Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 17 février 2011, 10-13.494

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2011-02-17
Cour d'appel d'Angers
2009-12-22

Texte intégral

Sur le second moyen

, pris en sa première branche :

Vu

les articles 455 et 458 du code de procédure civile ; Attendu que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que M. X..., salarié de la société BDA, devenue la société Robert Bosch, en qualité de mécanicien puis de chef d'équipe, a adressé, le 12 décembre 2005, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Angers, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire (la caisse), une déclaration de maladie professionnelle visée par le tableau n° 4 et accompagnée d'un certificat médical attestant l'existence d'une leucémie lymphoïde chronique ; que la caisse ayant refusé de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ; Attendu qu'il résulte des productions que, pour établir le caractère professionnel de sa maladie, M. X... a versé aux débats les attestations de MM. Z... et A... ainsi que l'attestation du docteur B..., aux termes desquelles il avait été en contact, à compter de 1990, avec des produits contenant du benzène ; que l'arrêt se borne à énoncer qu'il n'était pas établi, à partir des attestations de MM. C... et D..., qu'à compter du 29 novembre 1990, M. X... avait été exposé à un risque professionnel ;

Qu'en se déterminant ainsi

, sans réfuter la motivation des premiers juges, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ; Condamne la société Robert Bosch et la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Robert Bosch et de la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire ; les condamne in solidum à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Marcel X... de sa demande de prise en charge de sa maladie au titre de la législation des risques professionnels ; AUX MOTIFS QUE "la caisse reconnaît qu'elle n'a pas adressé la lettre de clôture à Monsieur X... ; que ce manquement est sanctionné par l'inopposabilité de la décision qui subsiste malgré l'irrégularité de la procédure d'instruction ; qu'en aucun cas le défaut d'envoi de la lettre de clôture n'entraîne l'automaticité de la prise en charge ; QUE le recours aux délais complémentaires a été justifié par la Caisse primaire d'assurance maladie non pas en raison de son inertie mais pour recueillir l'avis du médecin conseil sur l'analyse de l'activité professionnelle exercée par Monsieur X... au regard de la liste indicative de travaux énoncée au tableau n° 4 ; que ce recours était justifié notamment afin de ne pas être confrontée à une prise en charge automatique ; que la commission de recours amiable n'est pas une juridiction, mais n'est qu'une émanation de la caisse statuant dans le cadre de la notion de droit administratif de recours gracieux ; que dès lors, la procédure devant cette commission est non contradictoire ; QUE Monsieur X... a été salarié de la Société Clenet du 2 avril 1962 au 13 mars 1971 ; de 1958 à 1971 (lire 1961) il a été mécanicien au Garage Mossel, puis du 13 mars 1971 au 30 septembre 2000, il est devenu salarié de la Société Bosch en tant que mécanicien puis en qualité de chef d'équipe à compter du 1er juillet 1972 ; qu'il est atteint d'une leucémie, mentionnée au tableau n° 4, qui prévoit un délai d'exposition d'un an et de prise en charge, c'est-à-dire le délai pendant lequel doit être constatée médicalement la maladie et courant à la fin de l'exposition au risque, de 15 ans ; qu'ainsi, sa maladie ayant été constatée le 29 novembre 2005, l'activité exercée au sein de la Société Clenet, pendant laquelle il a été exposé au benzène, ne peut être recherchée, car sa maladie aurait dû être constatée avant le 13 mars 1987 ; QUE seule son activité exercée à compter du 29 novembre 1990 doit être analysée ; aussi, seules les attestations concernant cette période sont à prendre en considération ; que Monsieur X... est devenu chef d'équipe à compter du 1er mars 1972 ; que la charge de la preuve de l'exposition au risque incombe au salarié ; que Monsieur X... est défaillant en cette preuve ; qu'en effet, l'attestation de Monsieur C... porte sur une période de 7 ans allant jusqu'en 1978 et ne décrit que les fonctions occupées par Monsieur X... lors de son embauche ; que Monsieur D... décrit une activité de maintenance de machines de production contraire à la fonction de chef d'encadrement exercée ; que de plus, la seule activité de maintenance de machine de production a été considérée par l'ingénieur de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie comme étant insuffisante pour développer la leucémie alors qu'il est établi qu'au cours de ses activité précédentes, lors de son emploi auprès de la Société Clenet, il a été exposé de façon importante au benzène ; qu'il en résulte qu'il n'est pas établi qu'à compter du 29 novembre 1990, Monsieur X... ait eu une exposition au risque ; que dès lors, le jugement sera réformé et la décision de la Commission de recours amiable confirmée ; que l'examen de la demande d'inopposabilité formée par la Société Robert Bosch est dès lors sans objet" (arrêt p.4 in fine, p.5) ; ALORS QUE lorsque la Caisse primaire d'assurance maladie n'a pas instruit la demande de prise en charge d'une maladie conformément à ses obligations, il appartient au juge de lui enjoindre de reprendre une instruction régulière ; qu'il en est ainsi lorsque la caisse a méconnu les formalités essentielles prévues par l'article R.411-11 du Code de la sécurité sociale, destinées à assurer le caractère contradictoire de la procédure en permettant notamment à l'assuré de faire valoir, devant elle, avant que ne soit prise sa décision, ses observations sur les éléments techniques, administratifs et médicaux susceptibles de la déterminer ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel que la Caisse primaire d'assurance maladie a pris sa décision de refus de prise en charge sans informer Monsieur X... de la clôture de l'instruction et, partant, l'a privé de la possibilité de faire utilement valoir