Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 avril 2012, 12-80.654

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    12-80.654
  • Dispositif : Cassation sans renvoi
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Décision précédente :Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 30 décembre 2011
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025959418
  • Rapporteur : M. Moignard
  • Président : M. Louvel (président)
  • Avocat(s) : Me Spinosi
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2012-04-12
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes
2011-12-30

Texte intégral

Statuant sur le pourvoi formé par

: - M. Saïd X..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 30 décembre 2011, qui, statuant sur renvoi après cassation dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire ; Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen

de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 122, 131 et 133, alinéa 2, 137 à 148-2 du code de procédure pénale, 5, 6 § 1 et 6 § 3 c de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité du mandat d'arrêt et de l'ordonnance de placement en détention provisoire ; " aux motifs qu'en ce qui concerne le mandat d'arrêt du 31 mai 2011, il est exact que les formalités énoncées par le deuxième alinéa de l'article 133 du code de procédure pénale ont été accomplies le 7 juin 2011 par le procureur de la République de Saint-Etienne alors qu'elles auraient dû l'être par le juge des libertés et de la détention de ce tribunal, en vertu de l'article 22 de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, applicable à compter du 1er juin 2011, qui a modifié l'article 133 susvisé ; que le juge des libertés et de la détention ayant dit dans sa première ordonnance du 8 juin 2011 qu'il n'y avait pas lieu de placer le mis en examen en détention en raison de cette irrégularité, le mandat d'arrêt du 31 mai 2011 a ainsi cessé de produire ses effets ; qu'aucune disposition légale n'interdisait cependant au juge d'instruction de délivrer un nouveau mandat d'arrêt contre M. X..., répondant aux conditions de l'article 131 du code de procédure pénale ; qu'en effet, il résulte de l'exposé des faits ci-dessus que la mise en cause de M. X... comme pouvant être celui des organisateurs du trafic de stupéfiants surnommé " le stéphanois " repose principalement sur les interceptions téléphoniques faites par les enquêteurs ; qu'à la suite de conversations téléphoniques avec son frère Z..., détenu, les lignes utilisées par M. X... étaient devenus inactives, après que celui-ci fût entré en contact avec des interlocuteurs localisés en Espagne ; que cette situation avait conduit le juge d'instruction à délivrer le mandat d'arrêt du 31 mai 2011, et même à émettre un mandat d'arrêt européen ; que M. X... étant libre, suite à la première décision du juge des libertés et de la détention du 8 juin 2011, le juge d'instruction avait les mêmes raisons objectives que celles existant à la date d'émission du précédent mandat d'arrêt de considérer l'intéressé en fuite, cherchant à se soustraire à l'action de la justice, ce d'autant plus qu'il était désormais informé des soupçons pesant sur lui ; que l'article 131 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction peut décerner mandat d'arrêt après avis du procureur de la République, sans subordonner celui-ci procéduralement à une transmission formalisée du dossier par le juge d'instruction ; que tel est le cas en l'espèce et l'absence de signature du juge sur l'ordonnance de soit-communiqué comme l'absence de cette ordonnance est dès lors sans incidence sur la validité de la procédure aboutissant à la délivrance du mandat d'arrêt ; qu'en tout état de cause, le défaut de signature du juge d'instruction sur l'ordonnance de soit-communiqué du 8 juin 2011 pour avis sur la délivrance d'un mandat d'arrêt n'est pas de nature à en entacher l'authenticité puisque les réquisitions du procureur de la République, datées et signées, portées au pied de cette ordonnance, en attestent la réalité ; que le mandat d'arrêt émis contre M. X... le 8 juin 2011 est donc régulier, de même que son interpellation, le même jour, en exécution de ce mandat, sur le parvis du tribunal de grande instance de Rennes, ainsi que le mentionne le procès verbal, alors qu'il avait effectivement recouvré la liberté ; que M. X... soutient encore l'irrégularité du débat contradictoire qui s'est déroulé devant le juge des libertés et de la détention après présentation en vertu du mandat d'arrêt du 8 juin 2011 ; qu'il avait effectivement désigné Me Y... à l'issue de son audition en première comparution pour l'assister pour la suite de la procédure ; qu'interpellé en exécution du mandat d'arrêt et présenté au juge d'instruction, conformément aux dispositions de l'article 133 du code de procédure pénale, ce magistrat a saisi le juge des libertés et de la détention, en application de l'article 145 du même code, en vue d'un placement en détention provisoire ; qu'il ressort cependant des pièces de la procédure que l'avocat commis d'office dont il avait auparavant demandé l'assistance étant présent à ses côtés, que M. X... n'a formulé aucune observation quant à l'absence de l'avocat choisi et, qu'avisé de ce qu'il pouvait disposer d'un délai qui ne pouvait excéder quatre jours pour préparer sa défense, il y a expressément renoncé ; que par cette renonciation expresse, faite en présence de l'avocat commis d'office qui l'assistait jusque là, et sur la présence duquel il n'a formulé aucune observation, il a ainsi nécessairement renoncé à être assisté pour ce débat par l'avocat indiqué pour la suite de la procédure, sachant d'ailleurs que celui-ci, appartenant au barreau de Lyon, ne pouvait à l'évidence pas être présent à Rennes pour la tenue immédiate du débat ; que, dès lors, l'assistance dont il a bénéficié n'a pu lui faire grief ni porter atteinte aux droits de la défense, l'avocat qui l'assistait ayant pu au surplus développer les moyens de nullité du mandat d'arrêt qu'il fait à présent valoir ; 1°) " alors que la chambre de l'instruction qui a constaté que le mandat d'arrêt du 31 mai 2011 notifié à M. X... le 7 juin était nul ne pouvait valablement se contenter d'affirmer " qu'aucune disposition légale n'interdisait cependant au juge d'instruction de délivrer un nouveau mandat d'arrêt contre M. X... " lorsqu'il est constant que le juge d'instruction ne peut refaire un acte qu'il estime irrégulier mais dont la chambre de l'instruction n'a pas prononcé la nullité ; qu'ainsi, en entérinant la délivrance immédiate d'un autre mandat d'arrêt, afin de couvrir l'illégalité manifeste du premier pour incompétence, sans attendre le prononcé de sa nullité par la juridiction d'instruction du second degré, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ; 2°) " alors que la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision en considérant, de manière péremptoire, que les conditions requises à l'article 131 du code de procédure pénale étaient réunies aux motifs parfaitement inopérants que " le juge d'instruction avait les mêmes raisons objectives que celles existant à la date d'émission du précédent mandat d'arrêt de considérer l'intéressé en fuite, cherchant à se soustraire à l'action de la justice, ce d'autant plus qu'il était désormais informé des soupçons pesant sur lui " ; qu'en effet, de tels motifs qui puisent dans un premier mandat frappé de nullité, ne pouvaient servir de justification à l'émission d'un second mandat d'arrêt ; 3°) " alors que la renonciation de la personne mise en examen de bénéficier d'un délai de quatre jours pour préparer sa défense ne saurait avoir un quelconque effet sur le choix clairement manifesté par la personne mise en examen d'être assisté d'un avocat déterminé ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction, qui a constaté que M. X... avait désigné Me Y... dès son interrogatoire de première comparution pour l'assister tout au long de la procédure ne pouvait valablement refuser d'annuler le procès-verbal de débat contradictoire du 8 juin 2011 aux motifs parfaitement contradictoires et inopérants selon lesquels M. X..., qui bénéficiait d'un délai de quatre jours pour préparer sa défense, y avait expressément renoncé ;

