CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre), 17 mars 2009, 40/94

Mots clés recours · règlement · retrait · marque · produits · opposition · paragraphe · communautaire · point · demandeur · intervenante · renonciation · absence · ressort · arguments

Synthèse

Juridiction : CJUE
Numéro affaire : 40/94
Date de dépôt : 22 juin 2006
Titre : Marque communautaire - Procédure d’opposition - Demande de marque communautaire verbale TRENTON - Marque communautaire verbale antérieure LENTON - Droit d’être entendu - Article 73 du règlement (CE) nº 40/94 et règle 54 du règlement (CE) nº 2868/95 - Absence de retrait de la demande de marque - Article 44, paragraphe 1, du règlement nº 40/94 - Obligation de statuer en se fondant sur les preuves disponibles - Règle 20, paragraphe 3, et règle 50, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95.
Identifiant européen : ECLI:EU:T:2009:70

Texte

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 mars 2009 ( *1 )

«Marque communautaire — Procédure d’opposition — Demande de marque communautaire verbale TRENTON — Marque communautaire verbale antérieure LENTON — Droit d’être entendu — Article 73 du règlement (CE) no 40/94 et règle 54 du règlement (CE) no 2868/95 — Absence de retrait de la demande de marque — Article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 — Obligation de statuer en se fondant sur les preuves disponibles — Règle 20, paragraphe 3, et règle 50, paragraphe 1, du règlement no 2868/95»

Dans l’affaire T-171/06,

Laytoncrest Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes N. Dontas et P. Georgopoulou, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Erico International Corp., établie à Solon, Ohio (États-Unis), représentée par Mes M. Samer, O. Gillert et F. Schiwek, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 26 avril 2006 (affaire R 406/2004-2), relative à une procédure d’opposition entre Erico International Corp. et Laytoncrest Ltd,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2006,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2006,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2007,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu la réattribution de l’affaire à la troisième chambre à la suite de l’empêchement du juge rapporteur,

à la suite de l’audience du 28 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 3 juillet 2001, la requérante, Laytoncrest Ltd, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du , sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2

La marque dont l’enregistrement est demandé est le signe verbal TRENTON. Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7, 9 et 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour la classe 7, à la description suivante: «Machines et machines-outils, moteurs (à l’exception des moteurs pour véhicules terrestres); accouplements et courroies de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres); instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement; couveuses pour les œufs». La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 48/2002, du .

3

Le 16 septembre 2002, l’intervenante, Erico International Corp., a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient notamment ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

4

L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale LENTON, enregistrée le 20 décembre 2001 sous le numéro 1946045, pour des produits relevant des classes 6 et 7 et correspondant, pour la classe 7, à la description suivante: «Machines à fileter, peignes à fileter, et leurs jauges, dispositifs hydrauliques d’entraînement à clavette, machines d’emboutissage, machines à lier les fils». L’opposition était dirigée contre les produits relevant de la classe 7 visés par la marque demandée qui correspondent à la description suivante: «Machines et machines-outils; accouplements et courroies de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres)».

5

La requérante n’a pas présenté d’observations à ce stade de la procédure. Par télécopie du 1er juillet 2003, l’OHMI a informé la requérante, en application de la règle 20, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du , portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO L 303, p. 1), que, compte tenu de l’absence d’observations dans le délai requis, l’OHMI se prononcerait sur l’opposition en se fondant sur les preuves disponibles.

6

Par décision du 25 mars 2004, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Elle a considéré que les différences entre les marques concernées ne permettaient pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion en dépit de l’identité et de la similitude partielles des produits.

7

Le 25 mai 2004, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement no 40/94, contre la décision de la division d’opposition en invoquant une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. L’intervenante soutenait également que la requérante n’existait pas, étant donné son absence systématique d’activité procédurale.

