Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 12 mai 2016, 15-16.482

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2016-05-12
Cour d'appel de Caen
2015-03-24
Cour d'appel de Versailles
2012-06-28

Texte intégral

CIV. 2 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 mai 2016 Cassation sans renvoi M. LIÉNARD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 757 F-D Pourvoi n° A 15-16.482 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

la société Bellatrix, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], contre l'arrêt rendu le 24 mars 2015 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [M] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 31 mars 2016, où étaient présents : M. Liénard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Bellatrix, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [J], et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique, pris en sa première branche :

Vu

l'article 388 du code de procédure civile ; Attendu que la péremption d'instance doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

et les productions, que M. [J], assigné en paiement par la société Bellatrix (la société), a invoqué, après le rétablissement de l'affaire, la péremption de l'instance qui a été rejetée par une ordonnance du juge de la mise en état ; qu'en cause d'appel, la société a soulevé l'irrecevabilité de l'incident de péremption, faute d'avoir été présenté avant tout autre moyen ; Attendu que la cour d'appel constate la péremption de l'instance ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'elle relevait que M. [J] avait soulevé la péremption dans des conclusions déposées après des conclusions sur le fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu

l'article 627 du code de procédure civile ; Attend qu'il résulte de l'arrêt que la demande de péremption, qui n'avait pas été présentée avant tout autre moyen, n'était pas recevable ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Confirme l'ordonnance rendue le 10 juin 2014 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Alençon ; Condamne M. [J] aux dépens exposés devant la cour d'appel ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées devant la cour d'appel ; Condamne M. [J] aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Bellatrix ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Bellatrix L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QUE, infirmant l'ordonnance du 10 juin 2014, il a constaté la péremption de l'instance introduite devant le Tribunal de grande instance d'Alençon ; AUX MOTIFS QUE « il résulte des pièces versées aux débats que Mr [J] a conclu une première fois le 1er juin 2010, que le retrait du rôle a effectivement été acté le 19 octobre 2010, que la société Bellatrix a conclu le 18 octobre 2012 et que Mr [J] a, quant à lui, conclu à nouveau en février 2013, ces écritures étant, sur le fond, la réplique exacte des précédentes et ne s'en démarquant que sur deux points : le « constat » que la Sarl Bellatrix avait modifié le fondement juridique de sa demande et le montant des dommages que lui-même estimait pouvoir solliciter : 15 000 € et non plus 3 500 € ; Ceci étant, ces conclusions ont été déposées pour une audience de mise en état du 5 février 2013 et ce n'est effectivement que dans ses conclusions postérieures (14 mars 2013) que Mr [J] a soulevé le moyen de péremption. Mais devant le juge de mise en état, et à la seule lecture de l'ordonnance du JME, la société Bellatrix n'a nullement soulevé l'irrecevabilité de l'incident puisqu'elle s'est limitée à se prévaloir du lien de dépendance entre l'instance engagée devant le tribunal de grande instance d'Alençon et le tribunal de commerce de Nanterre pour faire juger que la péremption n'était pas acquise. Cependant devant la cour, elle oppose ce nouveau moyen lequel est recevable au visa de l'article 563 du code de procédure civile. L'instance qui oppose les deux parties devant le tribunal de grande instance porte sur le paiement par Mr [J], au titre d'un « pacte d'associés » du 31 mars 1998 et de son avenant du 11 mai 1998, et en vertu des articles 1134, 1135, 1147, 1843-3 et 1844-1 du code civil, d'une somme de 49 025 € et les intérêts majorés sur celle de 28 194€. La somme réclamée représenterait le solde débiteur du compte courant de Mr [J] dans une société Bellatrix, constituée à l'occasion de l'achat en 1998 d'un voilier, voilier revendu en 2006. Etaient associés dans cette même société (après achat- vente- et revente de certaines parts) la SAS HFC, MM [X], [J], [E]. Parallèlement la SAS HFC et Mr [X] ont assigné en référé la Sarl Bellatrix devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement : pour la première d'une somme de 56 242,95€ en remboursement « d'un prêt », pour le second de celle de 12 125,70 € pour le même motif. MM [J] et [E], associés minoritaires de la société Bellatrix, sont intervenus volontairement sur la procédure, pour contester notamment le droit à agir de Mr [X]. Par ordonnance du 31 janvier 2011, il était fait droit aux demandes, la société Bellatrix étant condamnée au remboursement des comptes courants de la SAS HFC et de Mr [X]. Sur appel de MM [J] et [E] et par arrêt du 28 juin 2012, la cour d'appel de Versailles infirmait cette ordonnance, faute d'intérêt légitime à agir tant pour la SAS HFC que pour Mr [X]. Les deux instances tendent au paiement par la société d'une provision au titre des comptes courants de deux associés (tribunal de commerce), et paiement à la société du solde prétendu débiteur d'un compte courant d'un troisième associé (tribunal de grande instance) l'intervention de Mr [J] à la procédure de référé commercial qui a opposé la société à deux autres associés n'est pas interruptive de prescription, en l'absence de lien direct et nécessaire entre ces deux instances. Le point de départ de la péremption étant le dépôt des dernières conclusions de Mr [J], dépôt fait le 1er juin 2010, la procédure était périmée à la date à laquelle la SARL Bellatrix a déposé ses conclusions de reprise d'instance. L'ordonnance doit être infirmée. » ; ALORS QUE, premièrement, dès lors qu'ils estimaient recevable le moyen fondé sur l'irrecevabilité de la demande de péremption, par application de l'article 563 du code de procédure civile, les juges du fond avaient l'obligation de se prononcer sur le bien-fondé de l'irrecevabilité invoquée ; qu'en s'abstenant de ce faire, ils ont violé les articles 4 du code civil, 12 du code de procédure civile et 388 du code de procédure civile ; ALORS QUE, deuxièmement, l'irrecevabilité opposée à une demande visant à faire constater la péremption d'instance s'analyse en une fin de non-recevoir ; qu'en application de l'article 123 du code de procédure civile, les fin de non-recevoir peuvent être invoquées à tout moment, et même pour la première fois en cause d'appel ; qu'en opposant que l'irrecevabilité de la demande de péremption avait été invoquée après le dépôt de conclusions au fond, les juges du fond ont violé les articles 123 et 388 du code de procédure civile.