Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 22 janvier 2015, 14-10.621

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2015-01-22
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
2013-11-14
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
2013-11-14

Texte intégral

Sur le moyen

unique tel que reproduit en annexe : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 novembre 2013), qu'employé depuis 1970 par la société Métaleurop devenue la société Recyclex (la société) en qualité d'ouvrier mécanicien, M. X..., a été atteint d'un cancer broncho-pulmonaire pris en charge au titre de la législation profesionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le 10 janvier 2005 ; qu'après avoir saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante d'une demande d'indemnisation et accepté l'offre qui lui a été faite, il a par ailleurs saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que la société fait grief à

l'arrêt de dire que la maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur ;

Mais attendu

que le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de l'ensemble des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel, qui, sans dénaturation et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, après avoir constaté que le salarié avait été habituellement exposé aux poussières d'amiante, que l'employeur, qui aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et n'avait pas pris les mesures de nature à l'en préserver, avait commis une faute inexcusable ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Recyclex aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Recyclex et la condamne à payer à M. X... et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante la somme de 3 000 euros, chacun ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quinze et signé par Mme Flise, président, et par Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Recyclex. Le pourvoi fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que la maladie professionnelle dont a été atteint monsieur X... résulte de la faute inexcusable commise lors de la relation de travail avec la société RECYLEX ; AUX MOTIFS QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci à une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ou des activités de celle-ci ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié ; qu'il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; qu'il incombe enfin au demandeur de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié ; 1° Sur l'exposition au risque que la société RECYLEX soutient qu'étant productrice d'arsenic, elle ne faisait pas un usage direct et habituel d'amiante et qu'il n'est pas établi que Monsieur X... André ait été exposé de façon directe et habituelle à l'amiante au cours de son activité professionnelle ; que la société RECYLEX admet cependant que Monsieur X... André a effectivement été en contact avec des poussières d'amiante, mais en minimisant cette exposition, qui n'aurait été que ponctuelle, faible et antérieure à 1996, donc à une époque où elle ne pouvait pas avoir conscience des dangers liés à l'amiante, et où aucune réglementation ne lui interdisait d'utiliser l'amiante sous forme de tresses dans le cadre de maintenance des fours ; que les témoignages des anciens collègues de travail de la victime contredisent ce moyen de défense, et permettent de dire que, les salariés utilisaient des cordons d'amiante pour étancher les portes de fours et que durant le démontage des toitures en fibrociment les poussières volaient dans l'atelier même avant 1996 ; que dans un rapport de 2002, l'inspecteur du travail indique que lors des installations de maintenance, les salariés étaient exposés à l'amiante ; que le médecin du travail pour la période où il surveillait l'établissement de 1992 à 2001 a attesté de l'exposition des salariés à l'amiante ; que compte tenu de ces éléments il est établi que Monsieur X... André a été exposé à l'amiante, même si l'amiante n'était utilisé que de manière marginale comme le soutient l'employeur sur le site de l'Estaque ; 2° Sur la conscience du danger que si la société RECYLEX n'est pas une entreprise fabriquant ou utilisant de l'amiante, elle a cependant été amenée à en faire manipuler par ses préposés, notamment lors des opérations de maintenance sur les fours ; qu'enfin, s'agissant de la période antérieure à 1977, rien ne permet, si l'on se replace à la période à laquelle la victime a pu être au contact des substances incriminées, en l'état des connaissances scientifiques de l'époque et surtout de l'absence de preuve de leur diffusion à des entreprises de ce type, de retenir que la société RECYLEX avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé ; qu'en revanche, à compter de 1977, les entreprises se sont trouvées soumises au décret 77-949 du 17 août 1977 qui amis à leur charge diverses obligations, résultant de la manipulation ou de l'utilisation de ce produit à l'air libre dans des locaux ou sur des chantiers ; que la société RECYLEX indique elle-même avoir progressivement supprimé l'utilisation des tresses en amiante à compter de 1993 ; que compte tenu de son importance, de son organisation et de la nature de son activité la société RECYLEX aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié ; 3° Sur l'absence de mesures nécessaires à la protection des salariés que la société RECYLEX fait valoir qu'en tout état de cause que les masques dont les salariés étaient équipés pour se protéger des particules d'arsenic les protégeaient également des poussières d'amiante ; que ces masques à air soufflé avec tuyauterie de liaison à air comprimé n'ont cependant été mis à disposition qu'à compter de 1984 ; qu'il n'est pas établi par la société RECYLEX, d'une part que les masques protecteur des particules d'arsenic aient été efficaces pour protéger également des poussières d'amiante, d'autre part que ces masques aient été mis à disposition des salariés dès 1977, les documents versés aux débats par la société RECYLEX étant bien postérieurs ; qu'il ressort de ces éléments que la société RECYLEX a bien commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie de Monsieur X... André ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé ; 1.- ALORS QUE la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur implique que soit caractérisée l'exposition habituelle du salarié au risque prévu au tableau ; que l'employeur avait exposé que les opérations de maintenance des fours pendant lesquelles le salarié avait pu être en contact avec des produits amiantés étaient extrêmement ponctuelles et que l'usage de l'amiante au sein de l'établissement de l'Estaque était marginal (cf. concl° p. 31 et 32) ; que la Cour d'appel a effectivement reconnu que « l'amiante n'était utilisé que de manière marginale sur le site de l'Estaque » (arrêt p. 6 § 5), de sorte qu'il ne pouvait en être résulté pour le salarié une exposition habituelle à ce produit ; qu'en jugeant néanmoins que monsieur X... avait été exposé au risque de l'amiante au sein de la société RECYLEX, la Cour d'appel a violé les articles L. 452-1 et L. 461-2 du Code de la sécurité sociale et du tableau n° 30 des maladies professionnelles ; 2. ¿ ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; que parmi les quatre attestations d'anciens collègues produites par monsieur X..., l'attestation de monsieur Y... est la seule qui mentionne « le démontage des toitures en fibrociment » et le fait qu'à cette occasion « beaucoup de poussières volaient dans l'atelier », sans toutefois indiquer ni la date, ni même l'époque, à laquelle aurait eu lieu ce prétendu démontage ; que la Cour d'appel a pourtant affirmé que « les témoignages des anciens collègues de travail de la victime permettent de dire que (¿) durant le démontage des toitures en fibrociment les poussières volaient dans l'atelier même avant 1996 » (arrêt p. 6 § 2) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu le sens clair et précis des documents produits et le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; 3. ¿ ALORS QUE les juges doivent répondre aux conclusions des parties ; que l'employeur faisait valoir que le témoignage du médecin du travail, le docteur A..., en date du 13 février 2003 était sujet à caution dès lors que pendant les dix années où il avait surveillé l'activité de l'établissement, il n'avait jamais émis la moindre observation s'agissant de l'existence d'un risque lié à l'amiante (concl. p. 35 & 36) ; qu'en retenant que le témoignage du médecin du travail démontrait l'exposition des salariés à l'amiante pour la période de 1992 à 2001, sans répondre aux conclusions de l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4. ¿ ALORS QUE la conscience par l'employeur du danger doit s'apprécier au regard de la réglementation applicable à l'époque de l'exposition au risque ; que le décret n° 77-949 du 17 août 1977 concernait les seuls établissements où le personnel était exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère, notamment dans les travaux de transport, de manipulation, de traitement, de transformation, d'application et d'élimination de l'amiante ; qu'il résulte des constatations de la Cour d'appel que la société RECYLEX ne fabriquait pas et n'utilisait pas l'amiante ; qu'en retenant la conscience du danger que l'employeur aurait dû avoir à compter de 1977, dans la mesure où le décret n° 77-949 du 17 août 1977 avait imposé aux entreprises diverses obligations résultant de la manipulation ou de l'utilisation de ce produit à l'air libre, sans examiner si la société RECYLEX, eu égard à son activité, se trouvait soumise aux obligations résultant de ce décret, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et L. 461-2 du Code de la sécurité sociale ; 5.- ALORS QUE les juges doivent répondre aux conclusions des parties ; que pour établir qu'elle n'avait pu avoir conscience de l'existence d'un quelconque danger lié à l'amiante, la société RECYLEX avait fait valoir qu'aucun des nombreux procèsverbaux de réunion du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, non plus que les Programmes et Bilans d'hygiène sur la période de 1984 à 2000 (conclusions p. 39), n'avait mentionné la présence d'amiante au sein de l'établissement ; qu'en jugeant que la société RECYLEX aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, sans répondre à ces conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 6. ¿ ALORS QU'il appartient au salarié de prouver que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du danger auquel il a été exposé ; que le juge ne saurait donc se fonder sur la prétendue insuffisance des preuves apportées par l'employeur pour retenir que ce dernier n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la sécurité du salarié ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas établir avoir pris de mesures efficaces et suffisamment précoces pour préserver son salarié du danger lié à l'amiante, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du Code civil et L 452-1 du Code de la sécurité sociale ; 7.- ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner toutes les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir le souci constant qu'elle avait de la sécurité de ses salariés, la société RECYLEX avait produit une attestation de monsieur Z..., ancien responsable de production et animateur de sécurité, qui mentionnait les consignes de sécurité données aux salariés, le remplacement progressif des produits dangereux, le respect de la réglementation applicable sous le contrôle de l'inspecteur de la Caisse régionale d'assurance maladie et l'élimination des déchets selon les procédures en vigueur ; qu'en retenant que l'employeur n'avait pas pris de mesures nécessaires à la protection des salariés, sans examiner cette attestation, qui établissait le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;