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Tribunal administratif de Montreuil, 4ème Chambre, 7 juin 2023, 2012151

Mots clés
sanction • requête • ressort • rejet • préjudice • recours • saisie • pouvoir • transmission • rapport • service • astreinte • condamnation • empoisonnement • grâce

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
  • Numéro d'affaire :
    2012151
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Rapporteur : M. Colera
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : SELARL MINIER-MAUGENDRE ET ASSOCIES
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 novembre 2020 et 27 novembre 2022, Mme C A demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler la décision en date du 19 août 2020, par laquelle la directrice de l'EPHAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) de " D " lui a infligé une sanction de six mois d'exclusion donc cinq mois avec sursis à compter du 1er septembre 2020, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette même autorité sur son recours gracieux du 30 août 2020, réceptionné le 1er septembre suivant ; 2°) de condamner l'EHPAD " D " à lui verser la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis ; 3°) de lui enjoindre de procéder à la reconstitution de sa carrière ; 4°) de mettre à la charge l'EHPAD " D " une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient dans le dernier état de ses écritures, que : En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation : - les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation ; - elles sont entachées d'un vice de procédure, dès lors que l'avis du conseil de discipline n'a pas été suivi ; - la matérialité des faits n'est pas établie ; - la sanction est disproportionnée ; - les décisions attaquées sont entachées de détournement de pouvoir ; - elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; - enfin, elles ne pouvaient être appliquées alors qu'elle était en congé-maladie. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : - elle a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence dont il sera fait une juste appréciation en les fixant à la somme de 1 500 euros. Par une ordonnance en date du 2 novembre 2022, les parties ont été informées que l'affaire était susceptible d'être inscrite au rôle d'une audience du 2ème trimestre 2023 et que la clôture d'instruction était susceptible d'intervenir à compter du 1er décembre 2022. Par deux mémoires, enregistrés les 10 novembre et 12 décembre 2022, l'EPHAD " D ", représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'EHPAD " D " fait valoir que les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de demande indemnitaire préalable et qu'aucun des moyens que contient la requête n'est fondé. Il demande en outre que soit écarté des débats la pièce n° 4 communiquée le 27 novembre 2022 par Mme A, dès lors que la transmission de cette pièce constitue une violation du secret médical. Par une ordonnance du 27 décembre 2022, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée. Un mémoire, présenté par l'EHPAD " D " a été enregistré le 27 décembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. L'hôte, rapporteur ; - les conclusions de M. Colera, rapporteur public ; - les observations de Mme A et celles de Me Neven, substituant Me Lacroix, représentant l'EPHAD " D ". Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 29 mai 2023 et présentée par Mme A.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme A, aide-soignante titulaire, demande l'annulation de la décision en date du 2 juin 2020, par laquelle la directrice de l'EPHAD " D " lui a infligé une sanction de six mois d'exclusion dont cinq mois avec sursis à compter du 1er septembre 2020 ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette même autorité sur son recours gracieux du 30 août 2020, réceptionné le 1er septembre suivant. Elle demande également le versement de la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral subi. I- Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions indemnitaires : 2. Aux termes du second alinéa de l'article R. 421-1 CJA du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. " 3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A aurait formé devant l'EPHAD " D " une demande indemnitaire préalable. Dans ces conditions la fin de non-recevoir opposée par cet établissement à l'encontre des conclusions indemnitaires doit être accueillie. II- Sur les conclusions reconventionnelles tendant à ce qu'une pièce soit écartée des débats : 4. Aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. " 5. Mme A a produit un fichier électronique servant à la transmission des informations, notamment médicales, entre les membres du personnel soignant et concernant la patiente qu'elle est accusée d'avoir maltraitée. La communication spontanée au tribunal de cette pièce par Mme A constitue une méconnaissance des dispositions de l'article 226-13 du code pénal, qu'il appartient à l'EPHAD " D " ou aux héritiers de cette patiente décédée, s'ils l'estiment opportun, de poursuivre devant les juridictions répressives. Néanmoins, cet article ne fait pas, dès lors qu'il ne le prévoit pas expressément, obstacle au pouvoir et au devoir qu'a le juge administratif de joindre au dossier, sur production spontanée d'une partie, des éléments d'information ainsi que de statuer au vu de ces pièces après en avoir ordonné la communication pour en permettre la discussion contradictoire, dans la mesure toutefois où cette communication à l'autre partie ne constitue pas, en elle-même, une méconnaissance de cet article, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que ce fichier, communiqué seulement à l'EHPAD " D ", émane de cet établissement. Il s'ensuit que les conclusions reconventionnelles tendant à ce que cette pièce soit écartée des débats doivent être écartées. III- Sur les conclusions aux fins d'annulation : 6. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale () ". Par ailleurs, aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / () Troisième groupe : () / () l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ()". 