Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 26 mai 1999, 96-16.338

Synthèse

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Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par : 1 / la société G7, société anonyme, dont le siège est ..., 2 / la société Navigation et transports, société anonyme, dont le siège est ... V, 76610 Le Havre, en cassation des arrêts rendus le 8 novembre 1995 et 27 mars 1996 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre civile), au profit : 1 / de la société Dakar Marine, dont le siège est avenue de l'Arsenal, ..., 2 / de la société Sud Marine entreprise, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., 3 / M. René X..., mandataire-liquidateur, domicilié 22, Cours Pierre Puget, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Sud Marine entreprise, 4 / de la Mutuelle du Mans assurances, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ; La Mutuelle du Mans assurances, défenderesse au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 mars 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Vigneron, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat des sociétés G7 et Navigation et transports, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Mutuelle du Mans assurances, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société G7 et la compagnie d'assurances Navigation et transports, que sur le pourvoi incident de la compagnie la Mutuelle du Mans assurances : Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la compagnie Mutuelle du Mans assurances ; Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Progemar a chargé la société Dakar Marine de la réparation des moteurs d'un navire avec l'assistance technique de la société Sud Marine entreprise (société Sud Marine) ; qu'un moteur ayant été endommagé au cours des essais, la société Progemar a assigné les sociétés Dakar Marine et Sud Marine en réparation de son préjudice ; que la compagnie d'assurances Navigation et transports, qui avait partiellement indemnisé la société Progemar de son dommage, est intervenue à l'instance pour demander le paiement de cette indemnité ; que le Tribunal a condamné les sociétés Dakar Marine et Sud Marine à payer diverses sommes d'argent à la société Progemar et à son assureur ; que la société Dakar Marine a fait appel du jugement ; que la société G7, qui vient aux droits de la société Progemar, et son assureur ont formé un appel incident ; que la société Sud Marine ayant été mise en liquidation judiciaire, la société G7 et son assureur ont appelé en cause M. X..., en qualité de liquidateur de la société Sud Marine et la compagnie la Mutuelle du Mans assurances (la Mutuelle), assureur de cette société, à qui ils ont demandé la réparation du préjudice ; que la Mutuelle a soulevé la prescription de l'action ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal :

Attendu que la société

G7 et son assureur reprochent à l'arrêt d'avoir dit que la société Progemar était responsable de son préjudice, à concurrence de 15 %, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte des propres constatations des juges du fond qu'aux termes dela convention conclue avec la société Sud Marine, celle-ci avait été chargée par la société Progemar, de superviser l'ensemble des opérations, de conseiller le chef mécanicien sur l'état des ensembles, de vérifier le remontage et d'informer le chef mécanicien sur la bonne exécution des travaux ; qu'il était par ailleurs établi que la société Sud Marine avait manqué à ses obligations en n'informant pas le chef mécanicien d'une grave anomalie ayant affecté le remontage des moteurs ;

qu'en décidant

néanmoins que la société Progemar ne pouvait imputer à son cocontractant une pleine et entière responsabilité dans la survenance des avaries dès lors qu'elle aurait pu, elle-même découvrir l'existence de ces avaries, alors même qu'il incombait précisément à la société Sud Marine d'informer la société Progemar de toutes anomalies, si graves soient-elles et mêmes décelables pour un professionnel de même spécialité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; Mais attendu que, statuant au vu d'un rapport d'expertise judiciaire qu'il entérine, l'arrêt, par motifs adoptés, constate que deux techniciens devaient "collaborer avec le chef mécanicien" de la société Progemar, de telle sorte que les trois techniciens "se sont trouvés en présence" ; qu'il constate encore que le mécanicien de la société Progemar "était le responsable technique des contrôles d'usage" et que l'expert judiciaire relève "des lacunes dans les vérifications dont il avait la charge" ; qu'il retient enfin, par motifs, propres, que l'avarie avait "pour origine une inversion de pièces pourtant très clairement répérées", dont le chef mécanicien du navire aurait dû s'apercevoir ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;

Mais sur le second moyen

du pourvoi principal :

Vu

les articles 1147 et 1203 du Code civil ;

Attendu que chacun des co-auteurs d'un même dommage est tenu de le réparer en totalité ; Attendu que, pour dire que les sociétés Dakar Marine et Sud Marine sont tenues de réparer le préjudice de la société Progemar à concurrence de 50% pour la première et de 35% pour la seconde, l'arrêt retient

que les obligations de ces deux sociétés ne sont pas identiques ;

Attendu qu'en statuant ainsi

, après avoir relevé que les fautes des sociétés Dakar Marine et Sud Marine avaient concouru à la réalisation du dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;

Et sur le premier moyen

, pris en sa première branche, du pourvoi incident :

Vu

les articles 8 et 9, de la loi du 3 janvier 1967 ;

Attendu que l'entrepreneur qui a procédé à la réparation d'un navire est garant des vices cachés résultant de son travail ; que l'action en garantie contre cet entrepreneur se prescrit par un an à compter de la découverte du vice ; Attendu que, pour écarter le moyen tiré de la prescription de l'action directe de la société G7, et de son assureur contre l'assureur de la société Sud Marine, l'arrêt retient

qu'en l'absence de vice caché et de réception des travaux, l'action est soumise à la prescription décennale de droit commun prévue par l'article 189 bis du Code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi

, après avoir relevé que l'action tendait à l'indemnisation des dommages consécutifs à des désordres affectant les travaux de réparation d'un moteur de navire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 8 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu'il a dit que les sociétés Dakar Marine et Sud Marine sont tenues de réparer le préjudice de la société Progemar à concurrence de 50 % pour la première et de 35 %, pour la seconde et en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action de la société G7 et de son assureur contre l'assureur de la société Sud Marine ; Vu l'article 625, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, constate que l'arrêt du 27 mars 1996 se trouve annulé par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt du 8 novembre 1995 ; Remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne les défendeurs aux pourvois principal et incident aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie La Mutuelle du Mans assurances ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.