Cour d'appel de Paris, 14 février 2020, 2019/06114

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2019/06114
  • Domaine de propriété intellectuelle : BREVET
  • Numéros d'enregistrement : EP0720599 ; FR05C0040
  • Parties : MYLAN SAS / MERCK SHARP & DOHME Corp. (États-Unis) ; MSD FRANCE SAS
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 7 mars 2019
  • Président : Mme Anne-Marie GABER
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2020-02-14
Tribunal de grande instance de Paris
2019-03-07

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS

ARRÊT

DU 14 FEVRIER 2020 Pôle 5 - Chambre 2 (n°27, 14 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 19/06114 - n° Portalis 35L7-V-B7D-B7R5K Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 07 mars 2019 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°17/14664 APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE S.A.S. MYLAN, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé [...] 69800 SAINT-PRIEST Immatriculée au rcs de Lyon sous le numéro 399 295 385 Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque K 111 Assistée de Me Denis S, avocat au barreau de PARIS, toque A 948, Me Ombeline D, avocat au barreau de PARIS, toque A 948 INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES Société MERCK SHARP & DOHME CORP., société de droit américain, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé One Merck Drive Whitehouse Station NJ 08889 ETATS-UNIS D'AMERIQUE S.A.S. MSD FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Immeuble Carré Michelet 10-12, cours Michelet 92800 PUTEAUX Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 417 890 589 Représentées par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477 Assistées de Me Laëtitia B plaidant pour ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 022 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Françoise BARUTEL, Conseillère qui en ont délibéré Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile. Greffière lors des débats : M Carole T ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par M Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition. Vu l'ordonnance contradictoire du juge de la mise en état de la 3ème chambre 1ère section du tribunal de grande instance de Paris rendue le 7 mars 2019 ; Vu l'appel interjeté le 20 mars 2019 par la société Mylan ; Vu les dernières conclusions (conclusions n°3) remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 28 octobre 2019 par la société Mylan, appelante et intimée incidente ; Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) remises au greffe et notifiées, par voie électronique le 25 octobre 2019 par les sociétés Merck Sharp & Dohme Corp et MSD France (ensemble sociétés MSD), intimées et appelantes incidentes ; Vu l'ordonnance de clôture du 31 octobre 2019.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties. Il sera simplement rappelé que la société MSD Corp appartient au groupe pharmaceutique américain Merck & Co. Elle a une activité dans le domaine de la recherche et notamment concernant les médicaments contre l'hypercholestérolémie. La société MSD France distribue en France les produits de la société MSD Corp. La société MSD Corp est titulaire du brevet européen désignant la France n°0 720 599 (EP 599) intitulé 'composés d'azétidinone hydroxy-substitués efficaces en tant qu'agents hypocholestérolémiques', déposé le 14 septembre 1994 et publié le 19 mai 1999. Il a expiré le 14 septembre 2014. Il est exposé que la société MSD Corp a découvert une nouvelle classe de composés appelés azétidinones hydroxy-substitués, qui abaissent le cholestérol par le biais d'un nouveau mécanisme d'action, l'inhibition de la résorption du cholestérol par l'intestin. Le brevet EP 599 vise cette nouvelle classe de composés hypocholestérolémiques à laquelle appartient l'ézétimibe, ainsi que de nouvelles combinaisons comprenant de l'ézétimibe avec différents inhibiteurs de la biosynthèse du cholestérol, et notamment des statines (iovastatine, prévastatine, fluvastatine, simvastatine, C1-981), des inhibiteurs HMG CoA synthétase (L-659), des inhibiteurs de la synthèse du squalène (squalestatine 1), des inhibiteurs de squalène epoxydase (NB 598) et autres inhibiteurs de la biosynthèse du cholestérol (DMP-565) (revendications 9, 16 et 17). La protection conférée par ce brevet a été étendue par deux demandes de certificats complémentaires de protection (CCP) : - le CCP n°03C0028 (n°028) délivré par l'INPI le 4 février 2005 sur la base du brevet EP 599 et de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit ézétimibe commercialisé sous la marque EZETROL. Pour la France, la 1ère AMM a été accordée le 11 juin 2003. Ce CCP a expiré le 17 avril 2018. - le CCP n°05C0040 (n°040) délivré par l'INPI le 21 décembre 2006 sur la base du brevet EP 599 et de l'AMM pour le produit de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine commercialisé sous la marque INEGY. Pour la France, la 1ère AMM a été octroyée le 28 juillet 2005. Ce CCP a expiré le 2 avril 2019. Sur la base du brevet EP 599, la société MSD Corp a déposé une autre demande de CCP N°14C0068 (n°068) le 12 septembre 2014 pour la composition de principes actifs 'ézétimibe en combinaison avec l'atorvastatine'. L'INPI a rejeté cette demande par décision du 5 février 2018. Par arrêt du 22 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a rejeté le recours formé par la société MSD à l'encontre de cette décision. La société Mylan spécialisée dans la fabrication de médicaments génériques, a déposé en France des demandes d'AMM pour les spécialités ézétimibe/ simvastatine Mylan 10mg/20mg, comprimé et 10mg/40mg, comprimé et obtenu les AMM pour la spécialité d'ézétimibe / simvastatine le 22 novembre 2017. Par exploit d'huissier du 17 octobre 2017, elle a fait assigner la société MSD Corp devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins d'annulation du CCP n°040. La société Mylan, nonobstant une lettre de mise en demeure des sociétés MSD en date du 26 mars 2018, a commencé la commercialisation de sa spécialité ézétimibe/simvastatine à compter du 18 avril 2018. Selon conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2018, la société MSD Corp. et la société MSD FRANCE, intervenante volontaire, ont saisi le juge de la mise en état de demandes de mesures provisoires sur le fondement des articles 771 du code de procédure civile et L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle. Par ordonnance dont appel, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a notamment : - dit dépourvue de sérieux la contestation de la société Mylan portant sur la validité du CCP n°040 ; - dit qu'en commercialisant à partir du 18 avril 2018, les spécialités génériques d'ézétimibe/ simvastatine Mylan, la société Mylan a été l'auteur d'une contrefaçon vraisemblable du CCP n°040 ; - fait interdiction à la société Mylan jusqu'au 2 avril 2019 inclus de fabriquer, offrir en vente, importer, exporter ou détenir aux fins précitées des produits pharmaceutiques reproduisant le CCP n°040, sous astreinte de 1 000 euros par produit constaté ; - ordonné le rappel et le retrait des produits contrefaisants des réseaux de distribution, sous astreinte de 100 euros par produit constaté ; - ordonné la communication notamment des noms et adresses des fabricants, des quantités produites et livrées ainsi que de documents comptables, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; - autorisé les sociétés MSD à faire procéder par tout huissier instrumentaire à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant le CCP n°040 dans les locaux de la société Mylan, si besoin avec l'assistance d'un officier de police, d'un serrurier et d'un informaticien ; - condamné la société Mylan à payer une provision de 2 901 779 euros pour la période d'avril 2018 à janvier 2019 à la société MSD France, et de 1 460 889 euros pour la période d'avril 2018 à janvier 2019 à la société MSD Corp, outre la somme globale de 70 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - débouté les sociétés MSD de leur demande de publication : - réservé les dépens de l'incident et dit qu'ils seront joints au fond. Par ordonnance du 19 septembre 2019, le conseiller délégataire du Premier Président de la présente cour, saisi d'une demande de radiation du rôle par les sociétés MSD, les a déboutées, considérant que les sommes dues au principal au titre de l'exécution provisoire sont payées, que la société Mylan justifie d'un ordre de rappel et d'une facture de destruction, et que l'absence de justification du rappel de l'intégralité des lots ne suffisait pas à justifier la radiation du rôle sollicitée qui aurait alors des conséquences manifestement excessives. Des procédures parallèles portant sur le CCP délivré pour le produit de combinaison ézétimibe et simvastatine opposent les sociétés MSD à différents génériqueurs en Europe. Diverses juridictions ont fait droit aux demandes d'interdiction provisoire formées par les sociétés MSD, et notamment le tribunal d'Oslo par décision du 21 septembre 2018 confirmée par la cour d'appel de Borgarting le 21 décembre 2018, le tribunal de Prague le 28 août 2018, le tribunal arbitral portugais le 7 septembre 2018, le tribunal de commerce de Bruxelles le 21 décembre 2018, le tribunal de Vienne le 23 janvier 2019 par décision confirmée par la cour d'appel de Vienne le 10 juillet 2019. Certaines juridictions ont refusé d'ordonner les mesures sollicitées et jugé que le CCP n°040 est vraisemblablement nul et notamment le tribunal de La Haye le 11 juin 2018, la cour d'appel de La Haye par décision du 23 octobre 2018, le tribunal régional de Dusseldorf par décision du 1er octobre 2018 confirmée par la cour d'appel de Dusseldorf le 15 mars 2019 et le tribunal régional de Barcelone le 12 septembre 2018. Sur la recevabilité de la note et de la pièce produite par la société Mylan après l'ordonnance de clôture Par notification électronique du 10 décembre 2019 la société Mylan a produit une note en délibéré de quatre pages ainsi qu'une pièce relative à une décision irlandaise rendue le 29 novembre 2019. Les sociétés MSD, selon courrier communiqué par voie électronique le 19 décembre 2019, demandent d'écarter des débats tant la note que la pièce qui y est jointe. En application de l'article 445 du code de procédure civile, la note et la pièce qui y est jointe communiquées par la société Mylan postérieurement à la clôture, et dont la communication n'a pas été autorisée par la cour seront écartées des débats. Sur la recevabilité de l'appel interjeté par la société Mylan Les sociétés Merck soutiennent que les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur plusieurs demandes ne sont susceptibles d'appel immédiat qu'en ce qui concerne les exceptions limitativement énumérées par l'article 776 du code de procédure civile, de sorte que l'appel de la société Mylan est irrecevable en ce qui concerne les chefs qui ne se rapportent pas aux dommages et intérêts provisionnels, les autres mesures provisoires d'interdiction, de retrait, de saisie et de droit à l'information ne pouvant faire l'objet d'un appel qu'avec le jugement au fond. La société Mylan fait valoir que l'ordonnance ayant accordé la provision peut être frappée d'appel dans son ensemble. En application de l'article 776 4° du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d'appel lorsqu'elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. En ouvrant ainsi un recours à l'encontre des ordonnances qui 'ont trait aux provisions', ce texte a entendu autoriser l'appel desdites ordonnances dans leur ensemble sans limiter cette faculté à leurs seules dispositions relatives aux provisions. En l'espèce l'ordonnance litigieuse a condamné la société Mylan en paiement de provisions et ordonné en outre à son encontre des mesures d'interdiction, de retrait, de saisie et de droit à l'information. L'appel de la société Mylan qui a expressément visé tous les chefs de l'ordonnance critiquée est en conséquence recevable sur le fondement de l'article 776 4° susvisé. Le moyen des sociétés MSD aux fins d'irrecevabilité partielle de l'appel sera donc rejeté. Sur le cadre procédural de l'instance Il n'est pas discuté que le juge de la mise en état est exclusivement compétent en application de l'article 771 