COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
LE/CG
ARRET
N°
AFFAIRE N° RG 18/02379 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENG3
jugement du 25 Septembre 2018
Tribunal de Grande Instance d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance : 16/02564
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
[...]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me
Audrey PAPIN, substituant Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71180488 et par Me
Etienne de MASCUREAU, avocat plaidant au barreau d'ANGERS
INTIMEE :
SELARL [F] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me
Cyrille GUILLOU de la SELARL BOIZARD - GUILLOU SELARL, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 150100
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 17 Mai 2022 à 14 H 00, Mme ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Monsieur BRISQUET, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET :
contradictoire
Prononcé publiquement le 13 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article
450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI [...] (ci-après la SCI ou la SC) a pour objet la production et la commercialisation de grands vins de Loire. Elle a son siège social au lieu-dit [...] à [Localité 5] (49).
Par jugement du 23 avril 2013, le tribunal de grande instance d'Angers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la SCI avec poursuite d'activité, désignant Maître [F] [B], (désormais la SELARL [F] [B]) en qualité de liquidateur.
En cours de procédure et pour poursuivre son activité en respectant la période culturale, la SCI s'est rapprochée de la [...] (ci-après la SARL), qui assure des prestations à destination des viticulteurs, aux fins de filtration et d'embouteillage des quantités de vins suivantes :
- Anjou blanc sec 2013 : 13 hectolitres
- Layon 2012 : 48 hectolitres
- Layon 2013 : 50 hectolitres
- Layon [Localité 5] 2012 : 44,5 hectolitres
- Rosé d'Anjou : 20 hectolitres
- Anjou Village Comte de Bellefonds : 22 hectolitres
- Anjou Village 2013 : 42,5 hectolitres.
La SARL a adressé un devis daté du 21 février 2014, proposant une filtration initiale sur terre 'Kieselguhr' (permettant de retenir des particules de plus faible dimension que la filtration sur sable) puis une filtration ultime sur cartouche 1 + 0,65 micron lors de la mise en bouteille, qui a été accepté.
Selon bon d'intervention du 12 mai 2014, la filtration 'Kieselguhr' des vins a été effectuée sur le site de [...] à [Localité 5].
Cette première opération a fait l'objet d'une facture n°272 du 27 mai 2014 d'un montant de 405,60 euros TTC, émise par la SARL.
Selon bon d'intervention du 20 mai 2014, la SARL a procédé les 19 et 20 mai 2014, soit le jour de la mise en bouteille, à la filtration ultime sur cartouche, à l'embouteillage et à l'habillage de certains des vins préalablement filtrés :
- Côteaux du Layon 2012 : 5.040 bouteilles
- Côteaux du Layon [Localité 5] : 1.152 bouteilles
- Cabernet d'Anjou 2013 : 2.256 + 483 soit 2.739 bouteilles.
Cette seconde opération a fait l'objet d'une facture n°270 du 21 mai 2014 d'un montant de 2.915,83 euros TTC, émise conformément au devis initial, qui a été réglée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2014 la SCI a contesté la qualité des interventions de la SARL et indiqué que tous les vins filtrés et embouteillés par cette dernière société ont présenté, à des degrés divers, soit des problèmes d'impuretés flottantes dans les bouteilles, soit de reprise de fermentation avec apparition de dépôts, ou réactions chimiques entraînant une effervescence. De plus, la SCI précise que quatre clients (deux en Chine, un à Taïwan et un en France) auprès desquels ont été commercialisés ces vins ont fait connaître de leur mécontentement et ont refusé de régler les factures de vente. Elle a donc mis en demeure son cocontractant de réparer son préjudice.
Par ailleurs, la commercialisation des vins en cause a, de ce fait, été stoppée.
Par exploit du 30 mars 2015, Maître [F] [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI a fait assigner la SARL devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angers sur le fondement de l'article
145 du Code de procédure civile aux fins de réalisation d'une mesure d'expertise.
Par ordonnance du 30 avril 2015, le juge des référés a confié une mesure d'expertise à M. [X] [T], expert oenologue, avec mission notamment de procéder à toutes les analyses permettant de décrire les caractéristiques des désordres constatés sur la production commercialisée, de déterminer les causes et les circonstances de ces désordres, de décrire les procédés de filtration et d'embouteillage mis en oeuvre, s'ils ont été réalisés dans les règles de l'art et s'ils sont à l'origine des désordres et enfin de chiffrer les préjudices subis par la SCI [...].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 11 mars 2016 et a conclut que : 'le problème de refermentation des bouteilles dû à la présence importante de levures : rend le vin instable, ne lui permet plus de respecter le cahier des charges des AOP concernées, confirme que les 3 lots sont invendables en l'état.
Par contre au vu des documents fournis, l'expert ne peut confirmer à 100% la cause de cette présence levurienne désastreuse pour la stabilité des vins embouteillés. Les hypothèses sont les suivantes dans l'ordre chronologique de la production du
vin et de la mise en bouteilles :
- les vins du [...] pouvaient ne pas être stables en termes microbiologiques et présenter une concentration en levures très élevée au moment de la mise en bouteilles. La société Elab-Service, prestataire de la filtration des vins sur Kieselguhr, aurait dû s'assurer avant la filtration sur terre mais plus encore après son travail et avant celui de mise en bouteilles : d'un examen visuel, d'un dosage de CO2 au carbo doseur et d'un indice de colmatage, cela aurait permis d'assurer sérieusement sa filtration de mise en bouteilles et apporter les garanties nécessaires à son client.
- le taux de SO2 libre dans les vins volontairement très faible et l'absence d'acide sorbique (antilevurien, qui est interdit sur certains marchés à l'export : Japon... et dans le cahier des charges des vins issus de l'agriculture biologique) décidés par (...) propriétaire du [...], conjugués à une filtration qui ne garantissait pas, par contrat (juste sur la base d'un devis précisant la porosité des cartouches normalement employées pour une filtration pauvre en germes) l'absence de germes rendaient, dès la mise en bouteilles la stabilité du vin bien incertaine.
- la procédure de nettoyage et de stérilisation de la tireuse Fimer 1500 bbts / h (...) a bien été réalisée le 20.05.2014 (...) mais pas le 19.05.2014, ce qui est bien une erreur de l'embouteilleur puisque la SC [...] est bien certifiée en produit biologique par Ecocert (...) et que dans sa procédure de nettoyage, la société [...] s'engage à le faire (...). Il est écrit que la stérilisation doit bien être réalisée avant le début de l'embouteillage. L'expert constate également que le document interne de l'embouteilleur n'a pas non plus été signé par un représentant de la SC [...] le jour même, [le propriétaire] étant lui-même absent. L'expert ne peut donc certifier que les filtres ont bien retenu les micro-organismes comme prévu ou demandé, mais non contractualisé, il est plutôt enclin à penser que le filtre, non utilisé durant 6 jours puisse avoir contaminé le premier vin filtré. L'expert note que sur les documents fournis à ce jour par les 2 parties (...), il n'y a pas d'engagement ou de demande spécifique sur le fait que l'ensemble des 3 vins possédant des sucres résiduels soit mis en bouteilles sans levures afin d'avoir une dose la plus faible possible de SO2 libre. Toutefois, l'expert a demandé aux parties de rechercher dans leurs traçabilités respectives des preuves afin de lever cette ambiguïté mais aucun document ne lui a été fourni. [Le représentant de la SARL] précise dans son dire (...) qu'il n'est engagé que sur les éléments figurant sur son devis et facture, joints au dossier, mais (le représentant du Château) de son côté lui répond très justement qu'un devis avec des 2 filtrations à 1 puis 0,65 micron permet de répondre à sa demande implicite de mise en bouteilles pauvres en germes. Il est toutefois à noter que [le représentant de la SARL] (...) reconnaît que 'le client lui a demandé une mise en bouteille avec filtration pauvre en germes (pas stérile)'. Il aurait donc bien, dans ce cas, du mettre tous les moyens en oeuvre pour respecter cette demande, même si cela n'a pas été contractualisé.
- l'intégrité et la qualité des éléments de filtration, effectivement (le représentant de la SARL) a bien fourni les factures d'achat auprès de la société Pall des filtres mais l'expert à la vue de celles-ci ne peut assurer de l'intégrité de ces éléments compte tenu de la date lointaine de l'achat des cartouches de 0,65 microns (juillet 2012), même si le stock fourni par (le représentant de la SARL) au 31.12.2013 prouverait qu'elles n'avaient encore pas été utilisées. De plus l'expert ne connaît pas l'utilisation intensive ou pas de ces dites cartouches. On ne peut affirmer aujourd'hui que celles-ci n'aient pas été contaminées par des levures d'un autre vin provenant d'une autre cave surtout en l'absence de stérilisation à 125°C à la vapeur ou à 85°C avec de l'eau chaude comme cela est recommandé par le fournisseur (...) ou avec le groupe vapeur sur la position 3 comme spécifié dans le cahier des charges de la SARL (...). On peut aussi soupçonner que les vins, chargés en levures, avec de mauvais indices de colmatage, aient saturé et abîmé les cartouches puis laissé passer des contaminations. Le fait que (le représentant de la SARL) ait demandé (au propriétaire du Château) de filtrer le vin sur plaque de cellulose lors des toutes premières filtrations peut implicitement le faire penser, mais dans ce cas (le représentant de la SARL) aurait dû arrêter l'embouteillage s'il estimait celui-ci non conforme à ses engagements.
- un dernier point pourrait être à l'origine du problème, la qualité des matières sèches, mais les documents fournis (...) prouvent bien que les bouteilles étaient neuves. Concernant les bouchons utilisés ou leur 'pincement' lors de la mise en bouteille, ces 2 phénomènes peuvent provoquer l'évaporation du soufre ou sa combinaison, voire une contamination levurienne. Pour lever ce doute l'expert devrait procéder à l'ouverture d'un grand nombre de bouteilles pour observer leur intégrité, mais de toute façon l'intégrité du bouchon reposerait une nouvelle fois sur le prestataire de l'embouteillage.
L'expert conclut après son étude que tous les éléments garantissant à la mise en bouteilles une bonne stabilité des 3 lots n'ont pas été mis en oeuvre par les 2 parties, mais que la SARL porte une très grande part de responsabilité dans ce préjudice, ayant fauté sur de nombreux points'.
M. [T] a évalué le préjudice global à la somme de 29.639,77 euros HT, soit valorisation du préjudice Côteaux du Layon 20.585,04 euros HT + valorisation du préjudice Côteaux Layon [Localité 5] 2012 3.032,50 euros + valorisation du préjudice Cabernet d'Anjou 2013 5.381,48 euros HT, réparties entre les ventes non réglées (21.627,92 euros) et le stock restant non vendable en l'état (7.371,20 euros), outre la somme de 411,55 euros au titre du débouchage des bouteilles, la somme de 298,20 euros au titre de la destruction des bouteilles, déduction faite du prix du vinaigre d'AOC pour 69 euros HT, compte tenu du peu de chance de vente en vrac à la citerne).
Par exploit du 18 août 2016, la SELARL [F] [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI a fait assigner la SARL devant le tribunal de grande instance d'Angers aux fins de voir, aux termes de ses dernières écritures :
- dire et juger que le rapport d'expertise n'est pas contestable, ni dans son analyse des faits, ni dans son chiffrage du préjudice subi,
- débouter la SARL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes,
- condamner la SARL à payer à M. [F] [B] ès qualités, la somme de 26.675,80 euros, soit 90% du préjudice retenu par l'expert,
- la condamner à payer à M. [F] [B] ès qualités, une somme de 3.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En défense, la SARL a entendu voir le tribunal, juger qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle, la mettre hors de cause dans le préjudice subi par la SCI, débouter la demanderesse ès qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, constater les inexactitudes manifestes affectant le rapport d'expertise et dire et juger qu'il est impossible en l'état de chiffrer le préjudice allégué. A titre subsidiaire, si sa responsabilité était retenue, elle a sollicité que dans le partage de responsabilité, sa quote-part de responsabilité soit limitée à 30%. En tout état de cause, elle a poursuivi la condamnation de la demanderesse ès qualités à lui payer la somme de 3.000 euros en vertu de l'article
700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Suivant jugement du 25 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Angers a :
- entériné le rapport de l'expert M. [X] [T] du 11 mars 2016,
- retenu la responsabilité de la SARL à hauteur de 90% du sinistre soit en capital la somme de 26.675,80 euros,
- condamné la SARL à payer à la SELARL [F] [B], ès qualités, la somme de 26.675,80 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamné la SARL à payer à la SELARL [F] [B] ès qualités, une somme de 2.500 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile,
- condamné la SARL aux dépens conformément à l'article
699 du Code de procédure civile.
Par déclaration formée au greffe le 26 novembre 2018, la SARL a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions comprenant également le rejet de ses propres demandes en mise hors de cause, partage de responsabilité et au titre des frais irrépétibles, intimant dans ce cadre la SELARL [F] [B] prise en la personne de Maître [F] [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI [...].
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2022, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé aux parties le 6 octobre 2021 et l'audience de plaidoiries fixée au 17 mai 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 5 avril 2022, La [...] demande à la présente juridiction de :
- la recevoir en son appel dirigé contre le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 25 septembre 2018, ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions, déclarés fondés,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 25 septembre 2018 en son entier,
- débouter la SELARL [F] [B] agissant ès-qualités de liquidateur de la SC du [...] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
- si par extraordinaire sa responsabilité devait être partiellement reconnue, dans le partage des responsabilités, limiter à 30% la quote-part de responsabilité lui incombant,
En tout état de cause :
- condamner la SELARL [F] [B] agissant ès-qualités de liquidateur de la SC du [...] à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile,
- condamner la SELARL [F] [B] agissant ès qualités de liquidateur de la SC du [...] aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 26 avril 2022, la SELARL [F] [B] prise en la personne de Maître [F] [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI [...] demande à la cour de :
- débouter la société [...] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris,
- dire et juger que le rapport d'expertise de M. [X] [T] n'est pas contestable, ni dans son analyse des faits, ni dans son chiffrage du préjudice subi par la société civile,
- dire et juger la société civile du [...] recevable et bien fondée en ses demandes,
- condamner la société Elab-Service à payer à M. [F] [B] ès qualité de liquidateur de la société civile, la somme de 26.675,80 euros, soit 90% du préjudice retenu par l'expert,
- la condamner à payer à la SELARL [F] [B], ès qualité de liquidateur de la société civile, une somme de 2.500 euros telle qu'arbitrée par le tribunal de grande instance outre devant la cour une somme de 3.000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles
455 et
494 du Code de procédure civile, aux dernières conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION
Sur le principe de responsabilité :
Le premier juge, rappelant les conclusions de l'expertise judiciaire quant aux différentes hypothèses pouvant expliquer la fermentation des vins constatée, a souligné que le prestataire en filtration avant la mise en bouteilles se devait de procéder à un examen visuel, à un dosage de CO2 ainsi qu'à un indice de colmatage pour s'assurer de l'efficience de sa filtration et ainsi apporter toutes garanties à son client. Il était également précisé que la société défenderesse se devait de réaliser des analyses micro-biologiques afin d'anticiper de futurs risques. S'agissant de ces analyses, il était indiqué qu'elles étaient couramment réalisées par les autres embouteilleurs. Il a donc été considéré que le prestataire avait commis une faute en ne réalisant pas ces analyses ou échantillonnages qui lui auraient permis d'identifier un éventuel risque de refermentation etc...
Remarquant par ailleurs que la [...] admettait avoir constaté, le 19 mai 2014, un colmatage des membranes des filtres dès le premier hectolitre de vin filtré, il a considéré que la défenderesse avait manqué à son obligation de conseil, mise en garde et réserve, en n'informant pas sa cocontractante immédiatement et en ne la mettant pas en garde sur les conséquences de cette difficulté pouvant confirmer la présence d'impuretés dans le vin de nature à le rendre instable, en ne prenant pas de mesures et/ou en ne suspendant pas ses travaux. Dans ces conditions, il a été retenu un partage des responsabilités (90/10).
Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante indique que :
- ses obligations contractuelles comportaient la filtration, l'embouteillage et l'habillage, aucune prestation d'analyse et de conduite de l'élevage du vin n'avait été souscrite. Elle précise que « l'expert a pointé à juste titre que le litige trouvait notamment son origine dans l'absence d'analyse adéquate. Si les analyses avaient été effectuées, les résultats obtenus auraient permis de prendre les mesures correctives requises et de prévenir la survenance des problèmes rencontrés ». Cependant elle soutient que la suite de l'analyse expertale retenue par le tribunal n'est pas fondée. En effet, si l'appelante admet que des analyses adéquates auraient permis de mesurer l'évolution du vin après la filtration, elle conteste que cette charge lui incombait. À ce titre, elle souligne que les analyses qui ont été réalisées (le 13 mai 2014) ont été sollicitées par la SCI afin de réajuster le SO2 et de diminuer le CO2 par oxygénation. Cette situation étant logique car c'est le viticulteur qui assume la conduite du vin et prend les décisions qui s'imposent à ce titre ensuite des analyses. Au surplus elle rappelle qu'elle n'est pas équipée pour effectuer ces analyses et qu'au surplus « il est insoutenable de prétendre que les analyses réalisées après la deuxième filtration et avant l'embouteillage auraient dû l'être par [elle-même], alors que celles réalisées après la première filtration l'ont été par la SC ». Enfin elle rappelle que lors de la seconde filtration elle a recommandé à son client de filtrer son vin sur plaques de cellulose car il avait été constaté que le vin avait colmaté dès les premiers hectolitres de filtration, proposition refusée par le gérant de la société civile.
- elle a toujours admis s'être engagée sur une filtration pauvre en germes et non sur une filtration stérile cette dernière garantissant une absence totale de germes alors que la première implique que les germes n'étaient pas totalement éradiqués et donc qu'ils puissent repartir en culture. Or elle indique avoir mis en 'uvre tous les moyens à sa disposition pour obtenir une filtration pauvre en germes, le nouveau départ de fermentation étant imputable à la société civile dès lors que l'élevage, les analyses du vin ainsi que sa conduite demeuraient à sa charge. S'agissant du fait qu'elle ait manqué à son obligation de moyens en ne procédant pas au nettoyage et à la stérilisation de la tireuse, elle précise que ces allégations sont contestées par la facture de la cartouche filtrante qui démontre que cette dernière a été changée.
- S'agissant de l'intégrité de la qualité des éléments de filtration, elle rappelle que l'expert n'émet que comme hypothèse une difficulté quant à la qualité des cartouches utilisées. A ce titre, elle souligne avoir facturé les cartouches utilisées à la SCI, pratique non usuelle puisqu'elles peuvent normalement être utilisées sur plusieurs chantiers, mais pas dans ce cadre dès lors que la société civile exerçait en agriculture biologique de sorte que la cartouche se retrouve encore en stock au 31 décembre 2013. Par ailleurs, si l'expert indique que le filtre non utilisé pendant six jours a pu contaminer le premier vin filtré, il doit également être tenu compte de la propreté des cuves, pompes et autres tuyaux qui pourraient être la cause de la présence levurienne faute de nettoyage suffisant de la part de la SCI. À ce titre, elle rappelle que la filtration a eu lieu le 12 mai pour un embouteillage et habillage les 19 et 20 de ce même mois ce qui implique, un séjour d'une semaine du vin dans les cuves.
- Si l'expert soutient que la difficulté ne peut provenir des matières sèches, puisque les bouteilles étaient neuves, il se devait alors de tenir le même raisonnement pour les cartouches de filtration qu'elle a fournies. En tout état de cause elle rappelle qu'elle n'a pas non plus fourni les bouchons et que la défectuosité des matières sèches n'est pas exclue et ne peut lui être imputée.
- la décision de première instance lui impute à faute un défaut d'information quant à l'existence d'un colmatage des membranes du filtre et de mise en garde quant à ses éventuelles conséquences. À ce titre, elle précise que le 19 mai 2014, dès le début de la seconde filtration il a été constaté un phénomène de colmatage du vin. Elle souligne cependant que le gérant de la société civile était présent au matin du 19 mai pour le début de la filtration et qu'il a été avisé de cette situation. L'appelante précise que malgré cette information, le représentant de la société civile, expert judiciaire et professionnel viticole, a sollicité la poursuite de la filtration sans mise en 'uvre d'une filtration supplémentaire qui lui était pourtant proposée. Elle soutient donc que « c'est dès lors en parfaite connaissance de cause que M. [J] [N] a pris la décision de poursuivre la filtration et qu'il a donc pris le risque d'un nouveau départ de fermentation » et rappelle que « la conduite du vin incombait bien évidemment à la seule SC et que dès lors qu'elle a été dûment avertie, il [ne lui] appartenait nullement d'interrompre sa filtration ». Elle souligne que la réalité de cette information résulte d'un courrier électronique qu'elle a adressé à la société civile, le 14 octobre 2014 et qui n'a aucunement été contesté par la suite, démontrant que les propos qui sont y rappelés sont exacts et qu'en tout état de cause s'il n'existe pas de trace écrite de la décharge, c'est uniquement en raison des relations cordiales qu'entretenaient les deux sociétés et du fait que le milieu viticole fonctionne sur le principe de la parole donnée.
- S'agissant de la faible présence de dioxyde de soufre dans les vins, les taux constatés dans les trois lots étaient trois fois inférieurs à la mesure recommandée et six fois inférieurs au taux permettant une protection maximale. Cependant elle soutient qu'il appartenait à la société civile de prendre toute mesure pour réajuster le taux de dioxyde de soufre libre de sorte qu'elle doit en assumer les conséquences.
- La SCI n'a pas exécuté de bonne foi, les différents contrats qui la liaient. Ainsi elle rappelle que lorsque qu'elle a averti « M. [N] du risque encouru pour la qualité du vin, ce dernier a préféré continuer la filtration. Ce choix de poursuivre était au demeurant parfaitement possible, mais il eut fallu alors par précaution effectuer des analyses. M. [N] aurait dû soit arrêter la filtration pour éviter une aggravation de ce risque soit continuer malgré tout la filtration mais en procédant à des analyses du vin ». Elle soutient en outre qu'en commercialisant et en «exportant de la marchandise atteinte d'un vice apparent, M. [N] [a] manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution de son contrat de vente».
- L'expert a retenu que tous les éléments garantissant à la mise en bouteille une bonne stabilité des trois lots n'ont pas été mis en 'uvre par les deux parties. Or elle soutient que « ce partage de responsabilité proposé est en réalité une forme d'aveu d'impuissance de l'expert, qui n'était pas en mesure compte tenu des éléments dont il disposait, de se prononcer sur les responsabilités encourues, si ce n'est en formulant des hypothèses possibles. Or, en droit, des condamnations ne peuvent pas être prononcées sur la base de simples hypothèses formulées par l'expert judiciaire sans aucun caractère de certitude et de réalité avérée des causes du sinistre ». Elle en déduit donc qu'il n'est pas démontré, à la lecture du rapport d'expertise, que sa responsabilité soit clairement engagée.
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée indique que :
- le contrôle de l'intervention du prestataire ne lui incombait pas, cette situation ayant été confirmé par l'expert. Ainsi le contrôle des filtrations et mise en bouteilles relevait bien des missions de l'appelante et ne correspond aucunement aux opérations d'élaboration du vin dépendant du savoir-faire du viticulteur. À ce titre elle souligne que sa contradictrice « n'a réalisé aucun contrôle, ni avant ni pendant sa prestation, ni aucune fiche de suivi de ladite prestation. Le professionnel n'a également prélevé aucun échantillon témoin ni procédé à aucun contrôle de l'hygiène de ses équipements avant l'intervention, ni n'a tenu aucun registre de nettoyage du matériel (') en parfaite contradiction avec les pratiques usuelles de la profession ».
- L'expert a démontré que l'appelante n'avait pas mis en 'uvre tous les moyens à sa disposition pour obtenir une filtration pauvre en germes, notamment en ne procédant pas aux divers examens (visuel dosage etc...) et en ne s'assurant pas de l'hygiène des matériels employés (tireuse cartouches etc...).
- Au regard des filtrations commandées à 1 micron puis 0,65 microns, l'appelante avait une obligation de résultat d'obtenir des vins pauvres en germes et stables microbiologiquement. «Or il s'avère, que tous les vins qui ont fait l'objet des prestations réalisées par le prestataire de services ont présenté, à des degrés divers, des problèmes d'impuretés flottantes dans les bouteilles, soit encore de reprise de fermentation avec apparition de dépôts, ou réactions chimiques entraînant une effervescence. En conséquence, [l'appelante] a manqué à son obligation de résultat d'obtenir, après ses interventions, des vins faibles en germes et stables en termes microbiologiques ». Par ailleurs, l'intimée indique que le viticulteur n'avait aucune obligation légale ou réglementaire (même à l'export) de réaliser des analyses microbiologiques avant la mise en bouteille, cette obligation pesant sur le prestataire afin de s'assurer de la qualité de sa prestation. Elle en déduit donc qu'il ne peut lui être « sérieusement reproché de n'avoir effectué que des analyses physico-chimiques des vins, lesquelles n'ont détecté aucune anomalie et ont même certifié qu'il s'agissait de vins sains, loyaux et marchands ». Au demeurant, elle souligne qu'il s'agit également du positionnement de l'expert, qui rappelle que la plupart des prestataires ligériens de mise en bouteilles les réalisent. Dans ces conditions, l'intimée conclut que la concentration très élevée en levures des vins, au moment de leur mise en bouteilles, est imputable au prestataire notamment en ce qu'il n'a pas effectué d'analyses microbiologiques et qu'en tout état de cause la faible présence de dioxyde de soufre et l'absence d'usage d'acide sorbique (incompatible avec un cahier des charges d'agriculture biologique) ne devaient pas être source de difficultés dès lors que le vin était pauvre en germes.
- Le 19 mai 2014, au début des dernières opérations de filtration, l'appelante indique avoir constaté un colmatage des membranes des filtres employés et cela dès le premier hectolitre. L'intimée soutient donc qu'à « cet instant, il lui appartenait d'informer immédiatement et sans délai sa cliente de l'existence de cette difficulté majeure dans la mesure où ceci pouvait traduire une présence abondante d'impuretés dans le vin et mettait donc en lumière son instabilité, mais aussi de la mettre en garde sur les conséquences que cela pouvait entraîner et d'aller jusqu'à arrêter sa prestation si elle le jugeait nécessaire ». L'intimée conteste avoir été avisée au moment des opérations de filtration de cette difficulté, M. [N] ayant été absent les 12, 13 et 20 mai, et soutient que le mail du 14 octobre 2014 n'a été rédigé que pour les besoins de la cause.
- Le rapport d'expertise a établi que pour réaliser la prestation de mise en bouteille des vins, l'appelante a utilisé, le 19 mai 2014, une tireuse sans l'avoir préalablement stérilisée, opération qui ne sera réalisée que le lendemain. L'intimée souligne donc que l'appelante n'a pas respecté ses obligations contractuelles et a donc contribué à la contamination des vins. Au surplus et s'agissant de l'intégrité des éléments de filtration, le rapport d'expertise a établi que pour un usage au mois de mai 2014, le prestataire a fait usage de cartouches 0,65 microns acquises en juin 2012 sans pouvoir démontrer qu'elles n'avaient jamais été utilisées dans cet intervalle de presque deux ans et alors même d'une part que le matériel n'a pas été stérilisé et d'autre part que l'entreprise indique habituellement faire usage de ces cartouches auprès de plusieurs clients.
- Le vice affectant les vins n'était pas apparent notamment au regard de la filtration finale à 0,65 microns et laissant donc éventuellement passer des micro-organismes invisibles à l''il nu qui ne deviennent visibles que plus tard par multiplication. En tout état de cause si le client pouvait constater l'existence du vice, le professionnel de la filtration ne pouvait que l'avoir perçu. Au surplus, elle souligne que postérieurement, lors des dégustations de produits avec les professionnels ayant acquis les vins, le vice n'avait pas été constaté à défaut aucune commande n'aurait été passée.
- Si l'expertise a conclu au fait que les bouteilles employées ne pouvaient être la source de la refermentation, il a cependant pu être évoqué que les bouchons utilisés ou leur pincement aurait pu provoquer l'évaporation du soufre nécessaire à la protection du vin. Cette dernière hypothèse a été écartée au regard du constat qu'aucun bouchon ne présentait de défauts apparents et en tout état de cause la prestataire est garante de l'intégrité des bouchons.
Sur ce :
En l'espèce s'agissant des conclusions de l'expert, il doit être souligné qu'elles n'aboutissent aucunement à la détermination de la cause de l'importante présence de levures dans les vins litigieux. Cette présence de levures, rappelle l'expert rend le vin instable, ne lui permet plus de respecter le cahier des charges des AOP visées et rend le produit invendable.
S'agissant des causes, l'expert présente des « hypothèses ». Il constate notamment une problématique dans « la procédure de nettoyage et de stérilisation de la tireuse Fimer 1500 btts/h » qui n'aurait pas été réalisée le premier jour des opérations de filtration finale et qu'il n'existe par ailleurs aucune certitude, au regard du délai passé entre la présente filtration et l'achat des cartouches de filtration, quant à l'absence d'usage antérieur de ces consommables qui n'ont par ailleurs pas été stérilisés.
Cependant, s'il est indéniable qu'un défaut de nettoyage du matériel pourtant prévu peut constituer un manquement contractuel, il n'en demeure pas moins qu'à aucun moment l'expert judiciaire n'indique avec certitude que l'origine de la reprise de fermentation soit liée à une contamination extérieure par apport d'agents provenant éventuellement d'une intervention de l'appelante auprès d'un client tiers.
S'agissant de l'intégrité des bouchons, l'expert indique lui-même que les investigations qui auraient été de nature à établir leur état n'ont pas été réalisées, mais en tout état de cause, l'appelante étant prestataire d'embouteillage, il lui appartenait, avant de les mettre en oeuvre de s'assurer de leur intégrité.
Concernant le taux de SO2 libre et l'absence d'usage d'un intrant particulier, les conclusions de l'expert, qui indique que ces variables et/ou contraintes ont été 'décidées par (...) propriétaire du [...]', ne permettent aucunement d'établir la responsabilité de l'appelante dans l'état final des vins litigieux et cela quand bien même le professionnel judiciairement désigné expose que cette situation 'conjugué(e) à une filtration qui ne garantissait pas, par contrat (juste sur la base d'un devis précisant la porosité des cartouches normalement employées pour une filtration pauvre en germes) l'absence de germes rendaient, dès la mise en bouteilles la stabilité du vin bien incertaine'. En effet, le choix d'une filtration pauvre en germes est celui du client, dont la compétence en matière viticole n'est pas contestable étant souligné qu'il indique lui-même faire régulièrement filtrer ses vins.
Au-delà de ces éléments, l'expert indique en conclusion : 'les vins du [...] pouvaient ne pas être stables en termes microbiologiques et présenter une concentration en levures très élevée au moment de la mise en bouteilles. La société Elab-Service, prestataire de la filtration des vins sur Kieselguhr, aurait dû s'assurer avant la filtration sur terre mais plus encore après son travail et avant celui de mise en bouteilles : d'un examen visuel, d'un dosage de CO2 au carbo doseur et d'un indice de colmatage, cela aurait permis d'assurer sérieusement sa filtration de mise en bouteilles et apporter les garanties nécessaires à son client'.
À ce titre et dans le cadre de son analyse l'expert précise qu'après la filtration sur terre le prestataire « aurait dû procéder à une analyse complète du vin (alcool, sucres résiduels, acidité volatile, SO2 libre et totale, indice de colmatage) afin d'anticiper les risques ultérieurs lors de la mise en bouteilles et surtout d'apporter des recommandations à son client, voire une décharge de risques. L'expert a bien enregistré que [le représentant du prestataire] ne réalise pas ces analyses ou cet échantillonnage pour ses clients comme le pratiquent de nombreux prestataires de mise en bouteilles concurrents, mais si cela avait été réalisé, nous saurions aujourd'hui :
- la stabilité du vin en SO2 libre et SO2 actif et donc les risques de re-fermentation,
- les risques de colmatage des cartouches et de montée en pression, donc d'éventuels relargages de levures,
- la concentration initiale en gaz carbonique ».
