AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Henri X..., demeurant route nationale 10, lieudit "Borchard" à Saint-Vincent de Paul (Gironde),
en cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 1990 par la cour d'appel de Bordeaux (Chambre sociale), au profit de :
1°/ La société anonyme Liège Optima, dont le siège social est zone industrielle à Saint-Loubès (Gironde), prise en la personne de M. Y..., représentant des créanciers, demeurant ..., et de M. Audinet, administrateur judiciaire, demeurant 2, rue des 3 Conils à Bordeaux (Gironde),
2°/ L'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) AGS, dont le siège social est ..., quartier du Lac à Bordeaux (Gironde),
3°/ L'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) du Sud-Ouest, dont le siège social est ..., quartier du Lac à Bordeaux (Gironde),
défenderesses à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 juin 1991, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bèque, conseiller rapporteur, M. Pierre, conseiller, Mlle Sant, Mme Bignon, conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bèque, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de Me Odent, avocat de la société Liège Optima, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
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Sur le premier moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er juillet 1979 en qualité de représentant à cartes multiples par la société Liège Optima ; que le contrat de travail a été rompu le 3 novembre 1986 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes tendant à voir fixer une créance à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et de salaire et congés payés y afférents, d'indemnité de clientèle, d'indemnité de non-concurrence et de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, alors, selon le moyen, que, d'une part, il avait soutenu dans ses conclusions que l'employeur avait fait prospecter son secteur par une société Soulié, ayant même objet social que la société Liège Optima, portant ainsi atteinte à l'exclusivité dont il bénéficiait ; que, faute d'avoir répondu à cette argumentation précise dont il résultait que la société avait porté atteinte aux droits qu'il tenait de son contrat, la cour d'appel a violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en estimant qu'il résultait du contrat que la
société était en droit de retenir 2 % des commissions à titre de frais sauf justification, ce dont il résultait que cette retenue ne constituait pas une modification substantielle du contrat de
travail, la cour d'appel a dénaturé les conventions des parties, violant ainsi l'article
1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a, d'une part, répondant aux conclusions, relevé qu'il n'était pas établi que l'employeur ait contrevenu au contrat en prospectant ou faisant prospecter dans le secteur géographique du représentant pour des articles dont il avait l'exclusivité ; qu'elle a, d'autre part, estimé, par une interprétation que l'ambiguïté du contrat rendait nécessaire, que le remboursement des frais de publicité et de la représentation évalués à 2 % ne constituait pas une prime fixe mais que ces frais devaient être justifiés par le représentant ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;
Mais
sur le second moyen
:
Vu l'article
4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner le salarié à payer à l'employeur des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la concurrence déloyale qu'il aurait commise, la cour d'appel a relevé que le salarié ne contestait pas formellement les faits qui lui étaient reprochés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X..., dans ses conclusions d'appel, discutait avec précision les allégations de l'employeur sur les faits de concurrence déloyale qui lui étaient reprochés, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
PAR CES MOTIFS
:
- CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant M. X... à payer à la société Liège Optima, représentée par MM. Audinet et Mayon, ès qualités, des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 17 janvier 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en
conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bordeaux, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit octobre mil neuf cent quatre vingt onze.