Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2022, 20-21.291

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2022-01-19
Cour d'appel de Bordeaux
2020-09-16

Texte intégral

SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 19 janvier 2022 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 98 F-D Pourvoi n° F 20-21.291 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JANVIER 2022 La société Airbus, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-21.291 contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [D] [K], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Airbus, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 17 avril 2019, pourvois n° 16-26.016, 16-26.022), M. [K] a été engagé le 1er janvier 1982, en qualité de « Field service representative » (agent de service sur site), par la société Airbus industrie. Son contrat de travail a été transféré à la société Airbus (la société), le 1er janvier 2002. 2. Jusqu'à sa préretraite en janvier 2015, le salarié a exercé ses fonctions soit en France soit à l'étranger. 3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande indemnitaire pour minoration de l'assiette des cotisations au régime de retraite complémentaire. 4. Il a relevé appel, le 5 mars 2014, du jugement prononcé le 30 janvier 2014.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014

, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen



Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes du salarié développées aux termes de ses conclusions en date du 5 mai 2020, de dire, pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures à 1996, que les indemnités exclues s'élevaient à une certaine somme et que la table d'espérance de vie à retenir était la table TGH05, ainsi que de la condamner, sur le préjudice au regard de la retraite complémentaire résultant de la minoration de l'assiette de cotisations pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures au 1er janvier 1996, à payer au salarié une autre somme, alors « qu'il résulte de l'article 53-II bis du décret n° 2017-91 du 6 mai 2017, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017, que s'agissant des instances consécutives à un renvoi après cassation, lorsque la juridiction a été saisie à compter du 1er septembre 2017, sont applicables notamment les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile imposant aux parties, à peine d'irrecevabilité, de présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, sous la seule réserve, dans les limites des chefs du jugement critiqués, des prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que la juridiction de renvoi avait été saisie après le 1er septembre 2017 et que dans les seules conclusions déposées dans le délai de deux mois qui lui était imparti, le salarié formulait seulement des prétentions relatives à la minoration de l'assiette des cotisations attachées aux indemnités forfaitaires de logement de sorte qu'il n'était pas recevable à modifier ses demandes initiales ; qu'en affirmant, pour juger recevables les prétentions nouvelles figurant dans les conclusions du salarié du 5 mai 2020, que l'article 910-4 du code de procédure civile ne concernait que l'appel interjeté dans une procédure avec représentation obligatoire et était donc inapplicable devant les juridictions de renvoi après cassation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de la combinaison des articles 46 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et R. 1461-2 du code du travail que seules les instances et appels en matière prud'homale engagés à compter du 1er août 2016 sont formés, instruits et jugés suivant la procédure avec représentation obligatoire. 8. Il résulte de l'article 631 du code de procédure civile que, en cas de renvoi après cassation, l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi. 9. Ayant constaté que le salarié avait interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes par déclaration en date du 5 mars 2014, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'instance, qui se poursuivait devant elle sur renvoi après cassation, n'était pas assujettie aux règles de la procédure avec représentation obligatoire, de sorte que l'article 910-4 du code de procédure civile, qui figure dans la section de ce code relative à la procédure avec représentation obligatoire en matière contentieuse devant la formation collégiale de la cour d'appel, ne lui était pas applicable. 10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

, pris en ses troisième à cinquième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait grief à l'arrêt de dire, pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures à 1996, que les indemnités exclues au total s'élevaient à une certaine somme et que la table d'espérance de vie à retenir était la table TGH05, de la condamner, sur le préjudice au regard de la retraite complémentaire résultant de la minoration de l'assiette de cotisations pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures au 1er janvier 1996, à verser au salarié une autre somme, alors : « 3°/ que le chef de dispositif de l'arrêt mixte qui ordonne une expertise pour l'évaluation d'un préjudice et définit la mission de l'expert est dépourvu d'autorité de chose jugée quant aux modalités d'évaluation du préjudice ; qu'en affirmant que la mission de l'expert telle qu'énoncée par la cour d'appel de Toulouse, dont la décision sur ce point n'avait pas été cassée, consistait à déterminer et chiffrer en brut, hors prélèvements sociaux, et en net, après prélèvements sociaux, le préjudice économique subi, sans qu'il soit fait mention des prélèvements fiscaux, de sorte que c'était à tort que la société Airbus soutenait que le préjudice économique devait être calculé en tenant compte de l'incidence fiscale des pensions de retraite complémentaire, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil et les article 480 et 482 du code de procédure civile ; 4°/ que l'autorité de chose jugée s'attache au seul dispositif de l'arrêt ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de son arrêt du 16 septembre 2016, la cour d'appel de Toulouse avait ordonné une mesure d'expertise et donné pour mission à l'expert notamment de 'déterminer et chiffrer en brut hors éventuels prélèvements sociaux, et en net après prélèvements sociaux le préjudice économique subi par l'appelant du fait de la minoration de l'assiette de cotisations aux organismes de retraite complémentaire' sans exclure la possibilité de tenir compte des prélèvements fiscaux applicables aux pensions de retraite complémentaire ; qu'en affirmant que la mission de l'expert telle qu'énoncée par la cour d'appel de Toulouse dont la décision sur ce point n'avait pas été cassée, consistait à déterminer et chiffrer en brut, hors prélèvements sociaux, et en net, après prélèvements sociaux, le préjudice économique subi sans qu'il soit fait mention des prélèvements fiscaux, de sorte que c'était à tort que la société Airbus soutenait que le préjudice économique devait être calculé en tenant compte de l'incidence fiscale des pensions de retraite complémentaire, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ; 5°/ qu'il incombe à celui qui agit en responsabilité de prouver l'existence et l'étendue de son préjudice ; qu'en énonçant à l'appui de sa décision qu'il n'était ni démontré ni allégué que la somme allouée au titre du préjudice économique serait exemptée de toute imposition, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime. 13. Il en résulte que le préjudice économique du salarié au regard de la retraite complémentaire résultant de la minoration de l'assiette des cotisations ne doit pas être calculé en tenant compte de l'incidence fiscale des pensions de retraite complémentaire. 14. Par ce motif de pur droit suggéré en défense, substitué à ceux critiqués dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. 15. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Airbus aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Airbus et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Airbus PREMIER MOYEN DE CASSATION La société Airbus FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables les demandes de M. [K] développées aux termes de ses conclusions en date du 5 mai 2020, d'AVOIR, pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures à 1996, dit que les indemnités exclues au total s'élevaient à 1 306 420 euros représentant 52 086 points Agirc perdus et que la table d'espérance de vie à retenir était la table TGH05, d'AVOIR, sur le préjudice au regard de la retraite complémentaire résultant de la minoration de l'assiette de cotisations pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures au 1er janvier 1996, condamné la société Airbus à verser à M. [K] la somme de 593 308 euros nets, ALORS QU'il résulte de l'article 53-II bis du décret n° 2017-91 du 6 mai 2017, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2017-1227 du 2 août 2017, que s'agissant des instances consécutives à un renvoi après cassation, lorsque la juridiction a été saisie à compter du 1er septembre 2017, sont applicables notamment les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile imposant aux parties, à peine d'irrecevabilité, de présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, sous la seule réserve, dans les limites des chefs du jugement critiqués, des prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait que la juridiction de renvoi avait été saisie après le 1er septembre 2017 et que dans les seules conclusions déposées dans le délai de deux mois qui lui était imparti, le salarié formulait seulement des prétentions relatives à la minoration de l'assiette des cotisations attachées aux indemnités forfaitaires de logement de sorte qu'il n'était pas recevable à modifier ses demandes initiales (conclusions d'appel, p. 7) ; qu'en affirmant, pour juger recevables les prétentions nouvelles figurant dans les conclusions du salarié du 5 mai 2020, que l'article 910-4 du code de procédure