Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2024, M. B C, représenté par Me Fiscel, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions
de l'article
L. 521-1 du code
de justice
administrative :
1°)
de suspendre l'exécution
de l'arrêté du préfet
de la Seine-Maritime en date du 21 novembre 2024 portant interdiction
administrative de stade pour une durée
de six mois ;
2°)
de mettre à la charge
de l'Etat la somme
de 1 920 euros sur le fondement
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que chaque match du FC
Rouen auquel il ne peut assister constitue une privation
de liberté à laquelle il est urgent
de mettre fin ; qu'il a déjà été privé
de la possibilité d'assister au match
de championnat le plus important
de l'année pour le FC
Rouen le 6 décembre 2024 ; que son conseil n'a pu immédiatement préparer un recours dès la notification
de l'arrêté ; qu'il ne veut plus être interdit d'accéder au stade pour le prochain match du FC
Rouen, prévu le 10 janvier 2025 ; qu'il y a toujours urgence à mettre fin à une mesure privative
de liberté dès lors qu'elle est irrégulière ; que la mesure attaquée a déjà eu des conséquences graves dès lors qu'il a été placé en garde à vue le 9 décembre 2024 au motif qu'il se serait rendu au stade Diochon le 6 novembre 2024 malgré l'interdiction prononcée le 21 novembre, 2024, alors qu'il a été confondu à cette occasion avec une autre personne, ainsi qu'il a pu le démontrer, entraînant la levée
de la garde à vue ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité
de la décision :
- l'arrêté contesté est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors qu'il n'a pas commis les faits relevés par le préfet dans son arrêté et n'est d'ailleurs pas poursuivi pénalement pour
de tels faits ; qu'en particulier, il n'était pas présent dans le groupe
de supporters du FC
Rouen qui aurait forcé le 23 octobre 2024 une palissade pour en découdre avec des supporters sochaliens ; qu'un éventuel courrier d'un commissaire
de police faisant état
de son identification formelle par les services
de police sur une vidéo ne pourrait pas être considéré comme une preuve suffisante, dès lors que les renseignements territoriaux se sont précisément trompés en croyant l'identifier sur une vidéo lors
de la rencontre du 6 décembre 2024 au stade Diochon, à laquelle il ne s'est pas rendu, ainsi qu'il a pu le prouver lors
de sa garde à vue du 9 décembre 2024, notamment grâce à l'extraction d'images vidéo, entraînant un classement sans suite ; que le préfet ne démontre pas, grâce à une extraction vidéo, sa présence parmi le groupe
de supporters auteurs des faits du 23 octobre 2024 ;
- la durée
de la mesure contestée d'interdiction
de stade pour six mois, est en outre disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, le préfet
de la Seine-Maritime conclut au rejet
de la requête.
Il soutient que la condition d'urgence n'est pas établie dès lors que le requérant a déjà formé un recours en référé liberté et un recours en référé suspension qui ont été rejetés, qu'il n'est pas porté une atteinte grave à une liberté fondamentale et que le requérant ne démontre pas en quoi l'exécution
de la décision attaquée porte atteinte à ses intérêts ou à un intérêt public ; que l'exécution
de la décision attaquée répond à un intérêt public compte tenu
de la multiplication depuis début 2024 des troubles à l'ordre public commis par les supporters ultras
de ce club avant durant ou à l'issue des matchs ; que le requérant a tardé à saisir le
tribunal d'un recours en référé suspension ce qui démontre l'absence d'urgence ;
Il soutient que les moyens
de la requête ne sont pas fondés dès lors que le requérant a été formellement identifié par les services du renseignement territorial parmi les supporters ayant forcé l'entrée du parcage visiteurs lors du match du 23 octobre 2024 afin d'affronter les supporters
de l'équipe adverse ; que la préfecture ne dispose pas des extraits vidéos en cause ; que le rapport des services police identifie formellement M. C, qui est connu des services
de renseignement ; que la mesure n'est pas disproportionnée compte tenu
de la gravité des faits.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête enregistrée le 19 décembre 2024 sous le numéro 2405194 par laquelle M. C demande l'annulation de la décision attaquée.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice
administrative.
Le président du
tribunal a désigné Mme Galle, vice-présidente, pour statuer sur les demandes
de référé.
