Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Toulouse 02 septembre 2009
Cour de cassation 18 janvier 2012

Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2012, 10-19179

Mots clés société · clause de non-concurrence · contrat · produits · salarié · employeur · procédure civile · tiers · concurrence · légitimes · commercialisation · indispensable · espace · contrepartie · secteur

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 10-19179
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 02 septembre 2009
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Waquet, Farge et Hazan

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Toulouse 02 septembre 2009
Cour de cassation 18 janvier 2012

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 septembre 2009), que M. X..., engagé le 21 août 2000 par la société Astra Tech France en qualité de chargé d'affaires pour le marché des implants dentaires Toulouse/ Sud Ouest, a démissionné le 21 juin 2006 ; que l'employeur lui a versé la contrepartie financière de la clause de non-concurrence stipulée à son contrat de travail ; qu'estimant que le salarié n'avait pas respecté ladite clause, la société Astra Tech France a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes à ce titre ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de faire droit à cette demande alors, selon le moyen :

1°/ le juge ne peut refuser de tenir compte de pièces mentionnées sur un bordereau annexé aux conclusions d'une partie qu'à la condition d'inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces qui y figurent et dont la communication n'a pas été contestée ; que M. X... a contesté avoir méconnu la clause de non-concurrence litigieuse en soutenant que ses nouvelles fonctions ne relevaient pas du domaine de l'interdiction prévue par la dite clause et en invoquant le contrat de travail conclu par lui le 1er juillet 2006 avec la société Altatec Biotechnologies France, figurant au bordereau de pièces annexé aux conclusions ; que la communication de cette pièce n'a pas été contestée par la société Astra Tech ; qu'en reprochant à M. X... de ne pas avoir produit le contrat de travail le liant avec son nouvel employeur, sans l'inviter à s'expliquer sur l'absence au dossier de ce document, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que selon les énonciations de l'arrêt attaqué, dans le cadre du contrat de travail le liant à la société Astra Tech, M. X... exerçait son activité sur le secteur de Toulouse - Sud Ouest et la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis portait cependant sur la totalité du territoire national métropolitain ; qu'en considérant que la clause de non-concurrence litigieuse était valable dès lors que la clause, limitée dans le temps et dans l'espace, était indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, et tenait compte des spécificités de l'emploi du salarié eu égard au caractère étroit du marché et à la concurrence qui s'y développe, sans préciser quel intérêt de l'entreprise la clause litigieuse entendait préserver au travers d'une interdiction nationale dépassant le secteur territorial où le salarié avait exercé et avait été amené à rencontrer la clientèle de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu d'abord que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis, a relevé que M. X... avait animé, au mois d'octobre 2006, le stand d'une société directement concurrente de la société Astra Tech France dans le domaine des implants dentaires à l'occasion d'un congrès médical, et qu'il avait démarché un stomatologue dans le cadre d'une activité de commercialisation et de promotion d'implants dentaires pour le compte d'une société concurrente dans les jours ayant suivi sa démission ; qu'elle a, par ces seuls motifs non critiqués, caractérisé le fait, pour M. X..., de s'être, contrairement aux stipulations de la clause de non-concurrence, intéressé à la commercialisation de produits mettant en oeuvre la technique de fabrication des implants dentaires développée par la société Astra Tech France ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que la clause de non-concurrence litigieuse ne visait, dans le cadre d'un marché étroit où la concurrence se développe et compte tenu des spécificités de l'emploi du salarié, qu'une technique de fabrication ne pouvant s'appliquer qu'à un certain nombre de produits, les implants dentaires ; qu'elle a pu en déduire que cette clause était indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il vise un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la clause de nonconcurrence litigieuse est valable et que l'exposant ne l'aurait pas exécutée, d'avoir condamné l'exposant à verser à la société Astra Tech la somme de 6 617, 82 € représentant la somme des mensualités de la clause non exécutée, de l'avoir condamné à verser à la société Astra Tech la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice moral et de l'avoir débouté de sa demande reconventionnel tendant au paiement des sommes de 1 102, 97 et de 3 000 € ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail conclu entre Monsieur David X... et la société ASTRA TECH FRANCE stipulait :

« La société ASTRA TECH embauche, à compter du 21 août 2000, Monsieur David X... au poste de chargé d'affaires correspondant à un emploi classé niveau 7 du Commerce des Produits à Usage Pharmaceutique, Parapharmaceutique et Vétérinaire...

ARTICLE 3- MISSIONS-FONCTIONS-ATTRIBUTIONS :

En qualité de chargé d'affaires, Monsieur David X... est principalement chargé d'instaurer une relation avec les chirurgiens-dentistes et Stomatologues du secteur sur lequel il sera affecté et d'en assurer le suivi régulier en présentant les produits présents et à venir commercialisés par la société ASTRA TECH au mieux des intérêts de la société.

Dans le cadre de cette mission générale, les fonctions de Monsieur David X... consistent essentiellement à :

- visiter les Chirurgiens-Dentistes et les Stomatologues ou toute autre discipline qui pourra être décisionnaire quant à l'achat d'implants,
- effectuer l'ensemble des démarches de présentation commerciale et technique du produit auprès de ceux-ci,
- coordonner son activité avec le service administratif de la société,
- établir selon une périodicité et dans les formes qui lui seront précisées, un plan d'activité,
- rendre compte de l'exécution de son plan d'activité selon les formes qui lui seront prescrites par la Direction,
- s'informer de façon régulière de l'état du marché et des souhaits ou observations formulés par les médecins et prescripteurs...

