Sur le second moyen
qui est prealable, pris en ses deux branches :
Vu
la convention franco-algerienne du 27 aout 1964 publiee par le decret du 11 aout 1965 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 6 de cette convention, les decisions rendues par les juridictions siegeant en france ou en algerie ont de plein droit l'autorite de la chose jugee sur le territoire de l'autre etat si, notamment, les parties ont ete legalement citees, representees ou declarees defaillantes selon la loi de l'etat ou la decision a ete rendue ;
Attendu que selon les enonciations des juges du fond, la b.n.c.i.a. A, en 1959, consenti a x..., proprietaire d'une exploitation agricole en algerie, une ouverture de credit, dame x... Se portant caution solidaire des engagements de son mari ;
Que par exploit du 28 fevrier 1962, la b.n.c.i.a. A assigne les epoux x..., devant le tribunal de grande instance d'oran, en payement du solde debiteur arrete au 31 mai 1961 ;
Que le 19 octobre 1964, la b.n.c.i.a. A repris la procedure devant le tribunal de cette ville, par une assignation en constitution d'un nouvel avoue conformement aux articles
349 et
350 du code de procedure civile reste en vigueur en algerie ;
Que cet exploit fut delivre au domicile que les epoux x... Avaient a oran au debut de la procedure, mais signifie en mairie ;
Que les epoux x... Firent defaut et qu'un jugement du 1er decembre 1964 declara que la cause serait tenue pour reprise ;
Qu'un second jugement, egalement rendu par defaut, le 22 juin 1965, ayant condamne les epoux x..., la b.n.c.i.a. En a demande l'exequatur en france ;
Que pour rejeter cette demande, l'arret attaque retient, d'une part, que les exploits tendant a la reprise d'instance et a la condamnation des epoux x... N'auraient pas ete regulierement signifies a la mairie d'oran, etant donne que, en 1964, nul n'ignorait que de tres nombreuses personnes avaient quitte le territoire algerien et que la b.n.c.i.a. Et l'huissier auraient du etre d'autant plus prudents qu'ils savaient que l'avoue constitue par les epoux x... En 1962 avait cesse ses fonctions, et, d'autre part, qu'il ne resulte d'aucune piece que les huissiers qui ont signifie les jugements rendus par defaut les 1er decembre 1964 et 22 juin 1965 aient ete commis par justice ;
Attendu cependant
que la signification des actes de procedure est valablement faite au domicile indique par la partie lors des premiers actes de l'instance, lorsque le changement de domicile n'a pas ete notifie a l'autre partie ;
Qu'en outre, le defaut de signification par huissier commis ne peut etre sanctionne par une nullite que lorsqu'il y a prejudice aux interets de la defense ;
Qu'en ne recherchant pas, d'une part, si les epoux x... Avaient notifie a la b.n.c.i.a. Leur changement de domicile et, d'autre part, en quoi leurs interets avaient souffert du fait que le jugement du 22 juin 1965 n'avait pas ete signifie par huissier commis, celui du 1er decembre 1964 ayant, contrairement aux enonciations de l'arret attaque, commis l'huissier zakine a cette fin, la cour d'appel n'a pas donne une base legale a sa decision ;
Que de ce chef, la cassation est encourue ;
Et sur le premier moyen
: vu l'article
545 du code civil, ensemble la declaration gouvernementale du 19 mars 1962 relative a la cooperation economique et financiere entre la france et l'algerie ;
Attendu qu'aucun effet de droit ne peut etre reconnu en france a une depossession operee par un etat etranger, sans qu'une indemnite equitable soit prealablement fixee ;
Attendu que pour debouter
la b.n.c.i.a. De sa demande d'exequatur, l'arret attaque enonce, par motifs adoptes des premiers juges, que la dette des epoux x... Etait eteinte, leur passif ayant ete transfere a l'etat algerien par l'effet de la devolution de leurs biens a cet etat en vertu du decret du 1er octobre 1963 ;
Attendu cependant
que le decret algerien precite se borne a declarer "biens de l'etat" les exploitations agricoles appartenant aux personnes physiques et morales qui, a ladite date du 1er octobre 1963, ne jouissaient pas de la nationalite algerienne ou ne justifiaient pas avoir accompli les formalites legales en vue de l'acquisition de cette nationalite ;
Que pareille mesure est contraire a l'ordre public francais dont les exigences correspondant, en l'occurrence, aux declarations gouvernementales du 19 mars 1962 approuvees en france par la loi referendaire du 8 avril 1962 et en algerie par le scrution d'auto-determination du 1er juillet 1962, lesquelles prevoient que nul ne peut etre prive de ses droits de propriete, sans une indemnite equitable prealablement fixee ;
D'ou il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a viole les textes susvises ;
Par ces motifs
: casse et annule l'arret rendu le 30 avril 1969 entre les parties, par la cour d'appel de montpellier ;
Remet, en consequence, la cause et les parties au meme et semblable etat ou elles etaient avant ledit arret et, pour etre fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'amiens.