TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARISJUGEMENT rendu le 29 Mars 2013
3ème chambre 3ème sectionN° RG : 11/09930
DEMANDERESSESSociété FARMOR, SARL[...]77400 ST THIBAULT DES VIGNES
Madame Agnès M représentées par Me
Laure SOULIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R028I
DÉFENDEURSMEDISAFE, EURL[...]77600 CHANTI-LOUP EN BRIE représentée par Me
Sylvie NOACHOVITCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C 1833
Monsieur Vincent THILLEROT représenté par Me
Sylvie NOACHOVITCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire UC\ 833
COMPOSITION DU TRIBUNALMarie S . Vice-Président, signataire de la décisionMélanieBESSAUD. JugeNelly CHRETIENNOT, Jugeassistée de Marie-Aline P. Greffier, signataire de la décision
DEBATSA l'audience du 18 Février 2013tenue en audience publique
JUGEMENTPrononcé par remise de la décision au greffeContradictoireen premier ressort
EXPOSE DU LITIGELa société FARMOR commercialise depuis 2003 auprès de grossistes et revendeurs, des trousses de premiers secours « clés en mains » pour des accidentés sur leur lieu de travail en fonction de la nature de l'activité exercée, ces trousses de secours étant obligatoires selon les dispositions de l'article
R.4224-14 du code du travail, sans que la nature du contenant ne soit précisée.
La marque française verbale FARMOR n° 1272929 enreg istrée le 17 mai 1984 a été cédée à Madame M et Monsieur P par la société parisienne de protection suivant acte sous seing privé en date du 19 mars 2003.
Madame M et Monsieur P sont par ailleurs copropriétaires des marques françaises semi figuratives suivantes enregistrées notamment pour des produits pharmaceutiques et hygiéniques :- FARMOR enregistrée le 14 avril 2003 sous le numéro 03 3 223 622 dont ils ont cédé le droit d'utilisation à la société FARMOR suivant acte sous seing privé du 1er mai 2003- I.FARMOR enregistrée en couleurs le 13 avril 2005 sous le numéro 08 3 354 227 dont ils ont cédé le droit d'utilisation à la société FARMOR par contrat du 5 mai 2005.
La société FARMOR a développé son offre et son catalogue contient aujourd'hui:- des coffrets ou valises dits génériques pour 10 à 12 personnes, 50 personnes...- des coffrets métier « bâtiment », « menuisiers », « médecine du travail»...- des kits « coffret lave œil », « brûlure »...- les accessoires de réassort.
Monsieur Vincent THILLEROT a effectué un contrat d'apprentissage en alternance au sein de la société FARMOR de décembre 2007 à août 2009.
Il a ensuite créé la société MEDISAFE, immatriculée au RCS de Meaux le 19 janvier 2010, qui a pour objet la fabrication, le vente et la revente de matériels de premiers secours ainsi que cela ressort de son extrait Kbis en date du 19 juillet 2012.
La société FARMOR lui a livré des produits entre février et avril 2010.
Estimant que la société MEDISAFE, qui s'adresse à une clientèle de particuliers ou consommateurs finaux, cherchait à développer une clientèle de revendeurs et utilisait en outre sans autorisation des photographies de ses produits sur son site internet, la société FARMOR lui a indiqué par courrier du S mai 2010, qu'elle suspendait ses livraisons en raison de faits de concurrence déloyale et de contrefaçon.
Par courrier du 6 juillet 2010, elle l'a mise en demeure de cesser d'utiliser sur son site les photographies qui étaient sa propriété..
Par courrier en date du 2 décembre 2010, la société MEDISAFE lui a indiqué que les photographies litigieuses seraient retirées à compter du 6 décembre 2010.
La société MEDISAFE a ensuite souscrit auprès de la société GOOGLE France un contrat « AdWords » par lequel elle a acheté notamment les mots clés « FARMOR » et « IFARMOR ».
