Logo pappers Justice

Tribunal administratif de Paris, 1ère Chambre, 6 octobre 2023, 2101790

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Paris
  • Numéro d'affaire :
    2101790
  • Dispositif : Satisfaction totale
  • Nature : Décision
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Paris
6 octobre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 janvier 2021 et le 22 février 2023, M. B A demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision implicite, née le 3 janvier 2021, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de communication de documents administratifs ; 2°) d'annuler la décision implicite, née le 26 décembre 2020, par laquelle la ministre des armées a refusé d'abroger partiellement l'instruction n° 26209/ARM/SGA/DAJ du 16 août 2017 ; 3°) d'enjoindre à la ministre des armées de lui communiquer le document sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le document dont la communication lui a été refusée constitue un document administratif, existant et communicable au sens des articles L. 300-2 et L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - le refus de communication est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que le document sollicité n'est pas préparatoire à la décision de la ministre des armées du 7 décembre 2020 ; - il méconnaît l'article L. 311-3 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que le document sollicité présente le caractère de document dont les conclusions lui sont opposées ; - il méconnaît l'article R. 4125-8 du code de la défense ; - le refus d'abroger l'instruction du 16 août 2017 fait grief dès lors qu'elle comporte des dispositions impératives à caractère générale ; - le paragraphe 4.4.4 de l'instruction méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives et réglementaires qu'elle entend expliciter. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les conclusions à fin d'annulation de l'instruction du 16 août 2017 sont irrecevables car ce document est dépourvu de caractère réglementaire et que le requérant ne justifie pas de son intérêt à agir ; - le document sollicité n'est pas communicable en ce qu'il constitue un document préparatoire à la décision de la ministre des armées du 7 décembre 2020 ; - sa communication n'est ni utile ni nécessaire dans la mesure où son contenu a été porté à la connaissance du requérant à travers les observations produites par la direction des ressources humaines de l'armée de l'air devant la commission des recours des militaires et auxquelles il a été mis à même de répliquer. Par une ordonnance du 15 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2023 à 12 heures.

Vu :

- l'avis n° 20204459 rendu le 7 décembre 2020 par la commission d'accès aux documents administratifs ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné Mme Riou, présidente de la 5ème section, en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Riou a été entendu au cours de l'audience publique. M. A a présenté une note en délibéré, enregistrée le 25 septembre 2023.

Considérant ce qui suit

: 1. M. A, commandant de l'armée de l'air et de l'espace, est affecté depuis le 1er septembre 2016 au sein de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information de la défense. Le 31 juillet 2020, il a saisi la commission des recours des militaires d'un recours administratif préalable obligatoire à l'encontre de la notation dont il a fait l'objet au titre de l'année 2020. Sollicitée dans le cadre de l'instruction de ce recours, la direction des ressources humaines de l'armée de l'air a produit, par un mémoire du 14 septembre 2020, ses observations. Par un courriel du 29 septembre 2020, M. A a demandé à ce service la communication des éléments transmis par l'autorité à l'origine de l'acte contesté et à partir desquels ses observations avaient été élaborées. Sa demande ayant été implicitement rejetée, il a saisi la commission d'accès aux documents administratifs qui a émis, le 7 décembre 2020, un avis défavorable à la communication de ce document. Parallèlement, M. A a demandé, par un courriel du 26 octobre 2020, l'abrogation partielle de l'instruction n° 26209/ARM/SGA/DAJ du 16 août 2017 relative à la communication, par les services du ministère des armées, des documents administratifs aux citoyens. 2. Par la présente requête, M. A demande l'annulation des décisions implicites par lesquelles la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de communication et d'abroger partiellement l'instruction du 16 août 2017. Sur la demande d'annulation du refus de communication de documents administratifs : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 311-2 de ce même code : " () / Le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration. () ". 4. D'autre part, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. () ". Aux termes de l'article R. 4125-3 de ce code : " Dès réception du recours, le président de la commission en informe l'autorité dont émane l'acte contesté ainsi que celle dont relève l'intéressé. () ". Aux termes de l'article R. 4125-8 du même code : " La procédure d'instruction des recours est écrite. La commission ne peut statuer qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites sur les éléments recueillis auprès de l'autorité mentionnée à l'article R. 4125-3, dans un délai de quinze jours à compter de leur réception par lui. () ". Enfin aux termes de l'article R. 4125-9 du code la défense : " La commission recommande au ministre compétent ou, le cas échéant, aux ministres conjointement compétents au sens du II de l'article R. 4125-4, soit de rejeter le recours, soit de l'agréer totalement ou partiellement. Son avis ne lie pas le ministre compétent ou, le cas échéant, les ministres conjointement compétents. () ". 5. Il est constant que, afin d'élaborer ses propres observations devant la commission des recours des militaires, la direction des ressources humaines de l'armée de l'air a demandé à l'autorité dont émane la notation contestée de lui faire parvenir des informations relatives à la situation administrative et la manière de servir de M. A. Il ressort également des pièces du dossier que seules ces observations ont été recueillies par le rapporteur chargé de l'instruction du recours et que ce n'est qu'à leur vu, ainsi qu'à celle de la réplique de l'auteur du recours, que la commission des recours des militaires a émis, le 27 novembre 2020, son avis. Il suit de là que les renseignements transmis par l'autorité à l'origine de la notation contestée ne s'inscrivaient pas dans le processus d'élaboration de la décision de la ministre des armées du 7 décembre 2020 et ne revêtaient donc pas le caractère de document préparatoire. Par suite, la ministre des armées a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration en refusant leur communication. 6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande de communication. 7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent jugement implique nécessairement que le ministre des armées communique à M. A les renseignements transmis par l'autorité à l'origine de la notation contestée à la direction des ressources humaines de l'armée de l'air. Il y a lieu, par suite, de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur la demande d'abrogation : 8. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices. 9. Monsieur A a demandé au ministre d'abroger partiellement l'instruction n° 26209/ ARM/ SGA/ DAJ du 16 août 2017 relative à la communication par les services du ministère des armées des documents administratifs aux citoyens, en tant qu'elle pose comme règle, en son paragraphe " 4.4.4. - Recours en cas de refus ", que " le demandeur ne peut saisir la juridiction administrative avant que la CADA n'ait émis un avis ". 10. L'instruction n° 26209/ARM/SGA/DAJ du 16 août 2017 a pour objet d'exposer aux services du ministère des armées les modalités de communication des documents administratifs aux citoyens, au terme d'une description de l'état du droit et de la procédure administrative. Elle ne contient aucune disposition impérative à caractère général et n'est pas susceptible, en tant que telle, d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation des citoyens. Il suit de là que la décision refusant de l'abroger est insusceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la seconde fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir, la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées doit être accueillie. Sur les frais liés au litige : 11. M. A, qui déclare être assisté d'un conseil sans mandat de représentation, ne justifie pas des frais exposés pour l'établissement de sa requête. Sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit donc être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite, née le 3 janvier 2021, par laquelle la ministre des armées a refusé de faire droit à la demande de communication de documents administratifs présentée par M. A est annulée. Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de communiquer à M. A les renseignements transmis par l'autorité à l'origine de la notation contestée à la direction des ressources humaines de l'armée de l'air, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. L'administration communiquera au greffe du tribunal copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent jugement. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au ministre des armées. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023. La magistrate désignée, C. RiouLa greffière, V. Lagrède La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.