Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 14 avril 2022, 20-22.824

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2022-04-14
Cour d'appel de Paris
2020-11-24
Tribunal de grande instance de Paris
2017-05-02

Texte intégral

CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 avril 2022 Rejet M. PIREYRE, président Arrêt n° 417 F-D Pourvoi n° X 20-22.824 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 AVRIL 2022 Mme [P] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 20-22.824 contre les arrêts rendus les 15 septembre 2020 et 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [V] [I], domicilié [Adresse 1] (Singapour), 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, dont le siège est [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [E], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Paris, 15 septembre 2020 et 24 novembre 2020), le 11 août 2014, [N], [V], [L] [E] a été inscrit sur les registres d'état civil de la mairie de [Localité 4] comme étant né le 8 août 2014 de Mme [E] qui l'a reconnu le 7 août 2014 à la mairie de [Localité 4]. Cette dernière, agissant en qualité de représentante légale de l'enfant mineur, a fait assigner M. [I] en établissement judiciaire de sa paternité envers l'enfant. 2. Par jugement du 2 mai 2017, un tribunal de grande instance a dit que M. [I] était le père de [N] [E], s'est prononcé sur le nom et la résidence de l'enfant et a fixé la contribution pour l'entretien et l'éducation de celui-ci. 3. Ce jugement a été remis à parquet le 10 mai 2017 aux fins de signification à M. [I], demeurant à Singapour. 4.M. [I] a interjeté appel du jugement par déclaration du 26 avril 2019. 5. Par ordonnance du 7 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré M. [I] recevable en son appel, ordonnance que Mme [E] a déféré à la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014

, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Mme [E] fait grief à l'arrêt du 15 septembre 2020 d'écarter la fin de non-recevoir qu'elle invoquait, tirée de la tardiveté de l'appel, puis de déclarer l'appel de M. [I] recevable, alors « qu'en l'absence d'application d'une convention internationale ou d'un règlement de l'Union européenne, le délai de trois mois dont dispose la personne domiciliée à l'étranger pour former appel court du jour de la remise de l'acte au parquet ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 528, 538, 643 et 684 du code de procédure civile dans leur version applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

8. En application de l'article 684 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, la date à laquelle est effectuée la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas, à l'égard du destinataire, le point de départ du délai pour interjeter appel de cette décision. 9. Ayant relevé qu'en l'absence de convention, d'un traité international ou d'un règlement européen, la remise à parquet de l'acte pour signification à l'étranger du 10 mai 2017 ne valait notification que pour celui qui y procède et non à l'égard du destinataire de l'acte domicilié à Singapour et que la notification ou la signification devait avoir lieu dans l'Etat où réside le destinataire et non plus fictivement à parquet en France, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en l'absence de notification du jugement à M. [I], son appel intervenu dans le délai de deux ans à compter du prononcé du jugement n'était pas tardif. 10. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Sur le troisième moyen



Enoncé du moyen

11. Mme [E] fait grief à l'arrêt du 24 novembre 2020 de réduire à 600 euros par mois, jusqu'au prononcé de l'arrêt, le montant de la contribution du père, de fixer à 800 euros par mois le montant de cette contribution à compter du jour de l'arrêt, de décider que l'enfant portera le nom de [E], ensemble de rejeter ses demandes, alors « que la cassation à intervenir de l'arrêt du 15 septembre 2020 entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 24 novembre 2020. »

Réponse de la Cour

12. Le rejet des deux premiers moyens formés contre l'arrêt du 15 septembre 2020 rend sans objet la cassation par voie de conséquence invoquée par le troisième moyen.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt-deux