La société FARMOR a fait dresser un constat d'huissier le 14 mars 2011 sur l'utilisation à titre de mots clés des signes I FARMOR et FARMOR sur internet et dans le cadre du service Adwords de Google.
C'est dans ces conditions que la société FARMOR et Madame M ont assigné la société MEDISAFE et son gérant Monsieur Vincent THILLEROT devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon, concurrence déloyale et plagiat par acte d'huissier délivré le 17 juin 2011.
Par ordonnance en date du 17 février 2012, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence formée par la société MEDISAFE et Monsieur T et débouté les parties de leurs autres demandes.
Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 10 décembre 2012, la société FARMOR et Madame M demandent au tribunal de:Vu les articles
L 713-3 et suivants du code de la propriété intellectuelleVu l'article
1382 du code civil- Constater que l'achat par la société MEDISAFE des mots clés FARMOR et IFARMOR dans le cadre du contrat « AdWords » souscrit auprès de la société GOOGLE France constitue un acte de contrefaçon au sens de l'article
L 713-3 du code de la propriété intellectuelle et également une usurpation de la dénomination sociale et commerciale de la société FARMOR au sens de l'article
1382 du code civil ;- Constater que la société MEDISAFE s'est rendue coupable de plagiat en copiant de manière servile les produits commercialisés par la société FARMOR, lesquels réutilisent son savoir faire marketing et commercial, fruits d'un travail de 30 années ;- Faire interdiction à la société MEDISAFE et à son dirigeant Monsieur T d'utiliser ou de faire mention des marques FARMOR et IFARMOR et du logo associé, sur tous supports (internet, presse...) dédiés à la vente de trousses de secours sous peine d'une amende de 5.000 € par infraction constatée ;- Faire interdiction à Monsieur T durant 5 ans de faire fonctionner un site de vente en ligne dédié à la vente de trousses de secours et de ses accessoires ; le condamner le cas échéant à fermer le site de vente en ligne MEDIS AFE sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;- Ordonner la publicité de la décision à intervenir, aux frais de Monsieur T et de la société MEDISAFE à la diligence de la société FARMOR auprès de 3 sites de vente en ligne de son choix ;
- Condamner "conjointement et solidairement" Monsieur T et la société MEDISAFE à payer à la société FARMOR et à Madame M la somme de 30.000 € sauf à parfaire pour la réparation des préjudices nés de l'atteinte portée aux marques FARMOR et IFARMOR ;- Condamner les même à payer à la société FARMOR la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en raison des faits d'usurpation de nom commercial et plagiat dont ils se sont rendus coupables ;- -Condamner "conjointement et solidairement "Monsieur T et la société MEDISAFE en tous les dépens de la présente instance et de ses suites, outre la somme de 5.000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Les demanderesses prétendent que l'achat des mots clés FARMOR et IFARMOR et les conditions de leur usage portent atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque, ce qui donne à penser à l'internaute que le message publicitaire vient du titulaire de la marque et non d'un tiers, ce qui crée selon elle un risque de confusion dans l'esprit de l'internaute moyen sur l'origine et la provenance des produits offerts à la vente, donnant l'impression trompeuse que la société MEDISAFE vend des produits FARMOR. Elles en concluent que la contrefaçon par reproduction au sens de l'article L. 713-2-a) du code de la propriété intellectuelle est donc établie de ce fait.
Elles font valoir en outre que l'achat de ces mots-clefs constitue un acte de concurrence déloyale du fait de l'atteinte portée à la dénomination sociale et commerciale de la société FARMOR et du fait de la publicité déclenchée à bon compte pour les produits MEDISAFE, immédiatement avant l'apparition du site FARMOR, ce qui permet à la défenderesse de profiter de la bonne réputation de la société FARMOR dont l'identité et l'enseigne sont ainsi usurpées et utilisées comme produit d'appel, à des fins détournées, contre son gré et à son détriment.