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable et ordonner toutes autres mesures provisoires même conservatoires, et notamment celles prévues par l'article L 615-3 du code de la propriété intellectuelle destinées à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La cour rappelle en outre que l'article 3 §2 de la directive européenne 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle à la lumière de laquelle l'article L 615-3 susvisé doit être interprété énonce que 'les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif, et que le considérant 22 de l'exposé des motifs de ladite directive énonce qu'il y a lieu de veiller à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et que 'ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle'. En application de ces dispositions le juge de la mise en état, saisi d'une demande d'interdiction notamment de fabrication, d'offre à la vente, d'importation, d'exportation, ainsi que d'injonction de retrait et de rappel des produits des réseaux de distribution, y compris des pharmacies, ainsi que de communication de documents comptables et de condamnation provisionnelle à une somme totale de plus de 21 millions d'euros, doit apprécier l'existence de contestations sérieuses sur la validité du titre, en l'occurrence le CCP n°040 dont la contrefaçon vraisemblable est alléguée, et le cas échéant, s'agissant de mesures provisoires sollicitées avant tout jugement au fond, la proportionnalité desdites mesures au cas d'espèce, et notamment la gravité et le caractère irréparable du préjudice prétendument subi. Sur l'existence de contestations sérieuses de la validité du CCP n° 040 La société Mylan fait valoir que : - le brevet litigieux ne contient qu'un seul produit nouveau à savoir l'ézétimibe pour lequel un CCP a déjà été octroyé de sorte qu'en application de la jurisprudence de la CJUE Boehringer un nouveau CCP ne pouvait être accordé ; - la décision Boehringer commande d'identifier l'objet de l'invention pour déterminer combien de CCP peuvent être délivrés, un nouveau CCP ne pouvant être délivré chaque fois qu'un produit de combinaison est mentionné dans une revendication ; - il ne suffit pas de lister des produits dans les revendications pour que ceux-ci fassent automatiquement partie de l'invention et soient protégeables par un CCP ; la question est de savoir si la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine constitue une innovation distincte par rapport à l'ézétimibe tout seul ; si l'on suit l'interprétation des sociétés MSD, alors toute combinaison de produit mentionnée dans un brevet dans des revendications dépendantes pourrait faire l'objet d'un CCP, ce qui rendrait la règle de non-cumul des CCP, édictée notamment dans l'arrêt Boehringer, sans objet ; - le brevet de base liste un grand nombre de produits pouvant se combiner avec l'ézétimibe à savoir 5 classes de médicaments et 8 médicaments spécifiques ; si l'on suit la thèse de la société MSD, chacune de ces grandes classes de médicaments et chaque médicament individuel fait partie de son invention et constituerait donc une invention brevetable pouvant donner lieu à l'obtention d'un CCP de sorte qu'au moins une dizaine de CCP pourraient être octroyés sur la base de ce brevet ; - rien dans le brevet ne porte sur ces combinaisons, leurs effets et leurs éventuels avantages par rapport à l'art antérieur ; la simvastatine n'est mentionnée que dans deux paragraphes du brevet de base, paragraphes dans lesquels il est proposé de combiner l'ézétimibe avec, en substance, tous les produits anti-cholestérolémiants connus de l'époque, dont la simvastatine ; il ne s'agit là que d'une énumération, le brevet ne contenant aucune donnée médicale ou biologique soutenant les effets allégués à la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine ; - cette pratique est tout à fait courante pour la société MSD qui lorsqu'elle dépose un brevet pour de nouveaux principes actifs permettant de lutter contre le cholestérol, ajoute un court passage évoquant la possibilité de combiner le nouveau principe actif avec des médicaments anticholestérolémiant déjà connus ; - les dosages contenus dans le brevet sont ceux donnés pour tous les inhibiteurs de HMG-CoA réductase, connus dans l'art antérieur, notamment de la simvastatine ainsi qu'il résulte du document Illingsworth de 1988 cité dans le brevet ; - l'art antérieur enseignait les avantages de combiner aux statines, comme la simvastatine, autorisée à la vente depuis 1988, d'autres principes actifs pour traiter les patients atteints d'hypercholestérolémie ; pour l'homme du métier, combiner des statines, qui constituaient une classe de médicaments connue pour traiter l'hypercholestérolémie, avec un tout nouveau médicament, également actif pour traiter cette maladie, était une approche systématique ; - de nombreuses antériorités indiquaient qu'il fallait combiner des agents anti-hypercholestérolémiants ayant des mécanismes d'action différents sur le métabolisme du cholestérol ; les séquestrants d'acides biliaires tout comme l'ézétimibe, certes selon un mode d'action moléculaire différent, empêchent l'absorption par le système digestif du cholestérol présent dans l'alimentation ; les statines, en revanche, inhibent la synthèse du cholestérol à l'intérieur du corps ; ces deux modes d'action, qui réduisent le cholestérol à des étapes différentes, sont parfaitement complémentaires pour l'homme du métier, l'un consiste à absorber moins de cholestérol à partir de la nourriture et l'autre consiste à synthétiser moins de cholestérol dans le sang ; - la simple juxtaposition de l'ézétimibe et de la simvastatine ne produit pas un effet thérapeutique nouveau ou synergique ; cette combinaison ne constitue donc pas un produit distinct de l'ézétimibe seul protégé en tant que tel par le brevet de base et justifiant l'octroi d'un second CCP ; - le seul paragraphe cité par la société MSD pour prétendre que les données contenues dans le brevet rendraient plausible l'efficacité de la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine sont, d'une part, le paragraphe [0061] qui se borne à dire que l'ézétimibe est efficace pour abaisser le taux de cholestérol, d'autre part, le [0008] qui fait référence à l'art antérieur Illingworth (1988) ; - la combinaison de simvastatine et d'ézétimibe ne forme pas une seconde invention, indépendante de la première constituée par l'ézétimibe seul, dont elle est une variation ou une déclinaison ; le premier CCP 028 portant sur l'ézétimibe a épuisé les droits du breveté à obtenir une extension de son monopole ; - le premier CCP sur l'ézétimibe permettait déjà au breveté de s'opposer à la commercialisation d'ézétimibe combiné avec tout autre produit de sorte que le second CCP ne peut être valable ; - les arguments de nullité du CCP n° 040 sont en conséquence sérieux. Les sociétés MSD font valoir que : - le CCP n°040 est valable en ce qu'il respecte les conditions posées par le règlement CCP dans la mesure où la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine constitue un 'produit' qui est 'protégé par un brevet de base en vigueur' au sens de l'article 3(a) et que ce 'produit' n'a pas 'déjà fait l'objet d'un certificat' au sens de l'article 3(c) ; - la récente décision Teva c. Gilead du 25 juillet 2018 apporte une solution définitive qui s'impose à toutes les juridictions des États membres sur l'interprétation du terme 'produit' de l'article 3(a) du Règlement précité lorsqu'un produit est explicitement mentionné en tant que tel dans les revendications du brevet de base, ce qui commande la solution du présent litige ; - les inhibiteurs de la biosynthèse du cholestérol, parmi lesquels les inhibiteurs de l'HMG CoA réductase et la simvastatine sont explicitement revendiqués en tant que tels respectivement par chacune des revendications 9, 16 et 17, et sont décrits en tant que tels aux paragraphes [0028] et [0066] du brevet, de sorte que chacune des substances ézétimibe et simvastatine est explicitement mentionnée dans la revendication 17, ce qui implique que les conditions de l'article 3(a) sont satisfaites ; - de manière surabondante, au vu des revendications 9 et 16, pour l'homme du métier, sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine relève nécessairement, à la lumière de la description et des dessins de ce brevet, de l'invention couverte par celui-ci et chacun desdits principes actifs est spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet ; - le produit de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine n'a pas déjà fait l'objet d'un CCP au sens de l'article 3(c) du Règlement CCP selon la jurisprudence de la CJUE et notamment la décision Georgetown qui confirme que plusieurs produits peuvent être protégés en tant que tels par un brevet de base et que la délivrance d'un CCP pour un premier produit protégé par le brevet de base n'empêche pas la délivrance d'un CCP pour un deuxième produit également protégé par le même brevet ; - le produit de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine constitue un objet de l'invention conformément à l'article 3(c) du règlement CCP ainsi que cela ressort du premier paragraphe du brevet indiquant que l'invention se rapporte a de l'ézétimibe dans le traitement et la prévention de l'athérosclérose et à la combinaison d'ézétimibe et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol pour le traitement et la prévention de l'athérosclérose, de sorte que le brevet EP 599 porte, d'une part, sur le composé d'ézétimibe et, d'autre part, sur la combinaison de l'ézétimibe et d'un inhibiteur de la HMG CoA réductase tel que la simvastatine ; - le brevet EP 599 fait spécifiquement référence aux produits de combinaison comme un objet de l'invention et contient de nombreux paragraphes décrivant les produits de combinaison de sorte que l'homme du métier aurait compris que le produit de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine est un objet de l'invention ; - la décision Gilead a rejeté le concept d'activité inventive centrale en recentrant l'appréciation de l'article 3(a) du Règlement sur ce qui constitue l' 'objet de l'invention' de sorte que les arguments soulevés par la société Mylan pour contester la validité du CCP n°040 sont sans pertinence ; - les produits expressément mentionnés dans les revendications constituent automatiquement des produits conformes à l'article 3(a) du Règlement CCP ; - même à considérer qu'il faille appliquer le nouveau critère à deux volets pour les produits expressément revendiqués, ce produit de combinaison permet effectivement de résoudre le problème technique visé dans le brevet, à savoir le développement de médicaments plus efficaces que ceux connus antérieurement dans le traitement et la prévention de l'athérosclérose ; - l'information contenue au [0061] selon laquelle les composés d'azétidinone hydroxy-substitués revendiqués (tels que l'ézétimibe) permettent d'inhiber l'absorption intestinale du cholestérol et de réduire significativement la formation d'esters cholestéryliques du foie, combinée avec les informations générales de l'homme du métier citées au [0006] du brevet sur le mécanisme d'action des inhibiteurs de la HMG-CoA réductase (tels que la simvastatine) rendaient plausible le fait que la combinaison d'ézétimibe avec de la simvastatine était efficace pour le traitement de l'athérosclérose ; - les associations médicamenteuses mentionnées par la société Mylan n'étaient envisagées à la date de priorité que de manière exceptionnelle dans le traitement des formes les plus sévères de l'hypercholestérolémie et les risques d'effets secondaires dus à des interactions médicamenteuses étaient élevées de sorte que l'affirmation de la société Mylan selon laquelle il aurait été évident d'envisager des associations médicamenteuses pour le traitement de l'hypercholestérolémie est fausse et contredite par ses propres documents de l'art antérieur ; - les quelques associations médicamenteuses correspondaient à des associations de séquestrants d'acides biliaires avec d'autres agents hypercholestérolémiques de sorte qu'il est faux d'affirmer que les statines étaient considérées comme des candidats privilégiés et évidents pour la conception d'associations médicamenteuses destinées au traitement et à la prévention de l'athérosclérose ; les statines étaient seulement testées parfois avec des séquestrants d'acides biliaires en raison de leurs mécanismes d'action complémentaires ; - l'affirmation de la société Mylan selon laquelle le brevet EP 599 ne contiendrait aucune donnée technique supportant l'existence d'une invention additionnelle est totalement infondée ; en effet, le brevet EP 599 explique que les composés d'azétidinone hydroxyl-substitués sont efficaces pour inhiber l'absorption intestinale du cholestérol et pour réduire significativement la formation d'esters cholestéryliques du foie ; cette information combinée aux connaissances de l'homme du métier concernant le mécanisme d'action des inhibiteurs de la HMG- CoA réductase, tel que la simvastatine, rendait plausible que les deux principes actifs soient efficaces dans le traitement et la prévention de l'athérosclérose ; - le brevet EP 599 ne se contente pas de décrire le procédé de fabrication d'une nouvelle classe de composés en tant qu'agents hypercholestérolémiques ; il ne s'agit là que d'un premier objet de l'invention ; le brevet EP 599 divulgue, en outre, le mécanisme d'action de ces composés et c'est notamment grâce à cet enseignement additionnel que les inventeurs du brevet EP 599 ont été en mesure de concevoir une combinaison de principes actifs (tels que l'ézétimibe et la simvastatine) dont il était crédible qu'elle serait efficace dans la prévention et le traitement de l'athérosclérose sans engendrer d'effets secondaires problématiques compte-tenu de la complémentarité du mécanisme d'action de l'ézétimibe (divulgué dans le brevet EP 599) et de la simvastatine (connu de l'art antérieur et mentionné dans le préambule du brevet EP 599). Il s'agit du deuxième objet de l'invention selon le brevet EP 599 ; ce cas d'espèce est donc différent des affaires Sanofi C 577/13 et Boehringer C 443/12 en ce que le mécanisme d'action des composés d'azétidinomes (tel que l'ézétimibe) n'était pas connu de l'état de la technique ; - ces résultats ont été confirmés par la suite dans le cadre d'essais non-cliniques et cliniques ayant abouti à la délivrance des AMM de la spécialité INEGY®, et notamment une étude réalisée en 2001 sur un groupe de chiens démontrant que l'utilisation combinée d'ézétimibe et d'un inhibiteur de la HMG-CoA réductase tel que la simvastatine permet d'obtenir une réduction synergique des taux de cholestérol dans le plasma, par rapport aux résultats obtenus par chacun de ces composés individuellement ; le résumé des caractéristiques du produit INEGY® fait également état d'une étude multicentrique, en double aveugle, réalisée sur 214 patients diabétiques démontrant que la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine permet de réduire les doses de simvastatine habituellement administrées au patient, tout en produisant de meilleurs résultats grâce à l'inhibition concomitante de l'absorption du cholestérol intestinal de sorte que la société Mylan échoue à prouver que l'efficacité de la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine ne serait pas démontrée ; les professeurs Assmann (sollicité par la société Merck) et März (intervenant à la demande de la société Mylan) s'accordent à considérer qu'il est établi par des études cliniques d'ampleur que le produit de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine abaisse en toute sécurité le cholestérol LDL bien au-delà de 50 % et élimine ainsi la nécessité d'utiliser des doses élevées de statines qui augmenteraient le risque de myotoxicité ; - l'invention de combinaison de l'ézétimibe et la simvastatine ne réside pas dans la juxtaposition de deux substances actives connues dont les mécanismes d'action étaient connus, mais dans la découverte d'une substance active dont les inventeurs ont compris que le mécanisme d'action était compatible avec celui des inhibiteurs de la HMG-CoA réductase pour améliorer le traitement et la prévention de l'athérosclérose tout en diminuant les effets secondaires des traitements existants. Il convient de rappeler que l'article 3 du règlement CE n°469/2009 du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, (le règlement) dispose : 'le certificat est délivré, si, dans l'État membre où est présentée la demande visée à l'article 7 et à la date de cette demande : a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ; b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE suivant les cas ; c) le produit n'a pas déjà fait l'objet d'un certificat ; d) l'autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament'. L'article 1er de ce règlement définit le 'produit' comme 'le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament', et le 'brevet de base' comme 'un brevet qui protège un produit en tant que tel, (...)'. Il n'est pas discuté, ainsi qu'il résulte des arrêts de la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) Sanofi C443/12 et Georgetown C484/12 du 12 décembre 2013, qu''un brevet protégeant plusieurs produits distincts peut certes permettre en principe d'obtenir plusieurs CCP en lien avec chacun de ces produits distincts, pour autant notamment que chacun de ceux-ci soit protégé en tant que tel par ce brevet de base au sens de l'article 3, sous a), du règlement n° 469/2009, lu en combinaison avec l'article 1er, sous b) et c)'. L'article 3 sous a) doit être lu à la lumière de la décision Gilead C121- 17 du 25 juillet 2018, par laquelle la Grande Chambre de la CJUE, a dit pour droit : « L'article 3, sous a), du règlement doit être interprété en ce sens qu'un produit composé de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné est protégé par un brevet de base en vigueur, au sens de cette disposition, dès lors que la combinaison des principes actifs qui le composent, même si elle n'est pas explicitement mentionnée dans les revendications du brevet de base, est nécessairement et spécifiquement visée dans ces revendications. À cette fin, du point de vue de l'homme du métier et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base : - la combinaison de ces principes actifs doit relever nécessairement, à la lumière de la description et des dessins de ce brevet, de l'invention couverte par celui-ci et - chacun desdits principes actifs doit être spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par ledit brevet ». Il ne peut être déduit de cette décision comme le prétendent à tort les sociétés MSD et comme l'a jugé le juge de la mise en état, que si les revendications du brevet de base mentionnent explicitement les principes actifs composant le produit alors, sans autre examen, la condition posée par l'article 3 a) du règlement est satisfaite. Il résulte au contraire des termes mêmes de l'avant dire droit de la décision CJUE ci-dessus rappelée et notamment de l'utilisation de l'expression 'A cette fin' que la cour ne distingue pas entre le cas où les principes actifs sont explicitement mentionnés et ceux où ils ne le sont qu'implicitement. Dans tous les cas il convient de procéder à l'évaluation en deux volets formalisée par la décision Gilead C121-17 susvisée, et ce du point de vue de l'homme du métier et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, la CJUE ayant rappelé d'une part, au considérant 35 de cette décision, les termes de l'article 1er du protocole interprétatif de l'article 69 de la CBE selon lequel les revendications 'ne doivent ni uniquement servir de lignes directrices ni être lues comme signifiant que l'étendue de la protection conférée par un brevet est déterminée par le sens étroit et littéral du texte des revendications', d'autre part au considérant 47, le principe commun aux droits des brevets des États membres selon lequel c'est par référence au point de vue de l'homme du métier qu'il y a lieu d'interpréter les revendications d'un brevet et, partant, de déterminer si le produit qui fait l'objet d'un CCP relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet. Le considérant 48 de ladite décision indique la méthode d'appréciation : 'A cette fin, il s'agit de vérifier si l'homme du métier peut comprendre de façon univoque, sur le fondement de ses connaissances générales et à la lumière de la description et des dessins de l'invention contenus dans le brevet de base, que le produit visé dans les revendications du brevet de base est une caractéristique nécessaire pour la solution du problème technique divulguée par ce brevet'. La cour précise au considérant suivant qu' 'aux 'ns d'apprécier si un produit relève de l'invention couverte par un brevet de base, il convient d'avoir uniquement égard à l'état de la technique à la date du dépôt ou à la date de priorité de ce brevet' et au considérant 50, qu''en effet, s'il était admis qu'une telle appréciation puisse être effectuée à l'aune de résultats issus de la recherche intervenue après la date de dépôt ou de priorité du brevet de base, un CCP pourrait permettre à son titulaire de bénéficier indûment d'une protection pour ces résultats alors même que ceux-ci n'étaient pas encore connus à la date de priorité ou de dépôt dudit brevet et, de surcroît, en dehors de toute procédure visant à l'obtention d'un nouveau brevet'. Au cas d'espèce, l'appréciation du caractère sérieux de la contestation de la validité du CCP litigieux, qui est le deuxième CCP octroyé le 21 décembre 2006 sur le fondement du brevet de base EP 599 pour le produit de composition d'ézétimibe et de simvastatine, un premier CCP ayant été délivré le 4 février 2005 pour le produit ézétimibe seul, doit être faite au regard également des décisions de la CJUE Sanofi C 443/12 du 2 décembre 2013 et Boehringer C577/13 du 12 mars 2015 qui concernent des faits approchant ceux de la présente instance, et notamment la circonstance selon laquelle de nombreux produits sont protégés par le brevet de base en vigueur, étant observé qu'il n'est pas contesté que le brevet litigieux EP 599 liste expressément dans ses revendications, cinq classes de produits et huit produits individuels pouvant se combiner avec un azétidinone hydroxy substitué. L'affaire Sanofi C 443/12 concerne en effet un brevet couvrant une famille de composés à laquelle appartient l'irbésartan, principe actif antihypertenseur, et visant dans la revendication 20, la composition pharmaceutique de l'irbésartan notamment avec un diurétique. Sur le fondement dudit brevet, Sanofi a obtenu un premier CCP relatif au produit irbésartan en tant que principe actif unique, puis un second CCP relatif à la combinaison de l'irbésartan avec un diurétique en l'occurrence l'hydrochlorothiazide. Dans cette affaire, la CJUE, à laquelle la juridiction de renvoi a posé la question de savoir si 'dans une situation où de nombreux produits sont protégés par un brevet de base en vigueur, l'article 3 c) du règlement s'oppose -t-il à ce que le titulaire du brevet obtienne un certificat pour chacun des produits protégés, après avoir précisé au considérant 30 'même à supposer que la condition posée par l'article 3 a) soit par ailleurs remplie', et avoir dit au considérant 40 que 'l'objectif poursuivi par le règlement n'est pas de compenser intégralement les retards pris dans la commercialisation d'une invention ni de compenser de tels retards en lien avec toutes les formes de commercialisation possibles de ladite invention, y compris celles de compositions déclinées autour du même principe actif, a dit pour droit, : 'Dans des circonstances (...) où, sur le fondement d'un brevet protégeant un principe actif novateur et d'une AMM d'un médicament contenant celui-ci en tant que principe actif unique, le titulaire de ce brevet a déjà obtenu, pour ce principe actif, un CCP lui permettant de s'opposer à l'utilisation dudit principe actif seul ou en combinaison avec d'autres principes actifs, l'article 3, sous c), du règlement (...), doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que, sur le fondement du même brevet, mais d'une AMM ultérieure d'un médicament différent contenant ledit principe actif en composition avec un autre principe actif, lequel n'est pas, en tant que tel, protégé par ledit brevet, le titulaire de ce même brevet obtienne un second CCP portant sur cette composition de principes actifs'. L'affaire Boehringer C577/13 concerne un brevet revendiquant de nombreuses molécules dont l'une d'elles est le telmisartan, principe actif utilisé dans le traitement de l'hypertension. Sur le fondement dudit brevet la société