COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRET
N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 OCTOBRE 2023
N° RG 21/02902
N° Portalis DBV3-V-B7F-UYNP
AFFAIRE :
[R] [E]
C/
Société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : 19/02844
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me
Nicolas BORDACAHAR
Me
Franck LAFON
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [R] [E]
né le 20 décembre 1974 à Cameroun
de nationalité Camerounaise
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me
Nicolas BORDACAHAR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1833
APPELANT
****************
Société FIDUCIAL PRIVATE SECURITY
N° SIRET :
381 162 197
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me
Franck LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article
805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 septembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [E] a été engagé en qualité de chef de poste SSIAP2, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 5 mai 2010, par la société Geos France. Par avenant du 12 janvier 2011, la société Faceo Sécurité Prévention a repris le contrat de travail du salarié, qui exerçait en qualité de chef d'équipe des services de sécurité incendie sur le site BNP Paribas bâtiment Le Jade à [Localité 5].
Par avenant du 5 décembre 2017, à effet au 1er janvier 2018, consécutivement à sa reprise du marché du site BNP bâtiment le Jade à [Localité 5], le contrat de travail du salarié a été repris par la société Fiducial Energie Securité, aux droits de laquelle vient la société Fiducial Private Security.
Cette société est spécialisée dans le domaine de la prévention et de la sécurité. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Le 30 avril 2019, la société Fiducial Energie Sécurité a suspendu le contrat de travail du salarié dans les termes suivants :
« Lors d'un contrôle de votre dossier, nous avons constaté que la carte professionnelle dont nous disposons vous concernant (N° CAR-077-2019-05-01-20170172111), arrive à expiration le 1er mai 2019.
Après vérification sur le site internet du CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité), il s'avère que le statut de votre carte professionnelle apparaît toujours comme étant « non valide ». Partant de ce constat, vous ne disposez plus des autorisations nécessaires vous permettant d'exercer votre fonction d'Agent des services de Sécurité Incendie.
Pour rappel, et ce conformément aux dispositions légales et réglementaires, nous vous remémorons le fait que :
- la détention d'une carte professionnelle est obligatoire,
- à défaut de carte, vous n'êtes pas habilité à exercer votre activité professionnelle,
- il s'agit d'une démarche personnelle : c'est à vous d'effectuer la démarche de renouvellement auprès des services du CNAPS.
Ainsi, votre situation administrative rendant actuellement impossible votre emploi, nous n'avons d'autre solution que de procéder à la suspension de votre contrat, dans l'attente de votre transmission d'une nouvelle carte professionnelle valide.
Cette suspension débute à compter du 2 mai 2019.
Ainsi, nous vous demandons de bien vouloir ne pas vous présenter sur votre site d'affectation «BNP - JADE SAINT DENIS», tant que vous ne nous aurez pas transmis une carte professionnelle en cours de validité.
Par conséquent nous vous mettons en demeure de nous fournir sous 15 jours ouvrables tout document officiel émanant du CNAPS démontrant que vous êtes détenteur d'une carte professionnelle vous habilitant à exercer des activités de Surveillance humaine ou de surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou de gardiennage.
A défaut, nous serons contraints d'envisager à votre encontre une sanction pouvant aller jusqu'à un éventuel licenciement. »
Convoqué par lettre du 13 mai 2019 à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 23 mai 2019, il a été licencié par lettre du 20 juin 2019 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:
« Par courrier daté du 13 Mai 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable le 23 Mai 2019 à 15h00 heures, entretien auquel vous vous êtes présenté seul.
Nous avons donc pu vous exposer les faits qui vous sont reprochés et qui sont les suivants :
Votre carte professionnelle N° R-CAR-077-2019-05-01-20170172111 vous permettant d'exercer des activités de « Surveillance humaine ou électronique » est arrivée à expiration le 1er mai 2019.
À ce jour, nous n'avons toujours aucune décision de renouvellement de votre carte professionnelle, ni d'autorisation provisoire d'exercer de la part du CNAPS, organisme public de contrôle.