Elles excipent enfin du plagiat auquel se serait livrée la société MEDISAFE en reproduisant à l'identique le concept de vente, la composition et la présentation de ses produits par identification totale avec ses procédés, ses produits, les photographies de ses produits et ses méthodes commerciales, ce qui permet à sa concurrente d'améliorer sa marge bénéficiaire tout en conservant une politique tarifaire par définition artificielle qui fausse le jeu normal de la concurrence, ces agissements parasitaires engageant donc sa responsabilité.
Les demanderesses sollicitent des mesures d'interdiction de l'usage des marques FARMOR et IFARMOR, ainsi que du logo associé, sur tous supports (internet, presse...) à rencontre de la société MEDISAFE et de son dirigeant Monsieur T ainsi que l'interdiction de faire fonctionner un site de vente en ligne dédié à la vente de
trousses de secours. Elles réclament la fermeture du site MGEDISAFE sous astreinte et des mesures de publication judiciaire.
Madame M et la société FARMOR sollicitent enfin 30.000 € sauf à parfaire pour le préjudice moral qui leur a été occasionné pour l'atteinte portée à leurs marques, les conséquences négatives sur l'activité de la société et en particulier son manque à gagner sur ses ventes.
La société FARMOR demande l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 30.000 euros en réparation de son préjudice résultant des faits de concurrence déloyale dont elle a été la cible.
Dans leurs dernières écritures récapitulatives notifiées le 5 octobre 2012, la société MEDISAFE et M. TH1LLEROT prient le tribunal de:Vu l'article
32-1 du code de procédure civile.Vu l'article
1382 du code civil,JUGER l'absence d'acte de contrefaçon,JUGER l'absence d'acte de concurrence déloyale,JUGER l'absence d'acte de parasitisme et de plagiat.JUGER l'absence de détournement de clientèlePar conséquent,DIRE ET JUGER la société FARMOR mal fondée.DEBOUTER la société FARMOR de l'ensemble de ces demandes,LA CONDAMNER à l'amende civile pour procédure abusive au versement de l'amende civile et à la somme de 3.000 € à titre de réparation. LA CONDAMNER à la somme de 30.000 6 au litre du préjudice subi par la société MEDISAFE du fait de sa position dominante et des pressions exercées ; LA CONDAMNER à la somme de 30.000 € au titre du préjudice subi par Monsieur T du fait de sa position dominante et des pressions exercées ;LA CONDAMNER à verser à la société MEDISAFE et à Monsieur Vincent THILLEROT la somme de 5.000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile.LA CONDAMNER aux entiers dépens.
Les défendeurs expliquent avoir eu des relations d'affaires avec la société FARMOR jusqu'en avril 2010 dans le cadre desquelles la société MEDISAFÈ a distribue les produits FARMOR sur internet, à l'aide d'images fournies directement par son partenaire commercial pour lui permettre d'assurer la commercialisation des produits FARMOR.
Ils exposent avoir maintenu les photographies en ligne durant le temps d'écoulement des stocks de produits FARMOR et avoir ensuite diversifié leur offre.
La société MEDISAFE prétend que son activité n'est pas concurrente de celle de la société FAMOR, qui s'adresse à des grossistes, alors qu'elle s'adresse pour sa part à des détaillants et particuliers. Elle souligne que la société FARMOR n'a disposé d'un site internet qu'à compter de juillet 2011.
Ils rappellent que la société FARMOR n'est titulaire d'aucun modèle de trousse de secours et doit dès lors être déboulée de toutes demandes en contrefaçon.
M. T reconnaît avoir utilisé à titre de mots clefs les mots "Farmor" et "Ifarmor" entre février et mai 2011 mais argue de sa bonne foi et prétend que seules 63 visites sur son site ont été engendrées par les mots clefs litigieux dont une seule visite de la page "devenir revendeur".
Les défendeurs s'opposent au grief de contrefaçon compte tenu de l'absence de mention des marques litigieuses dans le lien commercial renvoyant vers le site ""Medisafe" aucun lien économique n'étant suggéré entre les parties.