devant elle ses observations, notamment sur la valeur et la portée de l'avis de l'ingénieur conseil relatif aux conditions et à la durée de son exposition au risque ; qu'il lui incombait donc d'enjoindre à l'organisme de reprendre l'instruction du dossier dans des conditions respectueuses du contradictoire ; qu'en considérant cependant que cette méconnaissance des droits fondamentaux de l'assuré n'avait d'autre effet qu'une "inopposabilité" de la décision de refus et en retenant, pour confirmer cette décision de refus de prise en charge, les éléments du dossier de la caisse ayant servi à l'élaboration de cette décision non contradictoire, la Cour d'appel a violé l'article R.411-11 du Code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Marcel X... de sa demande de prise en charge de sa maladie au titre de la législation des risques professionnels ; AUX MOTIFS QUE "Monsieur X... a été salarié de la Société Clenet du 2 avril 1962 au 13 mars 1971 ; de 1958 à 1971 (lire 1961) il a été mécanicien au Garage Mossel, puis du 13 mars 1971 au 30 septembre 2000, il est devenu salarié de la Société Bosch en tant que mécanicien puis en qualité de chef d'équipe à compter du 1er juillet 1972 ; qu'il est atteint d'une leucémie, mentionnée au tableau n° 4, qui prévoit un délai d'exposition d'un an et de prise en charge, c'est-à-dire le délai pendant lequel doit être constatée médicalement la maladie et courant à la fin de l'exposition au risque, de 15 ans ; qu'ainsi, sa maladie ayant été constatée le 29 novembre 2005, l'activité exercée au sein de la Société Clenet, pendant laquelle il a été exposé au benzène, ne peut être recherchée, car sa maladie aurait dû être constatée avant le 13 mars 1987 ; QUE seule son activité exercée à compter du 29 novembre 1990 doit être analysée ; aussi, seules les attestations concernant cette période sont à prendre en considération ; que Monsieur X... est devenu chef d'équipe à compter du 1er mars 1972 ; que la charge de la preuve de l'exposition au risque incombe au salarié ; que Monsieur X... est défaillant en cette preuve ; qu'en effet, l'attestation de Monsieur C... porte sur une période de 7 ans allant jusqu'en 1978 et ne décrit que les fonctions occupées par Monsieur X... lors de son embauche ; que Monsieur D... décrit une activité de maintenance de machines de production contraire à la fonction de chef d'encadrement exercée ; que de plus, la seule activité de maintenance de machine de production a été considérée par l'ingénieur de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie comme étant insuffisante pour développer la leucémie alors qu'il est établi qu'au cours de ses activité précédentes, lors de son emploi auprès de la Société Clenet, il a été exposé de façon importante au benzène ; qu'il en résulte qu'il n'est pas établi qu'à compter du 29 novembre 1990, Monsieur X... ait eu une exposition au risque ; que dès lors, le jugement sera réformé et la décision de la Commission de recours amiable confirmée ; que l'examen de la demande d'inopposabilité formée par la Société Robert Bosch est dès lors sans objet" (arrêt p.4 in fine, p.5) ; 1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, il résulte des productions que, pour établir son exposition au risque continue y compris après 1972, Monsieur X... avait versé aux débats, outre les attestations de Messieurs C... et D..., celles de Messieurs Z... et A..., collègues présents dans l'entreprise entre 1972 et 2001 pour le premier, 1998 pour le second, excipant de ce que Monsieur X..., qui consacrait plus de 50 % de son temps de travail à des travaux de maintenance, avait été physiquement en contact, pendant cette période, avec des produits de nettoyage contenant de l'essence, du benzène, du trichlore, et l'attestation du Docteur Yves B..., médecin du travail du Service médical interentreprises de l'Anjou (SMIA) du 1er janvier 1990 au 31 mars 2004, lequel avait certifié avoir pris Monsieur X... en charge jusqu'à son départ, précisant : "Il a été amené à travailler dans cette entreprise du fait de son métier dans des secteurs où étaient mis en oeuvre des produits pouvant contenir du benzène ; il a notamment été exposé de manière habituelle à des colles de type résine phénol formaldéhyde et à leurs solvants, aux dérivés du benzène (toluène et xylènes) ainsi qu'aux hydrocarbures dont certains contenant du benzène, ainsi que le produit dénommé "essence auto" dont la fiche de données de sécurité, quoique incomplètement renseignée, précise qu'il est constitué d'un "mélange complexe d'hydrocarbures (4 % environ de benzène) (…)" ; qu'en énonçant, pour débouter le salarié de sa demande de prise en charge, que Monsieur X... défaillait dans le rapport de la preuve de son exposition au risque, après analyse, exclusivement, des attestations de Messieurs C... et D... la Cour d'appel, qui n'a pas examiné les trois éléments de preuve déterminants qui lui étaient proposés, a violé l'article 455 Code de procédure civile ; 2°) ALORS en toute hypothèse, QUE la maladie dont souffre le salarié, telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut, si une ou plusieurs conditions tenant notamment au délai de prise en charge ne sont pas remplies, être reconnue d'origine professionnelle, lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ; qu'il incombe en ce cas à la caisse primaire d'assurance maladie de prendre l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, lequel s'impose à elle ; qu'en l'espèce, il ressort des propres énonciations de la Cour d'appel que Monsieur X... souffrait "d'une leucémie mentionnée au tableau n° 4" (arrêt p.4 pénultième alinéa), et avait été, durant sa carrière, "exposé au benzène", produit associé à cette pathologie par ce tableau, pendant une durée supérieure à la durée d'exposition légale (p.4 alinéa 5) ; qu'il en résultait qu'en l'absence d'une des conditions mentionnées par ce tableau - soit le délai de prise en charge de 15 ans - la caisse ne pouvait accueillir ou rejeter sa demande qu'après avoir recueilli l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale.