Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 18 mai 2017, 16-17.513

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-05-18
Cour d'appel de Pau
2016-03-10

Texte intégral

CIV. 2 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 mai 2017 Rejet Mme FLISE, président Arrêt n° 691 F-D Pourvoi n° S 16-17.513 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

M. Lucien X..., domicilié [...] , contre l'arrêt rendu le 10 mars 2016 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 20 avril 2017, où étaient présents : Mme Flise, président, M. Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, Mme Parchemal, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Y..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. X..., de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, l'avis de M. Z..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique, pris en ses troisième et cinquième branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 10 mars 2016), que, victime de faits de violences, M. X... a saisi le président d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande d'expertise médicale et de provision ; que, contestant notamment les termes de la mission dévolue à l'expert, la victime a interjeté appel, sans l'autorisation du premier président de la cour d'appel, de la décision ordonnant son expertise médicale ;

Attendu que M. X... fait grief à

l'arrêt de déclarer irrecevable son appel, alors, selon le moyen : 1°/ que les dispositions de l'article 272 du code de procédure civile ne sont pas applicables à l'appel d'une ordonnance rendue par le président d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ; qu'en jugeant qu'il aurait dû solliciter l'autorisation prévue par ce texte pour faire appel de l'ordonnance du 4 juin 2015, rendue sur requête par le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction de Pau, l'arrêt a violé l'article 272 du code de procédure civile par fausse application ; 2°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et qui a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, il faisait valoir que le dispositif de l'ordonnance du 4 juin 2015 ne faisait pas état d'un sursis à statuer sur la demande de provision ;

qu'en décidant

néanmoins que l'appel de cette ordonnance était soumis à l'article 380 du code de procédure civile, la cour d'appel de Pau a violé l'article 1351 du code civil ; Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que si, en application des articles 706-4 et R. 50-23 du code de procédure pénale, l'appel des décisions d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ou de son président n'est pas limité en fonction du montant de la demande et du taux du ressort, les règles du code de procédure civile régissant le droit d'appel restent en revanche applicables en matière d'expertise dès lors qu'elles n'ont été écartées par aucune disposition, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en vertu des articles 272 et 544 du code de procédure civile, applicables en l'absence de disposition contraire, l'appel immédiat de la décision du président de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions qui ordonne uniquement une expertise est irrecevable en l'absence d'autorisation du premier président de la cour d'appel ; D'où il suit que le moyen, dont la cinquième branche s'attaque à des motifs surabondants, ne peut être accueilli ; Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième et quatrième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X... Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par Monsieur X... de l'ordonnance du 4 juin 2015 ; AUX MOTIFS QUE « Sur la combinaison des articles 272 et 544 du code de procédure civile et 706-4 et R 50-23 du code de procédure pénale : En application de l'article 706-4 du code de procédure pénale qui prévoit que "l'indemnité est allouée par une commission .... qui se prononce en premier ressort," il est constant désormais que cette disposition n'institue aucune limitation au droit d'appel des décisions des commissions d'indemnisation des victimes d'infraction, sur le fondement du montant de l'indemnité allouée à la victime. Les dispositions de l'article R. 50-23 du même code le confirment expressément en précisant " ... Les décisions de la commission et du président de la commission ...peuvent être frappées d'appel quel que soit le montant de la demande". Ainsi, si le droit d'appel des décisions de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction ne trouve aucune limite dans le montant des demandes présentées et si de ce fait, l'application d'un taux de dernier ressort a été expressément écarté, soumettant toutes les décisions, quel que soit le montant des demandes présentées, à la cour d'appel, il n'en demeure pas moins que les règles du code de procédure civile régissant le droit d'appel sont toujours applicables en la matière et n'ont été écartées par aucune disposition légale. Il en résulte donc que les articles 706-4 et R 50-23 du code de procédure pénale précités doivent nécessairement se combiner avec les articles 544 et 272 du code de procédure civile qui prévoient : pour le premier que "les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal....", pour le second que "la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime...." ; et qui ne visent pas à exclure le droit d'appel mais seulement à le différer dans le temps ; le terme de "jugement" s'entendant de toute décision juridictionnelle de première instance. Ainsi, soutenir qu'il n'existe aucune limite au droit d'appel des décisions de la CIVI pour les victimes en s'abstenant de préciser que cette absence de limite s'attache exclusivement au taux du ressort et non à l'affranchissement des règles du code de procédure civile applicables en la matière est totalement inexact. Il en résulte donc que la recevabilité de l'appel interjeté par Monsieur X... doit être examinée en application de la combinaison des dispositions légales sus rappelées. - Sur la recevabilité de l'appel : Il est constant que la recevabilité d'un appel s'apprécie non par rapport aux motifs, même décisoires, de la décision attaquée, mais par rapport aux points tranchés dans le dispositif. En l'espèce, ledit dispositif est ainsi libellé : "ordonnons une expertise médicale, commettons le docteur A..., demeurant à [...] (33700), avec mission de ...". Or en application des principes ci-dessus rappelés combinant les articles 706-4 et R 50-23 du code de procédure pénale et 544 et 272 du code de procédure civile, il convient de constater que l'appel immédiat de la décision attaquée qui ordonne uniquement une expertise est irrecevable en l'absence de toute saisine du premier président selon les règles applicables en la matière, énoncées ci avant. Même si le dispositif ne reprend, à aucun moment, le sursis à statuer prononcé dans la motivation de la décision de la façon suivante : "Attendu que il y a lieu de surseoir sur la demande de provision" et s'il est légitime de penser qu'il est entaché d'une erreur matérielle de ce chef, il n'en demeure pas moins que cet élément est présentement sans intérêt dans la mesure où l'appel d'une décision de sursis à statuer est régi par l'article 380 du code de procédure civile qui subordonne sa recevabilité à l'obtention préalable de l'autorisation du premier président pour l'interjeter. En conséquence, il convient de déclarer irrecevable l'appel formé par Monsieur Lucien X... » ; 1°) ALORS QUE l'article 706-4 du code de procédure pénale n'institue aucune limitation au droit d'appel des décisions des commissions d'indemnisation des victimes d'infractions et que les dispositions de l'article 272 du code de procédure civile ne sont pas applicables aux affaires dont ces commissions ont à connaître ; qu'en relevant, pour déclarer M. X... irrecevable en son appel de l'ordonnance du 4 juin 2015, qui ordonnait uniquement une expertise, qu'il n'avait pas saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande d'autorisation, l'arrêt attaqué a violé, par fausse application, l'article 272 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE l'article 706-4 du code de procédure pénale n'institue aucune limitation au droit d'appel des décisions des commissions d'indemnisation des victimes d'infractions et que les dispositions de l'article 380 du code de procédure civile ne sont pas applicables aux affaires dont ces commissions ont à connaître ; qu'en relevant, pour déclarer M. X... irrecevable en son appel de l'ordonnance du 4 juin 2015, dont un motif décisoire énonçait qu'il était sursis à statuer sur la demande de provision, qu'il n'avait pas saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande d'autorisation, l'arrêt attaqué a violé, par fausse application, l'article 380 du code de procédure civile ; 3°) ALORS QUE les dispositions de l'article 272 du code de procédure civile ne sont pas applicables à l'appel d'une ordonnance rendue par le président d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions ; qu'en jugeant que Monsieur X... aurait dû solliciter l'autorisation prévue par ce texte pour faire appel de l'ordonnance du 4 juin 2015, rendue sur requête par le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction de Pau, l'arrêt attaqué a violé l'article 272 du code de procédure civile par fausse application ; 4°) ALORS QUE l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit à tous le droit à un procès équitable, qui inclut dans une société démocratique, le droit à un accès au juge, et le droit à un recours effectif ; que les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale ne soumettent pas l'appel des décisions des commissions d'indemnisation des victimes d'infractions à une procédure d'autorisation, quelle que soit leur nature ou leur objet ; qu'en jugeant que la recevabilité de l'appel de M. X... de l'ordonnance désignant un expert était subordonnée à l'obtention de l'autorisation prévue à l'article 272 du code de procédure civile, la cour d'appel de Pau a apporté au droit d'appel de M. X... une restriction injustifiée, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 5°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et qui a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que le dispositif de l'ordonnance du 4 juin 2015 ne faisait pas état d'un sursis à statuer sur la demande de provision ; qu'en décidant néanmoins que l'appel de cette ordonnance était soumis à l'article 380 du code de procédure civile, la cour d'appel de Pau a violé l'article 1351 du code civil.