7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la fin du mois de (ANO)mai(/ANO) 2020, une patiente qui avait développé une forme grave de COVID-19 pendant les mois de 2020, s'est plainte auprès de l'équipe soignante de maltraitances physiques et morales subies de la part de Mme A pendant cette période. Ces maltraitances ont consisté en des propos injurieux, des gestes brusques, le jet d'un coussin, des coups dans le dos, un abandon sur le lit dans une position inconfortable et le rétablissement, après quelques heures, dans une position plus confortable de façon brusque. Elles sont consignées dans un compte rendu des propos tenus par cette patiente et recueillis par la cadre supérieure de santé, compte rendu signé par la patiente le . Ces faits sont au surplus corroborés par quatre courriels en date des 2020, 2020, 2020, par lesquels la psychomotricienne, la psychologue, l'infirmière psychiatrique et le médecin-gériatre de l'équipe soignante font état des propos tenus devant eux par la patiente, relatant les mêmes maltraitances. Enfin, dans un rapport rédigé le 2020, la cadre supérieure de santé de l'établissement rapporte avoir eu un entretien avec Mme A le 2020, entretien au cours duquel cette dernière n'a pas nié les faits et a expliqué qu'elle agissait comme on le fait dans les pays (ANO)asiatiques(/ANO) et que grâce à elle la patiente remarchait et n'avait plus de protections. Si Mme A produit 17 attestations émanant d'une infirmière, d'un aide-soignant et de quinze aides-soignantes qui ont travaillé avec elle et font état de ce qu'elles n'ont jamais vu la requérante maltraiter des patients, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est du reste pas soutenu par l'intéressée que les soins sont toujours dispensés en binôme au sein de l'EPHAD " D " et en particulier qu'ils l'ont été en ce qui concerne la patiente qui s'est plainte de maltraitances. En outre, en se bornant à se prévaloir d'une " invraisemblance temporelle des accusations ", Mme A n'établit pas qu'elle n'aurait pas dispensé de soins à cette patiente en 2020. Enfin, s'il ressort du fichier électronique de transmission d'informations concernant cette patiente qu'elle a eu en février 2022 des comportements caractérisant une psychose se manifestant par la crainte d'un empoisonnement, cette maladie, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle se serait manifestée avant, n'est pas de nature à remettre en cause les propos cohérents répétés par cette patiente dans les mêmes termes devant cinq témoins différents sur les maltraitances dont elle a fait l'objet de la part de Mme A en 2020. Il en va de même de la circonstance, mentionnée dans l'une des attestations produites par Mme A, que la patiente maltraitée, d'origine (ANO)vietnamienne(/ANO), a fait part à une aide-soignante en juin 2020 qu'elle craignait Mme A en raison de ses origines (ANO)chinoises(/ANO). Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de matérialité des faits doit être écarté. 9. En second et dernier lieu, les faits reprochés à Mme A constituent une faute qui appelle une sanction. Néanmoins, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, qui exerce ses fonctions au sein de l'EPHAD " D " depuis 2004, n'a jamais fait l'objet d'une sanction en seize ans de carrière et qu'elle soutient, sans être contredite en défense, qu'elle ne s'est jamais vu reprocher par sa hiérarchie un quelconque manquement à ses obligations professionnelles et en particulier son comportement à l'égard des patients, la sanction qui lui a été infligée, sanction relevant du troisième groupe, présente un caractère disproportionné, ce même si les faits commis par la requérante, de nature à porter atteinte à la santé et à la dignité d'une personne âgée vulnérable, sont graves. Il s'ensuit que le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction doit être accueilli. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens les concernant, que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du 19 août 2020, par laquelle la directrice de l'EPHAD " D " lui a infligé une sanction de six mois d'exclusion dont cinq mois avec sursis à compter du 1er septembre 2020, ainsi que celle de la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette même autorité sur son recours gracieux du 30 août 2020, réceptionné le 1er septembre suivant. IV- Sur les conclusions aux fins d'injonction : 11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de son article L. 911-2 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision intervienne dans un délai déterminé. ". Enfin, aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". 12. L'annulation de la décision du 19 août 2020 implique que l'EPHAD " D " procède à la reconstitution de la carrière de Mme A, à compter de la date d'effet de son exclusion temporaire. Il y a lieu pour le tribunal d'ordonner cette reconstitution dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. V- Sur les frais liés au litige : 13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EPHAD " D " réclame au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, Mme A, qui n'a pas présenté sa requête par le ministère d'avocat, ne fait pas état de frais spécifiques au titre de ces dispositions. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions précitées doivent, dès lors, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 19 août 2020 par laquelle la directrice de l'EPHAD " D " a infligé à Mme A une sanction de six mois d'exclusion dont cinq mois avec sursis à compter du 1er septembre 2020, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette même autorité sur le recours gracieux de Mme A en date du 30 août 2020, réceptionné le 1er septembre suivant, sont annulées. Article 2 : L'EPHAD " D " procèdera, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, à la reconstitution de la carrière de Mme A, à compter de la date d'effet de son exclusion temporaire. Article 3 : Les conclusions des deux parties, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de " D ". Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Salzmann, présidente, - Mme de Bouttemont, première conseillère, - M. L'hôte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2023. Le rapporteur,La présidente,SignéSigné F. L'hôteM. SalzmannLa greffière,SignéA. Capelle La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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