8

La chambre de recours a transmis les conclusions de l’intervenante à la requérante et l’a invitée à formuler des observations, tant sur le recours en général que sur la question plus spécifique de son existence. La requérante ne s’est pas manifestée dans le délai imparti. Après l’expiration de ce délai, le greffe des chambres de recours a contacté le mandataire de la requérante afin de lui faire confirmer que celle-ci n’avait pas d’observations à transmettre, ce qui lui a été confirmé par téléphone.

9

Par décision du 26 avril 2006 (ci-après la «décision attaquée»), la chambre de recours a considéré que, par son absence totale d’activité procédurale au stade de l’opposition et du recours, la requérante avait implicitement retiré sa demande de marque communautaire, en application de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94, qui permet au demandeur de retirer à tout moment sa demande ou de limiter la liste des produits qu’elle contient. La chambre de recours a également indiqué que, même si en principe le retrait doit se faire de manière expresse, il est possible dans certains cas de conclure au retrait implicite de la demande de marque par le demandeur dans la mesure où ce retrait résulte clairement des circonstances, une telle possibilité n’étant pas exclue par le règlement no 40/94.

10

En conséquence, la chambre de recours a décidé de clore la procédure devant elle en l’absence d’objet du litige, de déclarer la décision de la division d’opposition nulle et non avenue et, puisque la requérante avait retiré sa demande de marque communautaire, a ordonné à celle-ci de supporter les frais exposés aux fins de la procédure, en application de l’article 81, paragraphe 3, du règlement no 40/94.

Conclusions des parties

11

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:



annuler la décision attaquée;



renvoyer l’affaire devant les chambres de recours de l’OHMI pour qu’il soit statué sur le fond;



condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

12

L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:



annuler la décision attaquée;



condamner chacune des parties à ses propres dépens.

13

L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:



rejeter le recours;



condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

Arguments des parties

14

L’intervenante fait valoir que le recours est irrecevable en ce qu’il ne constitue pas «la voie légale régulière à l’encontre de la [décision attaquée]». Au lieu d’introduire le présent recours, la requérante aurait dû agir conformément à la règle 54 du règlement no 2868/95. Cette analyse a été contestée par la requérante et l’OHMI lors de l’audience.

Appréciation du Tribunal

15

Il ressort de l’article 62, paragraphe 1, du règlement no 40/94 ce qui suit:

«À la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance pour suite à donner.»

16

L’article 63, paragraphe 1, du règlement no 40/94 indique également que «[l]es décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant la Cour de justice».

17

Par ailleurs, l’article 63, paragraphe 4, du règlement no 40/94 énonce que «[l]e recours est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions».

18

En l’espèce, après avoir fait opposition à la demande de marque communautaire déposée par la requérante, l’intervenante a décidé de former un recours contre la décision de la division d’opposition qui a rejeté ladite opposition.

19

Statuant sur ce recours, la chambre de recours a déclaré les procédures d’opposition et de recours closes, a déclaré la décision de la division d’opposition nulle et non avenue et a condamné la requérante à supporter les taxes et frais encourus par l’intervenante (voir point 10 ci-dessus). En outre, aux points 16 à 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a exposé les raisons pour lesquelles elle a considéré que, du fait de son absence d’activité procédurale, la requérante avait implicitement retiré sa demande de marque communautaire.

20

Dès lors, en constatant le retrait implicite de la demande de marque communautaire, la décision attaquée retire à la requérante le bénéfice de son statut procédural en tant que demanderesse de marque communautaire et la prive de la possibilité d’obtenir une réponse définitive à ses prétentions, ce qu’elle conteste dans le cadre du présent recours. D’ailleurs, les effets de la décision attaquée ne se limitent pas aux seuls produits à l’encontre desquels l’opposition a été faite (les produits relevant de la classe 7, voir point 4 ci-dessus), mais couvrent également des produits qui n’étaient pas concernés par cette opposition, les produits relevant des classes 9 et 11 (voir point 1 ci-dessus).