Aucun acte de parasitisme ni de plagiat n'est établi selon eux compte tenu de la remise volontaire des photographies du catalogue sur CDRom à son revendeur MEDISAFE.
Suite à la cessation des relations commerciales avec la société demanderesse, la société MEDISAFE indique qu'elle a développe sa propre activité de vente de trousses de secours, les a constituées elle-même et les a proposées à la vente en ligne, Elle fait valoir que ni son gérant ni elle-même n'étaient tenus par une clause de non concurrence et qu'elle n'a approché aucun client de la société FARMOR ni n'en a détourné aucun.
Elle soutient que les similitudes existant entre ses trousses de secours et celles de la société FARMOR ne valent pas concurrence déloyale d'autant que la composition de ses trousses est différente. 1:11c fait valoir en tout état de cause qu'elle a développé un concept d'armoire de secours qui a été repris.par la demanderesse.
Enfin, les défendeurs nient l'existence d'un préjudice subi par la société FARMOR puisqu'au contraire le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés par celle-ci continuent d'augmenter.
Ils en déduisent que l'action de la société FARMOR constitue une procédure abusive en ce qu'elle a été formée avec l'intention de nuire et constitue un moyen déloyal visant à déstabiliser et à mettre commercialement à mort la société MEDISAFE.
Les défendeurs se prévalent d'un préjudice lié aux pressions exercées sur eux par la société FARMOR. quant à sa position dominante et réclament la somme de 30.000 € pour chacun .
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 5 février 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le grief de contrefaçon
En l'espèce. Madame M ne verse au débat qu'une impression écran du site "icimarques" en date du 5 avril 2003 qui est dépourvue de force probante en l'absence de certificat de la marque. En tout état de cause, elle ne justifie pas du renouvellement de la marque "Farmor" n° 1272929 que la société SPP lui a cédée en coprop riété avec Monsieur P le 19 mars 2003 alors que la marque a été déposée le 17 mai 1984, ainsi que cela ressort de la facture de cession de marque.
Faute de démontrer l'existence et la validité de ladite marque, Madame MAILLARD et la société FARMOR ne justifient pas de leurs droits et dès lors que l'irrecevabilité de leur demande n'est pas soulevée, elles seront donc déclarées irrecevables de leur demande en contrefaçon à ce titre.
Par ailleurs, Madame Agnès M est cotitulaire avec Monsieur P des marques semi-figuratives FARMOR I-FARMOR déposées en couleurs respectivement le 14 avril 2003 et le 13 avril 2005, dont le droit d'utilisation a été cédé à titre gratuit à la société FARMOR suivant actes en date des 1er mai 2003 et 5 mai 2005.
Ces deux marques visent notamment les produits pharmaceutiques et •hygiéniques.
Les demanderesses font valoir que la société MEDISAFE a fait usage sans y être autorisée de de ses deux marques "FARMOR" et "I.FARMOR" à titre de mots clefs, dans des conditions engendrant un risque de confusion.
Les défendeurs reconnaissent avoir contracté auprès du service Google Adwords entre le 22 février et le 30 mai 2011 en vue d'utiliser les signes verbaux "Farmor" et "I.FARMOR " à titre de mots clefs.
Les signes en présence n'étant pas identiques faute de reprise des éléments figuratifs des marques opposées, c'est au regard de l'article
L 713-3 et non de l'article
L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle qu'il convient d'apprécier le grief allégué de contrefaçon.
En vertu de ce texte, est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
Dès lors que le démarchage de la clientèle d'autrui est licite s'il n'est pas accompagné d'un acte déloyal, l'utilisation de la marque d'un tiers à titre de mot-clef pour obtenir un référencement sur internet ne caractérise une contrefaçon que si un risque de confusion peut s'opérer aux yeux de l'internaute, normalement informé et raisonnablement attentif et si ce dernier n'est pas en mesure de savoir si l'annonceur est, ou non, lié économiquement au titulaire de la marque.
À cet égard, une contrefaçon par usage de la marque d'autrui pour obtenir un référencement sur internet n'est fautif que si l'internaute peut être amené à penser que les deux entreprises sont liées entre elles, en raison notamment de la présentation de l'annoncé.
II convient donc d'apprécier si la présentation litigieuse porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui consiste à permettre à l'internaute parcourant les annonces affichées en réponse à une recherche au sujet de la marque, de distinguer les produits ou services du titulaire de cette marque de ceux ayant une autre provenance.
En l'espèce, l'internaute qui a entré les mots "Farmor" et "I.FARMOR" dans le moteur de recherche Google se trouvait en présence d'une annonce rédigée ainsi qu'il suit : "Trousse de secours annonce N°1 de la trousse de secours à partie de 4, 15 euros - livraison 1 euros www.medi-stife.fr"
Cette annonce publicitaire, qui ne reproduit aucune des marques litigieuses, indique clairement l'origine des produits commercialisés par le nom de domaine de la société MIIDISAKH et comporte sur sa partie droite la mention grise "annonce", ainsi que cela ressort du procès-verbal d'huissier du 14 mars 2011 versée au débat.
Il s'ensuit que l'internaute, habitué à la présentation des pages de résultats et voyant clairement apparaître le lien vers le site "www.medisafe.fi1" et la mention "annonce", comprendra qu'il est en présence d'un lien commercial el ne sera pas amené à penser que l'annonceur et la société FARMOR sont liées entre elles, alors en outre que la société FARMOR apparaît en première position des référencements naturels juste sous l'annonce en cause.
Il en résulte qu'aucune atteinte à la fonction d'identification d'origine des marques "Farmor" et "I.FARMOR" n'est caractérisée et les demanderesses doivent être déboutées de toutes leurs demandes fondées sur la contrefaçon de marque.
Sur le grief tic concurrence déloyale et parasitaire
II convient de rappeler que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs au sens de l'article 1382 du
code civil, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ÛU ceux tirant profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
Il est constant que les parties interviennent toutes les deux dans le domaine de la distribution des trousses de secours préconstiluées. Si la société MEDISAFE a développé un site en ligne dès le mois de février 2010. il est acquis que la société FARMOR. qui distribue ses produits à des institutionnels et à des revendeurs, n'a activé son site internet qu'en juillet 2011.
Cependant, les parties interviennent sur le même secteur et se trouvent donc en. situation de concurrence* l'absence de l'un des deux acteurs économiques sur internet étant à cet égard indifférente. En outre, le fait que la société MEDISAFE s'adresse principalement, mais non exclusivement, à des particuliers et que la société FARMOR s'adresse à des revendeurs professionnels ne suffit pas à écarter toute situation de concurrence, laquelle s'apprécie concrètement au regard des débouchés commerciaux actuels ou potentiels de chaque société.
Compte tenu de la situation de concurrence existant entre les deux sociétés, il y a lieu de rechercher si la société MEDISAFE a commis des actes fautifs.
- sur la mise hors de cause de Monsieur T
Le tribunal constate que Monsieur T, gérant de la société MEDISAFE, ancien apprenti au sein de la société FARMOR, n'était tenu personnellement à aucune clause de non-concurrence pouvant engager sa responsabilité.
Or, en vertu de l'article
L. 223-22, alinéa premier du code de commerce, les gérants sont responsables envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Il s'ensuit que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une .faute séparable de ses fonctions, qui lui soit imputable personnellement; qu'il en est ainsi par exemple d'une faute intentionnelle d'une
particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales.
La société FARMOR ne développe ni ne démontre aucun moyen de fait pertinent pour établir la responsabilité personnelle de Monsieur T, lequel doit donc être mis hors de cause 'au titre de la concurrence déloyale et parasitaire alléguée. .
