Logo pappers Justice

Cour d'appel de Caen, 11 avril 2023, 22/01014

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Caen
11 avril 2023
Tribunal judiciaire de Caen
7 avril 2022

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 22/01014 - N° Portalis DBVC-V-B7G-G7BU

ARRÊT

N° JB. ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 07 Avril 2022 RG n° 21/01043 COUR D'APPEL DE CAEN PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 11 AVRIL 2023 APPELANTS : Monsieur [E] [D] né le 05 Avril 1971 à [Localité 6] ([Localité 6]) [Adresse 4] [Localité 2] Madame [F] [D] née le 23 Janvier 1964 à [Localité 6] ([Localité 6]) [Adresse 5] [Localité 2] représentés et assistés de Me Grégoire BOUGERIE, avocat au barreau de CAEN INTIMÉE : Madame [H] [W] veuve [D] née le 04 Juin 1968 à [Localité 6] ([Localité 6]) [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Me Noëmie REICHLING, avocat au barreau de CAEN assistée de Me Frédéric DOUET, avocat au barreau de ROUEN, DÉBATS : A l'audience publique du 09 février 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GARET, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré GREFFIER : Mme COLLET COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. GUIGUESSON, Président de chambre, M. GARET, Président de chambre, Mme VELMANS, Conseillère, ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 11 Avril 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier * * * FAITS ET PROCEDURE Du mariage entre [P] [D] et [J] [B] sont issus deux enfants, Mme [F] [D] et M. [E] [D]. [J] [D] est décédée le 28 mai 2006, laissant pour lui succéder son conjoint survivant et leurs deux enfants. Le 12 janvier 2008, [P] [D] a épousé en secondes noces Mme [H] [W]. Il est lui-même décédé le 17 mars 2016, après avoir consenti deux legs particuliers à Mme [W]. Par acte du 16 mars 2021, M. [E] [D] et Mme [F] [D] (ci-après les consorts [D]) ont fait assigner Mme [W] devant le tribunal judiciaire de Caen aux fins, notamment, de voir dire et juger que les legs consentis par leur père à Mme [W] portent atteinte à leur réserve héréditaire et, par conséquent, de voir condamner Mme [W] à leur payer une somme de 99.846,06 € à titre d'indemnité de réduction. Pour justifier cette demande de réduction, l'assignation fait notamment mention de ce que la succession de [P] [D] est débitrice envers celle d'[J] [D] d'une somme de 204.840€ correspondant à une dette du mari envers son épouse au titre d'une construction financée par celle-ci. Par conclusions d'incident du 15 novembre 2021, Mme [W] a saisi le juge de la mise en état d'une demande tendant à voir «'déclarer irrecevable comme prescrite la demande présentée par les consorts [D] tendant à la reconnaissance d'une créance de 204.840 € due par [P] [D] à [J] [B]'». Par ordonnance du 4 janvier 2022, le juge de la mise en état a renvoyé l'affaire devant la formation collégiale du tribunal «'pour examen de la fin de non-recevoir qui nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond'». C'est dans ces conditions que le tribunal, statuant par jugement du 7 avril 2022, a : - déclaré irrecevable comme prescrite la créance entre époux due par [P] [D] au profit d'[J] [D] invoquée par les consorts [D] au soutien de leur demande d'indemnité de réduction ; - débouté les consorts [D] de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné les consorts [D] aux dépens de l'incident'; - ordonné la réouverture des débats ; - renvoyé le dossier à la mise en état du tribunal pour les conclusions au fond de Mme [W]. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 avril 2022, les consorts [D] ont interjeté appel de ce jugement. Les appelants ont notifié leurs dernières conclusions le 6 janvier 2023, l'intimée les siennes le 10 janvier 2023. La clôture a été prononcée par ordonnance du 11 janvier 2023.

MOYENS

ET PRETENTIONS DES PARTIES Les consorts [D] demandent à la cour de : - les déclarer recevables et bien fondés en leur appel ; - réformer le jugement en ce qu'il a : * déclaré irrecevable comme prescrite la créance entre époux due par [P] [D] au profit d'[J] [D] invoquée par les consorts [D] au soutien de leur demande d'indemnité de réduction ; * débouté les consorts [D] de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; * condamné les consorts [D] aux dépens de l'incident'; Statuant à nouveau, - dire et juger que la demande de Mme [W] tendant à voir déclarer irrecevable comme prescrite la demande des consorts [D] tendant à la reconnaissance d'une créance de 204.840€ due par [P] [D] à [J] [D] ne constitue pas une fin de non-recevoir relevant de la compétence du juge de la mise en état, mais une défense au fond ; - constater en toute hypothèse que cette demande est dépourvue d'objet en l'absence de demande en ce sens présentée par les consort [D] dans le dispositif de leur assignation'; - à titre subsidiaire, dire et juger que la créance entre époux invoquée par les consorts [D] au soutien de leur action en réduction de legs pour atteinte à leur réserve héréditaire n'est pas prescrite ; - dans tous les cas, débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions'; - confirmer le jugement en ses autres dispositions ; - condamner Mme [W] au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel. Au contraire, Mme [W] demande à la cour de : - confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à le compléter, par application des articles 462 ou 463 du code de procédure civile, en déclarant irrecevable comme prescrite la demande présentée par les consorts [D] tendant à la reconnaissance d'une créance de 204.840€ due par [P] [D] à [J] [D] ; En tout état de cause et y ajoutant, - rejeter l'appel des consorts [D] ainsi que l'ensemble de leurs demandes comme étant irrecevables ou à tout le moins mal fondées ; - condamner in solidum les consorts [D] au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner in solidum les consorts [D] aux entiers dépens. Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 789 du code de procédure civile dispose ce qui suit': «'Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ; Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ; 2° Allouer une provision pour le procès ; 3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5, 517 et 518 à 522 ; 4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ; 5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ; 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire. Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statue sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.'» C'est bien par application de ces dispositions que le tribunal, statuant sur l'incident élevé par Mme [W] et après renvoi de son examen devant la formation collégiale, a déclaré «'irrecevable comme prescrite la créance entre époux due par [P] [D] à [J] [B]'», créance que les consorts [D] invoquent pour justifier leur demande d'indemnité de réduction à l'encontre de Mme [W]. Encore eût-il fallu, pour qu'il puisse être statué ainsi par voie d'incident, que les consorts [D] aient formulé une demande, c'est-à-dire une prétention, au titre de cette créance entre époux. En effet, il n'existe de fins de non-recevoir, au sens de celles définies à l'article 122 et pour lesquelles le juge de la mise en état est seul compétent, que pour s'opposer à des demandes formulées par voie d'assignation ou de conclusions, précisément à celles qui figurent dans leur dispositif. Or, force est de constater que le dispositif de l'assignation délivrée par les consorts [D] à l'encontre de Mme [W] ne contient aucune demande tendant au paiement d'une créance de 204.840 € qui, selon eux, reste due par la succession de [P] [D] à celle d'[J] [B]. Certes, cette créance est invoquée par les consorts [D] au soutien de leur demande de réduction de legs dirigée contre Mme [W], puisque de cette créance, prescrite ou non, avérée ou non, dépend le montant de la quotité dont [P] [D] pouvait librement disposer sur sa succession à venir. Il n'en demeure pas moins, sur un strict plan procédural, que les consorts [D] ne formulent à ce titre aucune demande à l'encontre de Mme [W]. A cet égard, c'est en vain que cette dernière soutient que la demande des consorts [D] est «'implicitement contenue dans leurs écritures'», étant en effet rappelé, par application des dispositions de l'article 768 du code de procédure civile, qu'un tribunal ne peut statuer que sur les demandes qui ont été explicitement présentées dans le dispositif des dernières conclusions dont il est saisi. La conséquence procédurale en est que Mme [W] ne peut pas opposer aux consorts [D], à tout le moins au stade de la mise en état et par voie d'incident, une fin de non-recevoir - au sens de l'article 122 du code de procédure civile - pour prescription de la créance alléguée, s'agissant en réalité d'une défense au fond qui, par là même, relève de la compétence de la seule juridiction du fond. Il n'y avait donc pas lieu de statuer sur cette prescription par voie d'incident, étant encore rappelé que c'est bien à ce titre que le tribunal, après renvoi de l'affaire par le juge de la mise en état devant la formation collégiale, a déclaré la créance irrecevable comme prescrite. En conséquence, le jugement sera infirmé sur ce point, et la fin de non-recevoir soulevée par Mme [H] [W], par voie d'incident de mise en état, déclarée irrecevable. Le jugement sera confirmé en revanche en ce qu'il a débouté l'ensemble des parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Partie perdante à l'incident, Mme [W] supportera les entiers dépens y afférents, le jugement devant être infirmé en ce sens. Y ajoutant, la cour déboutera l'ensemble des parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 en cause d'appel. Egalement perdante en cause d'appel, Mme [W] supportera les dépens y afférents. Enfin, l'affaire sera renvoyée à la mise en état du tribunal.

PAR CES MOTIFS

, La cour, Statuant publiquement par mise à disposition, contradictoirement et en dernier ressort': - confirme le jugement en ce qu'il a débouté l'ensemble des parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile'; - l'infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant': * juge que la prescription de la créance entre époux (qui serait due par la succession de [P] [U] à la succession d'[J] [B]), telle qu'alléguée par les consorts [U], constitue une défense au fond et non une fin de non-recevoir'; * déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par Mme [H] [W] par voie d'incident de mise en état'; * renvoie l'examen de cette prescription devant le tribunal statuant sur le fond'; * déboute l'ensemble des parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel'; * condamne Mme [H] [W] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, afférents au présent incident'; * renvoie l'affaire à la mise en état du tribunal pour dépôt de nouvelles conclusions sur le fond. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT M. COLLET G. GUIGUESSON