21

Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a statué dans la décision attaquée sur le recours formé par l’intervenante à l’encontre de la décision de la division d’opposition au sens de l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 40/94 et que cette décision produit des effets juridiques obligatoires à l’égard de la requérante rendant cette décision susceptible de recours devant la juridiction communautaire, au sens de l’article 63, paragraphe 4, du règlement no 40/94, puisqu’elle se prononce sur la demande de marque communautaire déposée par la requérante en considérant que celle-ci a été implicitement retirée du fait de son inactivité procédurale.

22

Les observations de l’intervenante sur la recevabilité du recours doivent donc être rejetées.

Sur le fond

Observations liminaires

— Arguments des parties

23

La requérante relève que ses moyens financiers sont limités, ce qui explique pourquoi elle n’a pas présenté d’observations devant la division d’opposition et la chambre de recours. À l’appui de son recours, elle déclare qu’elle n’a jamais retiré sa demande de marque et fait valoir — en substance — les moyens et arguments suivants: premièrement, la violation de l’article 73 du règlement no 40/94 et de la règle 54 du règlement no 2868/95; deuxièmement, la violation de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 et l’interprétation erronée de l’arrêt de la Cour du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C-414/99 à C-416/99, Rec. p. I-8691); troisièmement, la violation de la règle 20, paragraphe 3, et de la règle 50, paragraphe 1, du règlement no 2868/95; quatrièmement, la violation de l’article 63, paragraphe 2, et de l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94.

24

L’OHMI partage cette argumentation sous réserve de quelques observations sur la portée de la violation de l’article 74 du règlement no 40/94.

25

L’intervenante fait valoir que rien n’atteste que la situation économique de la requérante ne lui permettait pas de participer à la procédure devant la division d’opposition et la chambre de recours. En l’absence de preuves à cet égard, la chambre de recours pouvait adopter la décision attaquée du fait de l’inactivité procédurale de la requérante.

— Appréciation du Tribunal

26

Ainsi que l’OHMI l’a indiqué lors de l’audience, il convient d’observer que la présente affaire concerne une question particulièrement importante pour sa pratique, puisqu’elle permet d’examiner la légalité d’une décision d’une chambre de recours en vertu de laquelle l’absence d’activité procédurale du demandeur d’une marque communautaire, lors des procédures d’opposition et de recours, est assimilée à un retrait implicite de la demande et met fin à la procédure de recours en l’absence d’objet du litige.

27

Sur cette question, l’OHMI conclut à l’annulation de la décision attaquée au motif que la plupart des arguments avancés par la requérante sont fondés. Dans une procédure de recours en matière de marque communautaire dirigé contre la décision d’une chambre de recours, rien ne s’oppose en effet à ce que l’OHMI se rallie aux conclusions de la requérante tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés du fait de sa mission relative à l’administration du droit de la marque communautaire et de l’indépendance fonctionnelle reconnue aux chambres de recours dans l’exercice de leurs tâches [arrêt du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI — Atofina Chemicals (BIOMATE), T-107/02, Rec. p. II-1845, points 32 à 36].

28

Par ailleurs, il est sans importance de savoir si la requérante peut invoquer sa situation financière pour justifier la non-présentation d’observations devant la division d’opposition et la chambre de recours, dès lors que cette explication est avancée pour la première fois devant le Tribunal sans avoir pu être examinée auparavant et que, en tout état de cause, la requérante ne conteste pas son absence d’activité procédurale lors des procédures d’opposition et de recours devant l’OHMI.

29

C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner les différents moyens présentés par la requérante.

Sur le premier moyen

, pris de la violation de l’article 73 du règlement no 40/94 et de la règle 54 du règlement no 2868/95

— Arguments des parties

30

La requérante fait valoir que la décision attaquée viole l’article 73 du règlement no 40/94 et la règle 54 du règlement no 2868/95. Avant d’adopter la décision attaquée, la chambre de recours aurait dû lui donner l’occasion de prendre position, ce qui aurait pu lui permettre d’indiquer qu’elle n’avait aucune intention de renoncer à sa demande de marque communautaire.

31

L’OHMI souligne que, même dans l’hypothèse où le retrait de ladite demande serait justifié, la chambre de recours aurait dû, en application des dispositions précitées, pour le moins inviter la requérante à clarifier ses intentions, en lui fixant un délai et en l’informant expressément des conséquences d’une éventuelle absence de réaction de sa part dans le délai imparti.

32

L’intervenante fait valoir qu’il est difficile de comprendre la raison pour laquelle la décision attaquée ne respecte pas les droits de la défense et le droit d’être entendu, dès lors que la requérante a été inactive au plan procédural devant la division d’opposition et la chambre de recours.

— Appréciation du Tribunal

33

Conformément à l’article 73 du règlement no 40/94, les décisions de l’OHMI sont motivées et ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. En application de la règle 54 du règlement no 2868/95, si l’OHMI constate que la perte d’un droit, quel qu’il soit, découle dudit règlement ou du règlement no 40/94 sans qu’une décision ait été prise, il le notifie à la personne intéressée en attirant son attention sur la possibilité, dans un délai de deux mois à compter de cette notification, de demander une décision à l’OHMI en la matière.

34

En l’espèce, il ressort de l’exposé des faits et des contacts que la chambre de recours a pu avoir avec la requérante (voir point 8 ci-dessus), que la chambre de recours n’a, à aucun moment, fait part à la requérante de son intention de considérer que cette dernière avait implicitement retiré sa demande de marque du fait de son inactivité procédurale.

35

En conséquence, à supposer même que la chambre de recours puisse considérer l’inactivité procédurale lors des procédures d’opposition et de recours devant l’OHMI comme un élément de nature à démontrer que le demandeur d’une marque communautaire a perdu tout intérêt dans l’enregistrement de cette marque et a donc retiré implicitement sa demande, force est de constater que, en tout état de cause, la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 73 du règlement no 40/94 et de la règle 54 du règlement no 2868/95 et doit de ce fait être annulée.

36

Dans la mesure où une telle annulation laisse ouverte la question de savoir si la chambre de recours peut considérer, comme cela a été décidé en l’espèce, que l’inactivité procédurale lors des procédures d’opposition et de recours est une cause de retrait implicite d’une demande de marque communautaire, le Tribunal estime approprié d’envisager également les deuxième et troisième moyens qui concernent cette question.

Sur le deuxième moyen

, tiré de la violation de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 et de la référence à l’arrêt Zino Davidoff et Levi Strauss

— Arguments des parties

37

La requérante fait valoir que l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 exige un retrait exprès et inconditionnel de la demande de marque communautaire [arrêt du Tribunal du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’un bonbon), T-396/02, Rec. p. II-3821, point 19]. Cette disposition ne permettrait pas de déduire la renonciation implicite à cette demande du fait de l’inactivité procédurale au stade de l’opposition ou du recours devant l’OHMI. Par ailleurs, la décision attaquée reposerait sur une interprétation erronée de l’arrêt Zino Davidoff et Levi Strauss, point 23 supra, qui relèverait d’un contexte complètement différent sans rapport avec la présente affaire.

38

L’OHMI souligne que, conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94, le retrait d’une demande de marque doit se faire par écrit, de manière expresse et sans conditions.

39

L’intervenante fait valoir que le retrait implicite d’une demande de marque n’est pas exclu par l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94. Elle fait valoir que les faits jugés dans l’arrêt Forme d’un bonbon, point 37 supra (points 5, 19 et 20), et dans l’arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS) (T-219/00, Rec. p. II-753, points 60 à 62), auquel l’arrêt Forme d’un bonbon fait référence, sont différents dans la mesure où, dans ces affaires, il existait une déclaration écrite et donc manifeste de retrait de la demande, alors que dans la présente affaire la déclaration de retrait est implicite et naît de l’inactivité procédurale.

