QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 52781/18
Armando CARVALHO SOARES
contre le Portugal
(voir tableau en annexe)
La Cour européenne des droits de l'homme (quatrième section), siégeant le 11 mars 2021 en un comité composé de :
Armen Harutyunyan, président,
Jolien Schukking,
Ana Maria Guerra Martins, juges,
et de Viktoriya Maradudina, greffière adjointe de section f.f.,
Vu la requête susmentionnée introduite le 29 octobre 2018,
Vu la déclaration du gouvernement défendeur invitant la Cour à rayer la requête du rôle,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
Les informations détaillées concernant le requérant se trouvent dans le tableau joint en annexe.
Le requérant a été représenté devant la Cour par Me V. Carreto, avocat exerçant à Torres Vedras.
Suite à sa condamnation à une peine d'emprisonnement, le 1er mars 2014, le requérant fut incarcéré à la prison de la police judiciaire de Lisbonne. Il fut transféré, le 13 juin 2014, à la prison de Caxias puis, le 27 octobre 2015, à la prison de Vale de Judeus où il occupe, depuis, une cellule individuelle de 6,94 m², avec un espace personnel de 5,59 m².
Les griefs que le requérant tirait de l'article 3 de la Convention (mauvaises conditions de détention) ont été communiqués au gouvernement portugais (« le Gouvernement »).
EN DROIT
Le Gouvernement a avisé la Cour qu'il proposait de prononcer une déclaration unilatérale en vue de régler les questions soulevées par ces griefs. Il a en outre invité la Cour à rayer la requête du rôle conformément à l'article 37 de la Convention.
La déclaration prévoit ceci :
« Je soussignée. M. F. da Graça Carvalho, Procureur général adjoint et Agent du Gouvernement déclare que le Gouvernement portugais offre de verser à Armando Carvalho Soares, la somme de 11 000 (onze mille) euros, couvrant tout préjudice moral, et la somme de 1 200 (mille deux cents) euros couvrant l'ensemble des frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par le requérant, au titre de la requête enregistrée sous le no 52781/18.
Ces sommes seront exemptes de toute taxe éventuellement applicable et elles seront payées dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de radiation de l'affaire. Le paiement vaudra règlement définitif de l'affaire.
À défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s'engage à verser, à compter de l'expiration de celui-ci et jusqu'au règlement effectif des sommes en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne augmenté de trois points de pourcentage.
En effet, le Gouvernement reconnaît que les conditions de détention, notamment en ce qui concerne la surface des cellules pendant la période du 1er mars 2014 jusqu'au 27 octobre 2015 ne sont pas conformes aux exigences de la jurisprudence de la Cour européenne découlant de l'article 3 de la Convention, telles que définies entre autres, par l'arrêt rendu par la Grande Chambre dans l'affaire Muršić c. Croatie. Par conséquent, la situation à laquelle se rapporte la requête ne se montre pas en conformité avec cette norme conventionnelle telle qu'interprétée par la Cour.
Le Gouvernement demande ainsi la radiation de l'affaire du rôle, par la Cour, sur le fondement de l'article 37 § 1 e) de la Convention. »
Les termes de cette déclaration unilatérale ont été transmis au requérant. Celui-ci a rejeté la proposition contestant le montant proposé pour le dommage moral.
La Cour rappelle que l'article 37 § 1 c) de la Convention lui permet de rayer une affaire du rôle si :
« (...) pour tout autre motif dont [elle] constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête ».
Ainsi, en vertu de cette disposition, la Cour peut rayer des requêtes du rôle sur le fondement d'une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur, même si les requérants souhaitent que l'examen de leur affaire se poursuive (voir, en particulier, l'arrêt Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75-77, CEDH 2003-VI).
La jurisprudence de la Cour en matière de conditions de détention est claire et abondante (voir, par exemple, Muršić c. Croatie [GC], no 7334/13, §§ 136-141, 20 octobre 2016, et, concernant le Portugal, Petrescu c. Portugal, no 23190/17, §§ 97-101, 3 décembre 2019 et Bădulescu c. Portugal, no 33729/18, § 27, 20 octobre 2020).
Eu égard aux concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, s'agissant de la période pendant laquelle le requérant a été détenu entre le 1er mars 2014 et le 27 octobre 2015, ainsi qu'au montant des indemnisations proposées (montant qui est conforme à ceux alloués dans des affaires similaires), la Cour estime qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête en cette partie (article 37 § 1 c)).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, la Cour estime que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles n'exige pas par ailleurs qu'elle poursuive l'examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l'article 37 § 2 de la Convention (voir Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rayer la requête du rôle en ce qui concerne les griefs que le requérant formulait sur le terrain de l'article 3 de la Convention s'agissant de ses périodes de détention à la prison de la police judiciaire de Lisbonne et à la prison de Caxias.
À la lumière de sa jurisprudence (voir, Bokor c. Portugal, no 5227/18, § 34, 10 décembre 2020), la Cour a examiné le restant de la requête et constate, au vu de l'ensemble des éléments en sa possession, et pour autant que les faits litigieux relèvent de sa compétence, que ces griefs soit ne remplissent pas les critères de recevabilité énoncés aux articles 34 et 35 de la Convention, soit ne révèlent aucune apparence de violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses Protocoles.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
Par ces motifs
, la Cour, à l'unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur, pour ce qui est des griefs concernant les mauvaises conditions de détention à la prison de la police judiciaire de Lisbonne et à la prison de Caxias, et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
Décide de rayer cette partie de la requête du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Fait en français puis communiqué par écrit le 1er avril 2021.
{signature_p_2}
Viktoriya Maradudina Armen Harutyunyan
Greffière adjointe f.f. Président
ANNEXE
Requête concernant des griefs tirés de l'article 3 de la Convention
(mauvaises conditions de détention)
Numéro et
date d'introduction
de la requête
Nom du requérant et année de naissance
Nom et
ville du représentant
Date de réception de la déclaration du Gouvernement
Date de réception de la lettre du requérant
52781/18
29/10/2018
Armando CARVALHO SOARES
1973
Carreto Vitor
Torres Vedras
20/11/2019
06/01/2020