultée, à ouvrir aux cautions le jeu de l'article 2037 du Code civil ; que l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre Jean-Pierre A... d'avoir commis les délits reprochés ; Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation, en l'absence de recours du ministère public ; Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;

Par ces motifs

, I - Sur les pourvois contre l'ordonnance du 13 mars 1998 : LES REJETTE ; II - Sur le pourvoi contre l'arrêt du 19 mars 1999 : Le déclare IRRECEVABLE ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ; Avocat général : Mme Fromont ; Greffier de chambre : Mme Ely ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;