N° RG 21/02669 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I2DX
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET
DU 23 NOVEMBRE 2022
DÉCISION
DÉFÉRÉE :
20/01289
Tribunal judiciaire d'Evreux du 15 juin 2021
APPELANTS :
Monsieur [M] [J]
né le 18 décembre 1950 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me
Jean-Michel EUDE de la Scp
DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l'Eure
Madame [G] [T] [P] épouse [J]
née le 25 décembre 1952 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me
Jean-Michel EUDE de la Scp
DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l'Eure
INTIMEE :
Madame [Y] [E] épouse [G]
née le 19 octobre 1955 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me
Armelle LAFONT de la Scp
BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 septembre 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 28 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 novembre 2022.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 23 novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte authentique du 6 juin 2019, Mme [Y] [E] a vendu à Mme [G] [P] épouse [J] et M. [M] [J] un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 1] à [Localité 6].
Se plaignant de l'absence de bac acier sur la toiture en fibrociment, les acquéreurs ont, par acte d'huissier du 29 avril 2020, fait assigner Mme [Y] [E] devant le tribunal judiciaire d'Evreux en indemnisation de leur préjudice.
Par jugement contradictoire du 15 juin 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a débouté Mme [G] [P] épouse [J] et M. [M] [J] de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés solidairement à payer à Mme [Y] [E] la somme de de 1 000 euros au titre de l'article
700 du code de procedure civile, outre les entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 29 juin 2021, les époux [J] ont interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 2 septembre 2021, les époux [J] demandent à la cour d'appel, au visa des articles
1137 et
1240 du code civil, d'infimer le jugement et de :
- condamner Mme [Y] [E] épouse [G] à leur payer la somme de 13 751,63 euros en indemnisation de la perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses,
- condamner Mme [Y] [E] épouse [G] à leur payer une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- condamner Mme [Y] [E] épouse [G] à leur payer une indemnité de 5 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile,
- debouter Mme [Y] [E] épouse [G] de sa demande reconventionnelle,
- condamner Mme [Y] [E] épouse [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ils soutiennent en substance ce qui suit :
- ils ont acheté la maison en considération du fait que les tôles de fibrociment de la toiture étaient recouvertes d'un bac acier conformément aux stipulations du compromis ;
- les tôles étaient invisibles depuis l'extérieur ;
- l'absence du bac acier est constitutive d'un dol incident qui leur cause un préjudice ;
- la venderesse a bien prétendu oralement avant la vente que la toiture avait été changée et un bac acier installé ;
- les analyses démontrent la présence de poussière d'amiante liée à la dégradation du fibrociment.
Par dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2021, Mme [E] demande à la cour d'appel de confirmer le jugement et y ajoutant, de condamner solidairement Mme [G] [P] épouse [J] et M. [M] [J] à payer à Mme [Y] [E] la somme de 6 500 euros au titre de frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me
Armelle Lafont.
Elle soutient en substance ce qui suit :
- il n'y a pas dol de sa part ;
- la clause litigieuse de désignation du bien a été rédigée par l'agent immobilier en charge de la vente ;
- elle n'a aucune compétence en matière de construction et ne connaissait pas la maison ;
- M. et Mme [J] ont visité le bien à plusieurs reprises et pouvaient examiner le toit ;
- la présence d'amiante est rappelée sur le diagnostic obligatoire sans mention d'un bac acier ;
- les acquéreurs ne souffrent d'aucun préjudice puisque, aux termes du diagnostic immobilier, aucune intervention particulière n'est nécessaire ;
- la vente s'est effectuée au prix du marché ;
- les qualités essentielles du bien ne sont pas amoindries par l'absence du bac acier sur la toiture.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article
455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2022.
MOTIFS
En application de l'article
1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres, mensonges, ou dissimulation intentionnelle d'une information qu'il sait déterminante. Le dol doit porter sur un élément effectivement déterminant du consentement.
La victime d'un dol qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat peut obtenir la réparation du préjudice correspondant uniquement à la perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.
La charge de la preuve du dol, de son caractère déterminant, et de la perte de chance pèse sur les acquéreurs.
L'absence de bac acier en toiture est une donnée constante.
Mme [E] soutient qu'elle a confié la vente de la maison de son père en agence et qu'elle n'avait aucune connaissance de la composition du toit.
Les appelants soutiennent que Mme [E] leur a délibéremment menti quant à la présence d'un bac acier en toiture.
Afin de le démontrer, ils se prévalent de la description du bien dans le compromis de vente signé le 10 avril 2019. Il y est certes expressément mentionné la présence d'une 'couverture en fibrociment recouvert d'un bac acier'. Toutefois, cette description technique de la composition de la toiture n'a pas été rédigée par Mme [E], mais par l'agent immobilier qui a dressé le compromis. Si la mention litigieuse traduit d'évidence une erreur, elle est insuffisante à établir une intention dolosive de Mme [E] elle-même.
La seule pièce suceptible d'établir que cette dernière aurait eu connaissance de l'état du toit et aurait sciemment menti à ce sujet est la pièce intitulée 'attestation' versée en pièce 10 par les époux [J]. Selon l'auteur de cette attestation, dressée au nom de M. [F] [B], négociateur immobilier, Mme [E] lui avait indiqué avant la vente qu'un bac avait été installé en toiture, et lui aurait promis de lui adresser, en cours de négociation de la vente, la facture de travaux correspondante, ce qu'elle n'aurait pas fait 'malgré de nombreuses relances'.
Cette pièce n'est toutefois pas conforme aux règles de forme prévues par les dispositions des articles 201 et suivantes du code de procédure civile qui visent à assurer la fiabilité des attestations et, en particulier, elle n'est pas accompagnée d'un document d'identité de l'attestant. Sa valeur probante est donc faible. Il doit en outre être remarqué qu'elle émanerait de l'auteur de la clause litigieuse de désignation du bien, dont l'impartialité n'est donc pas certaine. Enfin, aucune des 'nombreuses relances' n'est versée aux débats afin de corroborer le contenu de cette pièce.
Les appelants échouent donc à démontrer un dol, à savoir un mensonge conscient et délibéré, imputable à l'intimée, portant sur l'existence d'un bac acier.
Il n'y a donc pas lieu d'infirmer la décision.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles n'appellent pas de critique.
Les époux [J] succombent et seront condamnés solidairement aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me
Armelle Lafont.
En équité, ils seront condamnés à payer, en application de l'article
700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement Mme [G] [P] épouse [J] et M. [M] [J] à payer à Mme [Y] [E] épouse [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement Mme [G] [P] épouse [J] et M. [M] [J] aux dépens d'appel au bénéfice de Me
Armelle Lafont.
Le greffier, La présidente de chambre,