Au cours de l'entretien du 23 mai, vous avez reconnu les faits nous confirmant ne pas être en capacité de fournir, à ce jour, une carte professionnelle en cours de validité.
Nous vous rappelons que la réglementation de notre secteur impose de disposer d'une carte professionnelle. Ainsi, l'article
L612-20 du Code de la Sécurité Intérieure dispose que nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité de sécurité et surveillance humaine.
Le non-renouvellement de votre carte professionnelle ne permet donc plus de vous employer au sein de notre société et rend impossible la continuation de votre contrat de travail.
Par ailleurs, nous vous rappelons que l'article
R.631-26 du Code de la Sécurité Intérieure (portant déontologie de notre secteur) dispose : « Les salariés ont l'obligation d'informer sans délai leur employeur des modifications, suspension ou retrait de leur carte professionnelle, d'une condamnation pénale devenue définitive, de la modification de leur situation au regard des dispositions législatives et réglementaires qui régissent le travail des ressortissants étrangers, ou d'une suspension ou d'un retrait de leur permis de conduire lorsqu'il est nécessaire à l'exercice de leurs missions ».
Au regard de ces éléments, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif personnel lié au retrait de votre carte professionnelle rendant impossible le maintien de votre emploi du fait des textes réglementaires ci-avant détaillés.
Au regard de votre situation, la réalisation de votre préavis étant réglementairement impossible, votre licenciement prendra effet à la date d'expédition du présent courrier. (') »
M. [E] a présenté sa demande de carte professionnelle, le 5 juin 2019 au Conseil national des activités privées de sécurité, qui a rendu sa décision de renouvellement le 27 novembre 2020, avec une validité jusqu'au 27 novembre 2025.
Le 24 octobre 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner la société à lui verser un rappel de salaire du 2 mai au 20 juin 2019 et diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 29 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section activités diverses) a :
- dit et jugé que le licenciement prononcé par la société Fiducial Private Sécurity, venant aux droits et obligations de la société Fiducial Energie Sécurité, à l'encontre de M. [E], repose sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Fiducial Private Sécurity, venant aux droits et obligations de la société Fiducial Energie Sécurité, à payer à M. [E] les sommes suivantes :
. 4 217,80 euros bruts à titre d' indemnité de préavis, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 30 octobre 2019,
. 421,78 euros bruts à titre de congés payés y afférents, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 30 octobre 2019,
. 3 069,66 euros bruts à titre de rappel de salaires du 2 mai au 20 juin 2019, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 30 octobre 2019,
. 306,96 euros bruts à titre de congés payés y afférents, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 30 octobre 2019,
. 950 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure, avec adjonction des intérêts au taux légal, à compter du 29 juillet 2021,
- rappelé l'exécution de droit à titre provisoire des condamnations ordonnant le paiement des sommes accordées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, du complément de salaire et des congés payés y afférents, dans la limite de 19 001,70 euros,
- condamné la société Fiducial Private Sécurity, venant aux droits et obligations de la société Fiducial Energie Sécurité, à porter, à M. [E], un bulletin de paie, conforme au dispositif du pressent jugement,
- dit et jugé n'y avoir lieu a prononcé d'une astreinte,
- rappelé l'exécution de droit de la condamnation à porter le bulletin de paie,
- débouté M. [E] de ses demandes plus amples ou contraires,
- débouté la société Fiducial Private Sécurity, venant aux droits et obligations de la société Fiducial Energie Sécurité, de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure,
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 4 octobre 2021, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 4 juillet 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article
455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [E] demande à la cour de :
- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a condamné la société la société Fiducial Private Security à lui verser les sommes suivantes :
. 4 217,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2019,
. 421,78 euros au titre des congés payés afférents, avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2019,
. 3 069,66 euros à titre de rappel de salaires du 2 mai au 20 juin 2019, avec adjonction des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2019,
. 306,96 euros au titre des congés payés afférents, avec adjonction des intérêts aux taux légal à compter du 30 octobre 2019,
. 950 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles, avec adjonction des intérêts aux taux légal à compter du 30 octobre 2019,
- infirmer le jugement critiqué pour le surplus,
et statuant à nouveau, sur les chefs incriminés,
- prononcer le caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement,
en conséquence,
- condamner la société Fiducial Private Security à lui payer les sommes suivantes :
. 18 980,10 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 8 000 euros au titre des dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,
. 2 500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- ordonner :
. la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision,
. la prise en charge des éventuels dépens de l'instance par la société intimée.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article
455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Fiducial Private Security, venant aux droits et obligations de la société Fiducial Energy Securité, demande à la cour de :
sur le bien fondé du licenciement notifie par courrier recommande avec AR date du 20 juin 2019,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse,
- juger que M. [E] avait accepté une polyvalence de poste,
- juger que l'intéressé devait, pour être délégué au sein de la concluante, être titulaire d'une carte professionnelle,
- juger que l'intéressé n'avait pas justifié, à la date de con congédiement, être titulaire d'une telle carte professionnelle, autre que celle qui lui avait été attribuée et qui était arrivée à expiration le 1er mai 2019,
- juger, en conséquence, bien fondé le licenciement notifié par courrier recommandé avec AR en date du 20 juin 2019,
- débouter, en conséquence, M. [E] de la demande indemnitaire qu'il formule au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter, plus généralement, l'intéressé de l'intégralité des réclamations qu'il formule dans le cadre de la présente instance,
- condamner M. [E] à lui restituer à la société Fiducial Private Security la somme de
5 960,13 euros qu'il a perçue dans le cadre de l'exécution provisoire de la décision dont appel,
sur la demande de dommages et intérêts au titre d'une prétendue exécution déloyale du contrat de travail,
- confirmer le jugement dont appel,
- juger que la société Fiducial Private Security a parfaitement mis en 'uvre le contrat de travail liant les parties,
- débouter, en conséquence, M. [E] de la demande qu'il formule à ce titre,
en tout état de cause,
- condamner, M. [E] à verser à la société Fiducial Private Security la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me
Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure
MOTIFS
S licenciement
Le salarié expose que son contrat de travail a été repris en qualité de chef d'équipe des services de sécurité incendie sur le site de la BNP à [Localité 5], missions qu'il a exclusivement exercées depuis le début de son affectation sur ce site, et qu'il avait en tout état de cause entrepris les démarches pour renouveler sa carte dès décembre 2017.
L'employeur objecte que l'avenant au contrat de travail du salarié prévoyait une polyvalence et imposait la détention de la carte professionnelle nécessaire à l'exécution de missions de sécurité, valide jusqu'au 1er mai 2019, mais dont le salarié n'a pas sollicité le renouvellement en temps et en heure.
***
Il est constant que l'employeur a pour activité la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles, télésurveillance, téléalarme, transport surveillance de bijoux fonds métaux précieux, traitement des fonds transportés, sûreté et sécurité aérienne et aéroportuaire. A ce titre, il est soumis aux dispositions de la loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, plusieurs fois modifiées et intégrées dans le code de la sécurité intérieure par une ordonnance du 12 mars 2012.
Les activités de sécurité privée et de sécurité incendie sont distinctes, chacune faisant l'objet d'une réglementation spécifique, leurs agents étant soumis à des autorisations d'exercice également distinctes. Il est toutefois admis une notion d'activité connexe notamment lorsque la société exerçant une activité de sécurité privée assume également des fonctions de sécurité incendie, le Conseil d'Etat ayant rappelé dans une décision du 24 novembre 2006 (n°275412) que 'les dispositions de la loi du 12 juillet 1983 n'interdisent pas aux entreprises de surveillance et de gardiennage d'exercer les activités complémentaires qui leur sont nécessaires pour mener à bien les missions de surveillance et de gardiennage qui leur sont confiées'.
La loi n°83-629 du 12 juillet 1983 a été modifiée par la loi 2003/239 du 12 mars 2003. Cette loi a été codifiée à droit constant dans le code de la sécurité intérieure (Livre VI, article 611-1 et s.) depuis l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012, entrée en vigueur au 1er mai 2012, relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure.
Cette loi prévoit en son article 1 différentes dispositions, codifiées à l'article
L.611-1 du code de la sécurité intérieure, qui, dans sa version applicable au litige, en vigueur depuis le 2 mars 2017, prévoit que :
'Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent :
1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ; (...)
3° A protéger l'intégrité physique des personnes ; (...)'
L'article 2 de cette loi, codifié à l'article
L. 612-2 du même code, prévoit que :
« L'exercice d'une activité mentionnée aux 1° et 2° de l'article
L. 611-1 est exclusif de toute autre prestation de services non liée à la surveillance, au gardiennage ou au transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, à l'exception du transport, par les personnes exerçant l'activité mentionnée au 2° de l'article
L. 611-1, dans les conditions prévues aux articles L. 613-8 à L.613-11, de tout bien, objet ou valeur.
L'exercice de l'activité mentionnée au 1° bis de l'article
L. 611-1 est exclusif de toute autre activité.
L'exercice de l'activité mentionnée au 3° de l'article
L. 611-1 est exclusif de toute autre activité. (...)'
Enfin, aux termes de l'article 6 de la loi précitée, devenu article
L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 29 avril 2016 au 1er juin 2019:
'Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article
L. 611-1 :
(...) 5° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat et, s'il utilise un chien dans le cadre de son emploi ou de son affectation, de l'obtention d'une qualification définie en application de l'article L. 613-7.
Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. (...)'
L'employeur encourt des sanctions pénales et administratives s'il emploie un agent non titulaire de ce document.
La loi du 12 juillet 1983 a fait l'objet de plusieurs circulaires.
La circulaire n°86-343 du 24 novembre 1986 du ministère de l'Intérieur relative aux activités privées de surveillance, gardiennage, transport de fonds et protection des personnes indique en ce qui concerne la définition de l'activité de surveillance et de gardiennage que celle-ci recouvre : '1.1.1. La sécurité des biens meubles et immeubles
La définition légale ne distingue pas selon la nature des biens protégés ou les modalités d'exercice de la surveillance, ni selon la nature des risques encourus.
Elle comprend par conséquent:
- la surveillance et le gardiennage de tous biens immeubles ... ou immeubles...;
- toutes les modalités d'exercice de cette activité (surveillance directe itinérante ou statique, rondes, télé-détection, télé-surveillance, télé-sécurité, gardiennage avec chiens, etc...)
- la prévention de tous les types de risques (vols, cambriolages, hold up, dégradations, incendies, fuites d'eau ou de gaz, pollutions chimiques, pannes, explosions, risques industriels, etc... )'
Une circulaire n°IOCD1115097C du 3 juin 2011 relative à l'exercice des activités privées de sécurité et des activités de sécurité incendie indique, en son résumé, que : ' la sécurité privée et la sécurité incendie relèvent de deux réglementations différentes. Une société de sécurité privée peut exercer des missions de sécurité incendie à titre connexe de son activité principal. Un salarié peut exercer successivement l'une ou l'autre des deux activités, dès lors qu'il justifie des exigences et conditions posées par chacune de ces réglementations.
L'exercice d'une activité de sécurité incendie connexe à l'exercice d'une activité de sécurité privée ne saurait interdire la délivrance d'une carte professionnelle.'
Cette circulaire indique que le déploiement de la carte professionnelle instaurée par la loi du 12 juillet 1983 modifiée en 2007 a 'mis en exergue l'assimilation fréquente des activités de sécurité privée et de sécurité incendie, et les confusions qui en résultent.
Pourtant les activités de sécurité incendie et de sécurité privée ne se confondent pas.
Elles sont régies par des réglementations différentes, qui doivent toutes deux, être respectées en cas de cumul des deux activités par une même personne.'
Cette circulaire apporte des précisions sur les liens entre ces deux activités et la notion de connexité, indiquant notamment que 'les entreprises doivent respecter les prescriptions des textes en matière de sécurité incendie', que 'les agents ne sauraient assurer en même temps des missions relevant de la mission sécurité incendie et de la sécurité privée.'; que 'l'exercice de ces deux activités doit être clairement spécifié dans le contrat de travail de l'agent concerné'.
Cette circulaire a été remplacée par la circulaire n° INTK1517236J du 12 août 2015 qui précise son appréciation de la situation en cas d'exercice cumulé des deux activités de sécurité incendie et de sécurité privée et la question de l'exclusivité éventuelle des missions relevant de la sécurité incendie. Il est indiqué que le salarié peut exercer concomitamment les deux activités lorsqu'aucune exclusivité n'est requise par la loi ou le règlement, soit sur des lieux de travail différents lorsque le règlement impose sa présence pour l'exercice exclusif d'une seule activité. L'interprétation des exigences légales quant à l'aptitude professionnelle (diplôme SSIAP , carte professionnelle...) pour exercer chacune de ces fonctions semble inchangée.
Sur la question de l'aptitude professionnelle, la circulaire rappelle les exigences pour chacune des fonctions et en cas de cumul des deux activités par le salarié qui doit les exercer à des moments différents, il doit justifier également d'un titre pour chacune de ces fonctions.
Selon les articles précités L. 611-1,
L. 612-2 et
L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014, et l'article
1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, seuls les agents assurant des fonctions de sécurité privée sont soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle délivrée par la préfecture territorialement compétente. Il en résulte que le personnel d'une société affecté exclusivement à des missions de sécurité incendie n'est pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle alors même que la société exerce une telle activité à titre complémentaire ou connexe d'une activité de sécurité privée (Soc., 1 mars 2023, pourvoi n° 21-21.101 ; voir également Soc., 7 mars 2017, pourvoi n° 15-18.590, Bull. 2017, V, n° 40).
En l'espèce, il est constant que le salarié a exercé depuis 2011 des fonctions de chef d'équipe des services de sécurité incendie sur le site BNP Jade à St Denis.
L'avenant au contrat de travail établi par la société Fiducial lors de la reprise de ce marché précise (cf. pièce 3 de l'employeur ) que 'Compte tenu des missions principales exercées par le collaborateur, les fonctions et classification du collaborateur à la date du transfert demeurent inchangées et sont les suivantes :
° Fonction: CHEF D'EQUIPE DES SERVICES DE SECURITE INCENDIE
° Classification : statut Agent de maîtrise, niveau I, échelon 1, coefficient 150
En raison de la spécificité du domaine d'activité de la société, des besoins d'évolution de son organisation et de celle de ses clients, une polyvalence sur les activités de sûreté, sécurité, et de prévention pourra être demandée au collaborateur, sans que cela ne soit assimilé à une modification du contrat de travail.'
Il est mentionné à l'article 7.1 de l'avenant que :
« Conformément aux dispositions de l'article
L.612-20 du code de la sécurité intérieure, le collaborateur doit impérativement être titulaire d'une carte professionnelle délivrée par le CNAPS.
Cette carte étant valable pour une durée de 5 ans, le collaborateur s'engage à faire toutes les démarches nécessaires à son renouvellement à l'expiration de cette période et à en informer la société.
En cas de refus de renouvellement par le CNAPS ou dans l'hypothèse où le collaborateur n'en solliciterait pas le renouvellement, les parties se rencontreront et la société en tirera toutes les conséquences, conformément aux dispositions légales. »
Toutefois, le planning du salarié, produit par l'employeur, mentionne que le salarié a été employé du 1er janvier 2018 au 30 avril 2019 sur un 'profil 02-SSIAP 1 nuit ", l'acronyme SSIAP faisant référence à des agents assurant des 'Services de Sécurité Incendie et Assistance aux personnes'.
L'employeur produit également une attestation de M. [O], responsable d'agence dont les fonctions exactes ne sont pas précisées et qui indique, ce dont il est au contraite permis de douter, n'avoir aucun lien de subordination avec les parties. Selon ce témoin, l'intégralité des collaborateurs qui sont affectés sur le site BNP Jade sont des collaborateurs susceptibles d'exercer une activité de sûreté relative à la protection des personnes et des biens contre les risques de malveillance et une activité de sécurité incendie relative à la protection des biens et des personnes contre le risque incendie. Cette attestation n'est à elle seule pas suffisamment probante du caractère non exclusif des missions de sécurité incendie effectuées par M. [E] sur le site en question.
