Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 24 mai 2022, 20/01368

Synthèse

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Texte intégral

COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE GROSSE à : SELARL SELARL [O] [M] CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [6] EXPÉDITION à : [K] [M] MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS

ARRÊT

DU : 24 MAI 2022 Minute n°264/2022 N° RG 20/01368 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFSW Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 22 Juin 2020 ENTRE APPELANTE : Madame [K] [M] [Adresse 3] [Adresse 3] Représentée par Me Maïlys DUBOIS de la SELARL SELARL MAÏLYS DUBOIS, avocat au barreau de TOURS Dispensée de comparution à l'audience du 29 mars 2022 D'UNE PART, ET INTIMÉE : CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA [6] [Adresse 2] [Adresse 2] Dispensée de comparution à l'audience du 29 mars 2022 PARTIE AVISÉE : MONSIEUR LE MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE [Adresse 1] [Adresse 1] Non comparant, ni représenté

D'AUTRE PART

, COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 MARS 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, chargé du rapport. Lors du délibéré : Madame Sophie GRALL, Président de chambre, Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller Greffier : Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt. DÉBATS : A l'audience publique le 29 MARS 2022. ARRÊT : - Contradictoire, en dernier ressort - Prononcé le 24 MAI 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - Signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire. * * * * * Le 20 décembre 2016, Mme [K] [M], née en 1970, agent administratif [6] non roulant depuis le 1er août 1993 dont les activités consistent à la saisie informatique depuis le 1er avril 2007, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour une 'épicondilite droite, tendinopathie bras droit, tendinite bras droit' à l'appui d'un certificat médical initial du 18 octobre 2016 mentionnant 'une tendinite bras droit confirmée radiologiquement et échographiquement chez une patiente qui travaille comme agent administratif et utilise l'ordinateur donc son bras droit'. Après instruction, estimant que la condition relative à la liste limitative des travaux définis au tableau 57 B (affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail) -dont relève l'affection de Mme [K] [M] n'était pas remplie, la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 4] PACA Corse qui, le 12 juin 2017, a rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée en ces termes : 'Atteinte par une tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens droits diagnostiquée en octobre 2016 et confirmée par un bilan en date du 20 octobre 2016 (radio échographique épaule et bras droit). La profession exercée est celle de gestionnaire du personnel depuis 2007. C'est-à-dire l'intéressée a pratiqué la saisie sur poste informatique avec un maximum de 3 h 45 par jour et le roulage et déroulage des bandes graphiques (4 h maximum par jour 35 heures par semaine). Cette activité comporte des flexions et extensions du poignet occasionnelles et surtout des mouvements fins des doigts voire des préhensions, la pronosupination est très rarement sollicitée, l'extension du coude pratiquement jamais. En conséquence, le comité ne retient pas un lien direct entre la pathologie déclarée et la profession exercée'. Au vu de cet avis, par décision du 13 juin 2017, la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] a refusé de prendre en charge l'affection dont est atteinte Mme [K] [M] au titre de la législation professionnelle. Celle-ci a contesté cette décision devant la commission spéciale des accidents du travail, laquelle ne s'est pas prononcée, confirmant ainsi le refus de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la [6]. Par requête du 12 septembre 2017, Mme [K] [M] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours en contestation de cette décision implicite et reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie. Par jugement avant dire droit du 9 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours a désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'[Localité 5] aux fins de savoir si les mouvements accomplis par Mme [K] [M] ont pu contribuer, et dans quelles proportions, à la pathologie dont elle est victime. Par avis du 10 février 2020, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'[Localité 5] Centre-Val de Loire a également rendu un avis défavorable à la prise en charge sollicitée. L'instance a été reprise par le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016. Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Par jugement du 22 juin 2020, notifié le même jour, le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours a: - déclaré le recours de Mme [K] [M] recevable mais mal fondé, - rejeté l'ensemble des demandes de Mme [K] [M], - validé la décision implicite de rejet rendue par la commission spéciale des accidents du travail validant la décision rendue par la caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la [6] le 13 juin 2017, - dit que la pathologie dont est victime Mme [K] [M], à savoir une tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit, ne doit pas être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, - condamné Mme [K] [M] aux entiers dépens de la présente instance. Suivant déclaration enregistrée au greffe le 22 juillet 2020, Mme [K] [M] a interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement. Mme [K] [M] a été dispensée de comparution à l'audience du 29 mars 2022. Dans ses conclusions transmises à la cour par RPVA le 24 janvier 2022 et préalablement adressées à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la [6], elle demande à la Cour de: Vu l'article L. 416-1 du Code de la sécurité sociale, Vu le tableau n° 57 de l'annexe II du Code de la sécurité sociale, Vu les pièces versées aux débats, - déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Mme [K] [M]. - infirmer le jugement rendu le 22 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Tours confirmant la décision implicite de rejet rendue par la commission spéciale des accidents du travail. En conséquence, A titre principal, - infirmer la décision implicite de rejet rendue par la commission spéciale des accidents du travail validant la décision de la caisse de prévoyance retraite des personnels de la [6] du 13 juin 2017. - enjoindre la caisse de prévoyance retraite des personnels de la [6] de statuer à nouveau sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de Mme [K] [M]. - condamner la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] à régulariser les droits de Mme [K] [M] résultant de cette reconnaissance, avec intérêts de retard aux taux légal à compter du 18 octobre 2016. A titre subsidiaire, - ordonner une expertise situationnelle et désigner tel expert qu'il plaira avec mission: ' l'étude des pièces portées au dossier, ' l'évaluation des capacités/performances résiduelles actuelles, * déterminer si les maladies sont imputables à l'activité professionnelle de Mme [K] [M] au sein de la [6], ' des propositions de compensation (devis annexé au rapport), En tout état de cause, - condamner la caisse de prévoyance et retraite de la [6] à payer à Mme [K] [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens. La caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la [6] a été dispensée de comparution à l'audience du 29 mars 2022. Dans ses conclusions parvenues à la cour le 10 mars 2022 et préalablement adressées à Mme [K] [M], elle demande à la Cour de : - déclarer non fondée Mme [K] [M] en son appel. - confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours du 22 juin 2020 en toutes ses dispositions. - dit n'y avoir lieu à condamnation de la caisse au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives. SUR CE, LA COUR: Aux termes de l'article L. 461-1 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale, 'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau'. Ainsi sont présumées maladies professionnelles, sans que la victime ait à prouver le lien de causalité entre son affection et son travail, les maladies inscrites et définies aux tableaux prévus par les articles L. 461-2 et R. 461-3 du Code de la sécurité sociale et ce dès lors qu'il a été établi que le salarié qui en est atteint a été exposé de façon habituelle au cours de son activité professionnelle au risque considéré. Les deux alinéas suivants disposent que 'si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé', soit 25 %. L'article L. 461-1 alinéa 5 prévoit enfin que 'dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles'. En l'espèce, la maladie dont est atteinte Mme [K] [M], à savoir une tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens du coude droit -seule concernée par la présente instance-, figure au tableau 57 B des maladies professionnelles. Est en discussion à ce titre la condition relative à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie en cause ainsi définis: 'travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination'. Mme [K] [M] fait valoir qu'il est reconnu que le travail informatique ou la gestion administrative impose une répétition de gestes de préhension ou d'extension de la main qui sont reconnus comme phénomène générateur d'une épicondylite ; qu'elle a fortement utilisé son bras droit dès 1993 lors de son poste de garde barrière puis depuis 1998 comme agent administratif effectuant de manière très répétée des gestes des avant-bras. Elle soutient que la dégradation de son bras droit en lien avec sa pratique professionnelle est évidente, comme en attestent ses collègues, ainsi que le médecin de santé au travail le 29 juin 2020 ou le Docteur [E], médecin expert, aux termes d'une consultation du 27 novembre 2020, et qu'il est étonnant que les deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles ([Localité 4] en 2017 et [Localité 5] en 2020) aient exclu tout lien entre la maladie et les tâches qu'elle a réalisées. Elle ajoute qu'elle n'a pas de pratique sportive à risque ou dangereuse ou sollicitant à répétition des mouvements du coude droit, pas plus que d'anomalie physique. Il ressort de l'avis de l'ingénieur conseil du service prévention de la [6] du 13 mars 2017, sollicité lors de l'enquête administrative diligentée par la caisse de prévoyance et de retraite de la [6], que 'lors des deux derniers postes (occupés à la [6]), les activités de Mme [K] [M] consistent à de la saisie informatique avec un maximum de 7 h 45 et 35 heures semaine. Il n'est pas possible d'évaluer la fréquence et la durée de ces gestes et postures de travail qui sont propres aux travaux de gestionnaires d'utilisation. Les saisies informatiques sont réalisées avec utilisation d'un clavier informatique et une souris standards. Ces travaux ne comportent pas habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination'. Mme [K] [M] qui se contente d'affirmer de manière générale, sans plus d'explications ni d'éléments circonstanciés, qu'il est reconnu que le travail informatique ou la gestion administrative impose une répétition de gestes de préhension ou d'extension de la main, ne remet pas utilement en cause cet avis. Il en résulte que les travaux effectués par Mme [K] [M] ne relèvent pas de la liste limitative du tableau 57 B. Dès lors, il convient d'établir que la pathologie de Mme [K] [M] est directement causée par le travail habituel de celle-ci, selon les termes de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, après avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Il s'avère que tant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 4] le 12 juin 2017 que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'[Localité 5] le 10 février 2020 ont rendu un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont est atteinte Mme [K] [M], concluant de manière claire et circonstanciée à l'absence de lien direct entre ladite maladie et le travail habituel de la victime. Mme [K] [M] fournit depuis lors de nouvelles pièces médicales relatives pour la plupart à la continuation de la médication et à des rendez-vous médicaux, alors que l'affection dont elle souffre n'est pas remise en cause. Ces nouvelles pièces ne sont pas de nature à justifier la désignation d'un troisième comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pas plus qu'une expertise situationnelle, dès lors que les avis déjà rendus ont été pris en connaissance de l'ensemble des éléments du dossier fournis par Mme [K] [M] et par la caisse -dont l'enquête menée par l'ingénieur conseil susvisée détaillant avec précision les différentes tâches exécutées par Mme [K] [M] depuis son embauche à la [6] en 1993-, étant précisé qu'il n'est pas forcément utile pour les comités de les rapporter et de les commenter dans le cadre de leur avis. Quant à la contradiction entre les différents intervenants médicaux relative à la reconnaissance ou non du caractère professionnel de la maladie, alléguée par l'appelante, il apparaît que les deux avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles sont concordants et que l'avis du médecin de santé au travail du 29 juin 2020 mentionnant 'je certifie que cette pathologie est en lien direct et essentiel avec le poste de travail de Mme [M] et son activité professionnelle devant l'ordinateur, génératrice de gestes répétitifs' n'est pas suffisamment probant en ce qu'il se contente de procéder par voie d'affirmation non motivée, étant ajouté que parmi les éléments du dossier examinés par les deux comités figure un avis motivé du médecin du travail. Enfin, la consultation du docteur [E] du 27 novembre 2020 qui conclut : 'Ainsi la pathologie dont souffre Mme [K] [M] possède tous les critères définis dans le tableau des maladies professionnelles n° 57 B. A défaut, une telle demande de reconnaissance de maladie à caractère professionnel paraît parfaitement fondée', sollicitée par Mme [K] [M], non contradictoire, ne saurait suffire à établir le lien direct entre l'affection dont souffre Mme [K] [M] et le travail habituel de celle-ci que deux avis de comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles ont expressément exclus. Mme [K] [M] ne remplissant pas l'une des conditions exigées par le tableau 57 B des maladies professionnelles et les deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles successivement saisis ayant conclu à l'absence de lien de causalité entre le travail habituel de celle-ci et la pathologie déclarée, sans que les éléments nouvellement apportés par l'appelante permettent de passer outre ces avis ou de donner lieu à désignation d'un autre expert, il convient de débouter Mme [K] [M] de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et de confirmer le jugement entrepris. Mme [K] [M], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

: Confirme le jugement du 22 juin 2020 du Pôle social du tribunal judiciaire de Tours en toutes ses dispositions; Condamne Mme [K] [M] aux dépens d'appel. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,