— Appréciation du Tribunal

40

Dans la décision attaquée, la chambre de recours fonde sa conclusion selon laquelle la requérante a implicitement retiré sa demande de marque communautaire sur le raisonnement suivant:



premièrement, il ressort de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 que le demandeur d’une marque communautaire peut mettre fin à la procédure à tout moment en retirant sa demande de marque (points 17 et 19);



deuxièmement, même si le retrait d’une demande de marque communautaire doit, en principe, être formulé de façon expresse, «il parait concevable qu’un retrait puisse être implicite, dans la mesure où la loi n’exclut pas une telle possibilité, à la condition qu’il puisse être déduit des faits et circonstances de la cause, qui démontreraient de façon non équivoque que le demandeur a retiré sa demande d’enregistrement» (point 20); en l’espèce, le demandeur n’a participé à aucune étape des procédures d’opposition ou de recours, ce qui démontre «de façon non équivoque que le demandeur a perdu tout intérêt dans l’enregistrement de la marque communautaire demandée, ce qui implique son retrait et en conséquence la fin de la procédure» (points 16, 22 et 23);



troisièmement, le raisonnement qui précède s’appuie sur l’application par analogie des conditions d’une renonciation à des droits issus du droit exclusif conféré par la marque à son titulaire, qui ont été définies par l’arrêt Zino Davidoff et Levi Strauss, point 23 supra (point 46), au retrait d’une demande de marque communautaire (point 21).

41

La première étape de ce raisonnement est correcte, dès lors que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94, «[l]e demandeur peut à tout moment retirer sa demande de marque communautaire ou limiter la liste des produits ou services qu’elle contient».

42

En ce qui concerne la deuxième étape du raisonnement de la chambre de recours, il y a lieu de rappeler que la disposition précitée s’interprète en ce sens que la faculté de limiter la liste de produits et de services appartient uniquement au demandeur d’une marque communautaire, qui peut, à tout moment, adresser une demande en ce sens à l’OHMI. Dans ce contexte, le retrait, entier ou partiel, d’une demande de marque communautaire ou la limitation de la liste des produits ou des services qu’elle contient doit être réalisé de façon expresse et non conditionnelle (arrêts ELLOS, point 39 supra, point 61, et Forme d’un bonbon, point 37 supra, point 19).

43

Certes, ainsi que le fait remarquer l’intervenante, les arrêts ELLOS, point 39 supra, et Forme d’un bonbon, point 37 supra, concernent des affaires où la requérante proposait, à titre subsidiaire, de limiter la liste des produits visés par la demande si la chambre de recours envisageait, à titre principal, de rejeter la demande de marque communautaire pour l’ensemble des produits visés. Ces affaires mettent plus l’accent sur le caractère conditionnel de la limitation proposée que sur la nécessité de formuler le retrait de ladite demande de façon expresse. Pour autant, cette spécificité factuelle ne saurait suffire pour conclure que la chambre de recours dispose, par voie de conséquence, de la possibilité de déduire un retrait implicite de la demande de marque communautaire de l’inactivité procédurale du demandeur lors d’une procédure d’opposition.

44

En effet, l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 ne vise que le demandeur d’une marque communautaire et non la chambre de recours. Celle-ci ne peut donc se prévaloir de cette disposition pour, en se substituant au demandeur, déduire de son comportement procédural une renonciation implicite à sa demande de marque. De plus, si la jurisprudence précitée envisage des situations de limitation de la liste des produits, la motivation des arrêts du Tribunal vise également expressément l’hypothèse du retrait pur et simple de la demande de marque (voir point 42 ci-dessus et la jurisprudence citée). La même logique s’impose dans les deux hypothèses étant donné qu’il appartient au demandeur d’indiquer «de façon expresse et non conditionnelle» le contenu qu’il entend donner à sa demande de marque. Il appartient alors à la division d’opposition et à la chambre de recours de se prononcer sur le contenu de cette demande en considération des arguments avancés dans le cadre de la procédure d’opposition. Ce raisonnement n’empêche pas l’OHMI d’enregistrer la marque demandée pour une partie seulement des produits ou des services désignés, mais cette limitation interviendra alors à l’issue de l’examen du risque de confusion qui était invoqué dans la présente affaire.

45

Au demeurant, il y a lieu de relever que le retrait implicite de la marque demandée constaté par la chambre de recours dans la décision attaquée s’applique à l’ensemble des produits visés par la demande de marque communautaire alors même que l’opposition n’était dirigée que contre une partie de ces produits (voir ci-dessus point 4). En toute hypothèse, il ne pourrait donc pas être déduit «de façon non équivoque» que le demandeur a perdu tout intérêt dans l’enregistrement de l’intégralité de la marque demandée du seul fait qu’il ne s’est pas défendu dans le cadre des procédures d’opposition et de recours devant l’OHMI visant une partie seulement des produits visés.

46

En conséquence, l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 ne peut être invoqué pour déduire le retrait implicite de la demande de marque communautaire du seul fait que son demandeur s’est abstenu d’intervenir dans le cadre des procédures d’opposition et de recours devant l’OHMI.

47

Pour ce qui est de la troisième étape du raisonnement de la chambre de recours, l’application par analogie des conditions d’une renonciation à des droits issus du droit exclusif conféré par la marque, qui ont été définies par la Cour dans l’arrêt Zino Davidoff et Levi Strauss, point 23 supra, ne s’impose pas dans la présente affaire compte tenu du contenu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 et de l’interprétation qui lui est donnée dans la jurisprudence. En l’espèce, il est sans importance de savoir si le consentement du titulaire d’une marque communautaire à la mise dans le commerce dans l’Espace économique européen (EEE) doit être expresse. En outre, la Cour a considéré au point 46 de l’arrêt Zino Davidoff et Levi Strauss, point 23 supra, que, même si «une telle volonté résulte normalement d’une formulation expresse du consentement[, il] ne saurait être exclu, que, dans certains cas, elle puisse résulter d’une manière implicite d’éléments et de circonstances antérieurs, concomitants ou postérieurs à la mise dans le commerce en dehors de l’EEE, qui, appréciés par le juge national, traduisent également, de façon certaine, une renonciation du titulaire à son droit.» Enfin, une telle application par analogie ne prend pas en considération le point 55 dudit arrêt, selon lequel «un consentement implicite à une commercialisation dans l’EEE de produits mis dans le commerce en dehors de celui-ci ne saurait résulter d’un simple silence du titulaire de la marque».

48

Il ressort de ce qui précède que la décision attaquée viole l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 et doit de ce fait être annulée.

49

Dans la mesure où une telle annulation se limite à examiner la base juridique invoquée par la chambre de recours dans la décision attaquée, le Tribunal estime approprié d’examiner également le troisième moyen qui concerne des règles dont l’application n’a pas été envisagée par la chambre de recours.

Sur le troisième moyen

, pris de la violation de la règle 20, paragraphe 3, et de la règle 50, paragraphe 1, du règlement no 2868/95

— Arguments des parties

50

La requérante fait valoir que la décision attaquée viole la règle 20, paragraphe 3, et la règle 50, paragraphe 1, du règlement no 2868/95, aux termes desquelles la chambre de recours statue sur le fond même si le demandeur ne présente aucune observation. Le fait qu’elle n’a pas présenté d’observations ne pourrait donc être interprété comme une renonciation implicite à sa demande de marque.

