Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2002, 96-42.842

Synthèse

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Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par la société Solim, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est ..., en cassation de deux arrêts rendus les 8 décembre 1995 et 4 avril 1996 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale), au profit de Mlle Danielle Y..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ; Vu la communication faite au Procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 5 février 2002, où étaient présents : M. Ransac, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Coeuret, conseiller rapporteur, MM. Frouin, Leblanc, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Coeuret, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Solimp, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mlle Y..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique : Attendu que Mme Y..., employée depuis le 13 mai 1991 par la société Solimp en qualité de chef de service comptable et administratif, après avoir exercé les fonctions de gérante associée de cette même société dont elle avait cédé la totalité des parts, ainsi que celles qu'elle détenait dans la société JP Imprimerie, au groupe Iris cessionnaire de l'ensemble ainsi formé, a été licenciée par lettre du 3 avril 1992 ;

Attendu qu'il est fait grief a

ux arrêts attaqués (Lyon, 8 décembre 1995 et 4 avril 1996), qui ont retenu que le licenciement de Mme Y... était justifié par une cause réelle et sérieuse, d'avoir condamné la société Solimp à verser à Mme Y... diverses sommes à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire ayant précédé son licenciement, indemnités compensatrices de préavis, de congés payés et indemnités de licenciement, alors, selon le moyen : 1 / que le juge doit examiner le bien-fondé du licenciement au regard de tous les faits précis reprochés dans la lettre de licenciement ; qu'outre les griefs examinés par la cour d'appel, la société Solimp reprochait également dans la lettre de licenciement à Mme Y... d'avoir accepté de sous-traiter à la société Serti le montage-incorporation de la revue "Le Chrétien en marche", réalisé jusqu'alors par son propre atelier de montage, augmentant ce faisant le coût de revient direct de réalisation du "prépresse" de cette revue de plus de 40 % ; qu'il était également reproché à Mme Y... d'avoir, pour le calcul des gratifications intégrées aux paies du 31 mai, facturé par anticipation des travaux non encore réalisés ou a fortiori livrés pour obtenir une prime supérieure à celle qui lui était due, et d'avoir également réglé à M. Z... une prime de bilan supérieure à ce qui lui était dû au regard du chiffre d'affaires réalisé prorata temporis ; qu'il était enfin reproché à Mme Y... d'avoir, jusqu'au mois de mars 1992, utilisé la structure administrative de l'entreprise pour faire établir l'ensemble des factures des sociétés Serti et Composit ; qu'en s'abstenant d'examiner le caractère fondé du licenciement au regard des griefs susvisés, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 122-8 et 9 et L. 122-14-2 du Code du travail ; 2 / que, s'agissant des deuxième et troisième griefs pris de ce que Mme Y... aurait accepté les hausses de tarif appliquées par la société Serti contrairement au tarif en vigueur, sans répercuter des hausses correspondantes sur le client, Mme Y..., sans contester la matérialité des faits, se contentait d'affirmer qu'elle avait agi en application d'un accord pris sur le tarif appliqué ; que Mme Y... convenait, ce faisant, avoir agi en toute connaissance de cause ; que la cour d'appel, qui s'est contentée de qualifier l'acceptation rétroactive de la majoration des tarifs de manque de vigilance, sans se prononcer sur le point de savoir si Mme Y... avait agi avec l'accord ou à l'insu de son employeur, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des article L. 122-8 et 9 du Code du travail ; 3 / que Mme Y... soutenait également, s'agissant du grief de ce qu'elle aurait fait rétroactivement, au 1er janvier 1991, bénéficier la société Serti de la diminution du loyer consenti à compter du deuxième trimestre 1991, qu'elle n'avait fait que procéder à une régularisation d'écritures comptables antérieurement établies sur la base d'un accord de réduction de loyer à compter du 1er janvier 1991 ; qu'en affirmant qu'il n'était pas avéré que la réduction des loyers en septembre 1991 soit imputable à Mme Y..., alors que celle-ci ne contestait pas être l'auteur des écritures litigieuses, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; que, ce faisant, elle n'a pas examiné l'un des griefs énoncés dans la lettre de licenciement et a derechef entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 122-8 et 9 et L. 122-14-2 du Code du travail ; qu'elle a, à tout le moins, modifié les termes du litiges tels que fixés par la lettre de licenciement, en violation de l'article L. 122-14-2 du Code du travail ; 4 / que, s'agissant du huitième et dernier grief énoncé dans la lettre de licenciement qu'il était non seulement reproché à Mme Y... de n'avoir pas informé l'employeur de la perte d'un client, mais aussi de n'avoir pas informé son employeur de la tractation en cours entre ledit client, représentant 6 % du chiffre d'affaires, et une société concurrente, qu'interrogée par M. X... qui s'étonnait de ce qu'en 1992, aucun numéro n'ait été fabriqué, Mme Y... a répondu qu'il n'était pas possible pour le client de financer un numéro ; qu'il était apparu que la société Serti avait eu des contacts directs avec l'éditeur ayant repris la revue pour la réalisation du marbre ; qu'en analysant le comportement de la perte d'un client, sans rechercher comme cela était invoqué si elle avait commis une faute grave en s'abstenant délibérément de communiquer à son employeur les informations qu'elle détenait concernant un client important, ce qui aurait permis à l'employeur d'engager des négociations pour éviter de perdre ce client, la cour d'appel a derechef entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 122-8 et 9 et L. 122-14-2 du Code du travail ; 5 / qu'en considérant que le manque de vigilance dont avait fait preuve Mme Y... en acceptant une majoration rétroactive des tarifs de la société Serti et la faute commise en n'informant pas l'employeur de la perte d'un client important ne constituaient pas une faute grave sans prendre en considération, comme elle y était invitée, le fait que Mme Y... avait été précisément engagée en qualité de chef du service comptable et administratif pour faire bénéficier la société Solimp de son expérience et de ses connaissances à la suite de la cession des parts sociales qu'elle détenait dans la société Solimp, ce dont il résultait que son comportement était d'une particulière gravité, la cour d'appel a entaché sa décision d'une erreur de qualification, en violation des articles L. 122-8 et 9 du Code du travail ; qu'elle a, ce faisant, également entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que la cour d'appel a retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que certains faits reprochés à la salariée dans la lettre de licenciement n'étaient pas établis et qu'elle a pu décider que les autres étaient imputables à un manque de rigueur comptable constitutif d'une négligence qui, ne rendant pas imposssible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis, ne constituait pas une faute grave ; que, sans encourir les griefs du moyen, elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Solimp aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Solimp à payer à Mme Y... la somme de 1 900 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille deux.