Article 11- NON CONCURRENCE POST CONTRACTUELLE :

Aux termes de la période d'essai stipulé à l'article 2 ci avant, M. David X... s'interdit en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit, de s'intéresser directement ou indirectement pour son propre compte ou pour celui d'un tiers, à quelque titre que ce soit, salarié ou non, à la commercialisation de produits mettant en oeuvre la technique de fabrication pouvant s'appliquer à la gamme de produits dentaires de la société ASTRA TECH.

Cette interdiction s'appliquera pendant une durée de six mois, à compter du jour de la rupture effective du présent contrat.

Il est limité au secteur habituel d'activité de l'entreprise soit l'ensemble du territoire français métropolitain.

En contrepartie de l'exécution des dispositions de la présente clause, la société Astra Tech versera à M. David X... une contrepartie pécuniaire égale au tiers de sa dernière rémunération mensuelle par mois d'interdiction » ;

qu'il ressort des pièces produites que les fonctions de Monsieur David X... au sein de la société ASTRA TECH FRANCE consistaient, dans sa zone d'influence du secteur Toulouse Sud Ouest, à visiter les Chirurgiens-Dentistes et les Stomatologues, effectuer toutes démarches de présentation commerciale et technique des implants dentaires ; qu'une clause de nonconcurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; qu'il en résulte obligation pour l'employeur, au nom du principe de proportionnalité, d'indemniser le salarié des contraintes pesant sur lui après la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, il n'est pas contestable que la clause limitée dans le temps et dans l'espace était indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, et tenait compte des spécificités de l'emploi du salarié eu égard au caractère étroit du marché et à la concurrence qui s'y développe ; qu'il est soutenu qu'eu égard aux atteintes importantes en résultant pour le salarié, son montant fixé au tiers de sa dernière rémunération mensuelle par mois d'interdiction était dérisoire ; que toutefois, la clause limitée dans le temps et l'espace ne vise qu'une technique de fabrication ne pouvant s'appliquer qu'à un certain type de produits, les implants dentaires ; que dès lors que le montant de la contrepartie financière est compatible avec la convention collective applicable et qu'elle n'apparaît pas dérisoire eu égard à la gêne apportée au salarié dans sa recherche d'emploi, elle est valable ; qu'il est établi que Monsieur David X... qui a démissionné avec effet au 30 juin 2006, qui a été dispensé d'effectuer son préavis mais n'a pas été délié de la clause de non concurrence pour l'exécution de laquelle il a perçu les cinq premières mensualités a animé en octobre 2006 le stand de AltaMedica, marque directement concurrente de celle diffusée par la société ASTRA TECH FRANCE dans le domaine des implants dentaires, ce à l'occasion du congrès du 21 octobre 2006 qui s'est déroulé à Toulouse (« Le bonheur implantaire est dans le Gers ») ; que par ailleurs, il ressort de l'attestation du Dr Y..., stomatologue à Toulouse, qu'il a été démarché par Monsieur David X... dans le cadre d'une activité de commercialisation et de promotion d'implants dentaires pour le compte d'une société concurrente de la société ASTRA TECH FRANCE dans les jours qui ont suivi sa démission ; que Monsieur David X... ne peut, alors même qu'il ne produit pas le contrat de travail le liant avec son nouvel employeur, exciper du fait que dans ses nouvelles fonctions il n'effectue aucun travail de commercialisation sur le terrain, alors qu'il résulte de ses propres explications et des pièces produites que d'une manière directe ou indirecte il s'est intéressé à la commercialisation de produits mettant en oeuvre la technique de fabrication pouvant s'appliquer à la gamme de produits dentaires (les implants) de la société ASTRA TECH France ; qu'en conséquence, (…) il y a lieu de condamner Monsieur David X... à rembourser à la société ASTRA TECH FRANCE la somme de 6 617, 82 € représentant les mensualités de la clause non exécutée, ce avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ; que par ailleurs, le comportement illicite, fautif et déloyal de Monsieur David X... a nécessairement causé à la société ASTRA TECH FRANCE un préjudice d'image et moral qu'il y a lieu de réparer par l'allocation de la somme de 1 000 € ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de tenir compte de pièces mentionnées sur un bordereau annexé aux conclusions d'une partie qu'à la condition d'inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces qui y figurent et dont la communication n'a pas été contestée ; que M. X... a contesté avoir méconnu la clause de non-concurrence litigieuse en soutenant que ses nouvelles fonctions ne relevaient pas du domaine de l'interdiction prévue par la dite clause et en invoquant le contrat de travail conclu par lui le 1er juillet 2006 avec la société Altatec Biotechnologies France, figurant au bordereau de pièces annexé aux conclusions (pièce n° 2) ; que la communication de cette pièce n'a pas été contestée par la société Astra Tech ; qu'en reprochant à M. X... de ne pas avoir produit le contrat de travail le liant avec son nouvel employeur, sans l'inviter à s'expliquer sur l'absence au dossier de ce document, la Cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que selon les énonciations de l'arrêt attaqué, dans le cadre du contrat de travail le liant à la société Astra Tech, M. X... exerçait son activité sur le secteur de Toulouse – Sud Ouest et la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis portait cependant sur la totalité du territoire national métropolitain ; qu'en considérant que la clause de non-concurrence litigieuse était valable dès lors que la clause, limitée dans le temps et dans l'espace, était indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, et tenait compte des spécificités de l'emploi du salarié eu égard au caractère étroit du marché et à la concurrence qui s'y développe, sans préciser quel intérêt de l'entreprise la clause litigieuse entendait préserver au travers d'une interdiction nationale dépassant le secteur territorial où le salarié avait exercé et avait été amené à rencontrer la clientèle de l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et de l'article 1134 du code civil.