Vu

l'article 131 du code de procédure pénale ; Attendu que, selon ce texte, un mandat d'arrêt ne peut être délivré que contre une personne en fuite ou qui réside à l'étranger ;

Attendu qu'il résulte

de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été arrêté le 7 juin 2011, en exécution d'un mandat d'arrêt décerné à son encontre le 31 mai 2011, dans un information suivie contre lui et plusieurs autres mis en examen des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants ; que, le 8 juin 2011, après mise en examen, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de placement en détention provisoire ; que ce magistrat a ordonné sa mise en liberté au motif, qu'arrêté à plus de deux cents kilomètres du siège du magistrat ayant délivré le mandat, il avait été présenté au procureur de la République et non au juge des libertés et de la détention du lieu d'arrestation comme l'exige l'article 133 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 entrée en vigueur le 1er juin ; qu'un nouveau mandat d'arrêt ayant immédiatement été délivré à son encontre après réquisitions du procureur de la République, il a été arrêté sur le parvis du palais de justice ; qu'après un second débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention l'a placé en détention provisoire ; Attendu que, dans le mémoire déposé en son nom devant la chambre de l'instruction, son avocat a excipé de la nullité du second mandat d'arrêt et de l'ordonnance de placement en détention provisoire en soutenant notamment que M. X..., qui avait été arrêté à son domicile familial en exécution du premier mandat et qui n'avait pas recouvré la liberté qui lui avait été rendue par le juge des libertés de la détention ne pouvait être considéré comme ayant été en fuite, qu'il a en conséquence demandé sa mise en liberté ; Attendu que, pour écarter cette demande, l'arrêt qui confirme l'ordonnance de placement en détention provisoire, retient que la personne mise en examen était effectivement libre lorsqu'elle avait été arrêtée sur le parvis du palais de justice, et que le juge d'instruction avait les mêmes raisons objectives de délivrer un nouveau mandat d'arrêt que celles qui existaient à la date d'émission du précédent et de considérer que l'intéressé en fuite cherchait à se soustraire à l'action de la justice, ce d'autant qu'il était désormais informé des soupçons pesant contre lui ; Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que, selon les propres constatations de l'arrêt, il ne résultait d'aucune circonstance nouvelle que la personne mise en examen ait été en fuite après que sa mise en liberté eut été ordonnée, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la porté du texte susvisé ; D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs

, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de cassation proposé : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 30 décembre 2011 ; Dit que M. Saïd X... est détenu sans titre depuis le 8 juin 2011 et ordonne sa mise en liberté s'il n'est détenu pour autre cause ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Moignard conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : M. Bétron ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;