AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Francis,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, du 17 juin 1999, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à 25 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles
L. 511,
L. 512,
L. 514,
L. 517 et
L. 519 du Code de la santé publique,
121-3 du Code pénal,
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis X... coupable du délit d'exercice illégal de la pharmacie et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs propres et adoptés que les produits litigieux sont des médicaments par présentation, dès lors qu'ils sont conditionnés en capsules ou dragées, et que la posologie identique aux spécialités pharmaceutiques, ainsi que les indications thérapeutiques figurent sur l'emballage ; que les produits litigieux sont des médicaments par fonction, puisqu'ils peuvent être administrés en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques ; qu'en sa qualité de vendeur (fût-ce intermédiaire) de ces produits, Francis X... tombe sous le coup des dispositions de l'article L. 512-4 du Code de la santé publique réservant la vente de médicaments aux seuls pharmaciens ; que la violation en parfaite connaissance de cause par Francis X... de la législation applicable, alors qu'il a été condamné pour des faits identiques le 13 octobre 1992 caractérise suffisamment l'élément intentionnel de l'infraction ;
"alors, d'une part, que constitue un médicament par présentation tout produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies ; qu'il résulte des énonciations des juges du fond que si les produits Sanhelios sont conseillés en cas de fatigue ou d'effort physique, pour les personnes âgées ou les sportifs, ils ne sont pas conseillés pour le traitement de maladies ; qu'en les qualifiant néanmoins de médicaments par présentation, la cour d'appel a violé l'article
L. 511 du Code de la santé publique ;
"alors, d'autre part, que le simple rappel, sur l'emballage, des qualités et vertus d'un complément alimentaire, et les conseils d'utilisation de ce produit, ne sauraient être assimilés à la présentation d'une posologie et à des indications thérapeutiques, permettant de qualifier le produit de médicament par présentation ;
qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé l'article
L. 511 du Code de la santé publique ;
"alors, de troisième part, que Francis X... faisait valoir dans ses conclusions (page 3) que la présentation galénique n'était plus réservée aux produits pharmaceutiques, et était désormais largement utilisée pour les produits de consommation courante, de sorte que cette présentation ne permettait pas d'assimiler les produits Sanhelios à des médicaments ; qu'en les qualifiant néanmoins de médicaments par présentation du fait de leur conditionnement, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
"alors, de quatrième part, que constitue un médicament par fonction tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ; qu'en retenant la qualification de médicaments par fonction, sans préciser en quoi les produits Sanhelios sont susceptibles d'être "administrés", c'est-à-dire ordonnés dans un but médical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 511 du Code de la santé publique ;
"alors, de cinquième part, que, lorsque la production du médicament est assurée par un laboratoire qui est un établissement pharmaceutique, et que la vente au consommateur est assurée par des officines de pharmacie, la personne qui se borne à importer les produits et à les distribuer aux grossistes répartiteurs, ne tombe pas sous le coup de l'article
L. 512 du Code de la santé publique ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
"alors, enfin, que l'exercice illégal de la pharmacie est un délit intentionnel ; que, dans ses conclusions, Francis X... faisait valoir que, postérieurement à une première condamnation en 1992, il avait embauché un pharmacien et supprimé les fiches contenant des indications thérapeutiques ; qu'en déduisant de cette première condamnation la mauvaise foi du prévenu, sans s'expliquer sur ces conclusions d'où il résulte que le prévenu pensait s'être mis en règle, ce qui est exclusif de mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, et n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sur la plainte du conseil national de l'Ordre des pharmaciens qui dénonçait la vente en gros, sous la marque Sanhelios, de médicaments par une entreprise Sodipha n'ayant pas la qualité d'établissement pharmaceutique, Francis X..., dirigeant celle-ci, est poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie ;
Que le prévenu a opposé, pour sa défense, que, d'une part, les produits vendus s'analysaient en des compléments alimentaires et, que, d'autre part, son activité ne comportait pas l'exercice de la pharmacie, n'ayant qu'un rôle d'intermédiaire ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de l'infraction, les juges énoncent que la société Sodipha, devenue société Delsan, commercialise sur le territoire national, auprès de grossistes-répartiteurs ou de pharmaciens d'officine, les produits qu'elle achète en Allemagne où ils sont fabriqués par un établissement pharmaceutique ;
Qu'ils relèvent que l'emballage de ces produits, conditionnés sous forme de capsules ou dragées, comporte des indications thérapeutiques et la mention d'une posologie, similaire à celle figurant sur les spécialités pharmaceutiques ; qu'ils en déduisent que les produits incriminés constituent des médicaments par présentation et que, pouvant être administrés en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques, ils constituent aussi des médicaments par fonction ;
Que les juges ajoutent que le prévenu a, en connaissance de cause, fait procéder à la vente en gros de médicaments sans que la société qu'il dirige réunisse les conditions exigées pour ce faire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles
L. 512, 4 , et
L. 596 du Code de la santé publique ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;