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme [E]. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le premier arrêt attaqué (CA PARIS, 15 septembre 2020), critiqué par Madame [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a écarté la fin de non-recevoir invoquée par Madame [E] et tirée de la tardiveté de l'appel, puis déclaré l'appel de Monsieur [I] recevable ; ALORS QUE, premièrement, en l'absence d'application d'une convention internationale ou d'un règlement de l'Union européenne, le délai de trois mois dont dispose la personne domiciliée à l'étranger pour former appel court du jour de la remise de l'acte au parquet ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 528, 538, 643 et 684 du Code de procédure civile dans leur version applicable à l'espèce ; ALORS QUE, deuxièmement, à supposer qu'on ne puisse prendre en compte la date de remise de l'acte au parquet, de toute façon il faut à tout le moins considérer que le délai court du jour où la signification est valablement faite selon la loi locale ; qu'à partir du moment où Madame [E], dans ses conclusions, se prévalait de ce que l'ambassade de France à SINGAPOUR avait fait procéder à une signification par voie postale conformément à la loi locale (conclusions du 17 juin 2020, p. 9), les juges du fond se devaient de rechercher, sans pouvoir opposer qu'ils n'avaient pas d'information, s'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la date à laquelle est intervenue cette signification par voie postale ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 528, 538, 643 et 684 du Code de procédure civile dans leur version applicable à l'espèce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Le premier arrêt attaqué (CA PARIS, 15 septembre 2020), critiqué par Madame [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a écarté l'existence d'un acquiescement puis décidé que l'appel était recevable ; ALORS QUE, premièrement, l'exécution sans réserves d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement sans qu'il soit besoin de rechercher si la partie qui a exécuté a eu ou non l'intention d'acquiescer ; qu'en l'espèce, Monsieur [I] a eu connaissance du jugement du 2 mai 2017 le 23 mai 2017 pour avoir reçu le pli recommandé comportant la copie de la notification du jugement expédié par l'huissier de justice le 10 mai 2017 ; qu'il a exécuté le jugement en procédant à un paiement de la somme de 1. 000 euros telle que mise à sa charge par le jugement du mai 2017, le 6 juillet 2017, puis un second paiement, du même montant, le 7 aoûts 2017 ; que Monsieur [I] n'alléguait, ni a fortiori ne prouvait, l'existence de quelconques réserves et ne soutenait pas, ni ne prouvait, qu'à raison de réserves, l'exécution du jugement ne valait pas acquiescement ; qu'en décidant en l'état de ces circonstances qu'il n'y avait pas eu acquiescement, les juges du fond ont violé les articles 408 et 410 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, ayant constaté l'exécution du jugement du 2 mai 2017, à raison de deux paiements intervenus le 6 juillet 2017 et le 7 août 2017, les juges du fond ne pouvaient écarter l'existence d'un acquiescement sans dire sur quelles circonstances ils se fondaient pour retenir l'existence de réserves ; qu'à tout le moins l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard des articles 408 et 410 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le second arrêt attaqué (CA PARIS, 24 novembre 2020), critiqué par Madame [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a réduit à 600 euros par mois, jusqu'au prononcé de l'arrêt, le montant de la contribution du père, a fixé à 800 euros par mois le montant de cette contribution à compter du jour de l'arrêt, a décidé que l'enfant portera le nom de [E], ensemble a rejeté les demandes de Madame [E] ; ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt du 15 septembre 2020 entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 24 novembre 2020. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Le second arrêt attaqué (CA PARIS, 24 novembre 2020), critiqué par Madame [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a décidé que l'enfant portera le nom de [E] et a ordonné la transcription du présent arrêt sur l'acte de naissance de l'enfant ; ALORS QUE, premièrement, dès lors qu'une décision, fût-elle non exécutoire, a été signifiée, elle produit son effet substantiel ; que Madame [E] ayant signifié le jugement du 2 mai 2017 le 10 mai 2017 dans le cadre d'une signification ayant été déclarée valable, le jugement a produit dès cette date son effet substantiel ; qu'elle était dès lors en droit de faire porter à l'enfant le nom d' [I], comme l'avait décidé le jugement, et qu'en décidant qu'elle ne pouvait se prévaloir de cet usage (arrêt p. 5, § 6), les juges du fond ont violé les règles gouvernant l'effet substantiel des jugements, ensemble l'article 480 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, deuxièmement, tout jugement devant être motivé, le juge ne peut procéder par voie de simple affirmation ; pour infirmer le jugement en ce qu'il a décidé que l'enfant portera le nom d' [I], la cour d'appel a retenu que ce patronyme « n'a pas été transcrit sur l'acte de naissance de l'enfant » (arrêt p. 5 § 5) ; qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quel élément elle se fondait, alors qu'il ressortait du bordereau de pièces que le seul acte de naissance produit aux débats l'avait été en première instance, et alors qu'il était exclu que cet acte puisse, dans sa version préalable au jugement, comporter le nom d' [I], la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, troisièmement, dans ses conclusions d'appel, M. [I] sollicitait du juge qu'il décide que l'enfant se nommera [E] (conclusions d'appel du 7 octobre 2020, p. 21, § 9) ; que Mme [E] sollicitait la confirmation du jugement ayant décidé que l'enfant se nommera [I] ; qu'en décidant que l'enfant portera le nom de [E] et en ordonnant la transcription du présent arrêt sur l'acte de naissance de l'enfant, quand aucune des parties ne formulait une telle demande, les juges du fond ont violé l'article 4 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, quatrièmement, en décidant que l'enfant portera non pas le nom d' [I] ou [J], mais [J] et en ordonnant la transcription du présent arrêt sur l'acte de naissance de l'enfant, les juges du fond ont à tout le moins relevé un moyen d'office et, faute d'avoir interpellé les parties, ont violé l'article 16 du Code de procédure civile. CINQUIEME MOYEN DE CASSATION Le second arrêt attaqué (CA PARIS, 24 novembre 2020), critiqué par Madame [E], encourt la censure ; EN CE QU'il a fixé à 600 euros par mois la contribution du père pour la période ayant couru entre le 8 août 2014 et le 24 novembre 2020 et à 800 euros par mois le montant de la contribution à compter du 24 novembre 2020, jour de l'arrêt ; ALORS QUE, premièrement, s'agissant de la contribution, l'arrêt énonce « que Madame [P] [E] ne produit pas de pièces justificatives des frais qu'elle a supportés pour son fils chaque année depuis sa naissance » (p. 8, § 5) ; que toutefois, le bordereau des pièces figurant en annexe des conclusions du 8 octobre 2020 mentionnait entre autres deux contrats de travail à durée indéterminée des 25 mars 2015 et du 31 août 2015 pour la garde de l'enfant (pièces n° 46 et 47), des pièces se rapportant à des frais exposés pour l'installation, l'habillement ou la distraction de l'enfant (pièces n° 51, 52 et 53), ou encore des frais d'inscription et de cotisation (pièce n° 55) ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont dénaturé le bordereau de communication de pièces ; ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, les juges du fond ne pouvaient, sans se contredire, énoncer que Madame [E] ne justifiait pas des frais qu'elle a exposés pour la période 2015-2020 (p. 8, § 5) après avoir relevé elle-même qu'elle justifiait de certains frais pour la période 2019/2020 et pour chaque période de vacances (p. 7, antépénultième § et dernier §) ; que l'arrêt est entaché d'une contradiction de motifs ; ALORS QUE, troisièmement, pour fixer le montant de la contribution, le juge doit tenir compte des ressources du conjoint du débiteur ; que si en l'espèce il a été mentionné que l'épouse de Monsieur [I] avait été licenciée en juin 2020, les juges du fond ont omis de s'expliquer, contrairement au jugement, pour la période comprise entre le 8 août 2014 et juin 2020 sur les revenus de l'épouse de Monsieur [I] ; qu'à cet égard, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 371-2 du Code civil.