L'employeur n'établit donc pas que le salarié ait exercé d'autres missions que les missions de sécurité incendie du site BNP Jade St Denis pour lesquelles il a été engagé initialement puis repris par les sociétés successives entrantes sur ce marché.
Il en résulte que le salarié qui était affecté exclusivement à des missions de sécurité incendie n'était pas soumis à l'obligation de détenir une carte professionnelle alors même que la société exerce une telle activité à titre complémentaire ou connexe d'une activité de sécurité privée.
Au surplus, le salarié établit qu'il avait en tout état de cause sollicité le renouvellement de sa carte professionnelle le 31 janvier 2019, le récépissé produit lui permettant de poursuivre son activité jusqu'au 5 mai 2019, l'employeur ayant engagé la procédure de licenciement moins de dix jours après l'expiration de ce délai.
Le salarié produit également la décision de renouvellement du 27 novembre 2020 indiquant qu'il en a présenté la demande le 5 juin 2019, soit avant la notification de son licenciement.
Par conséquent, par voie d'infirmation, il convient de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M. [E] ayant acquis une ancienneté de neuf années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 mois et 9 mois de salaire.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (2 108,90 euros bruts), de son âge (45 ans), de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, et du fait qu'il justifie avoir perçu une allocation de retour à l'emploi du 20 juin 2019 au 30 septembre 2021, date à laquelle Pôle emploi lui a indiqué qu'il n'en remplissait plus les conditions, sans toutefois justifier de sa situation professionnelle et financière depuis cette date, il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer la somme de 16 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne l'employeur à payer au salarié diverses sommes, avec intérêts au taux légal, à titre d'indemnité de préavis, congés payés afférents, rappel de salaires du 2 mai au 20 juin 2019, congés payés afférents, dont l'employeur ne sollicite pas l'infirmation mais seulement la restitution des sommes versées à ce titre dans le cadre de l'exécution provisoire, qui sera examinée ci-après.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article
L. 1235-4 du code du travail qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur l'inexécution de bonne foi du contrat de travail
Le salarié soutient que l'employeur a procédé au licenciement pour non renouvellement d'une carte professionnelle qui n'était pas nécessaire, ce qui constitue un comportement fautif de sa part, et qu'il a subi une préjudice important du fait de cette rupture injustifiée et brutale de son contrat de travail.
Toutefois, d'une part, la perte injustifiée de l'emploi est déjà réparée par l'octroi d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, d'autre part, le caractère brutal invoqué n'est que la conséquence de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, ce seul élément n'étant pas de nature à établir l'existence de circonstances brutales ou vexatoires.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur la demande de restitution des sommes versées au salarié au titre de l'exécution provisoire
L'employeur sollicite le remboursement par le salarié des sommes déjà versées au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris.
L'issue du litige, qui confirme le jugement entrepris en ses condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur, commande de rejeter la demande de restitution formulée par l'employeur.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la délivrance par l'employeur au salarié d'un bulletin de paie, conforme au dispositif du jugement, sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les dépens et l'article
700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles, mais de l'infirmer en ce qu'il laisse les dépens à la charge de chacune des parties.
Il y a lieu de condamner l'employeur aux dépens de première instance et d'appel, et à payer au salarié la somme de 2 500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il dit et juge que le licenciement prononcé par la société Fiducial Private Sécurity, venant aux droits et obligations de la société Fiducial Energie Sécurité, à l'encontre de M. [E], repose sur une cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il déboute M. [E] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il laisse à chaque partie la charge de ses dépens,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,
DIT que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Fiducial Private Security à verser à M. [E] la somme de 16 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités,
DEBOUTE la société Fiducial Private Security de sa demande de restitution par M. [E] de la somme de 5 960,13 euros qu'il a perçue dans le cadre de l'exécution provisoire,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Fiducial Private Security à payer à M. [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande fondée sur ce texte,
CONDAMNE la société Fiducial Private Security aux dépens de première instance et d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
. signé par Mme Aurélie Prache, Présidente et par Mme Marine Mouret, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente