Cour de cassation, Troisième chambre civile, 29 juin 2017, 16-19.588

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-06-29
Cour d'appel de Rouen
2016-04-27

Texte intégral

CIV.3 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 29 juin 2017 Cassation partielle M. CHAUVIN, président Arrêt n° 795 F-D Pourvoi n° X 16-19.588 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par la société Dgmsa, société civile immobilière, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 27 avril 2016 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Etablissement public foncier de Normandie, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 30 mai 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme X..., conseiller référendaire rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme X..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de la société Dgmsa, de la SCP François-Henri Briard, avocat de Etablissement public foncier de Normandie, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que l'arrêt attaqué

(Rouen, 27 avril 2016) fixe les indemnités d'expropriation revenant à la société Dgmsa par suite de l'expropriation, au profit de l'Etablissement public foncier de Normandie, de parcelles lui appartenant ;

Sur le premier moyen

, ci-après annexé :

Attendu que la société Dgmsa fait grief à

l'arrêt de déclarer irrecevables le mémoire et les pièces déposés au greffe le 1er mars 2016 ;

Mais attendu

qu'ayant retenu que l'appelante avait transmis ses conclusions et pièces la veille de l'audience, que le greffe n'avait pu les notifier régulièrement aux parties et que l'expropriant et le commissaire du gouvernement s'étaient trouvés dans l'impossibilité d'en prendre connaissance, la cour d'appel a caractérisé, par ces seuls motifs, les circonstances qui ont empêché le respect du principe de la contradiction ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen

:

Vu

l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article R. 322-5 du même code ;

Attendu que l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale ; Attendu que, pour fixer le montant de l'indemnité de dépossession, l'arrêt retient

que l'indemnité de remploi comprend notamment la perte de loyers qu'est susceptible de subir l'exproprié ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que l'indemnité de remploi ne couvre pas le préjudice résultant de la perte des revenus locatifs subie par l'exproprié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant fixé à 186 000 euros l'indemnité totale de dépossession, l'arrêt rendu le 27 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne l'Etablissement public foncier de Normandie aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Etablissement public foncier de Normandie et le condamne à payer à la société Dgmsa la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix-sept

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Dgmsa. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevables et écarté des débats le mémoire récapitulatif déposé au greffe le 1er mars 2016 par la SCI DGMSA et les pièces nos 20 à 28 déposées au greffe le 1er mars 2016 et D'AVOIR fixé à la somme de 186.000 € l'indemnité totale de dépossession due par l'EPFN à la SCI DGMSA, dans le cadre de l'expropriation des parcelles cadastrées [...] et [...], sises [...] ; AUX MOTIFS QU'après échange des mémoires et conclusions, les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressées le 28 janvier 2016 pour l'audience fixée au 2 mars 2016 ; que la SCI Dgmsa a déposé au greffe de la cour le 1er mars 2016, soit la veille de l'audience un "mémoire en réponse et récapitulatif" et produit dans le même temps 9 nouvelles pièces ; que, compte tenu de l'imminence de l'audience, le greffe a été dans l'impossibilité de notifier le dernier mémoire de la Sci Dgmsa à l'expropriant et au commissaire du gouvernement ainsi que leur transmettre les nouvelles pièces produites par l'expropriée ; que la SCI DGMSA a sollicité le renvoi de l'affaire à l'audience ; que le commissaire du gouvernement, faisant valoir qu'il n'avait connaissance ni du dernier mémoire de l'expropriée ni des nouvelles pièces produites, a également demandé le renvoi de l'affaire ; que l'EPFN s'est opposée à la demande de renvoi, invoquant l'urgence de la décision de la cour ; que la cour, après en avoir délibéré, a débouté la Sci Dgmsa de sa demande de renvoi et a soulevé d'office dès l'ouverture des débats l'irrecevabilité du dernier mémoire récapitulatif de l'expropriée et des nouvelles pièces produites la veille de l'audience, sur le fondement de la violation du principe du contradictoire et des dispositions prévues par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation ; qu'elle a invité les parties à lui faire parvenir leurs observations éventuelles sur ces moyens relevés d'office en cours de délibéré, dans un délai de 15 jours ; que les observations écrites faites contradictoirement par la SCI Dgmsa et l'EPFN ont été jointes au dossier de la procédure ; que s'il n'est pas interdit à la partie expropriée, ainsi que le souligne cette dernière dans sa note du 8 mars 2016, de répliquer au mémoire de l'intimée ou aux conclusions du commissaire du gouvernement, cela ne l'autorise nullement à s'affranchir du principe du contradictoire posé par l'article 16 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, en déposant un nouveau mémoire la veille de l'audience, commentant un rapport établi à sa demande de façon non contradictoire et produit dans le même temps, la SCI DGMSA a violé le principe du contradictoire puisque : - si elle a transmis ses conclusions et pièces la veille de l'audience à l'expropriant, elle a omis de le faire à l'adresse du commissaire du gouvernement, tout en soulignant que son nouveau mémoire avait pour objet de répondre à celui du commissaire du gouvernement ; - le greffe a été mis dans l'impossibilité de notifier régulièrement le mémoire et les pièces à l'expropriant et au commissaire du gouvernement, de telle sorte que ce mémoire et ces pièces n'ont pas été notifiés conformément aux modalités prévues par le code de l'expropriation ; - l'expropriant et le commissaire du gouvernement se sont retrouvés dans l'impossibilité matérielle de prendre connaissance du nouveau mémoire et des pièces nouvelles dans un délai aussi court et d'y répondre ; que s'agissant des pièces, il résulte en outre de l'article R. 311-26 du code de l'expropriation que l'appelant doit, non seulement déposer ou adresser son mémoire au greffe de la cour dans le délai de trois mois après l'acte d'appel, mais aussi y joindre impérativement les documents qu'il entend produire sans pouvoir, au-delà de ce délai, déposer de nouveaux documents ; qu'en conséquence, la cour déclarera irrecevables le mémoire récapitulatif déposé au greffe le 1er mars 2016 par la Sci Dgmsa ainsi que les pièces n°20 à 28 communiquées dans le même temps par cette partie ; 1. ALORS QUE le respect du principe du contradictoire interdit aux juges du fond d'écarter des débats des conclusions et pièces communiquées par les parties sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction ou caractériser un comportement de leur part contraire à la loyauté des débats ; qu'en écartant des débats les conclusions remises au greffe par la SCI DGMSA, la veille de l'audience, sans les notifier au commissaire du gouvernement, ce qui a mis le greffe dans l'impossibilité de notifier régulièrement le mémoire et les pièces au commissaire du gouvernement et à l'expropriant qui ont donc été dans l'impossibilité d'en prendre connaissance dans un délai aussi court pour y répondre, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par l'appelante dans sa note en délibéré, si le mémoire déposé la veille de l'audience ne comportait pas des moyens nouveaux auxquels l'expropriant et le commissaire du gouvernement ne pouvaient pas répondre la veille de l'audience, mais se bornait à répliquer au mémoire du commissaire de gouvernement qui avait fait état pour la première fois d'un nouveau terme de comparaison, la cour d'appel s'est donc déterminée par des motifs impropres à caractériser les circonstances particulières qui avaient empêché de respecter le principe de la contradiction ; qu'ainsi, elle a violé l'article 16 du code de procédure civile et les articles R. 311-26 et R. 311-24 du code de l'expropriation ; 2. ALORS QUE l'article R. 311-26 du code de l'expropriation exige seulement des parties qu'elles déposent au greffe leurs conclusions et pièces qui sont ensuite transmises à chacune des parties ; qu'en reprochant à la SCI DGMSA d'avoir omis de notifier son mémoire au commissaire du gouvernement, la cour d'appel a violé la disposition précitée ; 3. ALORS QU'au soutien de ses prétentions initiales, l'appelant conserve le droit de déposer des pièces nouvelles après l'expiration du délai de trois mois qui lui est imparti, par l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour conclure ; qu'en décidant que l'article R. 311-26 du code de l'expropriation impose à l'appelant de déposer ou adresser son mémoire au greffe de la cour dans le délai de trois mois après l'acte d'appel, mais aussi d'y joindre impérativement les documents qu'il entend produire sans pouvoir, au-delà de ce délai, déposer de nouveaux documents, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble l'article 16 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR fixé à la somme de 186.000 € l'indemnité totale de dépossession qui sera due par l'EPF de Normandie à la SCI DGMSA, dans le cadre de l'expropriation des parcelles cadastrées [...] et [...], sises [...] et D'AVOIR débouté la SCI DGMSA de ses plus amples demandes indemnitaires dont celles portant sur les indemnités accessoires ; AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelante fait valoir qu'à la suite de la dépossession, elle devra réaliser des travaux afin de permettre au preneur la reprise de son activité, soit la réalisation d'une dalle quartzée pour un montant de 63 536,40 euros HT ; qu'elle sollicite en outre une indemnisation au titre de sa perte de loyer pendant les six mois nécessaires pour retrouver un autre local ; que, toutefois, ainsi que le souligne le commissaire du gouvernement, l'indemnité versée doit recouvrir la perte du bien existante et non pas la réalisation d'un équipement futur, étant observé en outre que l'indemnité fixée par le premier juge a tenu compte des travaux réalisés par le propriétaire dans son évaluation du prix au mètre carré retenue ; qu'enfin, l'indemnité de remploi a pour effet d'indemniser les préjudices liés au remplacement du bien exproprié par un autre et comprend notamment la perte des loyers qu'est susceptible de subir l'exproprié ; ALORS QUE la perte de loyers cause à l'exproprié un préjudice distinct de celui indemnisé par l'indemnité de remploi dès lors que le bien exproprié était donné en location au jour de l'expropriation ; qu'en refusant de réparer le préjudice né de la perte des loyers qui était déjà compris dans l'indemnité de remploi qui a pour effet d'indemniser les préjudices consécutifs au remplacement du bien exproprié, bien que l'immeuble de la SCI DGMSA était loué à la société OTTO DDS au jour de l'expropriation, la cour d'appel a violé les articles L. 321-1 et L 321-3 du code de l'expropriation, ensemble l'article R. 322-5 du même code.