COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 21 Janvier 2014
ARRÊT N
AD/JC
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/01657.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ANGERS, décision attaquée en date du 07 Février 2012, enregistrée sous le no 9519
assuré : Mme Catherine X...
APPELANTE :
LA SOCIETE ADECCO
4 rue Louis Guérin
69626 VILLEURBANNE
représentée par Maître Lucie ANCELET, avocat substituant Maître Robert DEMAHIS, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE MAINE ET LOIRE SERVICE JURIDIQUE
32 Rue Louis Gain
BP 10
49937 ANGERS CEDEX 01
représentée par Maître Laurent MERIT, muni d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2013 à 14H00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne DUFAU, président
Madame Laure-Aimé GRUA, conseiller
Madame Anne-Catherine MONGE, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT : prononcé le 21 Janvier 2014, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DUFAU, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
:
Madame Catherine X..., salariée de la société ADECCO en qualité d'opératrice d'assemblage a fait le 7 juin 2005 une déclaration de maladie professionnelle reçue le 14 juin 2005 par la caisse primaire d'assurance maladie de Maine -et -Loire, (la CPAM) en mentionnant notamment une épitrochléite droite, maladie inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles.
La CPAM a pris en charge cette maladie au titre de la maladie professionnelle le 26 septembre 2005.
La société ADECCO a saisi la Commission de Recours Amiable de la caisse en contestant que cette décision lui soit opposable; son recours a été rejeté le 22 octobre 2005.
La société ADECCO a le 25 novembre 2005 saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire auquel elle a demandé de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par Mme X... et de lui allouer la somme de 1000 ¿ en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
La société ADECCO a soutenu que la caisse d'assurance maladie ne lui avait pas transmis le double de la déclaration de la maladie professionnelle, contrairement aux prescriptions de l'article R 441- 11 du code de la sécurité sociale et elle a relevé que le 9 septembre 2005 la caisse l'avait informée de l'utilisation d'un délai complémentaire d'instruction du dossier, sans lui notifier ensuite une nouvelle date de prise de décision.
Par jugement du 7 février 2012 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine-et-Loire a débouté la société ADECCO de son recours.
La société ADECCO a relevé appel de ce jugement par lettre recommandée postée le 19 juillet 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 12 novembre 2013 , reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société ADECCO demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie de Madame X... au titre de la législation sur les risques professionnels; de lui allouer la somme de 1 000 ¿ en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
La société ADECCO soutient que la CPAM ne lui a transmis ni le double de la demande de reconnaissance de la maladie, alors que l'article
R441-11 du code de la sécurité sociale lui en fait l'obligation, ni le certificat médical attestant de la maladie professionnelle, et elle observe que le courrier intitulé "transmission de déclaration de maladie professionnelle" que la caisse prétend lui avoir adressé en recommandé est "étrangement" daté du même jour que celui reçu par lettre recommandée avec accusé de réception au titre d'une simple demande de renseignements.
Elle soutient que la CPAM n'a pas respecté à son égard l'obligation d'information résultant des dispositions de l'article R 411-11 du code de la sécurité sociale, et le principe du contradictoire, puisque le 9 septembre 2005 elle l'a informée de la nécessité de recourir à un délai complémentaire d'instruction, et qu'elle a ensuite omis de l'informer de la fin de l'instruction, préalablement à sa décision du 26 septembre 2005.
La société ADECCO soulève un moyen nouveau devant la cour tenant au défaut de pouvoir de l'auteur de la décision de prise en charge.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 15 novembre 2013, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société ADECCO à lui payer la somme de 1 000 ¿ en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
La CPAM justifie avoir adressé le double de la déclaration de maladie professionnelle à l'appelante et rappelle qu'aucun texte, ni la jurisprudence, ne lui imposent de transmettre le certificat médical initial.
Elle réfute avoir violé le caractère contradictoire de la procédure et rappelle qu'elle a procédé par décision explicite, et non pas implicite, et que dès lors, les textes lui imposant, compte tenu de la date à laquelle elle avait reçu la déclaration, de statuer avant le 14 septembre 2005, son engagement, notifié par courrier du 8 septembre 2005, de mettre le dossier à la disposition de l'employeur jusqu'au 26 septembre 2005 l'obligeait à notifier un recours au délai complémentaire d'instruction pour protéger le droit à consultation de la société ADECCO ; que cette notification, loin de faire grief à l'employeur tenait en échec une décision implicite de prise en charge qui serait sans cela survenue le 14 septembre 2005 et que la jurisprudence considère désormais que lorsque le recours au délai complémentaire a lieu pour le motif sus-visé, la caisse n'a pas obligation de notifier une seconde fois à l'employeur la clôture de l'instruction.
La CPAM produit enfin la délégation de signature de Mme Y..., agent ayant notifié la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme X... au titre de la maladie professionnelle, document qui lui attribue explicitement le pouvoir de procéder à "la décision intellectuelle de reconnaître le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie", ainsi que la présente cour l'a déjà constaté pour ce même agent dans un arrêt du 26 février 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la transmission par la caisse à l'employeur du certificat médical initial et du double de la déclaration de maladie professionnelle:
Il est constant que le code de la sécurité sociale ne fait pas obligation à la caisse d'assurance maladie de transmettre à l'employeur le certificat médical initial et que la jurisprudence retient que celui-ci peut toujours être consulté lors de la mise à disposition du dossier;
La CPAM de Maine-et-Loire produit le double du courrier de transmission de la déclaration de maladie professionnelle qu'elle a adressé le 15 juin 2005 à la société ADECCO et l'accusé de réception signé par cette dernière le 17 juin 2005, peu important que la caisse ait d'autre part envoyé à l'employeur à la même date un courrier de demande de renseignements dans lequel elle informe d'ailleurs la société ADECCO de ce qu'elle instruit un dossier de maladie professionnelle concernant Mme X..., puisque la société ADECCO n'établit pas que seul ce second courrier lui soit parvenu; qu'il résulte au surplus des termes même du courrier du 29 juin 2005 de l'employeur que celui-ci a bien été destinataire du double de la déclaration de maladie professionnelle puisqu'il écrit à la caisse :" Nous accusons réception de votre courrier du 15 juin 2005 (afférent) à la demande de maladie professionnelle introduite le 24 mai 2005 par Mme X... et du questionnaire joint ";
Le premier moyen de la société ADECCO doit en conséquence être rejeté ;
Sur le recours par la caisse au délai complémentaire d'instruction après notification de la clôture et le respect du contradictoire:
La CPAM produit :
* un courrier du 8 septembre 2005 adressé à la société ADECCO, ayant pour objet: "consultation du dossier avant décision sur maladie professionnelle " et qui énonce: "Je vous informe qu'à ce jour l'instruction du dossier est terminée. En effet, aucun élément nouveau ne paraît plus devoir intervenir ;
Préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie professionnelle qui interviendra le 26.09.2005, vous avez la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier."
* un courrier du 9 septembre 2005 également adressé à l'employeur, indiquant:
"objet: Délai complémentaire d'instruction
Madame, Monsieur,
En date du 15 Juin 2005, j'ai reçu une déclaration de maladie professionnelle et un certificat médical concernant Mademoiselle CATHERINE X....
Une décision relative au caractère professionnel de cette maladie n'a pu être arrêtée dans le délai réglementaire de trois mois prévu à l'article
R. 441-10 du code de la sécurité sociale. En effet, par un précédent courrier, je vous informais que vous aviez la possibilité de consulter le dossier dans un délai de dix jours. Ceci m'oblige à attendre vos observations éventuelles ainsi que celles de la victime pour me prononcer.
En conséquence, un délai complémentaire d'instruction est nécessaire. Celui-ci ne pourra pas excéder trois mois, à compter de l'envoi du présent courrier, en application de l'article
R. 441-14 du Code de la sécurité sociale.";
Il ressort clairement de ces courriers d'une part que la société ADECCO a été informée par la caisse de ce que celle-ci prendrait sa décision le 26 septembre 2005 et qu'un délai d'observations lui était acquis jusqu'à cette date, et d'autre part que si un recours à un délai complémentaire d'instruction lui a été notifié, cette notification a exposé le motif du recours, tenant à la protection du délai d'observations ouvert à l'employeur et lui exposant sans ambiguïté que le bénéfice lui en était conservé ; que la notification par la caisse à l'employeur d'un délai complémentaire d'instruction, en même temps que l'envoi de la lettre de fin d'instruction, dans le seul but d'attendre ses observations et d'éviter ainsi que n'intervienne, dans le délai qui lui a été imparti, une décision implicite de prise en charge résultant de l'expiration du délai réglementaire de trente jours, n'impose pas à cette caisse de notifier à l'employeur un nouveau délai pour faire valoir ses observations si aucune instruction complémentaire n'a eu lieu, faute d'observations de l'employeur ou du salarié ; qu'il est acquis aux débats et non contesté par la société ADECCO qu'aucune instruction complémentaire n'a été effectuée par la CPAM dans le dossier de Mme X... après la notification de la clôture de l'instruction;
Le second moyen de la société ADECCO doit être rejeté;
Sur le moyen tiré du défaut de pouvoir de l'auteur de la décision:
Aux termes de l'article
R. 441-10 du code de la sécurité sociale, c¿est "la caisse" qui statue sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie qui lui a été déclaré;
En l'absence de dispositions particulières contraires, la seule mention le "la caisse" dans ce texte a pour effet de confier le pouvoir de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie à son seul directeur, lequel, en vertu de l'article
R. 122-3 du code de la sécurité sociale, "assure le fonctionnement de l'organisme sous le contrôle du conseil d'administration" et se trouve ainsi compétent, par principe, pour prendre l'ensemble des décisions émises au nom de l'organisme de sécurité sociale;
La décision litigieuse a été établie et signée par Mme chantal Y... "correspondant Risques Professionnels" ;
En application des dispositions combinées des articles
R. 122-3 et
D. 253-6 du code de la sécurité sociale, le directeur de la CPAM peut, d'une part, déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme, d'autre part, déléguer à titre permanent, sa signature au directeur adjoint de la caisse ou à un ou plusieurs agents de l'organisme ;
Aux termes de l'alinéa 3 du second de ces textes, "Cette délégation doit préciser, pour chaque délégué, la nature des opérations qu'il peut effectuer et leur montant maximum s'il y a lieu." ; cette exigence de précision des délégations de signature données par un directeur à ses collaborateurs est rappelée par la circulaire CNAMTS du 9 juillet 2001 ;
Il résulte de ces dispositions que la délégation de pouvoir ou de signature doit être expresse quelles que soient la ou les opérations concernées, précise et interprétée limitativement ;
La CPAM de Maine-et-Loire verse aux débats une délégation de signature établie le 3 août 2004 par son directeur en faveur de Mme Chantal Y..., agent, qui dispose que "délégation d'action et de signature" est donnée à cette dernière, notamment pour la "détermination du caractère professionnel' de l'Accident ou de la Maladie professionnelle sauf dossiers du personnel CPAM" ;
Il ressort de ces termes clairs que la délégation de signature consentie à Mme Y... s'étend bien à la décision intellectuelle de reconnaître le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie professionnelle ; la délégation de signature consentie à Mme Y... lui permettait donc, à la date du 26 septembre 2005, de prendre la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme X... à la caisse d'assurance maladie le 14 juin 2005 ;
Ce dernier moyen de l'appelante doit donc être écarté;
Le jugement entrepris est purement et simplement confirmé;
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société ADECCO de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ; la dite société qui perd le procès en cause d'appel est condamnée à payer à la CPAM de Maine- et-Loire la somme de 800¿ en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
L'appelante perdant son recours, elle sera condamnée au paiement du droit prévu par l'article
R. 144-10 alinéa
2 du code de la sécurité sociale, lequel droit ne peut excéder le dixième du montant mensuel prévu à l'article L.
241-3 du même code.
PAR CES MOTIFS
:
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Maine- et- Loire du 7 février 2012 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société ADECCO à payer à la CPAM de Maine-et-Loire la somme de 800 ¿ au titre de ses frais irrépétibles,
Condamne la société ADECCO au paiement du droit prévu par l'article
R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale liquidé à la somme de 312.90 ¿.