Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère Chambre, 1 juillet 1999, 96LY20995

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
  • Numéro d'affaire :
    96LY20995
  • Textes appliqués :
    • Code de la route L7
    • Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
    • Code général des collectivités territoriales L2216-3
    • Code pénal 104, 105, 414, 431-1
    • Décret-loi 1935-10-23 art. 4
    • Loi 83-8 1983-01-07 art. 92
  • Nature : Texte
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Dijon, 20 février 1996
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000007462433
  • Rapporteur : M. GAILLETON
  • Rapporteur public :
    M. BEZARD
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Lyon
1999-07-01
Tribunal administratif de Dijon
1996-02-20

Texte intégral

Vu l'ordonnance

en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, transmis à la cour administrative d'appel de Lyon la requête présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (SAPRR), par Me X..., avocat ; Vu ladite requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy respectivement les 28 mars 1996 et 5 juin 1997, par lesquels la SAPRR demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 952814 en date du 20 février 1996 par lequel le tribunal administratif de DIJON a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 47 615,13 francs assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'occupation le 30 juin 1992 des postes de péage de ViIle-sur-la-Ferte, Magnan et Saint-Thibault, sur l'autoroute A26, par des groupes de manifestants agriculteurs ; 2°) de condamner l'Etat à lui payer ladite somme assortie des intérêts à compter du 14 mai 1993 et de leur capitalisation au 5 juin 1997, ainsi qu'une somme de 5 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code pénal ; Vu le code de la route ; Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 1999 : - le rapport de M. GAILLETON, premier conseiller ; - et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'

aux termes de l'article 92 de la loi susvisée du 7 janvier 1983, ultérieurement codifié à l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens." ; Considérant que la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN RHONE (SAPRR) demande la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de l'occupation, le 30 juin 1992 des postes de péage de Ville-sur-la-Ferte, Magnan et Saint-Thibault, sur l'autoroute A26, par des groupes de manifestants agriculteurs ; Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.7 du code de la route : "Quiconque aura, en vue d'entraver ou de gêner la circulation, placé ou tenté de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou qui aura employé ou tenté d'employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de1 000 à 30 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement". ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les manifestants ont empêché la perception du péage dû par les automobilistes, la circulation n'en a pas été entravée ou gênée, dès lors que le passage des péages entraîne par lui-même un ralentissement, voire un arrêt des véhicules ; que les manifestants ont seulement mis à profit cette circonstance pour exprimer leurs doléances ; que de tels agissements ne peuvent, dès lors, être qualifiés de délit d'entrave ou de gêne à la circulation au sens des dispositions de l'article L.7 du code de la route ; Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 104 du code pénal en vigueur : "Est interdit sur la voie publique ou dans un lieu public : 1 ) Tout attroupement armé ; 2 ) Tout attroupement non armé qui pourrait troubler la tranquilité publique ..." ; tandis qu'aux termes de l'article 105 du même code : "Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à un an toute personne non armée qui, faisant partie d'un attroupement armé ou non armé, ne l'aura pas abandonné après la première sommation ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que le délit d'attroupement non armé n'est constitué qu'après sommation ; Considérant qu'il n'est allégué, ni que les groupes de manifestants susévoqués auraient été armés, ni qu'ils aient fait l'objet de la part des représentants de la force publique d'une sommation de se disperser ; que, par suite, les conditions mises à la constitution du délit d'attroupement sur la voie publique ne sont pas remplies ; Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 414 du code pénal alors en vigueur : "Sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois ans et d'une amende de 500 francs à 10 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée du travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail." ; Considérant que si les manifestants ont mis matériellement les préposés aux péages dans l'impossibilité de percevoir les redevances auprès des usagers de l'autoroute, il n'est pas établi qu'ils auraient porté atteinte au libre exercice du travail de ces préposés à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses ; que, par suite, leurs agissements ne peuvent être regardés comme constitutifs du délit prévu à l'article 414 précité ; que si la SAPRR se prévaut des dispositions de l'actuel article 431-1 du code pénal, qui réprime maintenant les entraves à la liberté du travail, ces dispositions, en tout état de cause, n'étaient pas en vigueur à la date des faits ; Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 4 du décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l'ordre public, alors en vigueur : "Seront punis d'emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de 60 francs à 20 000 francs ... 2 ) Ceux qui auront participé à l'organisation d'une manifestation non déclarée ou interdite." ; Considérant que, d'une part, le délit réprimé par ces dispositions ne peut être retenu qu'à l'encontre des seules personnes ayant participé à l'organisation de la manifestation non déclarée ou interdite, et non à l'encontre de l'ensemble de celles qui se sont seulement présentées au rassemblement ou qui forment l'attroupement ; que, d'autre part, l'organisation d'une manifestation irrégulière ne peut, en elle-même, être regardée comme constitutive d'un délit commis à force ouverte ou par violence contre des personnes ou des biens au sens de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des délits invoqués par la SAPRR n'étant susceptible en l'espèce d'être imputé aux manifestants concernés, l'Etat ne peut être tenu civilement responsable, sur le fondement de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 précité, du préjudice commercial subi par la société à raison de pertes de péages ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de DIJON a rejeté sa demande ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel: Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SAPRR la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens; qu'il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de l'Etat ;

Article 1er

: La requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN RHONE, ainsi que les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administrative d'appel, sont rejetées.