Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Dettwiller a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 2 mai 2018.
Par un jugement n° 1900272 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 30 octobre 2018 du maire de la commune de Dettwiller et a enjoint à ce dernier de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité de l'affection de M. B... au service et, ainsi, de le rétablir dans ses droits à congé de maladie.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2020, la commune de Dettwilller, représentée par Me Maetz, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 mars 2020 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué ultra-petita en se prononçant sur l'imputabilité au service des troubles dépressifs de M. B..., alors que seule l'imputabilité au service de l'accident du 2 mai 2018 était contestée par M. B... ;
- les évènements du 2 mai 2018 ne sont pas constitutifs d'un accident de travail ;
- les troubles anxio-dépressifs de M. B... ne sont, en tout cas, pas imputables au service.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 novembre 2020 et le 15 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Brignatz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Dettwiller la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors que le maire de la commune n'avait pas qualité pour représenter la commune en justice ;
- le tribunal n'a pas statué ultra-petita ;
- ses troubles anxio-dépressifs sont bien imputables au service ; le tribunal correctionnel de Saverne a d'ailleurs condamné le maire de la commune de Dettwiller du fait du harcèlement moral qu'il lui a infligé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal, rapporteur,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- les observations de Me Maetz, représentant la commune de Dettwiller ;
- et les observations de Me Brignatz, représentant M. B....
Considérant ce qui suit
:
1. M. B... assurait depuis le 1er décembre 2016 les fonctions de directeur général des services de la commune de Dettwilller. Le 2 mai 2018, alors qu'il reprenait ses fonctions après un arrêt de travail pour raison de santé, un entretien de reprise entre le maire de la commune et M. B... a donné lieu à une altercation. A la suite de cet entretien, M. B... a été placé en congé de maladie en raison d'un syndrome anxio-dépressif et a demandé que les suites de l'altercation du 2 mai 2018 soient reconnues comme un accident de service. Par un arrêté du 30 octobre 2018, le maire de la commune de Dettwiller a refusé de reconnaître dans les événements du 2 mai 2018 un accident de service. La commune de Dettwiller fait appel du jugement du 19 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 30 octobre 2018 et a enjoint au maire de la commune de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité de l'affection de M. B... au service et de rétablir cet agent dans ses droits à congé de maladie.
Sur la qualité pour agir au nom de la commune de Dettwiller de son maire :
2. Aux termes de l'article
L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article
L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. " Aux termes de l'article
L. 2122-22 de ce code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". Enfin, l'article
L. 2132-2 du même code dispose : " Le maire en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. "
3. Par une délibération du 10 juin 2020 régulièrement publiée, le conseil municipal de la commune de Dettwiller a donné délégation à son maire pour intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le maire de la commune de Dettwiller n'avait pas qualité pour interjeter appel au nom de la commune.
Sur la régularité du jugement :
4. L'unique moyen sur lequel les premiers juges ont fondé le jugement attaqué est tiré de ce que le maire a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'existence d'une maladie imputable au service. M. B... n'avait cependant pas soulevé un tel moyen en première instance, mais avait uniquement indiqué que l'arrêté était entaché d'une erreur d'appréciation pour ne pas avoir retenu que les événements du 2 mai 2018 étaient constitutifs d'un accident de service. Or, dès lors que le moyen retenu par le tribunal administratif de Strasbourg n'avait pas été soulevé par M. B... et que ce moyen n'est pas ordre public, la commune de Dettwiller est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les demandes présentées par M. B... en première instance :
6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné ". Le troisième alinéa de l'article 4 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dispose : " Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux ".
7. M. B... soutient qu'il n'a pu présenter d'observations préalablement à la réunion de la commission de réforme devant se prononcer sur l'imputabilité au service de l'accident du 2 mai 2018. Il ressort cependant des pièces du dossier que si la commission de réforme devait se réunir initialement le 24 août 2018 pour examiner l'imputabilité au service de l'accident et que M. B... n'avait pas été mis à même de présenter utilement des observations préalablement à cette réunion, la commission a reporté l'étude du dossier de M. B... au 21 septembre 2018. Par un courrier du 7 septembre 2018, M. B... a été informé de la date de cette seconde réunion, de son droit de prendre connaissance de son dossier et de sa faculté de présenter des observations à la commission. Après avoir pris connaissance de son dossier, M. B... a d'ailleurs, par un courrier du 17 septembre 2018, fait parvenir à la commission de réforme ses différentes observations. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. En deuxième lieu, M. B... fait valoir que la commission de réforme s'est prononcée au vu d'une déclaration d'accident de travail et d'un rapport hiérarchique rédigés dans des termes mensongers par le maire de la commune de Dettwiller. Pour autant, ainsi qu'il a été précisé, M. B... a pu, préalablement à la tenue de la réunion de la commission de réforme du 21 septembre 2018, prendre connaissance de son dossier et présenter ses observations sur les évènements du 2 mai 2018 et, plus généralement, sur sa situation. Il ressort d'ailleurs des observations écrites présentées par M. B... à la commission qu'il a pu souligner les inexactitudes et incomplétudes de la présentation des faits opérée par le maire de la commune de Dettwiller. La commission de réforme a ainsi pu émettre son avis en toute connaissance de cause concernant l'imputabilité au service des évènements du 2 mai 2018. Le moyen doit ainsi être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 précité : " Les avis sont communiqués aux intéressés dans les conditions fixées par les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration ". L'article
L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ". Il résulte de ces dispositions que les avis de la commission de réforme peuvent être communiqués aux agents en faisant la demande.
10. M. B... soutient que l'avis émis par la commission de réforme lors de la première réunion, le 24 août 2018, ne lui pas été communiqué préalablement à la seconde réunion de la commission le 21 septembre 2018. Pour autant, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité la communication de cet avis avant la réunion du 21 septembre 2018. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
11. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à la commission de réforme d'informer l'agent intéressé des voies et délais de recours contre ses avis, alors au demeurant qu'aucune procédure spécifique n'est organisée par les textes pour contester les avis rendus par cette commission. Le moyen tiré de ce que la commission de réforme n'a pas informé M. B... des voies de recours contre ses avis doit dès lors être écarté comme inopérant.
12. En cinquième lieu, le requérant ne saurait, pour obtenir l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2018, utilement se prévaloir de la circonstance que le maire de la commune de Dettwiller a tardé tant à communiquer les avis de la commission de réforme qu'à adopter l'arrêté litigieux, ces circonstances, à les supposer établies, étant sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.
13. En sixième lieu, ainsi que le fait valoir M. B..., l'arrêté litigieux mentionne, à tort, que les faits à l'origine de la demande de reconnaissance d'un accident de service se sont déroulés le 3 mai 2018, alors qu'ils se sont déroulés le 2 mai 2018. Toutefois, cette mention inexacte constitue une simple erreur de plume, qui est sans incidence sur la légalité de l'arrêté.
14.En septième lieu, aux termes du I de l'article 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service ". Pour l'application de ces dispositions, constitue un accident de service tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il en est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire détachent cet événement du service.
15. Il ressort des pièces du dossier qu'après un précédent arrêt de travail, M. B... a repris ses fonctions auprès de la commune de Dettwiller le 2 mai 2018 et a, à cette date, eu un entretien avec le maire dans le cadre de sa reprise d'activité. Cet entretien a donné lieu à une altercation entre les deux protagonistes. M. B... a été, dès le 3 mai 2018, placé en arrêt de travail en raison d'un trouble anxio-dépressif résultant du choc émotionnel que lui aurait causé cet échange avec le maire. Il ressort cependant des pièces du dossier et, notamment, de l'expertise médicale établie 15 juin 2018 par le Dr A... que M. B... souffre, depuis l'automne 2017, d'une anxio-dépression réactionnelle liée à ses conditions de travail. L'expertise précise que l'idéalisme de M. B... l'a empêché de s'arrêter totalement de travailler pour se soigner convenablement. Plusieurs arrêts de travail joints au dossier indiquent à ce titre que M. B... a été, entre les mois de décembre 2017 et de mai 2018, placé plusieurs fois en arrêt de travail en raison d'une dépression développée en réaction à sa situation professionnelle. Le docteur A..., tout comme la commission de réforme, ont souligné l'antériorité de la pathologie anxio-dépressive aux évènements du 2 mai 2018. Dans ces conditions, les éléments au dossier témoignent de ce que l'affection dont souffre M. B... est antérieure à l'entretien du 2 mai 2018 et ne peut être regardée comme résultant de cet événement. La condamnation postérieure du maire pour harcèlement moral ne remet pas en cause cette appréciation. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en ne retenant pas l'existence d'un accident de service doit être écarté.
16. En huitième lieu, le moyen soulevé pour la première fois en appel et tiré de ce que le maire a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître que M. B... souffrait d'une maladie professionnelle est inopérant, dès lors que l'arrêté litigieux n'a que pour objet de refuser la reconnaissance d'un accident de service dans les évènements du 2 mai 2018 et ne se prononce pas sur l'existence d'une maladie professionnelle.
17. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune de Dettwiller, autorité compétente pour adopter la décision litigieuse, aurait méconnu le principe d'impartialité.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 30 octobre 2018 du maire de la commune de Dettwiller. Ses conclusions présentées en ce sens, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Dettwiller, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Dettwiller.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1900272 du tribunal administratif de Strasbourg du 19 mars 2020 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Dettwiller sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Dettwiller.
N° 20NC012416