Tribunal de grande instance de Lyon, 17 juin 2014, 2013/03461

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Lyon
  • Numéro de pourvoi :
    2013/03461
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : LA POSTE ; ECOPLI ; POSTIMPACT
  • Classification pour les marques : CL09 ; CL12 ; CL16 ; CL18 ; CL22 ; CL25 ; CL28 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL40 ; CL41 ; CL42 ; CL45
  • Numéros d'enregistrement : 3179236 ; 1572869 ; 95558825 ; 99827240 ; 1522302 ; 1465533
  • Parties : LA POSTE SA / ESKER SA
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Lyon, 5 mars 2009
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Chronologie de l'affaire

Tribunal de grande instance de Lyon
2014-06-17
Tribunal de grande instance de Lyon
2009-03-05

Texte intégral

R.G : 13/03461décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond du 05 mars 2009RG : 06.12635 ch n°3Société LA POSTE C/SA ESKER RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE LYON 1re chambre civile B

ARRET

DU 17 Juin 2014 APPELANTE :Société LA POSTE[...]75757 PARIS CEDEX 15 Représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, assisté de la SCP LEHMAN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS INTIMEE : SA ESKER [...]69006 LYON Représentée par la SELAS CMS BUREAU FRANCIS L LYON, avocat au barreau de LYON Date de clôture de l'instruction : 19 Mai 2014 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Mai 2014 Date de mise à disposition : 17 Juin 2014 Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Emmanuela MAUREL, greffier A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile. Composition de la Cour lors du délibéré : - Jean-Jacques BAIZET, président- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller - Michel FICAGNA, conseiller Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Emmanuela MAUREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. La société La Poste créée en 1991, est titulaire : 1/ - d'une marque verbale « la poste » déposée le 9 août 2002, enregistrée sous le n° 02 3 179 236, pour désigner les produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38 à 42 et 45, 2/ - de trois marques semi-figuratives «la poste » déposées respectivement * le 7 décembre 1989 et enregistrée sous le n° 1 57 2 869 pour désigner des produits et services en classes 9, 12, 16, 18, 22, 25, 28, 35 à 42, * le 14 février 1995 et enregistrée sous le n°, 95 558 825 pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 36, 39 et 41, * le 6 décembre 1999 et enregistrée sous le n° 99 8 27 240 pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 35, 36, 38, 39, 41 et 42, 3/- de la marque verbale «Ecopli » déposée le 4 avril 1989 et enregistrée sous le n° 1 522 302 pour désigner des produits et services en classes 9, 16 et 39 : Logiciels ; bases de données informatiques ; supports d'enregistrements magnétiques. Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes ; produits de l'imprimerie ; papeterie ; adhésifs pour la papeterie ; matériel d'enseignement ; matières plastiques pour l'emballage ; caractères d'imprimerie ; Transport et entrepôt ; Transport de marchandises ; conditionnement de produits ; emmagasinage de marchandises dans un entrepôt. 4/- de la marque « Postimpact » déposée le 5 juin 1987 et enregistrée sous le n° 1 465 533 pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 35,38, 39, 41 et 42. 5/- des noms de domaine suivant : - bureaudeposte.fr, créé le 18 mai 2004 - bureau-de-poste.fr, créé le 18 mai 2004 - bureau-de-poste.com, créé le 29 juin 2007. La société Esker a développé un service internet dénommé Flydoc, qu'elle présente sur son site internet comme étant «le 1er bureau de poste électronique privé», offrant à l'utilisateur d'adresser ses courriers et lettres recommandées par internet, de les mettre sous pli, de les affranchir et de les remettre à la société La Poste pour acheminement. La société La Poste offre également sur son site internet www ;laposte.fr des services similaires ou identiques. Courant 2005, le service postal a été ouvert à la concurrence. Par acte du 29 août 2006, la société La Poste a assigné la société Esker devant le tribunal de grande instance de Lyon afin de faire juger que celle-ci a commis à son encontre des faits de concurrence déloyale et de contrefaçon des marques «La Poste», «Ecopli» et «Postimpact». La société Esker a conclu au débouté des demandes. Par jugement du 5 mars 2009, le tribunal de grande instance de Lyon a : - dit qu'en utilisant les termes «Ecopli» et «Postimpact» sur ses sites internet, la société Esker a commis des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits de La Poste, titulaire de cette marque, - dit que la société Esker s'est également rendue coupable de faits de concurrence déloyale au préjudice de La Poste, - condamné la société Esker à retirer de ses sites internet www.flydoc.fr et www.lesvictimesducourrier.com les mentions «Ecopli» et «Postimpact» dans le délai de 15 jours suivant la signification du présent jugement, - dit que passer ce délai, il sera dû une astreinte de 1.000 € par jour de retard, - condamné la société Esker à payer à La Poste la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour les faits de concurrence déloyale et celle de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour les faits de contrefaçon, - ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, - condamné la société Esker à payer à La Poste la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - rejeté le surplus des demandes. La société Esker a relevé appel de ce jugement. Par arrêt du 20 octobre 2011, la cour d'appel de Lyon 1ère chambre, section A, a : - réformé le jugement déféré, - dit qu'en utilisant les termes «bureau de poste», la société Esker a contrefait les marques La Poste enregistrées sous les numéros 1 572 869, 95 558 625, 99 827 240 et 023 179 236 et porté atteinte fautivement à la dénomination sociale La Poste, - condamné la société Esker à payer à la société La Poste la somme de 20 000 € en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon par l'emploi des termes «bureau de poste» et la somme de 25 000 € en réparation de son préjudice résultant des faits de concurrence déloyale par l'atteinte portée à sa dénomination sociale, - condamné la société Esker à retirer de ses sites lesvictimesducourrier.com et Flydoc.com les termes «bureau de poste» et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, -dit que la société Esker a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société La Poste, - condamné la société Esker à payer à la société La Poste la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, - ordonné la publication d'un extrait de la présente décision en page d'accueil des sites lesvictimesducourrier.com et Flydoc.com dans un délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt, pendant une durée de trois mois, et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard passé ce délai, - ordonné la publication d'un extrait de la présente décision, à compter du jour où elle sera devenue définitive dans cinq journaux au choix de la société La Poste, et aux frais de la société Esker, sans que le coût de chaque publication ne puisse excéder la somme de 3 000 €, - débouté les parties de leurs plus amples demandes, - confirmé le jugement déféré pour le surplus, Y ajoutant, - condamné la société Esker à payer à la société La Poste la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP B, T avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par arrêt du 29 janvier 2013, la Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé par la société Esker contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, a : - cassé et annulé l'arrêt rendu le 20 octobre 2011 mais seulement en ce qu'il a dit : 1/ * que la société Esker avait contrefait les marques n° 1 572 869, 95 558 825, 99 827 240, 02 3 179 236 (marques semi-figuratives «la poste» et marque verbale «La poste») et porté atteinte à la dénomination sociale «La Poste», condamné de ces chefs la société Esker au paiement de diverses sommes et à retirer de ses sites les termes «bureau de poste » sous astreinte, 2/ * rejeté la demande en déchéance des droits de la société La Poste sur la marque n° 1 522 302 (marque verbale éc opli) - et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée. La Cour de cassation a jugé :

Sur le

second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches (la première branche étant jugée irrecevable) : - qu'il résultait des constatations et appréciations de l'arrêt que la société Esker n'a pas utilisé les termes «Ecopli» et «postimpact» pour présenter les services offerts par la société La Poste mais son propre service de publipostage, et que la cour d'appel a pu déduire que la société Esker avait commis des actes de contrefaçon des marques «Ecopli» et «postimpact», Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : Vu l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ; Attendu que pour condamner la société Esker pour contrefaçon des marques semi-figuratives «La poste» n° 1 572 869, n ° 95 558 825 et n° 99 827 240, l'arrêt, après avoir retenu que le d épôt d'une marque comportant à la fois des éléments verbaux et des éléments figuratifs peut protéger cette marque contre l'usage des éléments verbaux sans graphisme particulier ou avec un graphisme différent, relève que, compte tenu de la situation de monopole dont la société La Poste ou ses prédécesseurs ont bénéficié depuis plusieurs siècles, l'expression incriminée «bureau de poste» renvoie immanquablement, en France, à la société La Poste, seule habilitée à en ouvrir, et que l'adjonction des adjectifs «électronique» et «privé» n'est pas de nature à prévenir le risque de confusion ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs tirés exclusivement de l'examen de l'élément verbal commun aux signes en présence sans comparer l'impression d'ensemble produite par chacun des signes en prenant en compte tous les facteurs pertinents, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi l'élément verbal «poste» serait dominant et en quoi l'élément figuratif de chacune des marques n° 1 572 869, 95 558 825 et 99 827 240 était insignifiant et ne pouvait constituer un facteur pertinent, n'a pas donné de base légale à sa décision ; Sur ce moyen, pris en sa troisième branche : Vu l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ; - que pour condamner la société Esker pour contrefaçon de la marque verbale n° 02 3 179 236 et des marques semi- figuratives «la poste», l'arrêt relève que l'expression «bureau de poste» renvoie à la société La Poste dès lors que celle-ci, eu égard à sa situation de monopole pendant plusieurs siècles, a été la seule autorisée à en ouvrir sur le territoire national et que le public sera amené à croire que l'expression «bureau de poste électronique privé» correspond à une évolution moderne du service traditionnel de bureau de poste offert par la société La Poste ; - qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société La Poste n'était plus en situation de monopole, à la date des faits incriminés, pour proposer un service de bureau de poste, ce dont il résultait qu'elle ne pouvait s'opposer à l'utilisation, dans leur sens courant, des termes «bureau de poste» au sein des expressions «premier bureau de poste électronique» et «bureau de poste électronique» pour désigner une telle activité ouverte à la concurrence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; Sur ce moyen, pris en sa quatrième branche : Vu l'article 625 du code de procédure civile ; - que la condamnation de la société Esker au titre de l'atteinte à la dénomination sociale La Poste étant fondée sur les motifs pour lesquels la cour d'appel a retenu sa condamnation au titre de la contrefaçon des marques «la poste», la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation de la partie du dispositif de l'arrêt condamnant la société Esker pour atteinte à la dénomination sociale de la société La Poste ; Et sur le second moyen, pris en sa première branche : portant sur la déchéance des droits de la Poste sur la marque «Ecopli» : Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ; - que pour rejeter la demande en déchéance des droits de la société La Poste sur la marque «Ecopli», l'arrêt relève que les documents produits par cette société démontrent qu'elle en a fait un usage sérieux puisque parmi eux figurent plusieurs exemplaires des conditions contractuelles «Ecopli grand compte» et «contrat courrier industriel de gestion» et des tarifs applicables «Ecopli» allant d'octobre 2006 à juin 2009 ; - qu'en se déterminant par de tels motifs, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d'un usage sérieux de la marque «Ecopli» par la société La Poste pour chacun des produits ou services couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. La société La Poste, demande à la cour de renvoi : - de dire et juger que l'utilisation et la reproduction de la dénomination «bureau de poste «par la société Esker porte atteinte : * à la marque enregistrée numéro 02 3 179 236, * aux droits antérieurs de La Poste * à la dénomination sociale de La Poste ; constitue une pratique déloyale par l'usage d'un signe trompeur, - de condamner la société Esker à lui payer à La Poste une somme de 50 000 € pour atteinte à la dénomination «bureau de poste », - dire et juger que la société Esker devra retirer des sites Internet www.Flydoc.fr et www.lesvictimesducourrier.com la dénomination «bureau de poste» , sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, - de condamner la société Esker à payer à La Poste une somme de 10 000 € à titre dommages et intérêts pour concurrence déloyale, - d'ordonner la publication de la présente décision à intervenir en page d'accueil des sites internet www.Flydoc.fr et www.lesvictimesducourrier.com dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 2.000 € par jour de retard, la publication devant être maintenue pendant un délai de 3 mois, - d'ordonner la publication de la présente décision à intervenir dans trois journaux au choix de la concluante et aux frais de la société Esker, sans que chaque publication ne puisse excéder une somme de 7 000 € H.T., - de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Esker, - de condamner la société Esker à payer à La Poste la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP T & ASSOCIES, Avocats, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile. La société La Poste soutient : - que la reprise de la dénomination «bureau de poste» caractérise, à titre principal, une contrefaçon de la marque «La Poste» qui bénéficie d'une notoriété exceptionnelle, et ce en raison du risque