TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS3ème chambre 2ème sectionN°RG: 07/07194Assignation du : 23 Mai 2007JUGEMENT rendu le 13 Février 2009
DEMANDERESSES
Société MERCK & CO. INC126 East Lincoln Avenue, Rahway, New Jersey 07065 -ETATS UNIS
Société MERCK SHARP & DOHME MANUFACTURING[...] HM08, BERMUDES
représentée par Me Pierre LENOIR, D'ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J.22
DÉFENDERESSES
S.A. EG LABO -LABORATOIRES EUROGENERICSLE QUINTET - Bâtiment A[...]92517 BOULOGNE BILLANCOURT
S.A.S
ARROW GENERIQUES[...] 07
représentées par Me Grégoire TRIET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire T. 03
Société
BIOGARAN[...]
représentée par Me Catherine CARIOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B.0107 & Me Philippe C, Avocat au Barreau de Paris Toque D109
Audience du 13 Février 2009 3ème Chambre 2ème Section RG 07/07194
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique R, Vice-Président, signataire de la décision Sophie CANAS. Juge Guillaume MEUNIER, Jugeassistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décisionDÉBATS
A l'audience du 04 Décembre 2008 tenue en audience publique devant Véronique R, Sophie CANAS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article
786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS. PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société de droit américain MERCK & CO. INC. est titulaire du brevet européen désignant la France n° 1 175 904 , déposé le 17 jui llet 1998 sous priorité du brevet US 53351 P du 22 juillet 1997, du brevet US 53535 P du 23 juillet 1997, du brevet GB 9717590 du 20 août 1997 et du brevet GB 9717850 du 22 août 1997, délivré le 28 mars 2007, et intitulé "L'alendronate destiné à être utilisé dans le traitement de l'ostéoporose".
Suivant acte sous seing privé en date du 23 mars 2007, régulièrement inscrit le 26 mars 2007 au Registre européen des brevets, elle a concédé à la société de droit irlandais MERCK SHARP & DOHME MANUFACTURING une licence exclusive portant sur ce brevet.
Indiquant avoir appris que les sociétés EG LABO-LABORATOIRES EUROGENERICS,
BIOGARAN et
ARROW GENERIQUES importaient, détenaient, offraient à la vente et mettaient dans le commerce des spécialités pharmaceutiques respectivement dénommées "ACIDE ALENDRONIQUE EG 70mg", "ACIDE ALENDRONIQUE
BIOGARAN 70mg" et "ACIDE ALENDRONIQUE ARROW 70mg", indiquées dans le traitement de l'ostéoporose et présentées sous forme de comprimés, reproduisant selon elles les caractéristiques protégées par le brevet européen n° 1 175 904, les sociétés MERCK & CO. INC . et MERCK SHARP & DOHME MANUFACTURING (ci-après les sociétés MERCK) ont fait assigner , selon actes d'huissier en date du 23 mai 2007, la société par actions simplifiée EG LABO - LABORATOIRES EUROGENERICS ainsi que la société par actions simplifiée
BIOGARAN devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS, et, selon acte d'huissier en date du 25 mai 2007, la société par actions simplifiée
ARROW GENERIQUES devant le Tribunal de Grande Instance de LYON, ce en contrefaçon des revendications 1,3, 4 et 5 du brevet EP 1 175 904 aux fins d'obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte, de confiscation aux fins de destruction et de publication, la condamnation de chacune d'entre elles à leur payer la somme de 1.000.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice, à fixer à dire d'expert, ainsi que la somme de 100.000 euros en application des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Suivant ordonnance du juge de la mise en état rendue le 26 novembre 2007, le Tribunal de Grande Instance de LYON s'est dessaisi de l'affaire opposant les sociétés MERCK à la société
ARROW GENERIQUES et l'a renvoyée devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS.
Les procédures ont fait l'objet d'une jonction par ordonnances en date des 30 mai et 26 septembre 2008.
Par conclusions signifiées en dernier lieu le 28 novembre 2008, les sociétés MERCK demandent au Tribunal, sur le fondement des articles 108 et suivants et
378 et suivants du Code de procédure civile, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Division d'opposition, et subsidiairement de la Chambre de recours de l'Office européen des brevets (ci-après OEB) concernant le brevet EP 1 175 904,
d'ordonner la radiation de l'affaire, de dire qu'elle pourra être rétablie par la partie la plus diligente lorsque la cause du sursis aura disparu et de réserver l'examen des autres demandes et des dépens.
Dans ses conclusions signifiées le 24 novembre 2008, la société
BIOGARAN entend voir les sociétés MERCK déboutées de leur demande de sursis à statuer et dire que sa demande reconventionnelle en nullité des revendications 1 à 5 du brevet européen n° 1 175 904 sera examinée par le Tribunal et qu'il sera statué au fond par lui sur cette demande, dans les conditions qui ont été fixées et sans attendre l'issue de la procédure d'opposition concernant le brevet qui est pendante devant l'OEB. Elle sollicite par ailleurs la condamnation des demanderesses à lui verser la somme de 10.000 euros par application de l'article
700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.
