Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 13 octobre
2024, la société Cantineo, représentée par Me Salamand, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'annuler la procédure de passation du marché public d'assistance à maîtrise d'ouvrage relative au marché de prestations de restauration collective, initié par la commune de Viry-Chatillon ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Viry-Châtillon la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'offre de la société attributaire était irrégulière, la société SPQR Conseil n'étant pas habilitée à exercer le droit à titre principal et ne pouvant valablement exécuter les prestations juridiques prescrites dans le cahier des clauses particulières, dès lors qu'elle n'a pas présenté sa candidature en groupement avec un cabinet d'avocats ou un professionnel de droit agréé ;
- le groupement des sociétés Cantineo et Fiducial by Lamy a été lésé dès lors que son offre, classée en deuxième position, aurait dû être retenue si la ville de Viry-Châtillon, laquelle a irrégulièrement avantagé la société SPQR Conseil, avait régulièrement conduit l'analyse des offres et écarté la société SPQR Conseil.
Par un mémoire en intervention et des pièces complémentaires, enregistrés le 4
novembre 2024, la société SPQR conseil conclut au rejet de la requête.
Elle soutient :
- qu'eu égard à son objet social et à son activité elle n'enfreint pas l'article
60 de la loi du 31 décembre 1971 et les points 1,6 et 10 du code de conduite professionnelle de l'ISQ ;
- le marché ne nécessite pas de réaliser des prestations de consultations juridiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5
novembre 2024, la ville de Viry-Châtillon, représentée par Me Guilmain, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société SPQR dispose d'une qualification accordée par l'organisme professionnel de qualification des conseils en management (OPQCM) lui permettant de donner à titre accessoire des consultations juridiques en lien avec son activité principale de conseil en restauration ;
- contrairement à ce que soutient la société requérante le marché en litige ne consiste pas à titre principal à réaliser des prestations juridiques de conseil et de rédaction d'actes sous seing privé ; l'activité de consultation juridique est bien accessoire par rapport à l'objet principal du contrat qui est une assistance à maîtrise d'ouvrage pour la passation d'un marché de restauration collective.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. Ouardes, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique du 5
novembre 2024 à 11h, tenue en présence de Mme Paulin, greffière d'audience :
- le rapport de M. Ouardes, juge des référés ;
- les observations de Me Cochet, substituant Me Salamand, pour la société requérante, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'elle précise ; elle soulève en outre un nouveau moyen tiré de l'imprécision des mentions du règlement de la consultation quant au périmètre des activités ;
- les observations de Me Cohen, substituant Me Guilmain, pour la ville de Viry-Châtillon, qui reprend les conclusions et moyens figurant dans le mémoire en défense ; elle fait valoir en outre que les missions ne sont pas imprécises mais au contraire parfaitement détaillées.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience à 11h43.
Considérant ce qui suit
:
1. La ville de Viry-Châtillon a lancé une procédure adaptée en vue de la passation d'un marché public d'assistance à la passation d'un contrat de concession de service public pour la restauration collective. Par un courrier en date du 11 octobre
2024, la ville de Viry-Châtillon a informé le groupement d'entreprise composé des sociétés Cantineo et Fiducial by Lamy du rejet de son offre et de l'attribution du marché à la société SPQR Conseil. Par la présente requête, la société Cantineo demande au juge du référé précontractuel d'annuler la procédure de passation de ce marché.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article
L. 551-3 de ce code : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ".
3. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le juge saisi peut ordonner à l'auteur d'un manquement aux dispositions auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l'article
L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.
4. Aux termes de l'article
54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : 1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66./ Les personnes mentionnées aux articles 56, 57 et 58 sont réputées posséder cette compétence juridique./ Pour les personnes exerçant une activité professionnelle réglementée mentionnées à l'article 59, elle résulte des textes les régissant./ Pour chacune des activités non réglementées visées à l'article 60, elle résulte de l'agrément donné, pour la pratique du droit à titre accessoire de celle-ci, par un arrêté, pris après avis d'une commission, qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes exerçant cette activité et souhaitant pratiquer le droit à titre accessoire de celle-ci.() S'il ne répond en outre aux conditions prévues par les articles suivants du présent chapitre et s'il n'y est autorisé au titre desdits articles et dans les limites qu'ils prévoient ". Aux termes de l'article 60 de la même loi : " Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ".
5. Il résulte de l'instruction que, d'une part, la société SPQR conseil est une société spécialisée dans la restauration collective composée d'experts du secteur de la restauration. Elle dispose à ce titre d'une qualification accordée par l'organisme professionnel de qualification des conseils en management (OPQCM). Elle dispose par suite de la capacité requise pour donner à titre accessoire des consultations juridiques relevant de son activité principale.
6. D'autre part, il ressort de l'instruction et notamment des documents de la consultation que contrairement à ce que soutient la société requérante, le marché en litige, dont au demeurant les missions sont parfaitement détaillées, ne consiste pas à titre principal à réaliser des prestations juridiques de conseil et de rédaction d'actes sous seing privé, mais à assurer une assistance à maîtrise d'ouvrage pour la passation d'un marché de restauration collective. Selon l'article premier du cahier des clauses particulières, le marché en litige concerne " la mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour le diagnostic, l'optimisation et la passation d'un marché de restauration collective pour la confection et la livraison de repas en liaison froide pour la restauration collective des membres du groupement de commandes ". L'article 4 relatif au contenu de la mission décompose les phases attendues. La phase 1 ne contient aucune prestation de nature purement juridique. S'agissant de la phase 2, la production des pièces du DCE du marché ne peut s'assimiler à la rédaction d'actes sous seing privé. Quant à l'analyse des offres comme la rédaction du rapport d'analyse prévues par la phrase 3, elles ne constituent pas davantage des prestations réservées aux professionnels du droit. Il suit de là que ces prestations de nature juridique doivent être regardées comme accessoires mais comme relevant directement de l'activité principale et, par suite, nécessaires à sa réalisation. Elles doivent dès lors être regardées comme en constituant l'accessoire au sens des articles
54 et
60 de la loi du 31 décembre 1971.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Cantineo ne peut qu'être rejetée. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties formées en application des dispositions de l'article
L 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E:
Article 1er : La requête de la société Cantineo est rejetée.
Article 2 : Les demandes des parties formées en application des dispositions de l'article
L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Cantineo et à la ville de Viry-Châtillon.
Fait à
Versailles, le
6 novembre 2024,
Le juge des référés,
signé
P. Ouardes
La greffière,
signé
S. PaulinLa République mande et ordonne à la préfète de l'Essonne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.