- sur l'utilisation des mots clefs "Farmor" et "I.Farmor"
Les demanderesses soutiennent que l'acquisition des mots-clefs "farmor" et "ifarmor" constitue un acte de concurrence déloyale par usurpation de la dénomination sociale et commerciale de la société FARMOR, mais ainsi qu'il a été vu, les conditions de présentation de l'annonce publicitaire dans le cadre du service de référencement Adwords excluent tout risque de confusion entre les sociétés MEDISAFE et FARMOR aux yeux de l'internaute moyen raisonnablement informé et attentif.
La seule souscription au service Google Adwords et la réservation de la marque d'un tiers ne constitue pas en soi un procédé déloyal. Seule une recherche de confusion ou un acte déloyal distinct, engendrant un risque de confusion, notamment du fait de la rédaction de l'annonce, pourrait être sanctionné comme rompant l'équilibre de la libre concurrence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucune utilisation de l'enseigne ou du nom commercial FARMOR n'étant faite dans le lien commercial litigieux.
A titre surabondant, le tribunal relève que l'internaute pourrait tout au plus être amené à penser que la société MEDISAFE distribue des produits FARMOR mais ainsi qu'il ressort des factures produites, cette dernière a bien fourni à la société MEDISAFE entre février et avril 2010 du matériel en vue de sa revente et il n'est pas démontré qu'à la date du procès-verbal d'huissier le 14 .mars 2011, la société MEDISAFE avait écoulé son stock de produits de la marque FARMOR et aurait utilisé publiquement celle-ci à titre de marque d'appel.
La société FARMOR prétend que par l'utilisation de sa dénomination sociale à titre de mot clef, sa concurrente tire indûment profit de sa bonne réputation, laquelle n'est cependant étayée par aucune pièce. Or, la captation de clientèle de ses concurrents n'est pas en soi fautive et ne constitue pas un acte-de parasitisme lorsque les conditions de ce démarchage ne sont pas déloyales.
L'annonce en cause ne faisant aucune référence à la société FARMOR, le simple enregistrement de ce signe comme mot-clef, qui ne prive pas la demanderesse de la possibilité d'en faire également usage, n'excède pas les règles normales du jeu de la libre concurrence.
Aucun comportement déloyal ou parasitaire n'est donc caractérisé de ce chef.
- sur la concurrence parasitaire
Les factures produites par la société MEDISAFE établissent que la société FARMOR lui a fourni des produits entre le mois de février et le 30 avril 2010, ce dont il résulte que la société MEDISAFE avait la qualité de distributeur de produits FARMOR.
La demanderesse invoque des actes de parasitisme par pillage de ses données et par reproduction des photographies de son catalogue.
La société FARMOR, qui ne se prévaut d'aucun droit privatif sur la composition et la présentation de ses trousses de secours, estime néanmoins que la société MEDISAFE a repris son concept commercial ainsi que de ses méthodes.
Cependant, elle ne peut revendiquer aucun monopole sur l'idée de commercialiser des trousses de secours prêtes à l'emploi, ni sur la composition de ses kits, sauf à démontrer un travail intellectuel et/ou un investissement particuliers.
S'agissant des compositions des produits, dont aucun échantillon n'est versé au débat ni aucune photographie, seul un tableau émanant des demanderesses (pièce 10) fait état de similitudes entre les trousses concurrentes destinées aux artisans du bâtiment, SST ou menuisier.
Or, il ressort du tableau dressé par la défenderesse que la société ESCULAPE, concurrente des parties, propose également des produits dont la composition est similaire et la société FARMOR ne démontre donc aucun investissement particulier à ce titre.
En tout état de cause, les particularités de chacune des trousses répondent soit à des préconisations d'organisme (OPPBTP ou médecine du travail) soit à une simple logique découlant des risques spécifiques de blessures selon les métiers (pansements brûlures ou crèmes anti-brûlure pour les électricien soumis à un risque de brûlure, ""beaucoup de pansements et de sérum physiologique" pour les menuisiers soumis au risque de coupures et projections oculaires, thermomètre frontal dans la trousse destinée aux lieux d'accueil d'enfants...).
En outre, la société FARMOR reproche à sa concurrente d'avoir reproduit sur son site sans autorisation des photographies issues de son catalogue.
Si les photographies ne sont pas précisément identifiées, puisque dans son procès-verbal en date du 14 mars 2011, l'huissier instrumentaire n'a effectué aucune constatation sur le site
"www.medi-safe.fr", les copies d'écran du site "medi-safe" versées au débat par la société demanderesse font apparaître la reproduction de photographies du catalogue FARMOR 2009-2010 (pages 5 et 14).
Certes, ces copies d'écran ne sont pas datées, mais elles sont corroborées par les termes du courrier en date du 2 décembre 2010 émis par la société MEDISAFE, qui indique modifier les photographies sur son site à compter du 6 décembre 2010.
La reproduction de photographies du catalogue FARMOR sur le site de la défenderesse est donc établie jusqu'au 6 décembre 2010.
Les multiples copies présentent néanmoins une seule et même trousse de secours désignée différemment selon sa destination finale "trousse de secours voyage/ SST. / menuisier 6 personnes / menuisier 12 personnes /jardinier /électricien / Ecole /BTP / Véhicules..) et un seul et même coffret désigné différemment selon les corps de métier (VSL / Médecine du travail / Garagiste / Alimentaire).
Compte tenu de ces éléments, seule la reprise de deux photographies sera retenue.
Pour se défendre, la société MEDISAFE indique, sans être utilement combattue sur ce point, que les photographies lui ont été remises sur CD-Rom par son fournisseur.
La société MEDISAFE commercialisant ses produits exclusivement sur son site internet, il ne peut lui être reproché d'avoir présenté les produits FARMOR, qu'elle distribuait licitement, d'après les visuels fournis par cette dernière durant le temps de leur relation commerciale.
Toutefois, la société FARMOR a expressément mis en demeure la société MEDISAFE de cesser l'utilisation de ses photographies par courrier en date du 6 juillet 2010, ce dont i} résulte qu'à compter de cette date, la défenderesse a utilisé sans autorisation, sans aucune contrepartie financière et après cessation des relations commerciales entre les parties, des photographies issues du catalogue de sa concurrente.
En l'absence d'autorisation de la société FARMOR, l'écoulement des stocks des produits FARMOR ne justifiait pas le maintien en ligne des photographies. La société MEDISAFE est en effet mal fondée à invoquer son choix de procéder uniquement à la vente en ligne de ses produits pour justifier la reprise d'une partie du catalogue d'un concurrent alors qu'il lui appartient de constituer son propre catalogue de vente en ligne.
En outre, la première photographie représentant une trousse de secours ouverte correspond à la trousse référencée TRO dans le
catalogue FARMOR mais cette référence n'apparaît sur aucune des factures. L'usage de cette image était donc injustifiée.
Le tribunal constate qu'aucune preuve de la mise en ligne d'une photographie d'un crayon oculaire Farmor alléguée dans les dernières écritures des demanderesses n'est rapportée.
La société FARMOR produit la facture d'impression de son catalogue 2009/2Ô10 qui s'élève à 6 996,60 €.
ïl en résulte que la société MEDISAFE, en reproduisant sans aucun frais des photographies du catalogue de son ancien fournisseur, a pillé les investissements de ce dernier afin de constituer son premier catalogue en ligne sans aucun effort financier.
Ce fait caractérise un comportement parasitaire, aggravé par la fourniture d'un guide des premiers secours similaire à celui fourni par la société FARMOR et par la déclinaison des trousses et coffrets de secours en une gamme "métiers", identique à celle développée précédemment par la société FARMOR.