A ce titre, il doit être observé que les préconisations de l'expert, en termes d'analyses qui auraient dû être réalisées mais ne l'ont pas été, ne correspondent pas exactement aux analyses qui ont été effectuées d'initiative par le propriétaire du château, ces dernières ne comportant notamment pas l'indice de colmatage.
En tout état de cause cette situation doit être mise en relation avec les déclarations de l'appelante, dans le cadre de l'expertise, qui « [précisait] qu'[elle] a proposé et recommandé à M. [N] de filtrer son vin sur plaques de cellulose, celui-ci ayant colmaté dès les cinq premiers hectolitres de vin filtré. M. [N] aurait refusé estimant qu'une nouvelle filtration allait « amaigrir » et déstructurer son vin. L'expert note bien que M. [N] dans ses dires d'octobre 2015 dément cette affirmation, en argumentant, mais ne peut que noter les paroles de chacun ».
Ainsi il résulte de ce qui précède que dès le début des opérations de filtration finale du vin, l'appelante a constaté un colmatage qui, selon l'expert implique, au-delà des éléments présents dans le vin, des risques de montée en pression et donc de relargage des levures.
A ce titre l'appelante indique avoir informé immédiatement et oralement son client de cette difficulté ce qui serait établi par un message qu'elle lui a adressé. Elle produit donc un courrier électronique où elle précise à son client, se plaignant de la qualité de la filtration : « je tiens juste à vous rappeler que lors de la mise les filtres ont colmaté (sic) et je vous ai dit qu'il y avait un risque de continuer et qu'il fallait refiltrer le vin mais les commandes étaient urgentes alors vous vouliez absolument continuer ».
Cependant ce message date du 14 octobre 2014 et ne permet aucunement de démontrer la réalité de l'information concomitante à la survenance du colmatage.
Par ailleurs et s'agissant des us d'une profession au sein de laquelle la parole donnée serait importante, il doit être souligné que l'appelante est professionnelle du vin et en sa qualité de prestataire, notamment en filtration viticole, elle ne pouvait ignorer les implications d'un tel colmatage.
Or ses écritures, insistant sur le fait qu'elle ait promptement avisé son client qui aurait décidé de poursuivre les opérations, démontrent qu'elle admet elle-même que la constatation de cette situation impliquait de sa part une réaction et à tout le moins de rechercher l'avis du viticulteur avant de poursuivre jusqu'à la mise en bouteilles.
Ainsi, il ne peut qu'être constaté que l'appelante, sachant qu'aucune analyse du vin n'avait été réalisée notamment quant à son indice de colmatage, contrairement à une pratique à tout le moins courante de ses concurrents, a pu poursuivre les opérations de filtration alors même que dès leur commencement était intervenu un colmatage et cela sans démontrer avoir eu quelque réaction que ce soit face à cette situation.
Or s'agissant de la dernière opération devant intervenir avant la mise en bouteilles il ne peut qu'être considéré qu'en ne réagissant pas face à la survenance de cette situation de colmatage le prestataire a manqué à ses obligations contractuelles cette situation étant en lien direct avec le problème de refermentation des bouteilles. En effet, un colmatage implique des quantités importantes de matières retenues par les filtres, dont la nature, faute d'analyses est inconnue et partant, d'inutilité de la filtration au regard d'un risque important de relargage des matières par mise en pression des filtres et cela alors même que les opérations postérieures ne peuvent reporter la responsabilité de la présence levurienne sur un autre intervenant. En effet, d'une part il n'est aucunement établi que les matières sèches postérieurement entreprises (bouteilles) soient la cause exclusive de la présence de levures dans les vins et d'autre part, ainsi qu'il l'a d'ores et déjà été indiqué, le prestataire supportait la responsabilité de l'intégrité des bouchons.
Dans ces conditions et au regard des limites posées par les prétentions des parties, la décision de première instance doit être confirmée en ce qu'elle a déclaré l'appelante majoritairement responsable du préjudice subi par l'intimée.
Sur le préjudice :
Le premier juge, compte tenu du partage limité de responsabilité retenu par l'expert et des estimations de ce dernier quant au préjudice subi, a fixé l'indemnisation dûe par la société prestataire à la liquidation de la société cliente à 26.675,80 euros correspondant à 90% du montant retenu au rapport d'expertise.
Aux termes de ses dernières écritures l'appelante observe que le nombre de bouteilles en stock varie selon les procès-verbaux et pièces du dossier. En tout état de cause, elle rappelle que les vins ayant fait l'objet de ses prestations ont été embouteillés et étiquetés (pour un total de 5.040 bouteilles dont 3.408 vendues), de sorte que ne peuvent être incluses, au préjudice subi par la SCI, les 560 bouteilles présentées comme du Coteaux du Layon 2012. Elle en déduit donc que le stock de ce type de vin doit être arrêté à 802 bouteilles (comptabilisées par huissier le 20 janvier 2016) et non les 1.744 bouteilles déclarées par l'intimée et reprises par l'expert. Concernant le Coteaux du Layon [Localité 5], elle souligne que si l'expert retient qu'elle a filtré 7 hectolitres de ce produit la présente assignation précise que seuls 4,5 hectolitres ont ainsi été traités, ce qui résulte également de sa facture. En tout état de cause elle précise que l'expert retient le conditionnement de 1.216 bouteilles à ce titre. Concernant le Cabernet d'Anjou - Rosé d'Anjou 2013, l'expert retient le conditionnement de 2.738 bouteilles alors que le procès-verbal de constat de 2014 relève la présence de 2.600 bouteilles et qu'elle a embouteillé et habillé 2.739 flacons. Elle souligne que s'agissant de ce vin les procès-verbaux des 6 et 20 janvier 2017 ont respectivement observé la présence de 529 et 980 bouteilles. Ces différences s'expliquent par la présence sur le dessus d'un palox de quelques bouteilles de Coteaux du Layon, de sorte que l'ensemble avait été comptabilisé comme tel, alors que le dessous comportait du Cabernet, cette 'combinaison frauduleuse' n'ayant pas été constatée par l'expert se contentant de reprendre les déclarations de l'intimée. L'appelante en conclut donc que le rapport d'expertise étant manifestement entaché d'erreur, il se trouve privé de toute valeur probante, le préjudice n'est donc pas chiffrable.
Aux termes de ses dernières écritures, l'intimée rappelle que 'le préjudice porte bien sur la totalité des trois lots qui ont été mis en bouteilles par [...] et qui n'ont pas été réglés par les clients'. S'agissant des variations constatées, elle souligne être en liquidation judiciaire et ne plus disposer de locaux depuis 2015, de sorte que le stock est entreposé dans un local dont un autre viticulteur a également la jouissance de sorte qu'au gré de son activité il peut déplacer les bouteilles. Au demeurant, elle souligne qu'en raison de la reprise de fermentation et en période de chaleur, des bouteilles ont pu exploser, l'huissier ayant pu constater cette situation. Par ailleurs, elle rappelle que l'inventaire du 7 janvier 2016, a été réalisé de manière contradictoire. S'agissant des 560 bouteilles qui ne devraient pas être comptabilisées selon l'appelante pour ne pas être étiquetées et ne pas présenter la même référence en bouchon, l'intimée rappelle que la traçabilité des opérations réalisées par sa contradictrice établit que cette dernière n'a pas procédé à l'habillage de l'ensemble des bouteilles de Coteaux du Layon 2012 qu'elle a filtré et embouteillé. Quant aux références des bouchons, cela résulte de l'achèvement d'un stock de bouchons et l'entame d'un nouveau sac. Enfin, concernant l'augmentation de stock de Cabernet d'Anjou, l'intimée rappelle que l'expert avait d'ores et déjà retenu qu'un client avait acquis 793 bouteilles de ce vin en déclarant assumer le risque de refermentation. Cependant, si la vente a eu lieu, le client n'a pour autant pris possession que des bouteilles ne présentant aucun dépôt, le reste étant demeuré sur place. Cependant cette situation est sans incidence puisque l'ensemble des bouteilles a été réglé par ce client et qu'il n'est pas pris en compte dans l'estimation du préjudice.
Sur ce :
En l'espèce et s'agissant du préjudice subi le rapport d'expertise retient :
- concernant le Coteaux du Layon 2012, qu'il en a été embouteillé 5.156 cols (5.040 bouteilles étant tirées et habillées) dont 2.196 ont été vendus à un client chinois (10.936,08 euros HT non payés), 1.200 à une société dépendant du groupe E. Leclerc (3.933 euros HT non payés) et 12 à des particuliers. Le stock a été retenu à 1.744 cols valorisé 3,45 euros HT diminué de 5% (5.715,96 euros HT) soit une « valorisation du préjudice du Coteaux du Layon : 20'585,04 euros HT »,
- concernant le Coteaux du Layon [Localité 5] 2012 : « la quantité mise en bouteilles est de 1.213 cols de 37,5 cl ('). La quantité qui a été expédiée à Taïwan est de 1.140 cols » (2.850 euros HT non payés), « la quantité restant en stock au château (') est annoncée de 73 cols » valorisée à 2,50 euros HT soit une « valorisation du préjudice du Coteaux du Layon 2012 (37,5 cl) : 3.032,50 euros HT »,
- rosé d'Anjou/Cabernet d'Anjou 2013 : « la quantité mise en bouteilles est de 2.738 cols », dont 1.416 cols ont été vendus à un client chinois mais non réglés (3.908,74 euros) et dont 793 bouteilles ont été vendues en juillet 2015 de sorte que « l'expert soustrait donc de son calcul ces 793 bouteilles soit 1322-793=529 btts que l'on peut valoriser au prix de 2,90 euros HT - 4% (si on estime qu'elles étaient aussi destinées à l'export) soit 1.472,74 euros. Valorisation du préjudice du rosé demi sec 2013 : 5.381,48 euros HT ».
Dans ces conditions l'expert indique qu'on « peut donc valoriser le préjudice global sur les valeurs des bouteilles soit (sic) de 28.999,02 euros HT répartis entre les ventes non réglées (21.627,92 euros) et le stock restant non vendable en l'état (7.371,20 euros) » auquel il ajoute 411,55 euros au titre du débouchage des bouteilles, 298,20 euros au titre de la destruction de ces bouteilles.
Il précise par la suite qu'après « consultation de courtiers les 2 vins : Cabernet d'Anjou et coteaux du Layon ont assez peu de chances à cette période de l'année (avec le nouveau millésime 2015 sorti et des ventes limitées de coteaux du Layon) d'être vendus en vrac à la citerne. L'expert retient donc le prix du vinaigre d'AOC à 4 euros hors-taxes/hectolitre, soit 17,30 Hl donc 69 euros HT.
Le préjudice global est donc de 29'639,77 euros HT (28.999,02 + 411,55 + 298,20 - 69) ».
Or et s'agissant du nombre de bouteilles de coteaux du Layon de 75 cl, la seule pièce contractuelle établissant l'importance des prestations réalisées par l'appelante est le bon de livraison du 20 mai 2014 mentionnant le tirage et l'habillage de 5.040 bouteilles. En effet cette pièce porte la signature du «client» qui de ce fait reconnaît avoir reçu ce nombre de flacons.
Dans ces conditions le préjudice ne peut être estimé que sur la base de ces 5.040 bouteilles, le recensement retenu par l'expert, correspondant à des pièces («ordre de fabrication») dressées de manière unilatérale par l'intimée.
Après soustraction des 2.196 cols vendus en Chine, 1.200 bouteilles cédées au groupe E. Leclerc et 12 bouteilles à des particuliers (2196+1200+12=3.408), le stock de bouteilles invendues est de 5040-3408=1.632 flacons.
A ce titre il doit être souligné que manifestement le rapport d'expertise est entaché d'une erreur matérielle à ce titre, dès lors qu'il ne retient pas que 5156-3408=1748 mais 1744.
Par ailleurs et concernant le fait que 560 bouteilles de ce vin aient été comptabilisées par l'huissier le 20 janvier 2017, en étant dépourvues d'étiquetage, ce que l'appelante considère comme étant la démonstration du fait que ces vins n'aient pas été l'objet de sa prestation comme cela «résulte clairement des documents contractuels et notamment du bon d'intervention signé par la SC», il doit être souligné que ce même procès-verbal s'agissant des bouteilles de 37,5 cl précise qu'elles « ne comportent pas d'étiquette ». Or le bon d'intervention invoqué par l'appelante au soutien de ses prétentions indique que ces 1.152 bouteilles ont fait l'objet d'une prestation ainsi désignée « tirage + habillage », sans pour autant que le prestataire ne soutienne que les «petites » bouteilles présentes en stock selon le procès-verbal n'aient pas fait l'objet de ses travaux.