51

L’OHMI fait observer qu’il est normal que la réglementation applicable prévoie que la non-comparution du défendeur lors d’une procédure d’opposition ne peut entraîner automatiquement l’acceptation de l’opposition, dans la mesure où l’OHMI dispose déjà de suffisamment d’éléments pour statuer sur ladite opposition. La règle 20, paragraphe 3, imposerait donc à l’OHMI de statuer sur le fond du litige «en se fondant sur les preuves dont il dispose» et donc en agissant comme si le demandeur de la marque était présent. À cet égard, l’OHMI souligne que cette règle a été modifiée par le règlement (CE) no 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005, modifiant le règlement no 2868/95 (JO L 172, p. 4). Auparavant, il était indiqué que l’OHMI «peut statuer» sur l’opposition, alors qu’il «statue» désormais. Cette modification, rendue nécessaire à la suite de certaines décisions de chambres de recours qui soutenaient que le silence du demandeur valait acceptation de l’opposition, visait à clarifier le fait que l’absence du défendeur ne pouvait entraîner une perte des droits procéduraux.

52

L’intervenante fait valoir que les dispositions précitées n’excluent pas la possibilité de considérer que le fait de ne pas présenter de conclusions, tant dans la procédure d’opposition que dans la procédure de recours, puisse être assimilé au retrait de la demande de marque communautaire.

— Appréciation du Tribunal

53

La décision attaquée ne fait aucune référence au principe en application duquel tant la division d’opposition que la chambre de recours statuent sur le fond même si le demandeur de marque communautaire ne présente aucune observation dans le cadre de la procédure d’opposition.

54

Selon la règle 20, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, relatif à l’examen de l’opposition, «[s]i le demandeur ne présente aucune observation, l’[OHMI] statue sur l’opposition en se fondant sur les preuves dont il dispose». De même, conformément à la règle 50, paragraphe 1, du règlement no 2868/95, «[s]auf disposition contraire, les dispositions relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée sont applicables mutatis mutandis à la procédure de recours».

55

En l’absence de disposition contraire, la chambre de recours était donc tenue d’appliquer la règle 20, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 et, de ce fait, l’inactivité procédurale de la requérante au stade de la procédure d’opposition et de la procédure de recours ne pouvait être assimilée par la chambre de recours à une situation où le demandeur a implicitement retiré sa demande de marque.

56

En conséquence, la décision attaquée viole la règle 20, paragraphe 3, et la règle 50, paragraphe 1, du règlement no 2868/95 et doit de ce fait être annulée.


Conclusion


57

Il ressort de ce qui précède que les premier, deuxième et troisième moyens doivent être déclarés fondés et que, dès lors, la décision attaquée doit être annulée en application de chacun de ces moyens, sans qu’il soit besoin d’examiner le quatrième moyen, dont la première branche, prise de la violation de l’article 63, paragraphe 2, du règlement no 40/94, est avancée à titre subsidiaire par la requérante, et dont la seconde branche, prise de la violation de l’article 74, paragraphe 1, de ce même règlement no 40/94, présuppose l’existence d’une demande présentée par une partie.

Sur les dépens

58

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

59

L’OHMI ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est annulée, et la requérante ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la requérante.

60

L’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)

La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 26 avril 2006 (R 406/2004-2) est annulée.

2)

L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par Laytoncrest Ltd.

3)

Erico International Corp. supportera ses propres dépens.


Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mars 2009.

Signatures


Table des matières

Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le fond

Observations liminaires

— Arguments des parties

— Appréciation du Tribunal

Sur le premier moyen

, pris de la violation de l’article 73 du règlement no 40/94 et de la règle 54 du règlement no 2868/95

— Arguments des parties

— Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen

, tiré de la violation de l’article 44, paragraphe 1, du règlement no 40/94 et de la référence à l’arrêt Zino Davidoff et Levi Strauss

— Arguments des parties

— Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen

, pris de la violation de la règle 20, paragraphe 3, et de la règle 50, paragraphe 1, du règlement no 2868/95

— Arguments des parties

— Appréciation du Tribunal

Conclusion

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure: le grec.