Or, aucune réglementation n'impose ces choix marketing et les extraits de sites internet concurrents tels qu'ils ressortent du procès- verbal de constat d'huissier en date du 27 août 2012, établissent que la déclinaison de la gamme des métiers n'est pas habituelle dans le secteur des trousses de secours.
L'ensemble de ces éléments démontre donc la captation par la défenderesse des choix marketing et commerciaux opérés par la société FARMOR, ce qui caractérise des actes de parasitisme du fait de la reprise du travail intellectuel de la demanderesse.
Compte tenu de la reprise sans effort par la société MEDISAFE du travail marketing et commercial de sa concurrente, facilitée par le stage effectué par son dirigeant au sein de la société FARMOR durant plusieurs mois, le grief de concurrence parasitaire, qui doit s'apprécier in concreto, est constitué, la défenderesse ayant repris sans bourse délier le travail de son concurrent, ce qui lui a permis d'être opérationnelle sur le marché à moindre frais et plus rapidement et ce, indépendamment de tout détournement de clientèle.
Il ressort du procès-verbal d'huissier en date du 3 août 2011 réalisé sur le site GOOGLE ANALYTICS qu'entre le 1er janvier 2010 et le 30 juin 2011, le site internet www.medi-safe.fr a reçu 89 477 visites dont 533 visites sur la page "devenir revendeur".
Au regard de l'ensemble de ces éléments, et compte tenu de la disparition des photographies litigieuses du site de la défenderesse depuis plus de deux ans, il y a lieu de condamner la société
MEDISAFE à payer à la société FARMOR la somme de 3 000 euros à titre de dommages-et-intérêts.
Le préjudice étant suffisamment réparé, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes complémentaires de publications judiciaires.
La demande de fermeture du site visant à priver d'activité un concurrent direct de la société demanderesse alors que le parasitisme a seulement eu pour effet de lui permettre de pénétrer plus rapidement le marché des trousses de secours est totalement disproportionnée et ne repose sur aucun fondement juridique. En outre, le préjudice de la société FARMOR est suffisamment indemnisé. Il n'y sera donc pas fait droit.
Enfin, il y a lieu de rejeter la demande d'interdiction dirigée à rencontre de M. T à titre personnel, ce dernier ayant été mis hors de cause.
Sur les demandes reconventionnelles
Les demandes de la société FARMOR ayant partiellement prospéré et Madame M ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits détenus sur les marques "FARMOR" et "I.FARMOR", les défendeurs échouent à démontrer le caractère abusif de la présente procédure. Ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre.
Sur les autres demandes
La société MEQISAFE, qui succombe, supportera les entiers dépens de l'instance et devra régler à la société FARMOR la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes de Monsieur T au titre de l'article
700 du code de procédure civile et il en sera par conséquent débouté.
Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL, statuant par jugement contradictoire, rendu publiquement et par mise à disposition au greffe,
DECLARE Madame M et la société FARMOR irrecevables en leurs demandes en contrefaçon de la marque française verbale"Farmor" n° 1272929 ;
DEBOUTE Madame M et la société FARMOR de leur demande en contrefaçon de marque semi-figurative "farmor" et "I.Farmor" ;
MET HORS DE CAUSE Monsieur Vincent THILLEROT ;
DIT que la société MEDISAFE a commis des actes de concurrence parasitaire à regard de la société FARMOR ;
CONDAMNE la société MEDISAFE à payer à la société FARMOR la somme de 3 000 € à titre de dommages-el-intérêts ;
DEBOUTE la société FARMOR de ses demandes de publication judiciaire, de fermeture du site internet de la société MEDISAFE et de sa demande de mesure d'interdiction à l'encontre de Monsieur T à titre personnel ;
DEBOUTE la société MEDISAFE et Monsieur T de leur demande reconventionnelle ;
CONDAMNE la société MEDISAFE aux entiers dépens de l'instance ;
CONDAMNE société MEDISAFE à payer à la société FARMOR la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Monsieur T de sa demande formée au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision :