Tribunal de grande instance de Paris, 2 décembre 2016, 2014/10051

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/10051
  • Domaine de propriété intellectuelle : BREVET
  • Numéros d'enregistrement : EP1152652
  • Parties : B (Christopher John) ; BAKER NO-TILLAGE LIMITED (Nouvelle-Zélande, intervenante volontaire) / NOVAG SAS , CARROSSERIE INDUSTRIELLE MELLOISE SARL

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2019-09-06
Tribunal de grande instance de Paris
2016-12-02

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 02 décembre 2016 3ème chambre 3ème section N° RG : 14/10051 Assignation du 10 juillet 2014 DEMANDEURS Monsieur Christopher John B représenté par Maître Xavier PICAN de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0238 Société BAKER NO-TILLAGE LIMITED, Intervenante Volontaire [...] NOUVELLE -ZÉLANDE représentée par Maître Xavier PICAN de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0238 DÉFENDERESSES Société NOVAG S.A.S. [...] Immeuble le Challenge Ouest 17000 LA ROCHELLE Société CARROSSERIE INDUSTRIELLE MELLOISE S.A.R.L. La Croix de la Boissière [...] 79370 CELLES-SUR-BELLE représentées par Me Sylvie BENOLIEL-CLAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0415 COMPOSITION DU TRIBUNAL Béatrice F, Premier Vice-Président Adjoint Carine G. Vice-Président Laure A, Vice-Président assistées de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier DÉBATS À l'audience du 08 novembre 2016 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort Christopher John B, citoyen néo-zélandais, est titulaire d'un brevet européen EPI 152652, (ci-après EP652) ayant pour titre « semoir amélioré » déposé le 14 janvier 2000, sous priorité d'une demande de brevet néo-zélandais NZ 330999 déposée le 16 janvier 1999 et délivré le 28 février 2007, dont une traduction en français a été publiée au BOPI le 7 septembre 2007. Le brevet a été limité sur requête de son titulaire auprès de l'Office Européen des Brevets, la limitation ayant été accordée par décision du 22 octobre 2015. Les annuités sont réglées. Le brevet concerne une technologie utilisée dans le domaine agricole dénommée « Cross Slot », permettant d'équiper des machines agricoles pour semis direct ou «semoirs à semis direct» avec des semoirs, dénommés indifféremment «ouvres-sillons» (traduction du terme anglo-saxon «opener») ou «éléments semeurs». Le semis direct consiste en une technique utilisée en agriculture basée sur l'introduction directe de la graine dans le sol, sans passer par l'étape de travail du sol. Selon Christopher B, les semoirs «Cross Slot » représentent une technologie de rupture limitant considérablement les dommages causés au sol. La société Baker No Tillage Ltd, créée par Christopher B en 1967, se présente comme le licencié exclusif du brevet. Ramzi F a effectué dans le cadre de ses études à l'INSA de Lyon, en 2009 un stage de 6 mois au sein de la société Baker No Tillage Ltd puis a créé avec son père Lofti F en mai 2011 une société CS Agrimat, devenue Novag, laquelle a passé commande à la société Baker de 85 semoirs, puis a annulé la commande de 65 semoirs. Ayant appris la commercialisation par la société Novag de machines agricoles T-Force, équipées de semoirs reproduisant selon lui, les caractéristiques de l'invention EP652, et la fabrication et l'assemblage pour le compte de Novag, par la société Carrosserie Industrielle Melloise (ci-après CIM) de machines agricoles, ainsi que l'utilisation par la société Novag sur son site internet, de photographies, plaquettes et autres documents issus du site de la société Baker (dont l'utilisation a cessé sur demande de Christopher B). Christopher B après avoir été autorisé par ordonnance sur requête du 10 juin 2014, a fait procéder à des saisies-contrefaçons, les 12 et 13 juin 2014, respectivement au sein de l'atelier de fabrication de la CIM à Celles sur Belles (79) et au siège de la société Novag à La Rochelle (17). Par acte du 10 juillet 2014. Christopher B a fait assigner devant ce tribunal, la SAS société Novag et la S.A.R.L. Carrosserie Industrielle Melloise (CIM), en contrefaçon des revendications 1 à 8 et 15 à 22 de la partie française du brevet européen et en concurrence déloyale outre mesures accessoires et indemnitaires. Dans le dernier état de ses prétentions, signifiées par voie électronique le 05 octobre 2016. Christopher B sollicite du tribunal de : par application des textes susvisés ainsi que des pièces énumérées au bordereau annexé à la présente assignation. À titre principal. -Le recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien fondé. -Dire et juger que les sociétés Novag et CIM se sont rendues coupables de contrefaçon à tout le moins des revendications 1 à 8 et 15 à 22 de la partie française du Brevet EP652, dont Monsieur B est propriétaire, en fabriquant et offrant à la vente des machines agricoles équipées de semoirs sur le territoire français. -Débouter la société Novag de sa demande reconventionnelle de condamnation in solidum de Monsieur B et la société Baker No Tillage Ltd à la somme de 150.000 euros pour dénigrement de la société Novag. -Débouter la société Novag de sa demande reconventionnelle en nullité des revendications 1 à 8 et 15 à 22 du Brevet EP652, En conséquence. -Interdire aux sociétés défenderesses d'importer, installer, offrir à la vente, vendre, promouvoir et réparer, sur le territoire français, les semoirs ou les machines agricoles Novag équipées de semoirs qui reproduisent à tout le moins les revendications susmentionnées de la partie française du brevet EP652 et en général, tout autre élément reproduisant une ou plusieurs revendications dudit brevet et ce indépendamment de toute référence commerciale, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir. -Ordonner aux sociétés Novag et CIM de communiquer à Monsieur B le nombre de machines agricoles vendues en France, le nombre de machines agricoles commandées à la société CIM, le prix de vente d'une machine agricole en fonction du nombre de semoir, la marge brute relative à la vente d'une machine agricole. -Dire que la société de Monsieur Baker (Baker No Tillage Ltd) est habilitée à demander le paiement d'une somme dont le montant tiendra compte de son manque à gagner et des bénélices réalisés par la société Novag au titre de la commercialisation des machines agricoles sur le territoire français. -Dire que Monsieur B aura le droit au paiement d'une somme dont le montant tiendra compte de la dévalorisation du Brevet EP652 au titre de la contrefaçon réalisée par les sociétés Novag et CIM. -Nommer tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission en particulier, de : - entendre tous sachants, - se rendre en tous lieux utiles et procéder à toutes vérifications dans la comptabilité des sociétés Novag et CIM ou de toute autre société que lui serait liée ; et - déterminer le préjudice subi par Monsieur B, depuis temps non prescrit et jusqu'à la date de dépôt de son rapport, -Dire que pour la détermination de l'entier préjudice subi par Monsieur B, il sera tenu compte des faits commis jusqu'à la date de la décision définitive à intervenir, -Condamner solidairement les sociétés Novag et CIM à verser à Monsieur B la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, à valoir sur le montant définitif des dommages et intérêts, quitte à parfaire, au besoin, à dire d'expert, -Condamner solidairement les sociétés Novag et CIM à verser à Monsieur B la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral, -Ordonner la publication du jugement à intervenir, et ce en français et en anglais, sur la page d'accueil de tout site internet exploité par la société Novag ou par toute autre société qui lui serait liée, en particulier le site http://www.novag.com/, cette publication devant être visible pendant au moins deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir et représenter au moins un tiers de la page d'accueil desdits sites, à l'exclusion de toute représentation de cette publication dans un menu déroulant ou par l'intermédiaire d'un lien hypertexte, et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, -Ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix journaux nationaux ou internationaux, périodiques ou revues, au choix de Monsieur B et aux frais avancés des sociétés Novag et CIM, sans que le coût global n'excède la somme totale de 50.000 euros HT, -Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes fixées par lui, -Ordonner en raison de la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du jugement à intervenir du chef des demandes de Monsieur B, nonobstant appel et sans constitution de garantie, -Condamner solidairement les sociétés défenderesses à verser à Monsieur B la somme de 100.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, -Condamner solidairement les sociétés Novag et CIM aux dépens de l'instance, y compris entre autres, les frais de saisie-contrefaçon et d'expertise, lesquels seront recouvrés par Maître Xavier Pican, avocat à la cour, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. Christopher John B expose en substance l'argumentation suivante : -le brevet a fait l'objet d'une limitation acceptée par l'OEB, en remplaçant les termes "two or more blades" (deux lames ou davantage), par "two side blades" (deux lames latérales). La décision a été émise le 22 octobre 2015 et prend effet dans tous les états contractants pour lesquels le brevet a été délivré, à la date de publication de la décision au bulletin européen des brevets le 18 novembre 2015 et les effets de la limitation rétroagissent à la date de dépôt de la demande de brevet, -les pratiques de semis, sans labour préalable, apparues dans les années 1960, permettent de placer des graines ou fertilisants en dessous de la surface intacte du sol, offrant de nombreux avantages (limitation de l'érosion due au vent ou à la pluie, diminution de l'assèchement du fait de la couverture naturelle formée par les résidus, suivant trois formes de sillons (en V, en U et en L ou T inversé), -la technique développée en Nouvelle-Zélande, ayant conduit au développement et au perfectionnement d'éléments semeurs ou semoirs, permet une optimisation des cultures (graine à la bonne profondeur recouverte de terre, taux d'humidité optimal, placement fertilisant à distance suffisante...), -les défendeurs ont abandonné leur interprétation initiale selon laquelle le semoir revendiqué, comprendrait nécessairement des lames disposées de même côté d'un disque et admettent désormais que le semoir présente deux lames, disposées de chaque côté du disque tout comme le semoir de la société Novag. Les caractéristiques de la revendication 1 sont reproduites, -la contrefaçon de la revendication de procédé indépendante 22 est caractérisée, -les revendications dépendantes 2, 3, 4, 7, 8, 19, 20 et 21 portent sur des caractéristiques spécifiques aux lames. Elles sont contrefaites, -les revendications 5 et 6, dépendantes de la revendication 1, concernent l'élément de blocage pour restreindre le passage de contaminants, entre les disques et les lames, -les revendications 15 à 18 concernent un système de distribution de matériau, -la société CIM est le fabricant et l'assembleur des produits Novag en France, la société Novag développe, fabrique et fait fabriquer tout ou partie des machines, composées de semoirs, dont elle ne peut ignorer le caractère contrefaisant, peu important que les pièces aient été fournies par la société Baker ou ses fournisseurs, c'est l'agencement de celles-ci qui est contrefaisant, -la société Novag exporte sur le marché allemand, estonien et bulgare, -la société Novag a vendu en France au moins 4 machines agricoles équipées d'éléments semeurs, et d'autres ont été fabriquées, sont en cours de fabrication ou vont être fabriquées, -un expert doit être désigné pour déterminer la masse contrefaisante et les préjudices en résultant, -il convient d'ordonner un droit d'information, -le brevet est valable, la demande tendant à constater l'extension au- delà de la demande est devenue sans objet du fait de la limitation, -le brevet est doté d'activité inventive. La technique de semis sans labour issue du brevet est totalement différente de celles qui ont été décrites dans l'art antérieur, -l'art antérieur le plus proche est issu du brevet EP0501836 Massey University, -aucun document antérieur n'évoque le problème d'accumulation de terre à l'intérieur du bord d'attaque dans un semoir tel que décrit dans le brevet Massey University, -les documents antérieurs portent tous sur la formation d'un sillon en forme de U de sorte que l'homme du métier n'aurait pas été incité à les combiner avec le brevet Massey University -le brevet Crain qui a pour objectif d'éliminer la terre ou les résidus, n'est pas incompatible avec un élément semeur à disque droit par rapport à la direction de déplacement, -la limitation du brevet n'a pas eu pour effet de contourner l'objection initiale de défaut d'activité inventive, -il n'y a aucun dénigrement imputable aux demandeurs, ni dans la lettre adressée à un client utilisée dans le cadre d'un contentieux judiciaire de celui-ci avec la société Novag, ni dans le courrier adressé à TINS A de Lyon, qui n'ont aucune répercussion financière pour la société Novag. Par conclusions du 23 décembre 2014, la société Baker N Tillage (ci- après BNT) est intervenue volontairement à l'instance et a fait signifier en dernière date, le 23 août 2016, par voie électronique ses écritures aux termes desquelles elle demande au tribunal de : A titre principal. -dire et juger l'intervention volontaire de BNT à la présente instance pendante entre Christopher J et les sociétés Novag et Cim, enrôlée sous le numéro de RG 14/10051, tant recevable que bien fondée, -dire et juger que les sociétés Novag et CIM se sont rendues coupables de contrefaçon à tout le moins des revendications 1 à 8 et 15 à 22 de la partie française du brevet EP652, dont Monsieur B est propriétaire, en fabriquant et offrant à la vente des machines agricoles équipées de semoirs sur le territoire français, -dire et juger que la société Novag s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaires, En conséquence, -Accueillir l'intervention volontaire de BNT, -Nommer tel expert qu'il plaira au Tribunal avec pour mission en particulier, de : -entendre tous sachants ; -se rendre en tous lieux utiles et procéder à toutes vérifications dans la comptabilité des sociétés NOVAG et CIM ou de toute autre société que lui serait liée, et -déterminer le préjudice subi par BNT, depuis temps non prescrit et jusqu'à la date de dépôt de son rapport, -Dire que pour la détermination de l'entier préjudice subi par BNT, il sera tenu compte des faits commis jusqu'à la date de la décision définitive à intervenir, -Condamner solidairement les sociétés NOVAG et CIM à verser à BNT la somme de 1.196.550 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, à valoir sur le montant définitif des dommages et intérêts, quitte à parfaire, au besoin, à dire d'expert, -Condamner la société Novag à verser à BNT la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaires, -Ordonner, en raison de la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du jugement à intervenir du chef des demandes de BNT, nonobstant appel et sans constitution de garantie, -Condamner solidairement les sociétés NOVAG et CIM à verser solidairement à BNT la somme de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, -Condamner solidairement les sociétés NOVAG et CIM solidairement aux entiers dépens de l'instance, y compris entre autres, les frais de saisie-contrefaçon et d'expertise, lesquels seront recouvrés par Maître Xavier Pican, Avocat à la Cour, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. La société BNT expose au soutien de ses prétentions que : -elle est le licencié exclusif de Christopher B pour distribuer les semoirs mettant en œuvre le brevet et elle a une position de leader dans les technologies de semis direct, elle est seule habilitée à exploiter et à tirer des revenus du brevet EP652, -la validité du contrat de licence n'est pas subordonnée à une date de signature du contrat identique à celle de l'entrée en vigueur de la licence, ni à la formalisation d'un écrit, ni encore à sa publication au registre national des brevets, -le risque de collusion est exclu car la licence est signée par quatre dirigeants de BNT, -le contrat de licence l'autorise à agir en réparation de son préjudice, -ses prétentions sont recevables car elles présentent un lien avec les prétentions du demandeur initial. -elle subit un préjudice distinct de celui du titulaire du brevet, généré par les actes de contrefaçon et par les actes de concurrence déloyale et parasitisme économique. -clic opère sur le marché français, -les défendeurs ont commis à son égard des actes distincts de concurrence déloyale. -au vu de son gain manqué et des revenus perçus par Novag, elle réclame 1 196 550 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation des actes de contrefaçon et la somme de 100000 euros pour les actes de parasitisme. -elle use de son droit à l'information, en sollicitant la désignation d'un expert, afin de déterminer le préjudice réel qu'elle subit, -elle sollicite le rejet de la demande reconventionnelle en dénigrement formée par la société Novag. En réplique dans le dernier état de leurs prétentions, les sociétés Novag et CIM ont fait signifier par voie électronique leurs écritures le 10 octobre 2016 dans leur dernier état, suivant lesquelles elles sollicitent du tribunal de : A titre principal. -Déclarer la société BNT irrecevable en sa demande d'intervention volontaire au titre de la contrefaçon du brevet européen EPI 152652. -Dire et juger que les revendications 1 à 8 et 15 à 22 de la partie française du brevet européen EPI 152652 sont dépourvues d'activité inventive. -Prononcer en conséquence la nullité des revendications 1 à 8 et 15 à 22 de la partie française du brevet européen EPI 152652. -Dire que la partie la plus diligente procédera à l'inscription du jugement à intervenir au Registre National des Brevets. -Débouter Monsieur Christopher John B de ses demandes en contrefaçon ainsi que de toutes ses autres demandes, en ce compris la demande d'expertise et d'exécution provisoire. -Débouter la société BNT de ses demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire ainsi que de toutes ses autres demandes, en ce compris la demande d'expertise et d'exécution provisoire, À titre subsidiaire. -Dire et juger que la preuve de la contrefaçon n'est pas rapportée. -Dire et juger, à défaut, que les sociétés NOVAG et CIM n'ont commis aucun acte de contrefaçon. -Débouter Monsieur Christopher John B et la société BNT de leurs demandes en contrefaçon. -Les débouter de toutes leurs autres demandes en ce compris la demande d'expertise et d'exécution provisoire, A titre reconventionnel. -Condamner in solidum Monsieur Christopher John B et la société BAKER NO TILLAGE LIMITED au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dénigrement de la société NOVAG auprès de ses clients. En toute hypothèse. -Condamner in solidum Monsieur Christopher John B et la société BAKER NO TILLAGE LIMITED au paiement de la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. -Condamner in solidum Monsieur Christopher John B et la société BAKER NO TILLAGE LIMITED aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sylvie BENOLIEL-CLAUX, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, -Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel. Les défendeurs développent l'argumentation suivante : -la société Novag a collaboré avec la société BNT mais cette collaboration a cessé en raison de l'impossibilité de cette dernière de livrer en temps et en heure, les éléments semeurs Cross Slot, -elle a été mise en demeure en octobre et novembre 2013, sans suite après la réponse circonstanciée de son conseil en propriété industrielle, -la société BNT est irrecevable à agir en contrefaçon car elle ne justifie pas de sa qualité de licencié du titulaire du brevet et ne justifie pas d'un préjudice propre, le contrat de licence produit, depuis expiré, a été vraisemblablement conclu pour les besoins de la cause, et il n'a jamais été publié, -le brevet est nul pour défaut d'activité inventive, -l'homme du métier est un ingénieur spécialisé dans les machines agricoles et particulièrement celles utilisées pour la technique de semis direct, -le problème à résoudre est déjà connu de l'art antérieur, le brevet Massey University décrit la fonction de déviation de la terre et autres résidus, déjà évoqué dans un article de 1979 co-écrit par Christopher B (Journal of Expérimental Agriculture), -la seule caractéristique qui ne se retrouve pas dans le brevet Massey c'est celle de l'angle du bord d'attaque par rapport à un arc de la surface du disque passant sous le bord d'attaque, lequel est positif ou nul sur toute la longueur du bord d'attaque, -le problème c'est d'éviter la séparation de la lame par rapport au disque du fait de l'accumulation de matériaux à l'intérieur du bord d'attaque, -il faut modifier la configuration de l'élément semeur selon le brevet Massey, pour que la terre présente dans la partie du disque passant au niveau du bord supérieur du bord d'attaque soit également déviée, -l'homme du métier serait parvenu à une telle solution au vu des différents brevets de l'art antérieur, -les revendications 2 à 8 et 15 à 21 sont dépourvues d'activité inventive, -en tout état de cause la contrefaçon n'est pas constituée pour les revendications 1 et 22. La saisie-contrefaçon est insuffisante, elle n'établit pas que les caractéristiques revendiquées en ce qui concerne l'angle du bord d'attaque par rapport à un arc de la surface du disque, sur toute la longueur du bord d'attaque, -la contrefaçon n'est donc pas établie pour les revendications dépendantes 2 à 8 et 15 à 21, -il n'y a pas de concurrence déloyale à l'égard de la société BNT, car aucun produit Cross Slot n'a été commercialisé sur le territoire français, les preuves sur ce point sont insuffisantes, -il n'y a pas de préjudice établi et les demandes indemnitaires sont exorbitantes, -les demandeurs ont dénigré la société Novag en adressant des courriers à ses clients en mai 2014 et à l'INSA. La procédure a été clôturée le 11 octobre 2016 et plaidée le 08 novembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1-recevabilité de l'action de la société BNT Les sociétés Novag et CIM, défenderesses, soulèvent l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la société BNT, aux motifs que la qualité à agir de cette partie en tant que licencié voire de licencié exclusif n'est pas établie et que les demandes de celle-ci n'ont pas de lien suffisant avec les prétentions originaires formées par le breveté. La société BNT réplique que le contrat de licence n'est soumis à aucun formalisme particulier, notamment la rédaction d'un écrit et qu'il importe peu que la licence invoquée à effet au 1 er janvier 2011, porte une date postérieure et qu'elle n'ait pas été publiée au registre national des brevets. L'ancien contrat de licence daté de 1998 atteste de ses relations anciennes avec John Christopher B. Par ailleurs les réclamations qu'elle formule présentent un rattachement suffisant aux prétentions du breveté (même brevet, mêmes pièces, mêmes faits de contrefaçon et de concurrence déloyale) mais concernent des préjudices distincts et l'intervenant volontaire, maître de sa stratégie contentieuse, est seul à même de déterminer le moment de son intervention. Sur ce, En application des dispositions des articles 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. En l'occurrence, le demandeur principal forme ses demandes sur le brevet EP562, qui lui appartient et invoque la violation de son droit de monopole et des actes distincts de concurrence déloyale. Les prétentions de la société BNT sont fondées sur le même titre de propriété intellectuelle et concernent les mêmes faits litigieux, à savoir les agissements des sociétés défenderesses. Les prétentions de l'intervenant volontaire se rattachent donc aux prétentions originaires formées par le breveté par un lien suffisant (la violation du titre de propriété intellectuelle et la responsabilité quasi-délictuelle des défendeurs). Aucun texte n'impose par ailleurs à peine de recevabilité, de calendrier particulier quant au moment de l'intervention volontaire et il ne peut donc être reproché à la société BNT de s'être jointe à la procédure, six mois après la délivrance de l'assignation. Ce moyen doit donc être écarté. Conformément aux dispositions de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention à titre principal n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. En l'occurrence, la société BNT invoque sa qualité de licencié exclusif du titulaire du brevet pour former des réclamations contre les défenderesses et se réfère à l'acte sous seing privé du 11 juin 2014, à effet du 1 "janvier 2011 (pièce n°3 de BNT) portant "contrat de licence exclusive de droits de propriété intellectuelle" concédée par Christopher. Les sociétés défenderesses contestent la validité de ce contrat et notamment sa date, qu'aucun autre élément extérieur ne vient corroborer. Sur ce, Aux termes des dispositions de l'article L615-2 alinéa 5 du code de la propriété intellectuelle "Tout licencié est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le breveté, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre' 1 et il est également disposé que "Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit au registre national des brevets, est également recevable à intervenir dans l'instance engagée par le propriétaire du brevet, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre" (article L 613-9 alinéa 3 du même code). Par ailleurs, "Les actes comportant une transmission ou une licence (....) sont constatés par écrit" (article L613-8 alinéa 5 du code de la propriété intellectuelle) et "Tous les actes transmettant (...) les droits attachés à (...) un brevet, doivent pour être opposables aux tiers, être inscrits sur un registre dit registre national des brevets, tenu par l'institut national de la propriété industrielle " (article 1,613-9 alinéa 1). L'acte sous seing privé du 11 juin 2014 intervenu entre Christopher B et la société BNT concerne notamment le brevet EP652 objet du litige (article 1-1 § "brevet'* -page 2 et article 3-1) et le licencié y est autorisé à agir seul ou se doit de prêter assistance au breveté (articles 7-16 et 7-20). Toutefois, ce contrat est dépourvu de date certaine, à défaut d'avoir été publié au registre national des brevets et n'est pas opposable aux sociétés défenderesses. De plus, les autres éléments invoqués par la société BNT sont insuffisants pour conférer date certaine au contrat de licence invoqué (à savoir, les accords et relations anciennes entre les parties, tels qu'ils résulteraient d'une précédente convention entre eux du i e ' mai 1998 (pièce BNT n°5), mais qui ne concernent pas le brevet en litige (déposé et délivré ultérieurement), les comptes non certifiés de la société BNT (pièce BNT n°2) dans lesquels les semoirs ne sont pas identifiés comme mettant en œuvre le brevet EP652, l'ordonnance de référé du 06 novembre 2014 (pièce BNT n°1)à laquelle la société BNT n'est pas partie et les mentions de l'extrait du site internet vvwvv.crosslot.com qui ne permettent de déduire la qualité de licencié de l'intervenant volontaire (Pièce BNT n°4). Enfin, même si cet élément factuel n'emporte pas à lui seul la conviction, il apparaît curieux que cette qualité de licencié n'ait pas été invoquée, dès l'introduction de l'action du breveté, mais avec un différé de six mois. Eu égard à ces considérations, la société BNT n'établit pas sa qualité de licenciée et par suite ne justifie pas de la recevabilité de son action et de ses prétentions au titre de la contrefaçon. Elle demeure toutefois recevable au titre de ses réclamations fondées sur la concurrence déloyale. 2- Sur l'objet du brevet Le brevet EP 1152652 intitulé "semoir amélioré" porte sur des améliorations des lames d'un semoir ou appareil de rainuration de sol, dans le cadre d'une pratique d'ensemencement dans des sols non labourés, connue sous les termes "non-labourage", "semis direct", "labourage zéro", "labourage de conservation" ou "semis sans labour" (page 2 du brevet lignes 14-16), qui permet de "semer des grains dans des sols non labourés (habituellement recouverts de résidus de plantes), dans lesquels le grain est déposé dans une fente formée dans le sol par un disque"" (page 1 lignes 5-7) De tels appareils ont fait l'objet de différents brevets, qui constituent l'arrière-plan de l'invention (page 1 lignes 9-15), lesquels décrivent "une ou plusieurs lames latérales à ailettes, disposées pour entrer chacune en contact avec la face latérale d'un côté d'un disque circulaire plat qui tourne autour d'un axe horizontal, tout en étant partiellement encastré dans le sol, et qui est attiré vers l'avant avec son essieu sensiblement parallèle à la surface du sol et est placé perpendiculairement à l'axe du disque et à la direction de déplacement" (page 1 lignes 16-20 et page 2ligncs 1-2). Chaque lame latérale (...) a une surface extérieure inclinée pour dévier le matériel loin du disque et quand l'ensemble avance à travers le sol, la lame est maintenue contre le disque par une précontrainte fixe au moyen d'un dispositif à ressort (page 2 lignes 6-9).Ce contact étroit est essentiel pour le fonctionnement du dispositif, pour passer à travers le sol, mais également, pour passer sans blocage à travers les résidus de plante qui jonchent le sol (page 2 lignes 9-11). La lame et le disque sont disposés de telle sorte qu'il existe un passage contrôlé d'objets granulaires ou particulaires comme des grains, des fertilisants et/ou des pesticides secs, destinés à être déposés dans le sol, et pouvant même être déposés dans le sol simultanément mais dans des bandes de matériau séparé, au moyen de deux lames disposées sur des côtés opposés du disque (page 2 lignes 17 à 30, page 6 lignes 9-11 ). Cependant, il est mentionné dans la partie descriptive du brevet que les dispositifs connus présentent divers inconvénients : 1-le bord d'attaque de la lame, lorsqu'il est droit ou non spécifiquement façonné, va présenter un angle soit positif, soit égal à zéro, soit négatif, relativement à un arc décrit par une portion de la surface du disque, quand il passe sous le bord d'attaque. Lorsque l'angle est positif au moins sur une longueur de la lame, les résidus de plante au-dessus du sol ou proches de la surface du sol, sont évacués sans effet néfaste vers la périphérie extérieure de la surface du disque. Mais lorsque l'angle relatif à l'arc redevient négatif, le bord d'attaque ne permet plus de dévier le matériau vers la périphérie extérieure du disque, ce qui peut présenter un problème dans des sols humides et/ou collants, car cela provoque une formation de terre indésirable entre la surface de la lame interne derrière le bord d'attaque et le disque et interfère avec le bon fonctionnement du dispositif (pages 3 lignes 5 -31 et page 4 lignesl-10). Pour remédier à cet inconvénient, de nombreux modèles de lames présentent une fenêtre destinée à éjecter la terre et les résidus, vers l'extérieur de la lame, à travers la fenêtre, mais le succès est partiel, car la fenêtre est limitée en taille et se trouve elle-même obstruée par de la terre et résidus, (page 4 lignes 11-18). 2-La fonction de raclage peut également être compromise, du fait du montage de la lame en pivotement sur sa partie avant autour d'un axe sensiblement horizontal-longitudinal et du jeu prévu entre la lame et le disque afin d'éviter la possibilité d'un bourrage mécanique entre le disque et la lame, dans lequel les matériaux vont s'accumuler et avoir pour effet de séparer la lame du disque et de provoquer un blocage indésirable, qui interrompt gravement la fonction d'ensemencement(page 4 lignes 19-32 et page 5 lignes 1-7). Des tentatives pour remédier à ces inconvénients, en utilisant une lame latérale sensiblement droite, mais nécessairement courte, se sont révélées inefficaces, lorsqu'elle était utilisée en combinaison avec un disque qui ne se déplace pas tout droit vers l'avant. (Page 5 lignes 8- 22). 3-La fonction d'éraflure est aussi conditionnée par le contact étroit entre la surface plane du disque et le bord d'attaque intérieur de chaque nouvelle lame, car à défaut un film mince de terre peut séparer la lame du disque et interférer avec le fonctionnement de l'ensemble du dispositif (page 5 lignes 23-32 et page 6 lignesl-4). 4-La capacité du dispositif à déposer dans le sol séparément et de manière éloignée, selon un mode régulier, des grains ou des plantules et un fertilisant est parfois affectée (page 6 lignes 5 à 32). Des problèmes surviennent en cas de nécessité d'appliquer un fertilisant, un agent d'inoculation ou des pesticides, sous forme liquide (page 7 lignes 17-23) ou en cas de blocage du canal de grains ou de fertilisants (page 7 lignes 26-32 et page 8 lignes 1 -10) ou encore en cas d'usure du disque (page 8 lignes 10-29). L'invention du brevet se propose de traiter les problèmes précités ou au moins, de proposer au public un choix utile et il est donc proposé, un semoir pour semer dans des sols non labourés et un procédé de fabrication d'un semoir de même type, comprenant d'une part un disque circulaire sensiblement plat, monté sur un bâti de façon à tourner autour d'un axe horizontal tout en étant partiellement encastré dans le sol et attiré vers l'avant dans une direction sensiblement parallèle à la surface du sol et perpendiculaire à un axe du disque et d'autre part, deux lames ou davantage ayant chacune un bord d'attaque formé par l'intersection de deux surfaces latérales opposées, les bords d'attaque étant précontraints et le bord d'attaque étant incliné de façon à ce qu'un angle du bord d'attaque par rapport à un arc de la surface du disque passant sous le bord d'attaque soit positif ou nul sur toute la longueur du bord d'attaque. L'angle positif permet d'éviter l'accumulation de matériau tels que terre, racines et résidus de plantes, la fenêtre d'évacuation n'est plus nécessaire, (d'où réduction des coûts de fabrication et de matériaux), la rotation du disque n'est pas entravée, il n'existe plus de blocage et de séparation du disque et de la lame (page 10 ligne 14 jusque page 12 lignes 1-4). Le brevet décrit également des modes de réalisation préférée : une lame avec des stratifications-page 121ignes 11 -22, un semoir avec deux lames de même longueur (page 121ignes 23-25), des lames de longueurs inégales d'au moins 5mm mais pas plus de 150 mm (page 121ignes 26-31 et pages 13,14 et 15), ou plusieurs lames de longueur différentes, une lame conçue pour faciliter l'application de matériau liquide ou gazeux (page 15 lignes 20 et s.) avec un système de distribution (page 16). Le brevet comporte également des dessins (7 figures) et expose les meilleurs modes de réalisation de l'invention (page 18 lignes 15et s. jusque page 22 ligne 28). Le brevet comprend, dans sa version issue de sa limitation en cours de procédure, 22 revendications, dont celles 1 et 22 indépendantes, l'une ayant pour objet un appareil, l'autre ayant pour objet un procédé et dont celles 1 à 8 et 15 à 22 qui sont invoquées au titre de la contrefaçon et dont la validité est contestée. 1- Semoir pour semer dans des sols non cultivés, comprenant : -un disque circulaire sensiblement plat monté sur un bâti de façon à tourner autour d'un axe horizontal tout en étant partiellement encastré dans le sol et attiré vers l'avant dans une direction sensiblement parallèle à la surface du sol et perpendiculaire à un axe du disque, et -deux lames latérales qui ont chacune un bord d'attaque formé par l'intersection de deux surfaces latérales opposées, -des moyens pour monter lesdites deux lames latérales sur ledit semoir, - dans lequel lesdits bords d'attaque des lames sont précontraints contre ledit disque par lesdits moyens de montage, et -ledit bord d'attaque des deux lames latérales est incliné dans un plan desdites deux lames latérales, de façon à ce qu'un angle du bord d'attaque par rapport à un arc de la surface du disque passant sous le bord d'attaque soit positif ou nul sur toute la longueur du bord d'attaque. 22-Procédé de fabrication d'un semoir pour semer dans des sols non cultivés qui évite l'accumulation de matière entre un disque tournant incorporé dans le semoir et deux lames latérales disposées en ayant un très bon contact avec une surface dudit disque, ledit procédé incluant les étapes de : * former un bord d'attaque avec chacune desdites deux lames latérales de façon à ce qu'un angle du bord d'attaque par rapport à un arc de la surface du disque de semoir lorsqu'il passe sous le bord d'attaque soit positif ou nul sur toute la longueur du bord d'attaque, et à *monter chacune desdites deux lames latérales de façon à ce que ledit bord d'attaque de chacune des deux lames latérales soit précontraint contre ledit disque. Les parties s'accordent pour considérer que le brevet EP0501836 Massey University qui concerne un disque circulaire plat, attiré vers l'avant dans une direction sensiblement parallèle à la surface du sol et perpendiculairement à l'axe horizontal, comportant une ou deux lames latérales maintenues par une précontrainte contre le disque, de telle sorte à former en fonctionnement ou en coopération avec le disque "droit", des fentes en forme de L ou T inversé, constitue l'art antérieur le plus proche et est issu du perfectionnement d'un précédent brevet FR79/01024 publié le 14 août 1980. Le problème technique à résoudre est d'éviter l'accumulation de terre et résidus sur l'intérieur du bord d'attaque et par suite le blocage du dispositif du fait de l'accumulation des résidus. Il n'est pas discuté que l'homme du métier est un ingénieur spécialisé dans les machines agricoles et notamment dans les machines agricoles utilisées pour la technique de semis direct. 3-Sur la validité du brevet (défaut d'activité inventive) En application de l'article L614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France pour l'un des motifs visés à l'article 138 §1 de la convention de Munich, lequel dispose quant à lui que "le brevet européen ne peut être déclaré nul avec effet pour un état contractant, que si a/ l'objet du brevet n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57". L'article 56 de la CBE dispose qu' « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ». Pour apprécier le caractère inventif, il faut déterminer si, eu égard à l'état de la technique, l'homme du métier, au vu du problème que l'invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L'activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l'homme du métier à savoir en l'espèce, éviter l'accumulation de résidus et le blocage du dispositif. En l'espèce, la société défenderesse soutient que le brevet n°EP652 est nul pour absence d'activité inventive dans la mesure où l'invention brevetée résulterait de manière évidente pour l'homme du métier de la combinaison de documents antérieurs, rendus accessibles antérieurement à la date de priorité du brevet (en l'occurrence le 16 janvier 1999) et notamment plusieurs brevets et un article publié par Christopher John B en 1979 dans le Journal of Expérimental Agriculture. Ces documents ont été considérés par l'examinateur de l'OEB, sauf les brevets Baugher et Crain et sauf l'article précité. Le brevet Massey University EP0501836 publié le 02 septembre 1992 concerne un semoir constitué d'un disque droit par rapport à la direction de déplacement (disque attiré vers l'avant perpendiculairement à l'axe horizontal du disque), muni d'un fourchon précontraint sur le disque au moyen d'un dispositif à ressort, afin d'entailler dans le sol une fente verticale en T ou en L inversé, destinée à recevoir des graines, engrais ou autres matériaux Il contient une figure 4 qui décrit la présence d'une fenêtre (30), destinée à éjecter vers l'extérieur de la lame, la terre et les débris. Mais à aucun moment ce document ne divulgue la nécessité d'un angle du bord d'attaque positif ou nul, de manière à dévier la terre, les racines et les résidus de plantes. L'article de 1979 publié dans le New Zealand Journal of Expérimental Agriculture (pièce Novag n°17), co-écrit notamment par le breveté, concerne des semoirs, comportant un disque muni d'une lame, mais les photographies qui y sont intégrées, sont de piètre qualité et ne permettent pas de déterminer le positionnement du bord d'attaque des lames et de s'assurer que la condition d'angle telle que revendiquée dans le brevet est partiellement remplie. Le brevet US 5802995 Baugher (1998) (pièce Novag n°9) porte sur un disque, muni d'un patin, et non d'une lame, et dont la fonction est d'empêcher la terre meuble de rentrer dans le sillon avant les graines (col. 18 lignes 14-15), mais également de racler et de nettoyer la surface du disque grâce à son bord supérieur tranchant (col. 18, Unes 16-17). Même si on assimile le patin à la lame, le brevet n'évoque ni n'établit une condition d'angle du bord d'attaque de celui-ci. Le brevet français Evin FR 2 727 601 publié le 07 juin 1996 (pièce n°4), est relatif à un semoir, applicable aux méthodes de semis direct, comportant un disque disposé incliné par rapport au sens d'avancement du semoir, associé à un étançon, vertical ou oblique (page 3 ligne 6) équipé d'un organe de coupe à l'avant (bord biseauté- page 4 ligne 19) Le texte n'exclut pas que ce dispositif puisse concerner un disque droit (page 4 lignes 22-25), même si ce n'est pas un mode de réalisation préféré, mais ce document non seulement ne tend pas à résoudre le problème d'accumulation de résidus, mais également ne révèle pas de condition d'angle. Le brevet Forsyth n° 3 213 812 (pièce n° 10 Novag) du 26 octobre 1965 cherche à maintenir de manière satisfaisante, la séparation entre semences et fertilisants, à permettre le dépôt de ceux-ci dans des emplacements séparés par une cloison de terre et à proposer des moyens nouveaux d'ouverture de sillons, afin d'éviter la contamination de semences. Ce document est certes invoqué par l'examinateur de l'OEB, en mars 2004, (pièce Novag n°19) pour considérer le défaut de nouveauté de l'invention, (et non pas comme en l'espèce, le défaut d'activité inventive), et en outre, au vu du texte du brevet tel qu'il se trouvait cette époque, et qui a évolué jusqu'à la délivrance du titre. Le brevet américain Oehler US 2 917012 du 15 décembre 1959 (pièce Novag n° 11) concerne en particulier des ouvre-sillons pour fertilisants destinés à être utilisés conjointement avec les semoirs analogues, comportant un disque ouvreur sensiblement plat et une lame support pour fertilisant, sur laquelle le disque est monté en rotation. Il comprend une section de support 21 ayant une configuration effilée ou conique, s'étendant latéralement à l'opposé en forme convergeant latéralement vers l'extérieur, qui permet de diriger la terre et autres matériaux latéralement à l'écart du disque. Il comprend également un racleur allongé plat 43 dont le bord d'attaque et s'étend en relation de raclage étroit avec la face adjacente du disque. Le brevet allemand Weiste DE 3418176 du 21 novembre 1985 (pièce Novag n°12), divulgue un soc à disque unique incliné d'un angle par rapport à la verticale, qui est couvert par un patin de soc réalisé bombé, guidé par son bord d'attaque jusque tout près de la surface de disque du soc à disque unique qui s'étend jusque dans la région inférieure du soc à disque unique. Il comporte selon les défendeurs, un élément latéral de type lame, appelé déflecteur destiné à racler contre la surface du disque, placé tout contre le disque de telle sorte qu'une pénétration de particules de terre dans cette zone n'est pas possible. Le brevet Crain US 641 498 du 16 janvier 1900 (pièce Novag n°18)a pour objet d'apporter des améliorations utiles pour les semoirs à grains, au moyen d'un dispositif combiné de formation de sillons et de distribution de grains, et principalement d'empêcher toute boue ou terre de s'insérer dans l'espace entre le disque et l'aile ou le bouclier. Il n'est pas rapporté que le dispositif destiné à être mobilisé par une traction animale, compte tenu de l'ancienneté du brevet, ne soit pas compatible avec une machine agricole motorisée. Le bord avant de l'aile ou bouclier est fourni avec une surface de contact, en contact ou sensiblement en contact avec le côté convexe du disque et s'étendant non seulement le long d'une ligne radiale ou essentiellement radiale, mais de plus le long d'une ligne horizontale ou essentiellement horizontale. L'ensemble des documents invoqués, à l'exclusion du brevet Massey et possiblement Evin, concernent des éléments semeurs, comportant un disque qui est déplacé de manière clairement inclinée par rapport à la direction de déplacement, formant des fentes en U dans le sol et qui ne génère pas des problèmes identiques d'accumulation de terre sur l'intérieur du bord d'attaque, que le brevet entend résoudre, alors que le brevet concerne quant à lui, un disque "droit". La plupart des dispositifs de l'art antérieur comporte un disque et une lame, positionnée à proximité contrainte du disque, avec un bord d'attaque tranchant, mais aucun n'envisage le positionnement de la lame de telle sorte qu'une condition d'angle positif ou nul, soit établie sur toute la longueur du bord d'attaque entre le bord d'attaque des deux lames latérales et un arc de la surface du disque passant sous le bord d'attaque, ce à quoi l'homme du métier ne pouvait parvenir, au vu de l'art antérieur, sauf à effectuer ainsi que les défendeurs y procèdent, à un raisonnement a posteriori. La revendication 1 est donc valable, tout comme la revendication 22 qui met en œuvre le procédé de fabrication. Les revendications dépendantes sont également valables. 4-sur la contrefaçon Il est reproché à la société Novag de commercialiser des machines T Force, équipées de semoirs reproduisant les caractéristiques du brevet EP652, et à la société CIM, de fabriquer et d'assembler pour le compte de la première, de telles machines. Il appartient aux demandeurs d'établir la reproduction de l'ensemble des caractéristiques du brevet en tous ses moyens combinés. Christopher B a fait procéder à des saisies-contrefaçon dans les locaux de chacune des défenderesses (pièce B n°22). Toutefois, les éléments recueillis par l'huissier, et les photographies réalisées par l'huissier à cette occasion, sont insuffisants pour établir la reproduction de l'intégralité des caractéristiques du brevet. S'il en ressort que le semoir saisi dans les locaux de la CIM comporte un disque destiné à tourner autour d'un axe horizontal et attiré vers l'avant dans une direction sensiblement parallèle à la surface du sol et perpendiculaire à un axe du disque ainsi que deux lames disposées de chaque côté du disque, les photographies de profil des semoirs ne permettent toutefois pas de mettre en évidence, la reproduction sur toute la longueur du bord d'attaque, de la condition d'angle entre le bord d'attaque de la lame et de l'arc de la surface du disque passant sous le bord d'attaque, obtenue grâce au positionnement des lames, et définie au brevet et cette carence ne peut être suppléée par les moyens non vérifiables utilisés par les demandeurs, tels que les dessins et l'assistance par ordinateur. La matérialité de la contrefaçon et la reproduction de l'ensemble des caractéristiques du brevet ne sont donc pas établies, de sorte que les demandes indemnitaires formées par Christopher B sont sans objet. 5- sur la concurrence déloyale La société BNT sollicite la condamnation de la société Novag, au paiement de la somme de 100000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, indiquant qu'elle opère grâce à son site internet pour partie rédigé en français, sur le même marché en France, que la société Novag, mais également dans toute l'Europe et exposant que la société Novag revendique s'être inspirée de l'avance scientifique néo-zélandaise, des recherches et pratiques néo- zélandaises et de la technique "Cross Slot", commercialise à moindre coût le semoir litigieux et crée une confusion dans l'esprit de ses clients, alors qu'elle ne souhaite pas être associés de quelconque manière avec cette société défenderesse, dans l'esprit du public. La société Novag soutient quant à elle, après avoir relevé l'incapacité des demandeurs de développer sur ce point un argumentaire sérieux et stable, qu'aucun produit Cross Slot n'est commercialisé en France par les demandeurs, que ces produits sont inconnus du public français et qu'en tout état de cause, les faits invoqués ne sont pas distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon. Sur ce, Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du code civil devenu 1240, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. La société BNT n'établit pas commercialiser en France ses produits, honnis ceux qu'elle a vendus à la société CS Agrimat, devenue Novag, ni que les devis, dont la réalité est contestée par la défenderesse, aient été sans suite du fait des agissements de Novag. La société Novag n'est pas plus responsable des déclarations des journalistes, qui font référence aux techniques néo-zélandaises de semis direct qui sont reconnues, voire même à Christopher John B, qui en est le spécialiste incontesté. Les autres pièces de la société BNT (n°32, 25, 26, 28, 29) qui émanent de tiers, ne permettent pas d'établir les agissements fautifs allégués et les intentions déloyales qui sont imputées à la société Novag. Les prétentions de la société BNT au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, seront écartées. 6-sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour dénigrement La société Novag sollicite la condamnation de Christopher B et de la société BNT, au paiement de la somme de 150000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice résultant d'un courrier adressé par les demandeurs, à ses clients le 24 mai 2014, soit avant même que la saisie-contrefaçon ne soit intervenue, qui lui a fait perdre deux clients, et en réparation du préjudice résultant du courrier adressé à PINSA de Lyon, dont est issu Ramzi F. Il n'est toutefois pas établi que la lettre du 28 mai 2014 (pièce Novag n° 14 ) (dans laquelle sont imputés au dirigeant de la société Novag, anciennement stagiaire de la société BNT, des actes de détournement de secret de conception et de savoir-faire et des actes de contrefaçon) ait été adressée à tous les clients de la société Novag, car cette lettre est revêtue d'un tampon de communication de l'avocat, qui est intervenu dans le cadre d'un contentieux opposant un client à la société Novag et c'est vraisemblablement dans ce contexte particulier que ce document a été établi. La lettre adressée à TINS A (pièce Novag n°15), certes maladroite, inappropriée et au demeurant sans aucun effet, ne concerne que Ramzi F et a été sans influence aucune pour celui-ci et son titre d'ingénieur et sans répercussions commerciales établies, en ce qui concerne la société Novag, laquelle en outre ne peut solliciter que l'indemnisation de son propre préjudice et non celui de son dirigeant. La demande reconventionnelle de ce chef sera rejetée. 7-sur les autres demandes Christopher John B et la société BNT qui succombent supporteront les dépens et leurs propres frais. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, à payer à l'autre partie, au titre des frais non compris dans les dépens, la somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Les circonstances particulières de la cause et notamment, l'intervention volontaire différée, les écritures séparées de chacun des demandeurs, les frais et recherches, justifient que soit allouée aux défenderesses, la somme de 50 000 euros. L'exécution provisoire eu égard à la solution du litige n'apparaît pas nécessaire.

PAR CES MOTIFS

, Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort, Déclare la société BNT irrecevable en ses prétentions formées au titre de la contrefaçon, faute d'établir sa qualité de licencié du breveté, Rejette la demande de nullité des revendications là 8 et 15 à 22 du brevet européen EPI 152652, délivré le 28 février 2007 et appartenant à Christopher John B, Déboute Christopher B de son action au titre de la contrefaçon du brevet précité, Déboute la société BNT de sa demande de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale. Déboute la société Novag de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts. Condamne in solidum Christopher John B et la société BNT aux dépens, Condamne les mêmes in solidum à payer aux sociétés Novag et CIM, une indemnité globale pour frais irrépétibles de 50 000 euros, Autorise Me Sylvie Benoliel-Claux, avocat, à recouvrer directement les demandeurs, ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.