civile ne concernait que l'appel interjeté dans une procédure avec représentation obligatoire et était donc inapplicable devant les juridictions de renvoi après cassation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. SECOND MOYEN DE CASSATION La société Airbus FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures à 1996, dit que les indemnités exclues au total s'élevaient à 1 306 420 euros représentant 52 086 points Agirc perdus et que la table d'espérance de vie à retenir était la table TGH05, d'AVOIR, sur le préjudice au regard de la retraite complémentaire résultant de la minoration de l'assiette de cotisations pour les périodes de détachement et les périodes d'expatriation antérieures au 1er janvier 1996, condamné la société Airbus à verser à M. [K] la somme de 593 308 euros nets, 1. ALORS QUE dans les conditions et limites fixées le cas échéant par arrêté interministériel, sont exclus de l'assiette des cotisations sociales les frais professionnels, définis comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé, que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ; que s'il résulte de l'article 3 de l'arrêté du 26 mai 1975 que les indemnités de logement sont réputées utilisées conformément à leur objet pour une fraction n'excédant pas vingt fois la valeur du minimum garanti par journée pour les ingénieurs et cadres et pour un déplacement d'une durée allant jusqu'à trois mois, la déduction des indemnités de logement reste possible au-delà des limites ainsi prévues lorsque leur utilisation est conforme à leur objet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas allégué par le salarié que les sommes reçues chaque mois au titre des frais forfaitaires de logement n'auraient pas été utilisées conformément à leur objet (arrêt, p. 10, avant-dernier §), ce dont il résultait qu'elles pouvaient intégralement être déduites de l'assiette des cotisations de retraite complémentaire ; qu'en énonçant cependant que pour les périodes de détachement en France avant 2003, les indemnités de logement ne pouvaient être déduites que dans la limite de trois mois et pour vingt fois la valeur du minimum garanti par journée, la cour d'appel a violé l'arrêté susvisé, ensemble l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans ses rédactions applicables sur la période en litige, issues de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988, de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 et de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 ; 2. ALORS subsidiairement QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Airbus, rappelant que le préjudice devait être évalué au jour où le juge statuait, faisait valoir que l'expert avait retenu un taux global de CSG, CRDS et CASA de 8,4 %, mais que depuis le 1er janvier 2018, le total des cotisations appliquées sur les pensions de retraite était de 10,10 %, ce qui réduisait le montant de la rente annuelle nette et le montant du préjudice (conclusions d'appel, p. 14) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3. ALORS de même QUE le chef de dispositif de l'arrêt mixte qui ordonne une expertise pour l'évaluation d'un préjudice et définit la mission de l'expert est dépourvu d'autorité de chose jugée quant aux modalités d'évaluation du préjudice ; qu'en affirmant que la mission de l'expert telle qu'énoncée par la cour d'appel de Toulouse, dont la décision sur ce point n'avait pas été cassée, consistait à déterminer et chiffrer en brut, hors prélèvements sociaux, et en net, après prélèvements sociaux, le préjudice économique subi, sans qu'il soit fait mention des prélèvements fiscaux, de sorte que c'était à tort que la société Airbus soutenait que le préjudice économique devait être calculé en tenant compte de l'incidence fiscale des pensions de retraite complémentaire, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil et les article 480 et 482 du code de procédure civile ; 4. ALORS en tout état de cause QUE l'autorité de chose jugée s'attache au seul dispositif de l'arrêt ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de son arrêt du 16 septembre 2016, la cour d'appel de Toulouse avait ordonné une mesure d'expertise et donné pour mission à l'expert notamment de « déterminer et chiffrer en brut hors éventuels prélèvements sociaux, et en net après prélèvements sociaux le préjudice économique subi par l'appelant du fait de la minoration de l'assiette de cotisations aux organismes de retraite complémentaire » sans exclure la possibilité de tenir compte des prélèvements fiscaux applicables aux pensions de retraite complémentaire ; qu'en affirmant que la mission de l'expert telle qu'énoncée par la cour d'appel de Toulouse dont la décision sur ce point n'avait pas été cassée, consistait à déterminer et chiffrer en brut, hors prélèvements sociaux, et en net, après prélèvements sociaux, le préjudice économique subi sans qu'il soit fait mention des prélèvements fiscaux, de sorte que c'était à tort que la société Airbus soutenait que le préjudice économique devait être calculé en tenant compte de l'incidence fiscale des pensions de retraite complémentaire, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ; 5. ALORS enfin QU'il incombe à celui qui agit en responsabilité de prouver l'existence et l'étendue de son préjudice ; qu'en énonçant à l'appui de sa décision qu'il n'était ni démontré ni allégué que la somme allouée au titre du préjudice économique serait exemptée de toute imposition, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil.