Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 20 avril 2017, 15-25.691

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-04-20
Cour d'appel de Dijon
2015-08-13

Texte intégral

COMM. CGA COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 avril 2017 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 495 F-D Pourvoi n° K 15-25.691 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

Mme [V] [T], épouse [L], domiciliée [Adresse 1], contre l'arrêt rendu le 13 août 2015 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Caisse nationale de prévoyance, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 21 février 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [T], de Me Ricard, avocat de la société Caisse nationale de prévoyance, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique :

Vu

l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que Mme [T] a adhéré à un « contrat collectif d'assurance-vie à capital variable compte épargne » souscrit par le Trésor public auprès de la société CNP assurances (la CNP) et y a placé une certaine somme, répartie sur cinq supports distincts ; que reprochant à la CNP, au moment du rachat du contrat, d'avoir réorienté ses placements sans avoir préalablement recueilli son consentement, dans des conditions qui lui ont été préjudiciables, Mme [T] l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; que la CNP lui a opposé que seule la dénomination et non l'identité des supports de placement avait été modifiée ; Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que Mme [T], à qui il appartient d'établir que la CNP a commis une faute, est défaillante dans l'administration de cette preuve, dès lors qu'elle ne fournit aucun élément de nature à établir que le contenu des titres qui composent les différents supports dont elle a demandé le rachat a été modifié par rapport à leur contenu d'origine ou que les supports initiaux ont cessé d'être actifs ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'elle avait constaté que les supports de placement avaient changé et que le document produit par la CNP était insuffisant à rapporter la preuve d'une simple modification de leur dénomination, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 août 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ; Condamne la société Caisse nationale de prévoyance aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [T] Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme [T] de ses demandes tendant à voir dire et juger que la SA Caisse nationale de Prévoyance avait commis une faute en procédant à une modification des supports qu'elle avait choisis pour ses placements, sans obtenir son accord préalable et, à tout le moins, une faute dans son devoir d'information et, en conséquence, condamner la SA Caisse nationale de Prévoyance à lui payer la somme de 134 174,59 euros, avec intérêts de droit à compter du 2 avril 2009, en réparation du préjudice subi, AUX MOTIFS QU' il ressort des pièces du dossier que le 28 juillet 1998, Madame [T] a adhéré au contrat collectif d'assurance sur la vie à capital variable compte épargne, souscrit par le Trésor Public auprès de la CNP Assurances et versé sur ce contrat une somme de 1 000 000 francs répartie sur cinq supports comme suit : - Florival 2 pour 200 000 francs, - Trésor Vie 2 B pour 400 000 francs, - Trésor Préférence Modération pour 100 000 francs, - Trésor Préférence Equilibre pour 100 000 francs, - Trésor Préférence Dynamisme pour 200 000 francs ; Qu'en signant le formulaire d'adhésion à ce contrat, Madame [T] a déclaré avoir reçu une note d'information, un exemplaire des dispositions générales valant note d'information, ainsi qu'un document intitulé « compte épargne, dispositions générales » ; qu'il est indiqué en première page des dispositions générales que la notice d'information se compose des « dispositions générales, de son annexe ainsi que des dispositions particulières propres à chaque support offert » ; que les dispositions particulières au support Florival 2 stipulent expressément « qu'au 8ème anniversaire du premier versement sur ce support, l'épargne acquise sur ce support est investie, sur le support Trésor Vie 2, ouvert à la commercialisation à cette date, sauf indication contraire du client » ; que ces dispositions précisent sans ambiguïté le sort de ce placement arrivé à son terme, en sorte qu'il ne peut être reproché à la CNP Assurances aucun manquement à son devoir d'information à cet égard ; que le support Florival 2 étant arrivé à échéance le 31 décembre 2006, les fonds ont été réinvestis automatiquement sur le support Trésor Vie 2 ; que, conformément aux dispositions générales du contrat Madame [T] a demandé une avance de 500 000 francs, qui a été virée sur son compte le 16 février 1999, cette opération n'ayant pas pour effet d'interrompre le contrat et le processus d'évolution de l'épargne ; que le règlement général des avances, qui figure au dos du formulaire d'adhésion, prévoit que les intérêts dus en contrepartie de l'avance sont comptabilisés mensuellement au taux moyen des emprunts d'Etat majoré d'un point et demi et que la date de la première avance fait courir un délai maximum de dix ans, au