de confusion, - à titre subsidiaire qu'elle dispose de droits antérieurs sur la dénomination «bureau de poste» du fait de l'usage de cette dénomination pour ses établissements depuis plus de 100 ans et du fait de la réservation de noms de domaine «bureaudeposte» en 2004 et 2007, - que dans la mesure où les droits dont dispose La Poste sur la dénomination de sa structure «bureau de poste» ne sont pas privatifs car ne résultant ni d'un droit d'auteur, ni du droit des marques, cette dénomination est protégée sous l'empire de l'article 1382 du code civil au titre de la concurrence déloyale, - qu'en tout état de cause, la reprise de cette dénomination caractérise une atteinte à sa dénomination sociale, - que l'usage de cette dénomination est en outre trompeuse pour le consommateur au sens des articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation puisque la société Esker n'est pas un opérateur postal et constitue un acte de concurrence déloyale par l'usage d'un signe trompeur, - qu'en ce qui concerne la marque «écopli», la question est de savoir sous quel produit ou service la marque déposée et prétendument déchue a été utilisée, - que puisque cette marque a été utilisée par la société Esker uniquement pour le service de produit courrier à tarif économique, elle ne serait recevable à agir en déchéance que sur ce service, - que La Poste fait un usage sérieux de la marque «Ecopli», - qu'il suffit pour s'en convaincre de rentrer cette marque en mot clef dans n'importe quel moteur de recherche sur Internet et/ou sur le site www.laposte.fr, - qu'elle verse ainsi aux débats quelques extraits de pages Internet sur le produit «Ecopli», ainsi que le contrat type «Ecopli», une fiche technique sur ce produit et plusieurs documents, contrats, fiches de contrôle et tarifications démontrant cet usage constant depuis plusieurs années, - que dans son arrêt du 29 janvier 2013, la Cour de cassation a clairement indiqué que la Cour a pu déduire de ses constatations que la société Esker avait commis des actes de contrefaçons de la marque «Ecopli». La société Esker demande à la cour : - de dire et juger que la demande de La Poste au titre de l'utilisation trompeuse pour le consommateur des termes «bureaux de poste» constitue une demande nouvelle irrecevable en appel, en conséquence, - d'écarter la demande nouvelle de La Poste au titre de l'usage trompeur des termes «bureaux de poste» - de dire et juger que l'utilisation des termes «bureau de poste «ne porte pas atteinte : * à la marque enregistrée n° 02 3 179 256, * aux droits antérieurs de La Poste, * à la dénomination sociale de La Poste, et ne constitue pas l'usage d'un signe trompeur, - de constater dans tous les cas que la société La Poste est totalement défaillante dans la démonstration de son prétendu préjudice, en conséquence, - de rejeter les demandes de La Poste au titre de la contrefaçon de sa marque n° 02 3 179 236 ou d'une prétendue attein te à sa dénomination sociale, - de dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de la société La Poste, - de prononcer la déchéance de la marque française Ecopli n° 1 522 pour les produits et services suivants : «Logiciels ; bases de données informatiques ; supports d'enregistrements magnétiques, Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes ; produits de l'imprimerie ; papeterie ; adhésifs pour la papeterie ; matériel d'enseignement ; matières plastiques pour l'emballage ; caractères d'imprimerie», - d'ordonner sa radiation du Registre national des marques de l'INPI, en conséquence, - de dire et juger que la société Esker n'a commis aucun acte de contrefaçon de la marque ECOPLI, - de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société La Poste, - de condamner la société La Poste à restituer à la société Esker la somme de 1.500 € au titre des sommes qui lui avaient été allouées pour les actes de contrefaçon de la marque ECOPLI, dans tous les cas, - de condamner La Poste à payer à la société Esker une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - de condamner La Poste aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me M, SELAS CMS BUREAU FRANCIS L LYON sur son affirmation de droit. La société Esker soutient : - que loin d'être un concurrent de La Poste, elle est l'un de ses clients privilégiés qui affranchit des milliers de lettres chaque jour et en fait assurer la distribution par la société La Poste, * sur la déchéance de la marque ECOPLI : - que les pièces versées démontrent que certains outils informatiques sont utilisés pour offrir le service de distribution au tarif «Ecopli», que ces lettres au tarif «Ecopli» sont effectivement transportées, entreposées, mais en aucun cas il n'est établi que le signe «Ecopli» sert à désigner ces produits et services, de surcroît pour les produits et services suivants : «Logiciels ; bases de données informatiques ; supports d'enregistrements magnétiques ; matériel d'enseignement ; matières plastiques pour l'emballage ; Transport et entrepôt.Transport de marchandises ; conditionnement de produits ; emmagasinage de marchandises dans un entrepôt.» - que La Poste ne justifie donc pas d'un usage du terme Ecopli à titre de marque. * sur l'absence d'atteinte aux droits de La Poste du fait de l'utilisation de l'expression «bureau de poste» : - que la jurisprudence admet que l'usage d'un terme dans son acceptation courante n'est pas un usage à titre de marque et ne constitue pas une contrefaçon, - que l'utilisation de certaines expressions s'avère désormais purement et simplement nécessaire pour décrire le service proposé par d'autres entreprises, - qu'il en va ainsi pour l'expression «bureau de poste», le bureau de poste désignant «un établissement où s'exerce un service de courrier, - que dans l'expression «bureau de poste» , le terme «poste», toujours écrit en minuscule pour ne pas faire référence aux établissements de La Poste, ne vise pas La Poste mais fait référence au mot «poste» qui est un mot du langage courant que l'on retrouve par exemple dans l'expression «carte postale» ou «poste restante», - que cette utilisation exclut tout risque de confusion avec La Poste, risque de confusion qui est en outre totalement dissipé par l'usage du terme «électronique» systématiquement accolé ainsi que par le terme «privé» qui est également accolé à l'expression «bureau de poste» , - que la société Esker n'a déposé aucune marque sur les termes «le 1er bureau de poste électronique privé» ou «bureau de poste électronique» et elle n'utilise pas ces termes à titre de signe distinctif mais simplement comme une description de ses services en faisant usage de termes issus du langage courant, - que La Poste ne démontre aucunement une quelconque faute de la société Esker dans l'utilisation de l'expression «bureau de poste électronique privé» pour décrire la consistance d'un service qu'elle propose sous la marque FLYDOC, * sur l'absence d'atteinte a la dénomination sociale «la Poste» : - que l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors que la société Esker n'a effectué aucun dépôt de marque et, qu'en outre, elle n'utilise pas à titre de marque les expressions incriminées, * sur l'absence d'utilisation par la société Esker d'un signe trompeur : - que La Poste n'a jamais soulevé auparavant de demande en réparation (10 000 € de dommages et intérêts) au titre d'un prétendu usage trompeur de l'expression «bureau de poste» , - qu'il s'agit donc d'une demande nouvelle formée pour la première fois devant la Cour d'appel de renvoi et donc irrecevable, - qu'elle doit pouvoir employer les termes «bureau de poste» pour décrire son «activité postale» et que cette expression n'a rien de trompeur, puisque dans les bureaux de poste les activités exercées sont : envoi de courriers, envoi de colis ('), * sur les demandes indemnitaires de La Poste : - que la société La Poste ne fait aucune démonstration permettant d'établir la réalité de ses préjudices, totalement excessifs et injustifiés. MOTIFS 1- Sur la contrefaçon des marques semi-figuratives «La poste» nos 1 572 869, 95 558 825 et 99 827 240 : La société La Poste ne formule plus de prétentions au titre des marques semi-figuratives «la poste». 2 - Sur la contrefaçon de la marque verbale n° 02 3 179 236 LA POSTE : Aux termes de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle «Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ; Aux termes des articles L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle: L'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés. Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : «formule, façon, système, imitation, genre, méthode», ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. La propriété d'une marque même notoire constituée d'un nom commun n'interdit pas l'usage de ce mot en son sens usuel. La fin du monopole du service postal en 2005, autorise des opérateurs privés à exercer une activité postale et notamment à recevoir du courrier, à l'affranchir pour le compte de tiers, à éditer des bordereau de courrier recommandés etc. comme cela se pratique dans des bureaux de poste de la société La Poste. Il existe bien un usage courant du mot «poste» qui existait avant l'organisation du service public de la Poste. Dès lors, la société La Poste ne peut s'opposer à l'utilisation, dans leur sens courant, des termes «bureau de poste» au sein des expressions «premier bureau de poste électronique» et «bureau de poste électronique» pour désigner une telle activité ouverte à la concurrence. En conséquence, il convient de débouter la société La Poste de sa demande de contrefaçon de sa marque verbale «la poste». 