Cour de cassation, Chambre criminelle, 3 novembre 2010, 10-80.809

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    10-80.809
  • Dispositif : Cassation
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Décision précédente :Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 9 novembre 2009
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023164387
  • Rapporteur : Mme Harel-Dutirou
  • Président : M. Louvel (président)
  • Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-11-03
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
2009-11-09

Texte intégral

Statuant sur le pourvoi formé par

: - Le Syndicat national des entreprises du secteur privé marchand de la filière équestre des loisirs et du tourisme (SNEFELT), partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 9 novembre 2009, qui, dans l'information suivie contre M. Serge X..., des chefs d'utilisation d'un fichier informatique sans déclaration ou autorisation, de prises illégales d'intérêts, tromperie, d'abus de confiance et de faux en écriture, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile ; Vu le mémoire et le mémoire de production produits ;

Sur le moyen

unique de cassation, pris de la violation de l'article L. 2132-3 du code du travail et des articles 2, 6, 85, 87, 591 et 593 du code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le Syndicat national des entreprises du secteur privé marchand de la filière équestre des loisirs et du tourisme (SNEFELT) irrecevable dans sa constitution de partie civile ; "aux motifs qu'aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale : « l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction » ; qu'un syndicat, qui n'est pas spécialement habilité par le législateur, peut être admis à se constituer partie civile s'il justifie d'un préjudice personnel et direct en rapport avec les infractions dénoncées ou directement causées par les infractions qu'il dénonce ; que le SNEFELT dénonce une série de faits constitutifs d'utilisation frauduleuse du fichier informatisé de la FFE, d'abus de confiance, de détournement de biens publics, favoritisme, prise illégale d'intérêts et faux en écritures ; qu'il évoque dans sa plainte l'existence de pratiques anticoncurrentielles auxquelles seraient soumises les TPE (très petites entreprises), les prises de contrôle du GHN par la FFE, de la FFE par le GHN, le fait que depuis 1989, la FFE finance le syndicalisme professionnel et agrée en toute illégalité des sociétés commerciales, l'utilisation frauduleuse du fichier de la FFE par le GHN ainsi que le financement du GHN par la FFE ; qu'il expose que le GHN a été reconnu en 2002 comme un « syndicat national professionnel représentatif », représentativité au niveau national qui lui a été refusée ; que le SNEFELT, en évoquant un monopole syndical, s'estime en réalité victime d'une concurrence déloyale en énonçant les délits de «détournement de biens publics, favoritisme et prise illégale d'intérêts» ; qu'il a d'ailleurs écrit dans sa plainte avec constitution de partie civile que le syndicat avait été créé le 9 octobre 2000 dans l'objectif d'éviter que le GHN n'étende son pouvoir sur l'ensemble de la filière et prenne le contrôle des instances paritaires et professionnelles du secteur équestre ; que s'agissant du délit d'utilisation frauduleuse d'un fichier informatique sans déclaration ou autorisation, il dénonce précisément l'utilisation frauduleuse du fichier informatisé de la FFE ; que l'on ne voit donc pas en quoi le SNEFELT serait victime de ce délit ; qu'il en est de même pour le délit de faux en écritures, puisqu'il avait indiqué que le faux document était l'utilisation frauduleuse par la FFE du fichier de la CNIL ; qu'en ce qui concerne le délit d'abus de confiance, le SNEFELT s'est borné à affirmer que la convention de financement du GHN était basée sur l'abus de confiance tout en ne pouvant préciser le montant des sommes qui auraient été détournées, pas plus que leur période ; qu'en toute hypothèse, le délit d'abus de confiance ne peut créer un préjudice direct qu'aux seuls propriétaires, détenteurs ou possesseurs des effets ou deniers détournés, ce qui exclut un syndicat représentant des employeurs dans le milieu équestre, en l'espèce le SNEFELT ; que de plus, la victime directe d'un abus de confiance doit être en mesure d'énoncer précisément les effets ou deniers qu'elle a remis à titre précaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que s'il indique que les très petites entreprises auraient été « maintenues sous la dépendance de la FFE et dans un état de dépendance absolue, restant sous l'emprise des dirigeants du GHN lesquels contrôleraient la FFE, collecteraient et géreraient des fonds considérables prélevés sur les entreprises et leurs clients au profit d'un nombre restreint de privilégiés qui cumulent des fonctions électives et de direction à la FFE ainsi que des responsabilités syndicales nationales avec des intérêts dans des structures privées », le SNEFELT ne précise pas le préjudice direct que ces faits lui auraient personnellement causé ; qu'en cet état, aucun élément ne permet d'apprécier « la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des entreprises » visées par l'article 5 des statuts du SNEFELT ; qu'ainsi, le SNEFELT, syndicat professionnel qui déclare agir en application de l'article L. 2132-3 du code du travail, n'expose pas dans sa plainte en quoi les faits dénoncés portent un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ; qu'il ne précise pas davantage le préjudice que ces faits auraient causé aux entreprises visées par les statuts dont il défend les droits et les intérêts, de même qu'il ne cite aucune entreprise équestre de droit privé à but lucratif adhérente au syndicat et ne fournit aucun élément sur ses adhérents ; que l'absence de tout élément justificatif ne permet pas de retenir comme possible l'existence du préjudice allégué ; qu'en réalité, il apparaît que ce syndicat se plaint de la concurrence du GHN en évoquant un monopole syndical ; qu'en conséquence, le SNEFELT est irrecevable en sa constitution de partie civile ; qu'au surplus, une précédente plainte avec constitution de partie civile du chef d'abus de confiance et détournements de fonds publics du SNEFELT portant sur les mêmes faits a déjà été déclarée irrecevable par ordonnance aujourd'hui définitive du 8 décembre 2004 par un juge d'instruction de Paris, au motif qu'il n'existait aucune relation juridique ou financière entre le SNEFELT et la FFE et entre le SNEFELT et le GHN et que le SNEFELT ne justifiait d'aucun préjudice direct résultant des faits dénoncés ; que l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du SNEFELT sera confirmée par substitution de motifs ; "1) alors que tous les syndicats professionnels, même s'ils n'ont pas été spécialement habilités par le législateur, peuvent exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en affirmant qu'un syndicat qui n'a pas été spécialement habilité par le législateur, ne peut être admis à se constituer partie civile que s'il justifie d'un préjudice personnel et direct en rapport avec les infractions dénoncées ou directement causées par les infractions qu'il dénonce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "2) alors, en toute hypothèse, que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en déclarant le SNEFELT irrecevable en sa constitution de partie civile en ce que, en énonçant les délits de « détournement de biens publics, favoritisme et prise illégale d'intérêts », il s'estimait en réalité victime d'une concurrence déloyale née d'une situation de monopole syndical au profit du GHN, quand une telle situation causait personnellement au SNEFELT un dommage directement causé par les infractions reprochées, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ; "3) alors que les syndicats professionnels peuvent exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en affirmant que le SNEFELT n'exposait pas dans sa plainte en quoi les faits dénoncés portaient un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession qu'il représentait et qu'il ne précisait pas davantage le préjudice que ces faits avaient causé aux entreprises visées par les statuts dont il défendait les droits et les intérêts, quand il résultait de sa plainte que les infractions d'utilisation frauduleuse du fichier informatisé de la FFE, d'abus de confiance, de détournement de biens publics, de favoritisme, de prise illégale d'intérêts et de faux en écritures qu'il dénonçait causaient un préjudice direct à l'intérêt collectif des très petites entreprises du secteur équestre qu'il représentait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "4) alors en toute hypothèse que les syndicats professionnels peuvent exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en déclarant le SNEFELT irrecevable en sa constitution de partie civile en ce qu'il n'aurait pas exposé dans sa plainte en quoi les faits dénoncés portaient un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession qu'il représentait, sans rechercher si le syndicat ne justifiait pas si ces faits portaient à cet intérêt collectif un préjudice à tout le moins indirect, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ; "5) alors qu'une partie qui a été déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile peut à nouveau se constituer partie civile, dès lors qu'elle dénonce des faits différents ; qu'en considérant que le SNEFELT était irrecevable en sa constitution de partie civile en ce qu'une précédente plainte avec constitution de partie civile déposée par ce syndicat et déclarée irrecevable par une ordonnance du 8 décembre 2004 aurait porté sur les mêmes faits, quand la plainte déposée par le SNEFELT le 7 février 2007, outre l'automaticité de l'adhésion au GHN par le truchement de l'affiliation à la FFE et la prise en charge par cette dernière des cotisations syndicales du GHN, dénonçait également l'utilisation frauduleuse par le GHN du fichier informatisé de la FFE, le contrôle et l'occupation par le GHN, par personnes physiques interposées, de tous les postes-clés des instances dirigeantes de la FFE, l'absence de dénonciation par la FFE de la convention lui permettant de financer le GHN malgré la dénonciation de cette convention par les ministères de tutelle, l'agrément en toute illégalité par la FFE de sociétés commerciales et d'exploitants agricoles, ainsi que la reconnaissance du GHN en qualité de « syndicat national professionnel représentatif » au détriment du SNEFELT, tous faits qui n'étaient pas dénoncés dans la plainte du 10 mai 2004, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Vu

l'article 593 du code de procédure pénale ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile du SNEFELD, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu

qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait le demandeur, les faits dont était saisi le juge d'instruction ne portaient pas un préjudice même indirect à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs

: CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en date du 9 novembre 2009, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Téplier ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;