Ont été entendus au cours
de l'audience :
- le rapport
de Mme Galle, juge des référés ;
- les observations
de Me Fiscel, représentant M. C, qui reprend les conclusions et moyens
de la requête et précise que 18 matchs doivent encore se dérouler jusqu'au 31 mai 2025 ; que M. C assiste aux matchs au sein du groupe des
Rouen Fans depuis plusieurs années et n'a aucun antécédent judiciaire ; que le premier rapport rédigé par les services
de police pour fonder la décision attaquée n'est pas produit par la préfecture, qui produit seulement un rapport établi le 27 décembre 2024 plus
de deux mois après les faits, ne mentionnant pas la date
de consultation des images vidéo, alors que ces enregistrements ne peuvent être conservés qu'un mois ; que la préfecture ne produit pas à l'instance d'extraits
de la vidéo sur laquelle M. C a été identifié le 23 octobre 2024 ; que les services
de la circonscription
de sécurité publique
de Rouen ont nécessairement requis l'aide des services du renseignement territorial afin d'identifier M. C en vue
de son placement en garde
de vue le 9 décembre 2024 pour les faits
de violation d'une interdiction
de stade,
de sorte qu'il n'est pas établi que l'erreur d'identification commise le 6 décembre 2024 n'avait pas déjà été commise le 23 octobre 2024 lors
de la consultation
de la vidéo par le service du renseignement territorial ; que le rapport du 27 décembre 2024 ne mentionne pas la présence
de B C au sein du groupe qui force l'entrée du parcage visiteurs à 21h34 et le contenu
de ce rapport ne démontre aucune commission d'un acte grave au sens
de l'article
L. 332-16 du code du sport ;
- les observations
de M. A, représentant le préfet
de la Seine-Maritime, qui conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense par les mêmes moyens et souligne que les faits sont matériellement établis dès lors que lors du match du 23 octobre 2024, M. C a été formellement identifié par les services
de renseignement comme faisant partie du groupe ayant forcé l'entrée du parcage visiteurs, et qu'aucune erreur n'a pu être commise à cette occasion dès lors que cette identification a été réalisée à partir d'une consultation sur place des vidéos par des agents du renseignement territorial spécialisés dans le suivi des supporters
de football, qui connaissaient bien l'intéressé, ce qui n'était pas le cas lors
de l'erreur commise le 6 décembre 2024, où l'intéressé a été confondu avec un autre supporter après une identification réalisée par un agent
de la circonscription
de sécurité publique
de Rouen ; que la préfecture ne dispose pas des images
de vidéosurveillance et ne peut pas les transmettre.
La clôture
de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit
:
1. M. C demande sur le fondement
de l'article
L. 521-1 du code
de justice
administrative la suspension
de l'exécution
de l'arrêté du 21 novembre 2024 par lequel le préfet
de la Seine-Maritime lui a fait interdiction
de se rendre dans une enceinte sportive où se déroule une manifestation sportive du Football Club
de Rouen et
de se rendre à tous les matchs
de football se déroulant au stade Robert Diochon (le Petit-Quevilly), pour une durée
de six mois.
Sur les conclusions à fin
de suspension :
En ce qui concerne la condition d'urgence :
2. Aux termes
de l'article
L. 521-1 du code
de justice
administrative : " Quand une décision
administrative, même
de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension
de l'exécution
de cette décision, ou
de certains
de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état
de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité
de la décision () ". La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure
de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie
de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets
de celle-ci sur la situation
de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont
de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement
de la requête au fond, l'exécution
de la décision soit suspendue.
3. Pour justifier
de l'urgence à suspendre l'exécution
de la décision litigieuse, M. C soutient qu'elle a pour effet
de porter atteinte à sa liberté d'aller et venir et
de circuler librement au sein du stade Robert Diochon, alors qu'il souhaite assister aux matchs
de football
de l'équipe du FC
Rouen se déroulant dans cette enceinte, dont le prochain a lieu le 10 janvier 2025. Il précise qu'il a déjà été privé
de la possibilité d'assister au match du 6 décembre 2024, et que le
tribunal ne sera pas en mesure
de juger la requête en annulation avant l'expiration
de la mesure contestée, alors que 18 matchs doivent se dérouler jusqu'au 31 mai 2025.
