COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63A
3e chambre
ARRET
N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 05 JANVIER 2023
N° RG 20/04851
N° Portalis DBV3-V-B7E-UCYR
AFFAIRE :
[N] [M]
...
C/
[V] [L] épouse [B]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Septembre 2020 par le TJ de Nanterre
N° Chambre : 2
N° RG : 18/00094
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me
Denis LATREMOUILLE,
Me
Pascal KOERFER de la SCP BOULAN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
1/ Monsieur [N] [M]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 13]
2/ MACSF (MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTÉ FRANÇAIS)
RCS
775 665 631
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentant : Me
Emmanuelle LENORMAND, substituant Me
Denis LATREMOUILLE, Postulant, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0178
APPELANTS
****************
1/ Madame [V] [L] épouse [B]
née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 5]
Représentant : Me
Pascal KOERFER de la SCP
BOULAN KOERFER PERRAULT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire C.31 - N° du dossier 20187541 -
Représentant :
Me Jacques VINCENS de la SELARL
ME JACQUES VINCENS, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX, vestiaire : 856
INTIMEE
2/ CPAM DE LA GIRONDE
[Adresse 15]
[Localité 4]
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article
805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Octobre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Madame Marie DE NAUROIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
---------------
FAITS ET PROCEDURE :
Le 17 juin 2009, Mme [L] épouse [B] a consulté le docteur [N] [M] en qualité de chirurgien oto-rhino- laryngologiste (ORL) pour un syndrome infectieux rhinosinusien, récidivant deux à trois fois par an depuis deux ans ou trois ans et s'accompagnant de douleurs péri-orbitaires gauches, chaque épisode nécessitant une antibiothérapie générale de 8 jours. A la suite à un scanner réalise le même jour, le docteur [M] a constaté chez la patiente que :
- les fosses nasales étaient d'aspect normal,
- la paroi postérieure du pharynx présentait une inflammation en rapport probable avec un reflux extra-'sophagien,
- il existait un syndrome douloureux de l'articulation temporo-mandibulaire gauche et des névralgies cervico-occipitales gauches de type Arnold gauche, qui n'expliquaient pas les douleurs péri-orbitaires gauches.
Une corticothérapie nasale inhalée et un traitement du reflux par IPP ont été prescrits, ce dernier étant suivi par intermittence.
Mme [B] a revu en consultation le docteur [M] le 14 octobre suivant pour une obstruction nasale persistante avec jetage postérieur alors qu'elle avait pris trois antibiothérapies consécutives pour une infection des voies aériennes supérieures (VAS) récidivante. Le docteur [M] a de nouveau constaté des fosses nasales d'aspect normal.
Le 5 janvier 2010, le docteur [M] a reçu en consultation Mme [B] pour une obstruction nasale avec céphalées. Le médecin a alors constaté une suppuration au méat moyen droit et sur le scanner réalisé le même jour, une calcification du sinus maxillaire droit (SMD) qui lui a fait évoquer une aspergillose, une déviation de la cloison nasale vers la droite avec éperon osseux et procidence ethmoïdale antérieure importante. Le docteur [M] a alors proposé de réaliser une intervention chirurgicale consistant en une septoplastie, une ethmoïdectomie antérieure bilatérale, des méatotomies et des turbinoplasties. Cette opération a eu lieu le 13 janvier 2010 au sein du centre chirurgical [7] à [Localité 13] et donnait lieu à une visite post-opératoire du 19 janvier suivant.
Les suites opératoires ont été compliquées par :
- une nécrose des deux cornets inférieurs avec élimination de ceux-ci,
- une recrudescence des douleurs frontales gauches avec l'apparition de céphalées,
- une augmentation en nombre et en intensité des épisodes infectieux rhino-sinusiens et l'apparition secondaire d'un syndrome du nez vide.
Mme [B] a revu le docteur [M] en consultation les 15 février 2010, 22 mars 2010, 4 mai 2010, 15 décembre 2010 et 24 janvier 2011 où la persistance des troubles précités était constatée . Lors de la dernière consultation, à la suite de l'appel téléphonique du mari de Mme [B], le docteur [M] a sollicité l'avis du docteur [U], chef du service ORL du CHU de Créteil qui a reçu Mme [B] après réalisation d'un scanner le 10 juin 2011. Celui-ci l'a opérée dès la fin du mois de juin 2011.
Après consultation de divers médecins généralistes jusqu'en décembre 2014, elle était reçue en urgence par le Professeur [S] [Z], ORL du CHU de Bordeaux pour 'sinusite frontale aiguë gauche.' Ce dernier l'a opérée le 16 février 2015 pour réaliser une dilatation du canal frontal gauche et une intervention d'ERIES bilatérale.
Par ordonnance du 17 novembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné une mesure d'expertise confiée au docteur [D], ce dernier ayant déposé son rapport définitif le 21 juin 2017.
Sur la base de ce rapport et par actes du 16 décembre 2017, Mme [B] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre M. [N] [M], et son assureur, la société médicale d'assurances et de défense professionnelles le Sou Médical (ci-après, le Sou Médical), ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (ci-après, la CPAM) afin de voir reconnaître le médecin responsable des préjudices subis.
Par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la mutuelle d'assurances du corps de santé français (ci-après, la MACSF), venant aux droits de la société Le Sou Médical,
- dit que M. [M] a commis plusieurs manquements lors de l'intervention du 13 janvier 2010 à l'origine des dommages de Mme [B], engageant sa responsabilité,
- condamné en conséquence M. [M] à réparer l'entier préjudice subi par Mme [B],
- condamné M. [M] à payer à Mme [B] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi en lien avec le manquement à l'obligation d'information,
- condamné M. [M] à payer à Mme [B] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :
au titre de la tierce personne temporaire..........................................8 381, 79 euros,
au titre de l'incidence professionnelle..................................................50 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel temporaire........................................17 969, 84 euros, au titre de la souffrance endurée..........................................................12 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel temporaire..............................................30 000 euros,
au titre du préjudice d'agrément..............................................................8 000 euros,
au titre du préjudice sexuel.....................................................................7 000 euros,
- condamné in solidum M. [M] et la MACSF à payer à la CPAM la somme de 943, 76 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné in solidum M. [M] et la MACSF à payer à la CPAM le somme de 314, 25 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article
1343-2 du code civil,
- condamné in solidum M. [M] et la MACSF aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, avec recouvrement direct conformément à l'article
699 du code de procédure civile,
- condamné M. [M] à payer à Mme [B] la somme de 4 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [M] et la MACSF à payer à la CPAM la somme de 800 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté pour le surplus.
Par acte du 7 octobre 2020, la MACSF et M. [M] ont interjeté appel et prient la cour, par dernières écritures du 23 décembre 2021, de :
A titre principal,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires en l'absence de responsabilité établie du docteur [M],
- condamner Mme [B] à verser à M. [M] et à la MACSF la somme de 2 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] aux dépens de première instance et d'appel,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement déféré s'agissant des préjudices suivants : déficit fonctionnel temporaire, l'assistance par tierce personne occasionnelle et dépenses de santé futures,
- infirmer le jugement déféré s'agissant des préjudices suivants : préjudice lié à l'information médicale postopératoire, incidence professionnelle, préjudice sexuel, préjudice d'agrément, déficit fonctionnel permanent et souffrances endurées,
Et statuant à nouveau,
- débouter Mme [B] de ses demandes faites au titre du préjudice moral lié à l'information postopératoire, de l'incidence professionnelle, du préjudice sexuel et du préjudice d'agrément,
- réduire les prétentions indemnitaires de Mme [B] aux sommes suivantes :
au titre du déficit fonctionnel permanent...............................................23 120 euros,
au titre des souffrances endurées.............................................................8 000 euros,
- ramener la somme totale allouée à de plus justes proportions, à savoir un taux de 50% du préjudice corporel de Mme [B] et dès lors,
- constater que M. [M] et son assureur la MACSF offrent la somme totale de 28 735,82 euros au titre des préjudices subis par Mme [B],
En tout état de cause,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à l'ensemble des demandes de la CPAM de la Gironde,
Et statuant à nouveau,
- débouter la CPAM de la Gironde de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.
Les appelants font valoir essentiellement les mêmes arguments qu'en première instance :
- Mme [B] souffrait depuis plusieurs années de sinusites chroniques qui étaient traitées depuis 2007 ; la plupart des traitements avait donc déjà été envisagée ; il a adressé sa patiente à des confrères allergologues et internistes sans que Mme [B] ne donne suite ; dès lors, il n'a commis aucune erreur de diagnostic,
~ les actes de turbinoplastie, turbinectomie et septoplastie constituaient en 2010 des pratiques courantes reconnues par la communauté ORL francaise ; ce n'est qu'en 2012, en raison du syndrome du nez vide, qu'il a été recommandé de ne pas enlever la totalité du cornet inférieur dans un but fonctionnel de thérapie d'obstruction nasale ; en conséquence, il ne peut être reproché au docteur [M] d'avoir procédé aux actes de turbinoplastie totale et de septoplastie,
- le docteur [M] n'a commis aucune faute médicale, ni dans le diagnostic ni en utilisant une des techniques possibles de la turbinoplastie compte tenu des données de la science à l'époque de l'acte ,
- il n'est pas averé que le docteur [M], au moment de l'intervention chirurgicale, connaissait l'étendue du syndrome du nez vide ; la fiche d'informations médicales avant la réalisation d'une turbinectomie émanant du service ORL du CHU de [Localité 12] publiée en 2008 et mise a jour en 2011 ne mentionnait pas ce syndrome ; il n'y a donc pas eu de manquement à l'obligation d'information,
- le rapport du docteur [D] est criticable en ce qu'il ne prend pas assez en compte l'état antérieur à l'opération de Mme [B] ; les appelants produisent celui d'un autre médecin, le docteur [I], qu'ils n'avaient pas versé aux débats en première instance,
- s' il résulte de l'article
L.1111-2 du code de la santé publique que le praticien est tenu de donner à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les différents actes qui lui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, il peut le faire oralement et la preuve peut en être rapportée par tous moyens.
La MACSF et M. [M] considèrent que le docteur [D] n'a pas répondu à leurs objections de façon satisfaisante et insistent à hauteur d'appel sur le fait qu'un scanner des sinus avait objectivé la présence d'un corps étranger de tonalité métallique au sein du sinus maxillaire droit.
Ils apportent une nouvelle pièce à leur dossier consistant en une expertise sur pièces.
Par dernières écritures du 4 janvier 2022, Mme [B] prie la cour de :
- débouter M. [M] et la MACSF de l'ensemble de leurs demandes,
En conséquence,
- confirmer le jugement déféré dans son intégralité, et notamment en ce qu'il a :
condamné M. [M] à réparer l'entier préjudice subi par Mme [B],
condamné M. [M] à payer à Mme [B] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
au titre de la tierce personne temporaire................................8 381,79 euros,
au titre de l'incidence professionnelle......................................50 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel temporaire............................17 969, 84 euros,
au titre de la souffrance endurée...........................................12 000 euros,
au titre du déficit fonctionnel permanent................................30 000 euros,
au titre du préjudice d'agrément...............................................8 000 euros,
au titre du préjudice sexuel.......................................................7 000 euros,
- condamner in solidum M. [M] et la MACSF au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 ainsi qu'en tous les dépens, en ceux compris les frais d'expertise.
En réponse, elle indique que le rapport d'expertise retient que :
- le docteur [M] a commis une erreur de diagnostic engendrant des interventions chirurgicales précipitées et inutiles ayant concouru à l'aggravatíon de son état post-opératoire,
- la turbinectomie pratiquée n'était pas une technique appropriée,
- il n'y avait aucune indication opératoire s'agissant de la méatotomie moyenne gauche, de l'ethmoïdectomie antérieure droite et gauche et de la turbinectomie moyenne partielle bilatérale,
- il est faux de dire que la technique employée par le docteur [M] a été critiquée seulement en 2012,
- enfin, le praticien a manqué à son obligation d'information sur les risques de la coagulation monopolaire ainsi que sur les conséquences possibles de l'ensemble des interventions comportant des résections turbinales inférieures étendues dont la complication principale est l'apparition secondaire d'un 'syndrome du nez vide' (SNV).
Les appelants ont fait signifier la déclaration d'appel et leurs conclusions à la CPAM, par actes du 25 novembre 2020, remis à domicile, et du 29 janvier 2021, remis à personne habilitée. Néanmoins, cette intimée n'a pas constitué avocat.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article
455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022.
SUR QUOI
:
Sur la responsabilité du docteur [M] :
Aux termes de l'article L.1142-1 I du code de la santé publique, " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut de produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
Il convient que Mme [B] prouve une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.
Sur la faute liée au diagnostic et à la méthode opératoire employée :
Le docteur [M], à titre principal, conteste l'ensemble des manquements allégués.
Il a proposé comme il ressort de la feuille de consentement éclairé à Mme [B] la séquence opératoire suivante pour le 13/01/2010 : 'septoplastie, méatotomie moyenne bilatérale, ethmoïdectomie antérieure bilatérale, réduction des cornets moyens. "
En réalité, le compte rendu opératoire mentionne la réalisation d'une turbinoplastie partielle moyenne bilatérale ainsi qu'une cautérisation bilatérale des cornets inférieurs à la pointe coagulante monopolaire.
La turbinoplastie ou turbinectomie est l'ablation chirurgicale partielle ou totale du ou des cornets inférieurs du nez effectuée en raison d'une obstruction nasale liée à une augmentation de volume des cornets inférieurs.
Dans la littérature médicale mentionnée dans le rapport de l'expert non démenti sur ce point par la partie adverse, les cornets inférieurs du nez sont décrits comme des organes essentiels à la respiration .
Le site de l'institut français du nez et des sinus (IFCNS) indique :
'Tapissés d'une épaisse couche de tissu érectile vasculaire et glandulaire, ces cornets nasaux peuvent augmenter de façon très importante la surface de contact entre le tissu et l'air.
On estime qu'un cornet inférieur peut tripler de taille lors de sa turgescence.
Le cornet inférieur est le plus grand, il apparaît donc essentiel au maintien des différentes fonctions du nez.
ROLE DES CORNETS
20 000 litres d'air traversent chaque jour les fosses nasales.
Le nez, grâce à sa muqueuse ciliaire assure trois fonctions principales.
Conditionnement: la première fonction est de conditionner l'air inspiré destiné aux échanges respiratoires en le filtrant, l'humidifiant et le réchauffant.
Immunitaire : la seconde fonction est immunitaire, de nombreuses aéroportées (pollution, poussières, pollens, virus, bactéries, champignons...) doivent être éliminées.
Odorat : la troisième fonction est olfactive ".
La décision de procéder à cette intervention ressort du compte-rendu opératoire du praticien lui-même qui y a rappelé :
" Patiente présentant depuis presque trois ans une pathologie infectieuse rhino-sinusienne qui n'existait pas dans le passé.
La symptomatologie est évocatrice d'une pathologie bloquée des sinus avec douleur péri- orbitaire et un jetage postérieur chronique. L'obstruction nasale est de plus en plus invalidante au point de nécessiter plusieurs antibiothérapies . [...] Il est donc décider (sic) de traiter chirurgicalement cette pathologie dont on peut penser que le corps étranger d'origine dentaire est à l'origine avec des conditions anatomiques non favorables.'
Le corps étranger est encore noté comme le diagnostic principal par le docteur [M].
Or, la cause des douleurs frontales gauches ressenties par Mme [B] depuis plusieurs années fait l'objet, aux termes du rapport de l'expert judiciaire, d'un consensus entre lui et deux médecins ORL, les professeurs [U] et [S]r [Z], qui ont eu l'occasion d'examiner la patiente. Elle dérive d'une anomalie anatomique du canal naso-frontal gauche long et étroit et de la présence de cellules ethmoïdales infundibulaires procidentes dites " bulles frontales' qui ont comprimé ce canal.
C'est en ces termes que :
- le 10 juin 2011, le professeur [U], chef du service ORL du CHU de Créteil, après consultation de la patiente a posé le premier ce diagnostic de 'variante anatomique tout à fait particulière avec une pneumatisation majeure de ce qui est probablement la bulle occupant la quasi-totalité de l'ethmoïde et un double sinus frontal' . Il attribuait les difficultés respiratoires de Mme [B] à 'la circulation d'air anormale dans sa fosse nasale et son sinus maxillaire gauche du fait de la très large ouverture. '
- et après examen de Mme [B] le 8 décembre 2014, le Professeur [Y] [S] [Z] du CHU de Bordeaux a écrit au médecin traitant de Mme [B] (page 23 du rapport) :
" Tout d'abord elle a des sinusites frontales gauches récidivantes en raison d'un canal nasofrontal incompétent dû à la présence d'une cellule préméatale fortement développée qui constitue ce que l'on appelle habituellement des bulles frontales. La conséquence de cette organisation cellulaire dans l'ethmoïde antérieur est d'avoir un canal nasofrontal très fin et très long qui a " marchoté " jusqu 'à maintenant Les sinusites frontales récidivent de plus en plus fréquemment. Il y a donc une indication de dilatation du canal par un système de ballonnet. Nous verrons sur place si cela est suffisant [...] Par contre, elle a aussi un syndrome de la fosse nasale vide parce qu'elle n'a plus de cornet inférieur ... "
- il ressort de la la consultation écrite du professeur [U] du 16 juin 2016, chef du service ORL du CHU de Créteil (rapport page 19) :
" L'examen du scanner préopératoire montre une opacité des deux tiers inférieurs du sinus maxillaire droit. On notera sur ce scanner, comme sur tous les autres d'ailleurs, une variante anatomique tout à fait particulière avec une pneumatisation majeure de ce qui est probablement la bulle occupant la quasi-totalité de l'ethmoïde et un " double " sinus frontal [...] ".
Le docteur [M] n'a nulle part mentionné cette anatomie tout à fait particulière comme expliquant les troubles dont souffrait Mme [B]. Il n'apparaît pas dans les compte-rendus des consultations qu'il a délivrées à Mme [B] qu'ils se soit interrogé sur les différentes causes possibles des douleurs frontales gauches.
Il a relevé à l'occasion de l'IRM pratiquée le 5 janvier 2010 une légère déviation de la cloison nasale droite avec éperon osseux qui ne sera pas confirmée par les autres praticiens par la suite mais qui a suffi à justifier à ses yeux une septoplastie. Il avait lui-même écrit lors des deux consultations des 17 juin 2009 et 14 octobre 2009 que 'cliniquement, les fosses nasales sont normales.'
Le praticien a évoqué pour expliquer les troubles préexistants de sa patiente une aspergillose, cause qui n'est retenue par aucun des deux médecins précités et est écartée par l'expert 'en raison du traitement canalaire assez récent (six mois environ)'. Pourtant, il n'a pas fait procéder à une culture de prélèvements pour s'en assurer et n'a pas ordonné une médication anti-fongique.
Il s'est focalisé sur l'origine dentaire, avant comme après l'opération, puisque constatant un état sur infectieux en mai 2010, il évoque encore un foyer sur le dent de sagesse gauche. Lors de la consultation du 15 décembre 2010, un an après l'opération, il ne s'explique toujours pas les phénomènes douloureux, les céphalées, la toux bronchitique, le suintement pharyngé, le nez bouché, la fatigue.
Dès lors, il apparaît que le docteur [M] n'a pas envisagé d'autres causes du dysfonctionnement nasal, qui témoignait de façon indiscutable d'un état antérieur invalidant générant des sinusites récurrentes traitées par antibiothérapies et des épisodes infectieux aigus rhino-sinisiens récidivants avec douleurs frontales gauches tels que relevés par l'expert, mais qui selon celui-ci 'auraient pu relever d'un éventuel traitement médical' en soulignant un contexte de précipitation pour des gestes jugés inutiles puisque le diagnostic posé le 5 janvier 2010 a été suivi de l'opération dès le 13 janvier suivant.
Comme en première instance, le docteur [M] n'explique pas pourquoi il n'a pas envisagé tous les diagnostics possibles permettant d'expliquer le tableau clinique présenté par Mme [B]. Le fait que cette dernière n'ait éventuellement pas suivi ses conseils pour aller consulter des confrères au sujet desquels il ne donne aucune indication ne le dispensait pas de s'entourer de précautions avant de procéder à des gestes chirurgicaux irréversibles. C'est l'absence de recherche d'autres étiologies et d'un diagnostic précis qui l'a conduit à pratiquer les interventions chirurgicales prématurées, voire non indiquées, qui lui sont reprochés aux termes du rapport de l'expert et du jugement critiqué.
En outre, l'opération pratiquée par le docteur [M] a aggravé l'état antérieur de la patiente par l'apparition du 'syndrome de la fosse nasale vide' que le Professeur [S] [Z] relève comme deuxième pathologie dont souffre l'intimée.
Il a reconnu dans la lettre qu'il a écrite le 17 mars 2011 (rapport page 17) à son confrère le docteur [U] une réduction trop importante du cornet inférieur gauche.
La méatotomie qui a nécessité une ouverture large a entraîné une exérèse nasale excessive en ce qu'elle a été directement à la source de l'aggravation significative des troubles antérieurs.
Cette conséquence de l'opération pratiquée n'est pas vraiment contestée par l'appelant mais il affirme que celle-ci était conforme aux données de la science au moment des faits puisque l'opération s'est déroulée en 2010 alors qu'en France, la recommandation de ne pas enlever la totalité du cornet inférieur ne date que de 2012.
Mme [B] admet que cette recommandation n'a été officialisée qu'en 2012 mais apporte la preuve de ce qu'une abondante littérature médicale mettait en garde depuis longtemps contre les conséquences de la turbinectomie inférieure totale (docteur [O] de la clinique [10] en 1992 et 1994, docteurs [A] et [R] en 1992) .
Elle est accessible sur internet à la portée de tout un chacun.
Entre autres mises en garde, la cour relève :
- celle du docteur [O] dit, en 1994, sur la turbinectomie : " ce n 'est pas aérodynamiquement efficace... un nez largement ouvert ne fonctionne pas... ".
- en septembre 1985, dans 'Extended Follow-Up Of Total Inferior Turbinate Resection For Relief Of Chronic Nasal Obstruction " , [X] [P], [E] [J], [W] Ogren & [H] [G] ont écrit :
" La turbinectomie inférieure totale a été proposée comme un traitement contre l'obstruction chronique des voies respiratoires nasales réfractaires à d'autres méthodes de traitement plus classiques. Elle a été régulièrement critiquée à cause de ses effets secondaires sur la physiologie nasale.
[...]
Elle confirme que la turbinectomie inférieure totale entraine une morbidité significative et devrait être condamnée "..
Dans son dossier, le docteur [M] fournit un consensus formalisé non daté (sauf par une mention ajoutée à la main sur la première page) sur le syndrome du nez vide dans lequel on peut lire à la page 13 : ' La préservation des cornets durant les chirurgies endonasales, sinusiennes et rhinoplasties est indispensable afin de minimiser le risque de SNV [...] Les objectifs chirurgicaux ont longtemps été de réaliser une résection maximale afin d'optimiser le gain de volume dans la fosse nasale [...] la tendance actuelle va à la chirurgie conservatrice.'
Le texte renvoie à de nombreuses références bibliographiques sur le syndrome du nez vide dont plusieurs datent de 1998 à 2009.
Le docteur [M] ne peut donc se réfugier derrière sa méconnaissance de connaissances médicales tombées dans le domaine public et accessibles sans difficulté depuis plusieurs années en se cantonnant à la fiche d'information médicale du service ORL du CHU de [Localité 12] qu'il invoque. Cette fiche sur la turbinectomie qu'il fournit et qu'il a fait lire à Mme [B] ne mentionne comme risque qu'une hémorragie nasale.
Il apparait que le docteur [M] a contrevenu au principe général selon lequel le spécialiste ne doit pas altérer des structures anatomiques fonctionnellement normales, en appliquant le principe d'une "chirurgie minimale invasive' si toutefois un traitement médicamenteux pouvait éliminer les causes lui semblant nécessiter des gestes chirurgicaux irréversibles.
Il apparaît certes qu'il a tenté de se tourner vers des confrères avant de décider des actes chirurgicaux litigieux mais n'a pas persévéré alors que selon le docteur [D], il aurait dû se demander si n'existait pas un reflux extra-oesophagien acide sévère et faire réaliser une fibroscopie en cas d'échec d'un traitement par IPP avec prise en charge par un gastro-entérologue.
Le docteur [D] avait auparavant signalé un reflux extra-oesophagien ancien traité par intermittence, dû à une consommation régulière d'alcool et notamment de champagne (notée aussi par le docteur [M]) et celui-ci s'est encore manifesté après l'opération (page 15 du rapport). Mme [B] avait été auparavant traitée pour ce syndorme mais a admis qu'elle n'avait pas persévéré dans sa médication.
L'expert lui reproche de ne pas avoir envisagé comme origine des troubles un reflux gastro-oesophagien alors que les relations entre un tel phénomène générant des remontées gastriques acides et inflammation chronique des voies aériennes avec sinusite chronique sont connues.
Il fait valoir que la répétition des épisodes infectieux malgré de multiples antibiothérapies avec corticothérapie générale pouvait faire douter de la cause infectieuse de ces épisodes.
Le rapport du docteur [I] qui constitue la pièce nouvelle sur laquelle repose essentiellement la critique du jugement déféré ne combat pas utilement ces constatations . Il mentionne quelques bribes du jugement déféré pour s'opposer à des avis donnés par le docteur [D] sans véritable argumentation, reprenant un dire de Maître [K] en date du 2 mai 2017, essentiellement pour asseoir le diagnostic d'aspergillose que l'expert a écarté, notamment du fait du caractère très récent des soins dentaires et dont le docteur [M] n'avait pas lui-même tiré les conséquences.
Dans cette pièce nouvelle non produite en première instance, le docteur [I] cite essentiellement le problème de pâte dentaire migrée dans le sinus pour justifier la méatotomie pratiquée par l'assuré mais doit néanmoins admettre qu'il n'est pas la cause des infections récidivantes des voies aériennes antérieures à l'opération en concluant qu'une 'intervention médicale serait nécessaire à plus ou moins long terme.' Il ajoute qu'il n'était pas illogique de pratiquer une méatotomie pour enlever ce corps étranger 'qui probablement aurait été un jour responsable d'infections à répétition.' Ces propos même démontrent l'absence de lien de causalité entre ce problème et les troubles ressentis par Mme [B] ainsi que l'absence de toute urgence dans sa résolution, surtout au prix d'une résection très large qui a créé de nouveaux troubles et aggravé les anciens .
Le docteur [I] lui-même reconnaît que le problème d'obstruction nasale chronique est initialement du ressort d'un traitement médical, venant conforter l'affirmation de l'expert judiciaire sur ce point.
Il est donc avéré que des traitements médicamentaux auraient dû être tentés, que les gestes réalisés étaient prématurés et auraient pu peut-être être évités si le docteur [M] avait respecté le principe de subsidiarité ci-dessus rappelé, pour laisser une chance de succès à un traitement médicamenteux adapté (et non pas seulement à base d'antibiothérapies comme délivrés jusque là).
Le docteur [M] admet lui-même qu'une turbinectomie doit être réservée au cas d'échec du traitement médical (page 13 de ses conclusions) .
En conclusion, le docteur [M] et la MACSF n'apportent du point de vue de la faute de diagnostic aucun élément nouveau de nature à contredire les justes motifs exposés dans le jugement déféré que la cour adopte. La violation des dispositions de l'article L1142-1, I du code de la santé publique selon lequel les soins donnés par le médecin doivent être attentifs et conformes aux données acquises de la science est établie.
Sur la technique employée :
En préliminaire, il convient de dire que la technique employée s'est greffée sur un diagnostic prématuré et erroné de sorte qu'elle ne pouvait être par nature adaptée aux causes des troubles.
Il n'y avait aucune indication opératoire concernant la turbinectomie sur les cornets inférieurs et l'expert souligne qu'une plastie aurait pu se concevoir après un diagnostic étiologique précis (et juste) et un traitement médical adapté.
De même, l'indication opératoire sur la cloison nasale ou septoplastie n'apparaissait pas nécessaire ce d'autant qu'il n'est pas contesté que la pâte dentaire migrée dans le sinus n'avait généré jusque là aucune infection.
Le médecin expert a noté que la turbinoplastie annoncée par le Dr [M] sur la feuille de consentement éclairé a été remplacée, pour une raison difficile à comprendre, par une électrocoagulation des cornets inférieurs à la pointe coagulante monopolaire (nommée aussi " cautérisation " des cornets) qui réalise en fait, par une ou plusieurs stries longitudinales, plus ou moins profondes dans la muqueuse du cornet inférieur, une véritable brûlure "contrôlée" de la muqueuse turbinale dont le potentiel évolutif cicatriciel rétractile a pour conséquence un volume occupationnel permanent moindre du cornet dans la fosse nasale.
Le docteur [M] n'explique pas ce changement dans la technique finalement employée.
La cautérisation, qui a été utilisée largement par le passé avec des résultats relativement satisfaisants, n'était plus à utiliser selon l'expert, en raison du risque potentiel de nécrose du cornet inférieur si le geste de cautérisation a été trop profond, jusqu'à la structure osseuse, ou si l'intensité de la coagulation monopolaire est trop élevée, la réalisation défectueuse de la technique pouvant aboutir, comme dans le cas de Mme [B], à une nécrose, puis à une escarrification du cornet et enfin à son élimination, donnant de fait le même résultat qu'une turbinectomie totale ou subtotale.
Or, c'est exactement ce qui s'est produit chez la patiente. La coagulation monopolaire défectueuse des deux cornets a eu pour conséquence une nécrose puis l'élimination des cornets escarrifiés, aboutissant à une amputation accidentelle des cornets inférieurs à considérer comme une séquelle de brûlure profonde de la muqueuse des fosses nasales.
Et l'expert de conclure qu'on peut considérer que Mme [B] a subi un accident médical avec manquement aux règles de l'art, d'une part, par l'utilisation imprudente d'une technique obsolète et potentiellement dangereuse (coagulation monopolaire des Cl) et, d'autre part, par la réalisation maladroite du geste opératoire (coagulation trop profonde ou trop étendue) et/ou par l'utilisation inappropriée du matériel (intensité trop élevée) pouvant être considérée comme une maladresse technique.
La technique employée sera donc également retenue à faute à la charge du docteur [M] comme l'ont fait les premiers juges.
S'agissant de l'information médicale pré-opératoire :
Il résulte de l'article
L.1111-2 du code de la santé publique que le praticien est tenu de donner à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les différents actes qui lui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
Il a été vu que la bonne information sur les autres solutions possibles n'a pas été donnée. La patiente aurait pu solliciter d'autres avis sur la base des traitements alternatifs indiqués. Aucun élément ne vient établir que parfaitement informée des risques d'aggravation possibles dans de telles proportions, Mme [B] aurait à tout coup accepté l'opération telle qu'elle a été pratiquée ; elle a perdu une chance d'y renoncer ou de tenter une alternative à la chirurgie pour en apprécier le bénéfice.
Le docteur [M], sur ce reproche qui lui est fait, souligne son absence de connaissance du syndrome du nez vide au moment de l'opération. Il a été vu plus haut comment la cour considère la défense paradoxale qui consiste à s'abriter derrière son ignorance d'un risque certes rare mais grave, le syndrome du nez vide, dont la description était pourtant ancienne et accessible facilement.
En outre, il apparaît qu'ayant déclaré avoir accompli une turbinectomie partielle moyenne bilatérale et une cautérisation des cornets inférieurs du nez à la pointe coagulante monopolaire, la séquence opératoire reprend seulement une réduction des deux cornets moyens.
La feuille de consentement éclairé signée par Mme [B] le 5 janvier 2010 mentionne une turbinoplastie. Le docteur n'a jamais expliqué le pourquoi de ce hiatus.
L'information donnée à la patiente ne pouvait dès lors être exhaustive et fidèle. Celle-ci n'a pas à rapporter la preuve négative de ce qu'elle n'aurait pas accepté l'opération si elle en avait connu les risques réels, preuve impossible à apporter. Elle avait un droit indéfectible à opérer un choix éclairé.
L'intimée n'a donc pas été informée des conséquences possibles des résections turbinales inférieures étendues.
Le jugement déféré sera confirmé sur la responsabilité du docteur [M] dans ce manquement.
En conclusion sur la question de la responsabilité du directeur [M], la cour procède à une confirmation de la décision dévolue par adoption de motifs, jugeant que les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
Sur les préjudices :
C'est la cautérisation par électrocoagulation des cornets inférieurs à la pointe coagulante monopolaire qui a créé le dommage du SNV et la littérature médicale invoquée par Mme [B] démontre que cet acte pouvait conduire au SNV précité.
Il est constaté et le docteur [M] n'en disconvient pas :
- une exacerbation en fréquence et en intensité des douleurs frontales gauches en rapport avec des sinusites frontales récidivantes,
- une aggravation en fréquence et en intensité des infections des voies aériennes supérieures récidivantes.
Par ailleurs, l'expert souligne l'apparition du SNV à compter de juillet 2011. Mme [B] a alors présenté des manifestations nasales dues à la perte du conditionnement de l'air inspiré, avec une sensation d'obstruction nasale paradoxale diurne, une issue brutale de sécrétions nasales postérieures, générant des phénomènes de vidange nocturne par paquets et des sensations d'étouffement, angoissant et épuisant la patiente en l'obligeant à dormir dans une position demi-assise, ainsi que des manifestations pulmonaires secondaires du SNV l'obligeant souvent à s'allonger dans la journée pour se reposer et enfin des douleurs nasales et faciales et des céphalées temporales unilatérales dès que le temps est froid et humide.
L'expert précise en outre que, confrontée à ces manifestations physiques et morales, Mme [B] présente des troubles anxio-dépressifs réactionnels.
Ces préjudices sont confortés dans leur description par l'association "Syndrome du Nez Vide France" (http://www.[016].org) qui les décrit ainsi : quand trop de muqueuse nasale est retirée, il se produit un déséquilibre au niveau des débits d'air, le nez ne détecte plus les flux, il y a une mauvaise synchronisation de la respiration entre le nez et les poumons, les nerfs sont endommagés ; ils n'assurent plus la commande de stimulation avec le cerveau qui interprète cela comme une obstruction paradoxale ; le patient ne peut plus respirer.
Le manque de sensation d'air provoque plus " qu 'un nez bouché " mais bien une suffocation, un essoufflement et des douleurs chroniques.
L'Institut français de chirurgie du nez et des sinus écrit :
" L'AUGMENTATIONDE VOLUME DES FOSSES NASALES :
[...]
Ainsi, lorsqu'une quantité trop importante de cornet inférieur est retirée, cela a pour effet d'augmenter le volume de la fosse nasale et donc de rendre la ventilation naturelle insuffisante.
Le patient qui a subi une turbinectomie totale va donc devoir produire un effort supplémentaire en augmentant le rythme ou la force de sa dépression thoracique afin d'obtenir une quantité d'air suffisante à sa respiration.
Ces efforts sont alors ressentis comme un stress avec un important sentiment d'asphyxie anxiogène.
Cela aura des conséquences diurnes et nocturnes :
- Alors que la journée, cette augmentation volontaire de sa respiration sera responsable d'un essoufflement, d'une hyperventilation et d'une fatigue chronique ;
- La nuit, l'insuffisance respiratoire provoquée par la réduction d'air provoquera l'apparition d'un véritable syndrome d'apnée du sommeil.
ROLE DES RECEPTEURS SENSITIFS
L'existence de récepteurs sensitifs au flux aérien, situés dans les fosses nasales, explique cette discordance entre la sensation de nez bouché et l'absence d'obstacle sur la voie aérienne.
Ces récepteurs, situés au niveau du vestibule narinaire, sont à l'origine de la sensation de confort nasal et de la régulation du cycle nasal.
Le cerveau interprète cette réduction de stimulation des récepteurs muqueux comme une obstruction nasale, et la compense par une hyperventilation pulmonaire invalidante.
PERTE DES FONCTIONS DE FILTRAGE RECHAUFFEMENTET HUMIDIF1CATION
De plus, la perte des fonctions de filtrage, réchauffement et humidification des cornets inférieurs est responsable d'une baisse de la qualité de l'air inspiré, ce qui altère les échanges gazeux alvéolaires.
L'ATROPHIE MUQUEUSE
L'atrophie muqueuse est une conséquence constante relevée dans le syndrome du nez vide. Elle peut être responsable de l'apparition d'une véritable rhinite atrophique avec dégénérescence et inflammation d'une muqueuse nasale devenue incapable de se défendre.
L'altération du tapis muco-ciliaire provoquera ainsi l'apparition de croûtes nasales, d'odeurs plus ou moins fétides, de sécheresse nasale, voire de saignements de nez.
LES SYMPTOMES DU SNV
Les symptômes physiques sont dominés par : l'obstruction nasale paradoxale ++
Les symptômes psychiatriques sont dominés par : la dépression
Les patients atteints de SNV souffrent d'un sentiment d'injustice et d'accablement
- LES SYMPTOMES PHYSIQUES : Obstruction nasale paradoxale ++
Sécheresse nasale sévère
Maux de tête récurrents Syndrome d'apnée du sommeil Céphalées, algies faciales Ecoulement postérieur (rhinorrhée) épaisse Anosmie, cacosmie (mauvaise odeur nasale)
Modification de la voix Rhinite crouteuse et fétide Sécheresse pharyngée Mucosités collantes Dyspnée d'effort Sensation d'asphyxie nocturne Troubles du sommeil Asthénie intense...
- LES SYMPTOMES PSYCHIATRIQUES
Syndrome dépressif++
Anxiété, désespoir profond
Troubles du comportement (apathie, excitation, colère, haine...)
Prostration, repli sur soi, trouble de la libido Tendance suicidaire, paranoïa "
Toute cette description est finalement assez bien résumée sur le site de l'association " Syndrome du Nez Vide France " :
"Le manque de sensation d'air provoque plus "qu'un nez bouché" mais bien une suffocation, un essoufflement et des douleurs chroniques. Certains disent que c'est comme s'ils respiraient à travers une paille.
Les personnes souffrant du syndrome du nez vide vivent un véritable calvaire de par leurs douleurs physiques et leurs difficultés respiratoires, ce qui entraine chez elles de lourdes conséquences morales ".
Le docteur [D] a d'ailleurs recueilli la déclaration de Mme [B] lors des opérations d'expertise :
."J'ai des douleurs bi-temporales permanentes et des douleurs de la face par crises, avec un fond douloureux permanent... "
. "Je ne peux plus évacuer les sécrétions sinusiennes et j'ai toute la journée des sécrétions postérieures épaisses et " collantes. "
."Je dois dormir avec 3 coussins sinon toutes les sécrétions coulent " par paquets " dans ma gorge avec sensations d'étouffement, alors " j'appelle au secours t> carj 'angoisse à l'idée d'étouffer pendant mon sommeil... " ."Quand le parle, j'ai l'impression d'être dans une caisse de résonance, ma voix résonne ; j'ai des " claquements " dans mon nez qui viennent sans prévenir ... "
."Le froid me brûle les narines ; je ne supporte plus le vent... "
." J'attrape tous les microbes de tout le monde... "
" Je n'ai plus d'activité physique... "
." Avant, j 'avais tout pour être heureuse, une fille première de sa classe, un mari exemplaire... "
."Je suis crevée quand je me lève ; je conduis ma fille à l'école et, en rentrant, je vais dormir sur le canapé... "
."Tout est dégrade dans ma vie, les relations, a\'ec ma fille car je dois souvent aller me coucher, dégradation relative dans mon couple... "
." Avant, en 2009-2010, je voulais ouvrir des chambres d'hôte ; maintenant, je n 'en ai plus ta force et tout est dégradé dans ma vie, les relations, avec ma fille car je dois souvent aller me coucher, et dégradation relative dans mon couple... "
Ce sont les maux typiques dont souffre l'intimée qui l'incommodent gravement tant de nuit que de jour et dans toutes ses activités.
Sur le lien de causalité :
Le jugement critiqué, énumérant les multiples maux dont souffre Mme [B] et que l'expert, comme les docteurs [U] et [S] [Z] , a déclarés en lien de causalité direct et certain avec les fautes commises dans le diagnostic et le geste chirurgical, a retenu une indemnisation totale de l'ensemble des préjudices au motif que rien n'indiquait que le préjudice était incertain .
Mais la perte de chance vient aussi réparer un préjudice certain, sauf que ce dernier ne consiste pas dans les dommages constatés mais plutôt dans la chance perdue de les avoir évités, en tout ou partie.
L'existence de ces préjudices étant certaine et en lien avec les fautes justement reprochées au médecin, il doit être confirmé que l'indemnisation des préjudices constatés sera totale, compte étant néanmoins tenu de son état antérieur.
Seul le manquement à l'obligation de pré-information vient réparer une perte de chance.
Sur la réparation des préjudices :
Les appelants ne critiquent pas l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, l'assistance par tierce personne occasionnelle et les dépenses de santé futures.
A titre subsidiaire, ils contestent les montants alloués pour les postes suivants :
- le préjudice lié à l'information médicale pré-opératoire :
Mme [B] , avertie des conséquences potentiellement invalidantes du SNV, a perdu une chance réelle et sérieuse de renoncer à l'acte chirurgical proposé dans l'intervalle d'une semaine entre la consultation et l'opération, de se renseigner auprès d'autres médecins et d'éviter ainsi le risque réalisé.
Il a été vu qu'il existait une alternative thérapeutique et en tout cas, une médication à tenter avant de procéder à une chirurgie irréversible et d'autre part, des techniques moins invalidantes dont l'intimée a perdu la chance de bénéficier par manque d'information. Ce n'est pas en toute connaissance de cause que Mme [B] s'est prêtée à l'opération.
La somme de 5 000 euros sera confirmée .
- l'incidence professionnelle :
Ce poste a pour objet d'indemniser non la perte de revenus mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, la perte d'une chance professionnelle ou 1'augmentation de la pénibilité, la nécessité de devoir abandonner sa profession au profit d'une autre. Ce poste doit également inclure les frais de reclassement professionnel, de formation de changement de poste, d'incidence sur la retraite.
Le tribunal a accordé la somme de 50 000 euros à Mme [B] alors que le docteur [M] conclut au débouté, faute de preuve d'un quelconque travail, même embryonnaire . Le jugement a retenu un début de projet de chambres d'hôtes et d'une façon générale, une fatigabilité annihilant la chance de mener un projet professionnel ou une carrière.
Mme [B] avait 35 ans au moment de l'opération et une fille de 5 ans. Elle avait arrêté de travailler en 2003 'pour faire un enfant et l'éduquer le mieux possible ' ; elle était en dernier lieu secrétaire standardiste pour un salaire mensuel de 980 euros .
Elle avait 41 ans le 30 mai 2016 au moment de la consolidation.
Elle ne verse comme pièces au soutien de son projet de création d'une activité de réception d'hôtes qu'une commande de cartes postales de son château et de cartes de visite pour les montants respectifs de 80 et 111 euros . La facture de commande d'un site web mentionne zéro euro et ce dernier semble être resté à l'état de souhait.
Le projet était donc embryonnaire ce d'autant qu'elle n'a résidé dans le 'Petit château rose', lieu prévu pour loger les hôtes qu'à compter de juillet 2011.
En revanche, il est patent que son état de santé l'empêche de supporter une quelconque profession exercée à un rythme normal.
La cour infirmera la somme allouée de ce chef pour la fixer à 40.000 euros.
- le préjudice sexuel :
Ce poste de préjudice tend à réparer les effets permanents des séquelles touchant à la sphère sexuelle. Il faut distinguer :
- le préjudice morphologique, lié à l'atteinte des organes sexuels primaires et secondaires,
- le préjudice lié à la vie sexuelle elle-même, qui repose essentiellement sur la perte de plaisir ou de confort lors de l'accomplissement de l'acte sexuel,
- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.
Le tribunal a accordé la somme de 7 000 euros à Mme [B] . Le docteur [M] souligne que l'intimée 'ne verse aucun élément probatoire' de ce chef et la cour peine à se figurer lequel il pourrait être.
Au vu de la description des maux ressentis, par exemple le simple fait qu'elle ne peut rester allongée sans ressentir une sensation d'étouffement, il y a lieu de confirmer la somme fixée et de condamner in solidum le docteur [M] et la MACSF à payer à l'intimée 7 000 euros à ce titre.
- le préjudice d'agrément :
Le tribunal a accordé la somme de 8 000 euros à Mme [B] en lien avec les activités de danse et de chant qu'elle pratiquait avant les faits dommageables.
L'expert note qu'en raison des souffrances physiques et morales et de son état de "maladie chronique depuis l'intervention litigieuse, Mme [B] ne peut plus pratiquer les activités sportives comme la course et la musculation et les activités de loisirs comme la danse, le chant avec des animations de soirées qu 'elle affectionnait particulièrement.
La demanderesse verse plusieurs attestations venant en justifier.
La somme de 8 000 euros sera confirmée et la cour condamnera in solidum le docteur [M] et la MACSF à la payer à l'intimée.
- le déficit fonctionnel permanent :
Comme en première instance, les appelants proposent une indemnisation de 23 120 euros au lieu des 30 000 euros accordés par le jugement déféré qui correspondent à la demande initiale de l'intimée.
L'expert a retenu un taux de 17% , soit 10 % pour les séquelles de l'électrocoagulation qu'il assimile à une brûlure profonde de la muqueuse nasale et 7% pour l'ensemble des douleurs physiques et morales permanentes, en tenant compte de l'état antérieur et de l'altération de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence.
Le docteur [M] estime le taux de 10% pour le syndrome du nez vide surestimé en se livrant à un calcul de la surface des fosses nasales qui ne serait pas équivalente à 10 à 20 % de la surface totale du corps, parallèle fort peu pertinent, le trouble n'étant pas forcément proportionné à la surface corporelle atteinte mais plutôt à la fonction particulière de l'organe.
Ces taux apparaissent en accord avec les fourchettes habituelles de la jurisprudence et avec les graves conséquences de l'opération dans tous les actes de la vie quotidienne. La somme de 30 000 euros pour l'indemnisation du DFP sera confirmée que les appelants seront en conséquence condamnés in solidum à payer à ce titre à Mme [B].
- les souffrances endurées :
Les appelants proposent une indemnisation de 8 000 euros au lieu des 12 000 euros accordés par le jugement déféré.
Les souffrances endurées sont cotées à 4/7 et il convient de confirmer la somme de 12 000 euros ordonnée pour les indemniser totalement .
Sur le recours de la CPAM :
Sur la créance au titre des prestations versées et au titre des frais futurs occasionnels réalisés, le juge de première instance a condamné in solidum le docteur [M] et la MACSF à verser à la CPAM de la Gironde la somme totale de 942,76 euros au titre des frais hospitaliers, frais médicaux, frais d'appareillage, et frais futurs exposés.
Le docteur [M] critique le fait que pour justifier le versement de cette somme, la CPAM n'aurait produit que deux tableaux établis par elle-même et une attestation d'imputabilité établie par son médecin-conseil, tous documents, qui ne seraient que des preuves constituées par soi-même, ne démontrant pas que le docteur [M] a commis une faute ayant un lien de causalité avec les prestations versées.
En conséquence de quoi, les appelants estiment que la CPAM ne pourrait pas plus réclamer une quelconque indemnité forfaitaire de gestion.
Sur ce,
D'une part, les pièces versées aux débats par l'organisme social n'ont pas pour vocation de prouver la faute médicale.
Par ailleurs, ces tableaux désignent clairement les postes des dépenses engagées pour soigner Mme [B]. Ils établissent suffisamment la réalité et le montant de la créance de la Caisse . Au demeurant, Mme [B] ne nie pas avoir bénéficié des soins correspondant à ces postes dont la nécessité a été très largement démontrée, et non mise en doute par l'appelant lui-même.
S'agissant de l'indemnité forfaitaire de gestion, elle est prévue par les articles
9 et
10 de l'ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 et elle s'applique automatiquement.
C'est donc à juste titre que le juge de première instance a condamné in solidum le docteur [M] et la MACSF à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 942,76 euros et celle de 314,25 euros avec intérêts légaux à compter du jugement .
La capitalisation des intérêts au sens de l'article
1343-2 du code civil sera confirmée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions ordonnées de ces chefs en première instance doivent être confirmées.
Succombant largement en appel, les appelants seront condamnés in solidum à payer à Mme [B] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile et supporteront les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
:
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire
Confirme le jugement déféré sur les fautes civiles commises par le docteur [M],
Constate que les indemnisations au titre du déficit fonctionnel temporaire, de l'assistance par tierce personne occasionnelle et des dépenses de santé futures sont définitives,
Dit que dans la principe, Mme [B] doit être indemnisée de la totalité de ses préjudices dont l'évaluation est frappée d'appel,
Confirmant le jugement déféré de ces chefs, condamne en conséquence in solidum le docteur [M] et la MACSF à payer à Mme [B], à titre de réparation de son préjudice corporel (provisions non déduites) :
- 5 000 euros s'agissant de la réparation du préjudice lié au caractère incomplet de l'information médicale pré-opératoire,
- 12 000 euros au titre de la souffrance endurée,
- 30 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 8 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 7 000 euros au titre du préjudice sexuel,
Infirme le jugement déféré s'agissant de 1'incidence professionnelle et fixe à 40 000 euros la somme que le docteur [M] et la MACSF seront condamnés in solidum à payer à Mme [B] à ce titre,
Confirme les dispositions du jugement déféré en ce qui concerne la condamnation in solidum du docteur [M] et de la MACSF envers la CPAM de Gironde,
Confirme le jugement déféré en ce qui concerne la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées par l'article
1343-2 du code civil,
Confirme les condamnations prononcées en première instance au titre des frais irrépétibles et des dépens,
Condamne in solidum le docteur [M] et la MACSF à payer à Mme [B] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum le docteur [M] et la MASCF aux entiers dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,