terme duquel toutes les avances accordées augmentées de leurs intérêts, doivent être remboursées par le souscripteur ou l'adhérent ; qu'il est, en outre, indiqué que la CNP impute sur l'épargne constituée au titre du contrat, le montant de l'avance et des intérêts non remboursés par rachat partiel, notamment lors du rachat total du contrat ; qu'en l'espèce, Madame [T] a sollicité le remboursement total des sommes placées qui a été effectué le 1 er avril 1999 avec une date de valeur du 17 février 2009 ; que c'est ainsi que sur un capital brut de 196 121,71 euros, une somme de 50 102, 36 euros a été versée à Madame [T], déduction faite de diverses taxes et contributions pour 7 642,72 euros et de la dette d'avance et d'intérêts d'un montant de 138 376,63 euros ; que, pour justifier ce calcul, la CNP verse aux débats un récapitulatif des différents taux d'intérêts appliqués entre 1999 et 2009 à la somme ayant fait l'objet de l'avance ; qu'il appartient à Madame [T] qui reproche à la CNP Assurance d'avoir réorienté, sans son accord préalable, l'épargne constituée sur les supports « Trésor Préférence Modération », « Trésor Préférence Equilibre » et « Trésor Préférence Dynamisme » vers les supports « Natixis Modération », « Natixis Equilibre » et « Natixis Dynamisme », dans des conditions qui lui ont été préjudiciables, lui ouvrant droit à l'allocation de dommages et intérêts, d' établir que la CNP a commis une faute ; que les dispositions générales du compte épargne prévoient que l'épargne est investie en fonction des supports disponibles au choix de l'adhérent ; qu'il s'en déduit que la CNP ne peut procéder à un changement de support sur sa seule initiative ; qu'il est en outre indiqué, au paragraphe « cessation d'activité d'un support », qu'en ce cas la CNP s'engage à lui substituer par avenant un autre support de même nature ; que pour prétendre que seule la dénomination des supports a changé, la CNP Assurances verse aux débats un document qui est censé reprendre l'historique des différents supports ; que c'est à bon droit que le premier juge a considéré, d'une part que ce document est insuffisant en soi à rapporter la preuve d'une simple changement de dénomination des différents placements, car force est de constater qu'aucune des mentions qui y sont portées ne permet d'en authentifier l'origine, et par ailleurs, il n'appartient pas à la cour de se livrer à la recherche de l'historique des différents produits de placements à partir des liens informatiques fournis par l'intimé, et, d'autre part, que Madame [T] est défaillante dans l'administration de la preuve dont la charge lui incombe au premier chef, dès lors qu'en dehors de coupures de presse relatant l'activité de la société Natixis, elle ne fournit aucun élément de nature à établir que le contenu des titres qui composent les différents supports dont elle a demandé le rachat a été modifié par rapport à leur contenu d'origine ou que les supports initiaux ont cessé d'être actifs ; qu'il s'ensuit que la preuve d'une faute imputable à la CNP Assurances dans la gestion des supports de placements souscrits par Madame [T] n'est pas rapportée, en sorte que le jugement déféré par lequel Madame [T] a été déboutée de l'ensemble de ses demandes doit être confirmé ; ALORS QUE la charge de la preuve d'un fait pèse sur celui qui l'invoque ; que la cour d'appel a constaté que Mme [T] avait, en 1998, adhéré au contrat collectif d'assurance sur la vie à capital variable compte épargne, souscrit par le Trésor Public auprès de la CNP Assurances, et versé sur ce contrat une somme de 1 000 000 francs répartie sur cinq supports, dont les supports Trésor Préférence Modération, Trésor Préférence Equilibre et Trésor Préférence Dynamisme et que les dispositions générales du compte épargne prévoyaient que l'épargne était investie en fonction des supports disponibles au choix de l'adhérent, de sorte que la CNP ne pouvait procéder à un changement de support sur sa seule initiative ; que la cour d'appel a encore relevé qu'alors que Madame [T] reprochait à la CNP Assurance d'avoir réorienté, sans son accord préalable, l'épargne constituée sur les supports « Trésor Préférence Modération », « Trésor Préférence Equilibre » et « Trésor Préférence Dynamisme » vers les supports « Natixis Modération », « Natixis Equilibre » et « Natixis Dynamisme », la CNP Assurances prétendait que seule la dénomination des supports avait changé et versait aux débats un document qu'elle a jugé « insuffisant en soi à rapporter la preuve d'une simple changement de dénomination des différents placements » ; qu'en énonçant cependant, pour débouter Mme [T] de sa demande en réparation du préjudice subi, que, faute d'établir que le contenu des titres qui composent les différents supports dont elle a demandé le rachat avait été modifié par rapport à leur contenu d'origine ou que les supports initiaux avaient cessé d'être actifs, elle est défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe, quand la preuve de ce que seule la dénomination des supports avait changé, incombait à la CNP Assurances, qui l'invoquait, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1315 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code.