4. Si le préfet soutient que le requérant n'a saisi le juge des référés suspension que le 19 décembre 2024 alors que la décision attaquée date du 21 novembre 2024, cette dernière lui a été notifiée le 28 novembre 2024, et M. C a formé un référé-liberté le 11 décembre 2024, rejeté le lendemain pour défaut d'urgence puis un référé-suspension le 13 décembre 2024 rejeté pour irrecevabilité le 16 décembre 2024,
de sorte qu'aucune carence particulière à exercer un recours avant le 19 décembre 2024 ne peut lui être reprochée. Si le préfet
de la Seine-Maritime soutient également qu'il existe un intérêt public au maintien
de la décision attaquée compte tenu
de la gravité des faits fondant la décision attaquée et des risques
de troubles à l'ordre public, et s'il n'est pas contesté qu'un grand nombre d'incidents violents impliquant des supporters du FC
Rouen appartenant, comme M. C, au groupe des
Rouen Fans, sont intervenus durant l'année 2024, l'autorité
administrative n'allègue pas que M. C aurait été personnellement impliqué dans l'un
de ces incidents exception faite
de celui du 23 octobre 2024 sur lequel se fonde la décision attaquée. Il est en outre constant que M. C n'a pas d'antécédents judiciaires et qu'il n'a jamais fait l'objet d'une interdiction
administrative de stade auparavant. Alors que M. C conteste avoir participé, le 23 octobre 2024, au mouvement collectif par lequel 80 supporters des
Rouen Fans ont forcé l'entrée du parcage visiteurs à l'issue du match contre Sochaux afin d'affronter les supporters
de l'équipe adverse, les éléments produits par le préfet pour établir la participation
de l'intéressé à cet incident ne sont pas suffisants, en l'état
de l'instruction, pour établir qu'il existe un intérêt public à maintenir l'exécution
de la décision individuelle contestée, compte tenu du doute sérieux existant sur la matérialité des faits imputés au requérant, d'autant qu'il n'est pas établi que la suspension
de la mesure contestée serait
de nature à obérer
de manière significative les capacités
de services
de police à maintenir l'ordre lors des prochains matchs. Compte tenu
de ce qui précède, l'arrêté contesté doit être regardé comme préjudiciant
de manière suffisamment grave et immédiate à la situation
de M. C, et la condition tenant à l'urgence doit être regardée comme étant remplie.
En ce qui concerne le moyen propre à créer un doute sérieux :
5. Aux termes
de l'article
L. 332-16 du code du sport : " Lorsque, par ses agissements répétés portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens à l'occasion
de manifestations sportives, par la commission d'un acte grave à l'occasion
de l'une
de ces manifestations, (.) une personne constitue une menace grave pour l'ordre public, le représentant
de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet
de police peuvent, par arrêté motivé, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction
de pénétrer ou
de se rendre aux abords des enceintes où
de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public. / L'arrêté, valable sur le territoire national, fixe le type
de manifestations sportives concernées. Il ne peut excéder une durée
de douze mois. () ".
6. En l'état
de l'instruction, le moyen tiré
de ce que l'arrêté attaqué est fondé sur des faits matériellement inexacts, est
de nature à créer un doute sérieux sur la légalité
de l'arrêté attaqué.
7. Il résulte
de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen
de la requête, que les deux conditions prévues par l'article
L. 521-1 du code
de justice
administrative étant remplies, il y a lieu
de suspendre l'exécution
de l'arrêté du préfet
de la Seine-Maritime du 21 novembre 2024 jusqu'à l'intervention du jugement sur la requête en annulation présentée par M. C.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances
de l'espèce,
de mettre à la charge
de l'Etat la somme
de 1 500 euros sur le fondement
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : L'exécution
de l'arrêté du 21 novembre 2024 par lequel le préfet
de la Seine-Maritime a prononcé à l'encontre
de M. B C une interdiction
administrative de stade pour une durée
de six mois est suspendue, jusqu'à l'intervention du jugement au fond.
Article 2 : L'Etat versera à M. C la somme
de 1500 euros sur le fondement
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B C et au ministre d'Etat, ministre
de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet
de la Seine-Maritime.
Fait à
Rouen, le 7 janvier 2025.
La juge des référés,
C. GalleLa greffière,
N. Drouilhet
La République mande et ordonne au préfet
de la Seine-Maritime en qui le concerne ou à tous commissaires
de justice à ce qui requis en ce qui concerne les voies
de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution
de la présente décision. nd