3- Sur l'atteinte à la dénomination sociale La Poste Aux termes de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle «Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : (...) b) A une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public (') ». Cependant, la société Esker a utilisé l'expression «1er bureau de poste électronique» et «premier bureau de poste électronique privé» pour décrire ses activités, ce dont il résulte qu'elle emploie l'expression bureau de poste dans son usage courant et avec une précision faisant apparaître qu'il s'agit d'un service nouveau, dès lors sans risque de confusion la société «La Poste», laquelle est par ailleurs titulaire de plusieurs marques semi figuratives pour se distinguer clairement de la concurrence. En conséquence, la demande n'est pas fondée. 4 - Sur l'atteinte aux droits antérieurs sur la dénomination «bureau de poste» sur le fondement de l'article 1382 du code civil : L'entreprise publique postale a institué sur le territoire national des locaux professionnels dénommés «bureau(x) de poste» depuis plus de deux siècles. Mais, le monopole dont jouissait la société La Poste ne l'autorise pas à interdire l'usage dans leurs sens courant des termes «bureau de poste». La société La Poste a également réservé l'expression «bureau de poste» à titre de nom de domaine : - bureaudeposte.fr, créé le 18 mai 2004 - bureau-de-poste.fr, créé le 18 mai 2004 - bureau-de-poste.com, créé le 29 juin 2007. Ces réservations sont récentes au regard des faits reprochés à la société Esker commis courant 2005. De surcroît la société La Poste ne justifie pas de l'exploitation de ces noms de domaine, ceux-ci renvoyant vers d'autres adresses url notamment «monbureaudeposte.laposte.fr ou Laposte.fr par exemple). En tout état de cause, la réservation à titre de nom de domaine de termes du langage commun ne peut avoir pour effet d'interdire à une société, même concurrente, d'user de ces termes dans leur sens usuel. En utilisant ainsi dans leur sens courant les termes «bureau de poste» et en l'absence de risque de confusion avec la société La Poste, la société Esker n'a pas porté atteinte aux droits antérieurs de la société La Poste sur l'expression «bureau de poste». 5 - Sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 10 000 € pour concurrence déloyale par l'usage trompeur de la dénomination «bureau de poste» : En première instance la société La Poste a fait grief à la société Esker de l'avoir dénigrée sur son site internet et a sollicité à ce titre des dommages et intérêts et diverses mesures, en réparation du préjudice subi résultant de ces faits de concurrence déloyale. Le tribunal de grande instance a reconnu le bien fondé de la demande et a condamné la société Esker à payer à la société La Poste la somme de 3 000 € de dommages. La cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 20 octobre 2011,a confirmé le jugement de ce chef, a porté le montant de la réparation à la somme de 50 000 € et a enjoint à la société Esker de cesser les actes de dénigrement sous astreinte. Cette prétention est définitivement jugée en l'absence de cassation sur ce point. La société La Poste saisit la présente Cour d'une demande de condamnation de la société Esker à lui payer la somme de 10 000 € de dommages et intérêts, pour concurrence déloyale, par l'usage d'un signe trompeur pour le consommateur ayant pour effet de détourner malhonnêtement sa clientèle en utilisant une dénomination qui induit une qualité que la société Esker n'a pas, à savoir la qualité d'opérateur postal. Il s'agit bien d'une prétention nouvelle consistant à saisir la cour de faits de concurrence déloyale distincts de ceux invoqués en première instance, assortie d'une demande à hauteur de 10 000 € de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice spécifique et distinct de celui indemnisé par l'arrêt de la cour d'appel du 20 octobre 2011. Elle ne tend donc pas aux mêmes fins que la demande formée en première instance qui visait a faire sanctionner des faits de concurrence déloyale par dénigrement et n'en est ni l'accessoire, la conséquence ou le complément. Il y a lieu en conséquence de déclarer cette demande de dommages et intérêts irrecevable comme nouvelle en appel, en application des articles 564 et suivants du code de procédure civile. 6- Sur la déchéance des droits de la Poste sur la marque ECOPLI : L'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle édicte : Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ; c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation. La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. En l'espèce, la société La Poste a déposé la marque ECOPLI sous le numéro 1522302, le 4 avril 1989, pour les produits et services suivants : Logiciels ; bases de données informatiques ; supports d'enregistrements magnétiques ; Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes ; produits de l'imprimerie ; papeterie ; adhésifs pour la papeterie ; matériel d'enseignement ; matières plastiques pour l'emballage ; caractères d'imprimerie ; Transport et entrepôt ; Transport de marchandises ; conditionnement de produits : emmagasinage de marchandises dans un entrepôt. Il est précisé à la déclaration que : «Les services et produits énumérés ci-dessus sont mis en place par la Poste pour offrir à la clientèle un produit courrier à tarif économique». La société Esker sollicite la déchéance partielle de la marque ECOPLI pour les produits et services suivants : «Logiciels ; bases de données informatiques ; supports d'enregistrements magnétiques, Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes ; produits de l'imprimerie ; papeterie ; adhésifs pour la papeterie ; matériel d'enseignement ; matières plastiques pour l'emballage ; caractères d'imprimerie» . La société Esker offrant à sa clientèle des «produits courriers», elle justifie bien d'un intérêt à voir prononcer la déchéance de la marque ECOPLI pour les produits et services visés par sa demande. Sur l'usage sérieux de la marque ECOPLI, la société La Poste produit les pièces suivantes : n° 45- *capture d'écran du site de La Poste faisant apparaître la marque ECOPLI en lien hypertexte aux fins d'information de la clientèle sur les délais, les tarifs «Ecopli» et Ecopli en nombre, n° 46 - * imprimé papier de contrat annuel ou ponct uel d'envoi en nombre, «Ecopli,» - * bordereau de dépôt Ecopli en nombre, - *une fiche technique Ecopli en nombre au 2 mars 2009, faisant apparaître une possibilité d'affranchissement informatique, la présentation obligatoire de chaque Ecopli en nombre devant comporter obligatoirement, la marque d'affranchissement et de la signalétique Ecopli en nombre, n° 81 - * un imprimé papier présentant les «tarifs Courrier Industriel de gestion Ecopli au 1er septembre 2004, n° 82- * un imprimé papier : «Ecopli Grand Compte d élais de distribution indicatifs en J+4, tarifs en vigueur au 1er janvier 2007, n° 83- * un contrat lettre prioritaire en nombre/Ec opli en nombre version 1er mars 2008, n° 84- * les conditions géné rales Ecopli grand compte, n° 85-86-87- * les conditions générales du contrat courrier Industriel de gestion, décrivant les services Ecopli Grand Compte et Tem'post G, versions 2008 et 2009, n° 88-89 * un contrat Ecopli Grand Compte, version octobre 2006 et mars 2009 n° 94- * des tableaux de données traitées informati quement, version 26 septembre 2006 «fiche de contrôle Ecopli Grand Compte» Ces documents permettent de constater un usage sérieux et continu de la marque ECOPLI pour: - les logiciels, bases de données informatiques permettant l'affranchissement mécanisable, supports d'enregistrements magnétiques : pièces 45, 46 94, - le Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes ; produits de l'imprimerie ; papeterie ; adhésifs pour la papeterie : du fait de l'opposition obligatoire de la marque d'affranchissement Ecopli sur chaque courrier, - le matériel d'enseignement : Information des clients par une rubrique d'aide et de question/réponse sur Ecopli (pièce 45) - les plastiques pour l'emballage : Conditionnement accepté pour l'envoi Ecopli pièce 46 page 1/5 et fiche technique pièce 84 et 85, - caractères d'imprimerie : Caractère imprimés sur des plaquettes et chaque courrier Ecopli: 46, 47et 81. La marque ECOPLI n'est donc pas déchue pour les produits et services visés par la demande de la société Esker. 7 Sur la demande de la société Esker aux fins de dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon de la marque Ecopli : Cette demande a été définitivement jugée. Il n'y a pas lieu en conséquence à restitution à la société Esker de la somme de 1.500 € au titre des sommes qui lui avaient été allouées pour les actes de contrefaçon de la marque Ecopli. 8 - Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile : L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Réformant partiellement le jugement déféré et statuant de nouveau, sur les points restant à juger après arrêt de Cassation, - Déclare irrecevable la demande de la société La Poste en réparation de son préjudice résultant de l'usage d'un signe trompeur, - Constate que l'action en contrefaçon de la marque ECOPLI est définitivement jugée, - Dit que l'utilisation et la reproduction de la dénomination «bureau de poste» par la société Esker ne porte pas atteinte : * à la marque enregistrée par la société La Poste sous le numéro 02 3 179 236, * aux droits antérieurs de La société La Poste sur l'expression «bureau de poste» * à la dénomination sociale de la société La Poste, - Déboute la société La Poste de ses demandes indemnitaires, d'interdiction et de publication, - Déboute la société Esker de sa demande de déchéance partielle de la marque Ecopli n° 1 522 déposée par la société La Poste, et de ses autres demandes relatives à la marque Ecopli, - éboute les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne la société La Poste aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me M, SELAS CMS BUREAU FRANCIS L sur son affirmation de droit.