Dans leurs écritures en date du 02 décembre 2008, les sociétés EG LABO - LABORATOIRES EUROGENERICS et
ARROW GENERIQUES concluent au débouté des sociétés MERCK de leur demande de sursis à statuer et sollicitent reconventionnellement la condamnation solidaire de ces dernières à verser à chacune d'entre elles la somme de 10.000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.
L'affaire a été plaidée à l'audience de ce Tribunal du 04 décembre 2008 et mise en délibéré au 30 janvier 2009, prorogé au 13 février 2009.
MOTIFS
Attendu que les sociétés MERCK, se référant au jugement rendu le 26 septembre 2008 dans l'instance les opposant aux sociétés TEVA CLASSICS, TEVA UK LTD et PHARMACHEMIE B.V. et ayant ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision de l'OEB sur les oppositions formées à rencontre du brevet EP 1 175 904, et ajoutant que la Division d'opposition a fixé la date de la procédure orale, qui se tiendra du 17 au 19 mars 2009, affirment qu'il est nécessaire d'assurer un traitement coordonné de l'ensemble des procédures relatives audit brevet et qu'il est dès lors d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer jusqu'à, à tout le moins, la décision de la Division d'opposition ;
Que pour s'y opposer, les sociétés défenderesses soutiennent en substance que les sociétés MERCK, en sollicitant le sursis à statuer, tentent de maintenir artificiellement le monopole dont elle bénéficie en France sur le marché considérable du traitement de l'ostéoporose et, rappelant que les Tribunaux belges et hollandais ont annulé le brevet en cause sans attendre l'issue des oppositions, estiment qu'elle ont un intérêt légitime, et que la sécurité juridique exige, qu'il soit statué sur la validité du titre opposé ;
Que les sociétés EG LABO - LABORATOIRES EUROGENERICS et
ARROW GENERIQUES produisent notamment, à l'appui de cette argumentation, la synthèse du rapport préliminaire de l'enquête sectorielle de la Commission européenne dans le domaine pharmaceutique du 28 novembre 2008 qui selon elles stigmatise l'utilisation dévoyée du droit des brevets par les titulaires de brevets pour prolonger le plus longtemps possible la protection de leurs médicaments phares, par le biais notamment d'une stratégie de dépôts de "grappes de brevets", et qui souligne qu'à
défaut de réaction face à une telle attitude, "/ 'insécurité juridique pourrait s'accroître de manière significative au détriment de l'entrée des génériques et coûter aux budgets de santé publique et au final au consommateur d'importantes sommes d'argent" ;
Mais attendu en l'espèce qu'il est constant que tant les sociétés EG LABO - LABORATOIRES EUROGENERICS et
ARROW GENERIQUES que la société
BIOGARAN commercialisent depuis mai 2006 les spécialités "ACIDE ALENDRONIQUE EG 70mg", "ACIDE ALENDRONIQUE ARROW 70mg" et "ACIDE ALENDRONIQUE
BIOGARAN 70mg" ;
Que le monopole dont les sociétés MERCK se prévalent a donc de facto pris fin ;
Qu'il convient au surplus de rappeler que la mise en place par la Convention de Munich du 05 octobre 1973 de l'Organisation européenne des brevets, qui a institué une procédure unique de délivrance des brevets européen auprès de l'Office européen des brevets, a notamment pour objectif d'assurer une harmonisation sur le plan européen en matière de brevets et de garantir ainsi une plus grande sécurité juridique ;
Qu'enfin, les sociétés EG LABO - LABORATOIRES EUROGENERICS et
ARROW GENERIQUES ont souligné elles-mêmes, dans un courrier de leur conseil en date du 24 septembre 2008, la nécessité de regrouper les diverses procédures opposant les sociétés MERCK aux laboratoires génériqueurs ;
Qu'il y a lieu en conséquence, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de faire droit à la demande de sursis, et ce dans l'attente de la décision définitive de l'Office européen des brevets sur l'opposition formée à rencontre du brevet EP 1 175 904 ;
Que les sociétés défenderesses, qui succombent, ne sauraient prétendre à une quelconque indemnisation au titre de l'article
700 du Code de procédure civile dans le cadre du présent incident ;
Qu'il convient de réserver l'examen des autres demandes ainsi que le sort des dépens.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et susceptible d'appel dans les conditions de l'article
380 du Code de procédure civile,
- Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes des sociétés
MERCK & CO INC. et MERCK SHARP & DOHME MANUFACTURING à l'encontre des sociétés
BIOGARAN, EG LABO - LABORATOIRES EUROGENERICS et
ARROW GENERIQUES dans l'attente de la décision définitive de l'Office européen des brevets sur l'opposition formée à l'encontre du brevet EP 1 175 904 ;
- Ordonne la radiation de l'affaire ;
- Dit qu'elle pourra être rétablie par la partie la plus diligente lorsque la cause du sursis aura disparu ;
- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article
700 du Code de procédure civile ;
- Réserve l'examen des autres demandes ainsi que celui des dépens.