Boehringer a obtenu un premier CCP pour le produit telmisartan en tant que principe actif unique, puis a déposé une demande d'un CCP portant sur la composition telmisartan et hydrochlorothiazide. Le breveté a demandé à l'office anglais une modification du brevet de base en y insérant une revendication 12 portant sur une composition pharmaceutique de telmisartan et hydrochlorothiazide. La demande de modification a été admise, et le second CCP délivré. La CJUE, examinant ensemble les questions relatives aux articles 3 sous a) et 3 sous c) du règlement, après avoir rappelé au considérant 37, que 'compte tenu des intérêts visés aux considérants 4, 5, 9 et 10 du règlement, il ne saurait être admis que le titulaire d'un brevet de base en vigueur puisse obtenir un nouveau CCP, éventuellement assorti d'une durée de validité plus étendue, à chaque fois qu'il met sur le marché d'un État membre un médicament contenant, d'une part, un principe actif, protégé en tant que tel par son brevet de base, constituant l'objet de l'invention couverte par ce brevet, et d'autre part, un autre principe actif , lequel ne constitue pas l'objet de l'invention couverte par le brevet de base', étant observé que ce considérant a été repris dans l'arrêt de la Grande chambre C121/17 du 25 juillet 2018, a dit pour droit : 'l'article 3 sous a) et c), du règlement (...) doit être interprété en ce sens que, lorsqu'un brevet de base contient une revendication d'un produit comprenant un principe actif qui constitue seul l'objet de l'invention, pour lequel le titulaire de ce brevet a déjà obtenu un CCP, ainsi qu'une revendication ultérieure d'un produit comprenant une composition de ce principe actif avec une autre substance, cette disposition s'oppose à ce que ce titulaire obtienne un second CCP portant sur ladite composition'. En l'espèce, la société Mylan soutient en substance que le brevet de base liste un grand nombre de produits à savoir tous les anti- cholestérolémiants connus pouvant se combiner avec le nouveau principe actif ézétimibe, qu'il ne contient pas d'éléments sur les effets spécifiques de ces combinaisons et en particulier sur celle associant l'ézétimibe avec la simvastatine, que cette combinaison ne constitue donc pas un produit distinct de l'ézétimibe seul pour lequel le breveté a déjà obtenu un CCP, et qui lui permettait de s'opposer à la commercialisation d'ézétimibe combiné avec tout autre produit, de sorte que le CCP n° 040 est vraisemblablement nul. Les sociétés MSD font valoir qu'au vu du paragraphe 1 de la description du brevet, des revendications 9 qui vise une composition avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, 16 qui précise que l'inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol est sélectionné dans un groupe consistant notamment dans les statines, et 17 qui indique que ledit inhibiteur est sélectionné dans le groupe comprenant notamment la simvastatine, ainsi expressément nommée, la composition d'ézétimibe et de simvastatine relève nécessairement de l'invention pour l'homme du métier au sens de la décision Gilead. Elles ajoutent que ce produit de combinaison ne réside pas dans la simple juxtaposition de deux substances actives connues, qu'il permet effectivement de résoudre le problème technique posé par le brevet à savoir le développement de médicaments plus efficaces dans le traitement et la prévention de l'arthérosclérose évitant les effets secondaires compte tenu de la complémentarité des mécanismes d'action de l'ézétimibe et de la simvastatine, et qu'il constitue une deuxième invention du brevet EP 599, couvert par ce brevet au sens de l'article 3 sous a) du règlement, de sorte qu'il s'agit d'un cas différent des affaires Sanofi et Boehringer. Elles ajoutent que le produit de combinaison d'ézétimibe et de simvastatine n'a pas déjà fait l'objet d'un CCP au sens de l'article 3 sous c) du règlement, que plusieurs produits peuvent être protégés en tant que tels par un brevet de base, et qu'en conséquence la condition posée par l'article 3 sous c) est également satisfaite et le CCP valable. La cour observe qu'il n'est pas discuté que le brevet EP 599 protège une nouvelle classe de composés hypocholestérolémiques, appelés azétidinones hydroxy-substitués, à laquelle appartient l'ézétimibe, qui abaisse le cholestérol par le biais d'un nouveau mécanisme d'action, l'inhibition de la résorption du cholestérol par l'intestin, et que depuis la fin des années 80 les composés les plus utilisés dans le traitement de l'hypercholestérolémie étaient les statines qui inhibent une enzyme - HMG CoA réductase - qui limite la synthèse hépatique du cholestérol, autrement appelés des 'inhibiteurs de HMG CoA réductase'. Il est également constant que le CCP litigieux est le deuxième CCP octroyé le 21 décembre 2006 sur le fondement du brevet de base EP 599 pour le produit de composition d'ézétimibe et de simvastatine, un premier CCP ayant été délivré le 4 février 2005 pour le produit ézétimibe seul, les CCP n'ayant donc pas les mêmes dates d'expiration contrairement au cas ayant donné lieu à la décision Georgestown C 484/12, pour lequel la CJUE a précisé au considérant 35, après avoir indiqué que l'article 3 sous c) ne s'oppose pas à la délivrance d'un second CCP, 'En effet, même si les champs de protection de ces deux CCP devaient se chevaucher, ils expireront à la même date'. La cour constate que si la description du brevet à la lumière de laquelle doivent être interprétées les revendications expose en son paragraphe 1 que l'invention concerne 'Les azétidinones hydroxy susbtitués et la combinaison d'un azétidinone à substitution hydroxy de cette invention et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol', en son paragraphe 8 qu'une publication antérieure a montré qu'une thérapie combinant un inhibiteur de HMG CoA réductase et un séquestrant d'acides biliaires s'est avérée être plus efficace chez des patients hyperlipidémiques que l'un ou l'autre agent en monothérapie, en son paragraphe 16 que l'invention concerne aussi une combinaison d'azétidinone à substitution hydroxy et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol pour réduire les niveaux plasmatiques de cholestérol ou pour traiter ou prévenir l'athérosclérose, en son paragraphe 28 que les inhibiteurs de la biosynthèse du cholestérol à utiliser dans la combinaison de la présente invention comprennent notamment les inhibiteurs de HMG CoA réductase parmi lesquels la simvastatine est citée avec cinq autres statines, les éléments suivants seraient également pris en compte par l'homme du métier dont les parties ne discutent pas qu'il est un spécialiste de l'hypercholestérolémie et du traitement et de la prévention de l'arthérosclérose, à la date de dépôt du brevet pour apprécier si la combinaison d'ézétimibe et de simvastatine, objet du CCP litigieux, constitue un produit distinct de l'ézétimibe seul protégé en tant que tel par le brevet EP 599 : - la description du brevet, après avoir énoncé l'arrière-plan de l'invention, comprend une partie intitulée 'Résumé de l'invention' dont les paragraphes 9 à 13 concernent les nouveaux composés azétidinones à substitution hydroxy sous la forme d'une formule I de Markush, le paragraphe 14 est relatif à la méthode d'utilisation thérapeutique de ces composés, et les paragraphe 15 à 17 suivants qui décrivent des compositions de produits et notamment l'association d'une azétidinone à substitution hydroxy et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol sont introduits par les termes suivants 'Sous un autre aspect la présente invention se rapporte à une composition pharmaceutique' ou 'la présente invention se rapporte également à' de sorte que l'homme du métier pourrait considérer la combinaison d'une azétidinone à substitution hydroxy et d'un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol, décrite aux paragraphes 1, 16 et 17, comme constituant un 'aspect' de l'invention concernant les nouveaux azétidinones à substitution hydroxy, et non comme une invention distincte ; - 'l'effet combiné', au sens de la jurisprudence Giléad, de l'association d'ézétimibe et de simvastatine, dont les sociétés MSD indiquent dans leurs écritures qu'il consiste dans le fait de ne pas avoir à administrer la dose maximale de statine et de réduire le risque d'effets secondaires, n'est pas mentionné dans le brevet, qui évoque indifféremment pour les azétidinomes hydroxy substitués seuls et pour leur combinaison avec un inhibiteur de la biosynthèse du cholestérol qu'ils ont un effet 'pour le traitement et la prévention de l'arthérosclérose', de sorte que l'homme du métier, qui avait connaissance dans l'art antérieur de la possibilité de combiner deux anticholestérolémiants ayant des mécanismes d'action différents (paragraphe 8 du brevet - un inhibiteur de HMG CoA réductase et un séquestrant de l'acide biliaire), et qui connaît les statines et notamment la simvastatine, couramment utilisées depuis la fin des années 80 pour le traitement de l'hypercholestérolémie, ne considérera pas, en l'absence de toute indication à la date du dépôt sur l'effet combiné associé au composé d'ézétimibe et de simvastatine, les résultats issus d'une recherche ultérieure n'ayant pas à être pris en compte, que cette combinaison constitue un produit distinct du brevet au sens des arrêts Sanofi C443/12 et Georgetown C484/12 du 12 décembre 2013. Il résulte de ces éléments, et de l'appréciation au cas d'espèce des conditions posées par les articles 3 sous a) et c) du règlement tels qu'interprétés à la lumière des décisions Sanofi C443/12 et Georgetown C484/12 du 12 décembre 2013, Boehringer C577/13 du 12 mars 2015 et Gilead C121-17 du 25 juillet 2018 qu'il existe des moyens sérieux de contestation de la validité du CCP litigieux n° 040 sur le fondement duquel les mesures provisoires sont sollicitées. En tout état de cause il n'est pas justifié de la proportionnalité des mesures prononcées en première instance eu égard aux intérêts en présence relatifs à des médicaments princeps et génériques ayant obtenu les autorisations des autorités publiques, alors qu'un préjudice d'ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles dont il n'est pas justifié en l'espèce, le CCP litigieux expirant le 2 avril 2019 soit moins d'un mois après le prononcé de l'ordonnance entreprise, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu'il peut donner lieu ultérieurement à l'allocation de dommages- intérêts. Il résulte des développements qui précèdent qu'il convient de rejeter toutes les demandes formées à titre provisoire par les sociétés MSD devant le juge de la mise en état, et en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle les a déboutées de leur demande de saisie réelle chez les tiers et de publication. Le présent arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution, de la somme totale non discutée de 4 454 714 euros et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution. Les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification valant mise en demeure de la présente décision qui ouvre droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de ces chefs, sauf à préciser que les intérêts produiront le cas échéant, intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

PAR CES MOTIFS

. Écarte des débats la note communiquée par la société Mylan par voie électronique le 19 décembre 2019 ainsi que la pièce qui y est jointe ; Déclare recevable l'appel interjeté par la société Mylan ; Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté les sociétés MSD de leur demande de saisie réelle chez les tiers et de publication ; Et statuant à nouveau, Déboute les sociétés Merck Sharp & Dohme Corp et MSD France de toutes leurs demandes; Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution de la somme de 4 454 714 euros versée par la société Mylan en vertu de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance déférée à la cour, sauf à préciser que les intérêts au taux légal dus à compter de la signification de la présente décision produiront intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne les sociétés Merck Sharp & Dohme Corp et MSD France in solidum aux dépens de première instance et d'appel et, vu l'article 700 dudit code, les condamne in solidum à payer à ce titre à la société Mylan une somme de 100 000 euros.