Il résulte donc de ce qui précède que le fait que le bon de livraison mentionne que les bouteilles aient été tirées et habillées, ne signifie pour autant pas qu'elles soient toutes pourvues d'étiquettes. Ainsi et dès lors qu'aucune conséquence ne peut être tirée des différences entre les références des bouchons, il ne peut qu'être considéré que les 560 bouteilles non étiquetées correspondent au Coteaux du Layon ayant fait l'objet de l'intervention de la société appelante.
Par ailleurs, si le nombre constaté des bouteilles présentes dans les dépendances du château connaît une courbe descendante, il ne peut cependant en être déduit, faute de preuve, que ces vins aient été vendus étant au surplus souligné que l'huissier intervenu le 20 janvier 2017 a pu préciser s'agissant de l'état du produit contenu dans ces bouteilles de 75 cl : « je constate la présence de particules en suspension ou de petits dépôts. Si certains dépôts sont parfaitement visibles, d'autres sont plus petits et donc peu visibles notamment à la photographie ».
Enfin et s'agissant de la valorisation du stock, il ne peut qu'être constaté que l'appelante ne fait aucune observation quant aux estimations de l'expert.
Dans ces conditions le préjudice subi par la société civile au titre de la présence importante de levure rendant le vin instable dans les bouteilles de coteaux du Layon de 75 cl s'établit comme suit : les cessions non réglées de vin 10.936,08+3.933= 14'869,08 euros outre le stock valorisé à 95 % de 3,45 euros soit 5.348,88 euros correspondant à :
1632x3,45= 5.630,40
5.630,40x95%= 5.348,88 euros.
Ainsi le préjudice total relativement à ce vin s'établit à 14869,08+5348,88= 20.217,96 euros.
S'agissant des bouteilles de 37,5 cl (coteaux du Layon [Localité 5] 2012), l'expert retient un total de 1.216 bouteilles alors que le bon de livraison signé du client en mentionne 1.152 de sorte que seule cette dernière quantité peut être retenue.
Dans ces conditions et au regard des estimations de la valeur du stock, qui ne font pas l'objet de contestations, le préjudice résultant de la persistance de la fermentation de ce vin doit être ainsi établi : 1.140 bouteilles vendues pour un prix de 2.850 euros non payé outre le stock restant valorisé à 2,50 euros HT
Soit : 1152-1140=12 bouteilles 12x2.50=30 euros.
À ce titre, si les procès-verbaux de constat du mois de janvier 2017 observent la présence de 61 bouteilles de 37,5 cl, cet élément n'est pas de nature à démontrer l'importance du préjudice subi dès lors qu'il y est mentionné que « ces bouteilles ne comportent pas d'étiquette. Quelques-unes sont encapsulées, mais la plupart sont dépourvues de capsules » de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer ce qu'elles pouvaient, le cas échéant, contenir.
Ainsi le préjudice total relativement à ce vin s'établit à 2850+30= 2.880 euros.
S'agissant du Cabernet d'Anjou, le bon de livraison mentionne la production de 2.256+483=2.739 bouteilles. Par ailleurs il n'est pas contesté que ce vin a fait l'objet d'une vente de 1.416 bouteilles dont le prix n'a pas été réglé (3.908,74 euros).
De plus, si l'appelante soutient que les variations du stock de cette boisson seraient étonnantes, il n'en demeure pas moins qu'aucune demande n'est formée au titre des 793 bouteilles qui auraient fait l'objet d'une cession au cours de l'année 2015.
Dans ces conditions le préjudice résultant de la présence de levure dans ces bouteilles de vin peut être retenu à hauteur du prix de cession non versé (3.908,74 euros) augmenté du stock résiduel valorisé conformément aux estimations de l'expert soit :
2739-1416-793= 530 bouteilles
530x2,90= 1537
1537x96%= 1475,52 euros.
Ainsi le préjudice total relativement à ce vin pourrait s'établir à 3908,74+1475,52= 5.384,26 euros.
Cependant, en suite d'une erreur purement matérielle l'expert a retenu 2.738 bouteilles au titre de ce vin le conduisant, comme repris ci-dessus, à estimer le préjudice subi par l'intimée à 5.381,48 euros, montant finalement retenu par le premier juge. Or, aux termes de ses dernières écritures, la SCI sollicite la confirmation de la décision de première instance. Dans ces conditions et au regard des limites posées par les prétentions des parties, l'indemnisation du préjudice lié à la refermentation de ce vin doit être fixée à la somme de 5.381,48 euros.
Enfin il doit être souligné qu'aux termes de ses dernières écritures, l'appelante ne conteste pas les plus amples frais retenus par l'expert (débouchage et destruction des bouteilles), pas plus qu'elle ne conteste le prix du vinaigre d'AOC, de sorte que le préjudice total s'établit comme suit :
20.217,96 + 2.880 + 5.381,48 + 411,55 + 298,20 - 69 = 29.120,19 euros.
Dans ces conditions et au regard du partage de responsabilité non contesté par l'intimée, l'appelante doit être condamnée au paiement à la première de la somme de 29.120,19x90%= 26.208,17 euros.
La décision de première instance doit donc être infirmée s'agissant du montant de l'indemnisation due à la société civile.
Sur les demandes accessoires :
En l'espèce si le montant de l'indemnisation due à la société civile est légèrement diminué, il n'en demeure pas moins que le principe de responsabilité de l'appelante ainsi que sa condamnation au paiement de dommages et intérêts sont confirmés. Dans ces conditions il ne peut qu'être considéré qu'elle succombe en ses prétentions et doit donc être condamnée aux dépens.
En outre l'équité commande de la condamner au paiement à l'intimée de la somme 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Enfin les dispositions de la décision de première instance à ce titre doivent être confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 25 septembre 2018, sauf en celles de ses dispositions ayant retenu la responsabilité de la société [...] à hauteur de la somme de 26.675,80 euros et l'ayant condamnée au paiement de cette somme ;
Statuant de nouveau de ces seuls chefs et y ajoutant :
CONDAMNE la [...] au paiement à la SELARL [F] [B] ès qualités de liquidateur de la société civile du [...] de la somme de 26.208,17 euros (vingt six mille deux cent huit euros et sept centimes) outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en réparation du préjudice subi ;
CONDAMNE la [...] au paiement à la SELARL [F] [B] ès qualités de liquidateur de la société civile du [...] de la somme de 3.000 euros (trois mille euros) par application des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la [...] aux dépens.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER