Cour de cassation, Première chambre civile, 22 janvier 2020, 19-10.110, 19-50.062

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2020-01-22
Conseil de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation
2016-02-03

Texte intégral

CIV. 1 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 janvier 2020 - Irrecevabilité du pourvoi - Rejet de la requête en indemnisation Mme BATUT, président Arrêt n° 51 F-D Pourvoi n° Requête n° H 19-10.110 G 19-50.062 JONCTION Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. W.... Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 6 novembre 2018. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020 I - M. G... W..., domicilié chez M. H... W..., F... , [...], a formé le pourvoi n° H 19-10.110 contre l'avis rendu le 3 février 2016 par le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, dans le litige l'opposant : 1°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, 2°/ à M. G... X..., domicilié [...] , 3°/ au président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation en exercice le 7 mai 2013, domicilié [...] , défendeurs à la cassation. II - M. G... W... a formé la requête en indemnisation n° G 19-50.062 contre : 1°/ la société [...] , venant aux droits de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, 2°/ M. G... X..., 3°/ le président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation en exercice le 7 mai 2013. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Teiller, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. W..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société [...] , de M. Blondel, du président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation en exercice le 7 mai 2013, et l'avis de M. Sudre, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Teiller, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller, et Mme Randouin, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, il y a lieu de joindre les instances n° H 19-10.110 et G 19-50.062. Faits et procédure 2. M. W... s'est pourvu en cassation contre un arrêt rendu, le 18 janvier 2012, par la cour d'appel de Nîmes dans un contentieux l'opposant à Mme D..., à la suite du prononcé de leur divorce. Il a mandaté, à cet effet, la société civile professionnelle Delaporte, Briard et I..., laquelle a déposé un mémoire ampliatif, le 12 juillet 2012, comprenant quatre moyens de cassation. Après l'obtention de l'aide juridictionnelle totale, un mémoire complémentaire a été déposé dans son intérêt, le 9 avril 2013, par son nouvel avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, M. X..., comportant trois moyens de cassation supplémentaires. Par arrêt du 12 février 2014 (1re Civ., pourvoi n° 12-15.333), le pourvoi a été rejeté. 3. Par « requête pour avis [...] préalablement à une procédure en responsabilité civile professionnelle » déposée le 25 août 2014, M. W... a saisi le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (le conseil de l'ordre) d'une demande tendant à voir retenir la responsabilité de la société [...] ([...] ), venant aux droits de la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet, de M. Blondel et du président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (le président de l'ordre), à son égard. 4. Par avis du 3 février 2016, rendu en application de l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée, le conseil de l'ordre a considéré que la responsabilité du [...] et de M. X... n'était pas engagée et qu'il n'y avait pas lieu d'émettre un avis sur les demandes dirigées contre le président de l'ordre en exercice au 7 mai 2013. 5. Le 4 janvier 2019, M. W... s'est pourvu en cassation contre cet avis, sollicitant le dessaisissement de la Cour de cassation sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile. 6. Le 4 octobre 2019, il a présenté une requête aux fins d'indemnisation d'une perte de chance. Examen de la demande fondée sur l'article 47 du code de procédure civile Enoncé de la demande 7. M. W... demande à la Cour de cassation de se dessaisir du pourvoi et de la requête au profit d'une juridiction par elle désignée. Réponse de la Cour

Vu les articles

L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'organisation judiciaire et l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée : 8. Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation qui statue, d'une part, sur les pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de l'ordre judiciaire, d'autre part, sur les actions engagées à l'encontre d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation quand les faits n'ont pas trait aux fonctions par eux exercées devant le tribunal des conflits et les juridictions de l'ordre administratif. Cette compétence spéciale est exclusive. 9. La demande fondée sur l'article 47 du code de procédure civile, inapplicable au litige, doit donc être rejetée. Recevabilité du pourvoi n° H 19-10.110 examinée d'office 10. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties. 11. L'avis rendu par le conseil de l'ordre, en application de l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée, n'a pas le caractère d'un jugement et n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation. 12. Le pourvoi formé contre un tel avis n'est donc pas recevable. Examen de la requête Exposé de la requête 13. M. W... reproche au [...] et à M. X... de ne pas avoir accompli les diligences nécessaires pour rendre les quatre moyens de cassation initiaux conformes aux exigences de l'article 978 du code de procédure civile, notamment le quatrième moyen relatif à la révocation de l'ordonnance de clôture, qu'il considère particulièrement sérieux. 14. Il fait grief au président de l'ordre en exercice à la date du 7 mai 2013 de ne pas avoir répondu à une demande, à lui envoyée par télécopie, afin qu'il précise « le champ des actions des signataires des mémoires pour que les moyens invoqués puissent être mis en conformité ». 15. Il demande, en conséquence, la condamnation solidaire du [...], de M. X... et du président de l'ordre à lui payer des dommages-intérêts au titre d'une perte de chance lui ayant causé un préjudice moral et matériel. 16. Le [...] et M. X... concluent au rejet de la requête en l'absence de faute et de préjudice. 17. Le président de l'ordre soulève l'irrecevabilité de la demande contre lui formée, en ce qu'elle échappe à la procédure spécifique prévue par l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 et, à titre subsidiaire, soutient qu'elle est infondée.

Réponse de la Cour

Sur la demande dirigée contre le [...] et M. X... 18. La responsabilité civile exige pour être retenue la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux. A défaut d'existence de l'une de ces trois conditions cumulatives, elle n'est pas engagée. 19. La preuve du préjudice incombe au demandeur en responsabilité. 20. Il appartient, en conséquence, à M. W... d'établir que les quatre moyens initiaux soutenus à l'appui de son pourvoi en cassation auraient eu des chances d'aboutir s'ils avaient été présentés conformément à l'article 978 du code de procédure civile et déclarés recevables par la Cour. 21. Les moyens rédigés par M. W... critiquent, en réalité, les conditions du prononcé de l'ordonnance de clôture, son maintien à la date du 25 novembre 2011, malgré la demande de révocation, et l'admission de certaines écritures estimées tardives en violation du principe du contradictoire. 22. Toutefois, l'arrêt attaqué rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture en l'absence de motif grave. Il écarte des débats, pour atteinte au principe de la contradiction, toutes les conclusions et pièces du dossier postérieures au 25 novembre 2011 et, en toute hypothèse, déposées tardivement par rapport à l'audience du 7 décembre 2011. 23. Par ailleurs, M. W..., à qui incombe la charge d'établir qu'un grief de violation des articles 784 et 16 du code de procédure civile aurait eu des chances d'entraîner la cassation de l'arrêt qui était critiqué, ne justifie pas avoir demandé la révocation de l'ordonnance de clôture par conclusions postérieures à celle-ci. En effet, il ne verse à l'appui de sa demande en responsabilité qu'une lettre de son conseil du 25 novembre 2011, antérieure à l'audience du 7 décembre 2011 au cours de laquelle, ainsi que le constate l'arrêt en cause, les parties représentées par leurs conseils n'ont pas demandé la révocation de ladite ordonnance. 24. Dès lors, la preuve d'un quelconque préjudice n'étant pas rapportée, la demande en ce qu'elle est dirigée contre le [...] et M. X... sera rejetée. Sur la demande dirigée contre le président de l'ordre en exercice le 7 mai 2013 25. Il n'est pas contesté que, le 7 mai 2013, M. W... a demandé au président de l'ordre de préciser les champs d'action des signataires des mémoires et qu'il n'a pas reçu de réponse. 26. Toutefois, une telle demande n'appelait aucune intervention particulière de la part du président de l'ordre. En effet, elle a été formée, en premier lieu, alors que le délai pour déposer le mémoire ampliatif, après obtention de l'aide juridictionnelle, était expiré depuis le 20 octobre 2013, de telle sorte que les moyens ne pouvaient être modifiés, en second lieu, sans que le président de l'ordre ait été saisi, par les avocats successivement en charge des intérêts de M. W..., d'un dissentiment entre eux, justifiant qu'il procède à une conciliation en application de l'article 84 du règlement général de déontologie des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. 27. M. W..., qui n'avait pas confié la défense de ses intérêts au président de l'ordre pris en sa seule qualité d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ne rapporte donc pas la preuve d'une faute engageant la responsabilité de celui-ci. 28. Dès lors, en ce qu'elle est dirigée contre le président de l'ordre, la requête sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE la demande de M. W... fondée sur l'article 47 du code de procédure civile ; DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ; REJETTE la requête ; Condamne M. W... aux dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.