Tribunal de grande instance de Paris, 25 mai 2018, 2015/10851

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2015/10851
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : TERRA VECCHIA
  • Classification pour les marques : CL33
  • Numéros d'enregistrement : 7489925 ; 99776091
  • Parties : LES VINS SKALLI SAS / SOCIÉTÉ AGRICOLE DE TERRA VECCHIA SAS ; R (Jean-François)

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 25 mai 2018 3ème chambre 2ème section N° RG: 15/10851 Assignation du 10 juillet 2015 DEMANDERESSE LES VINS SKALLI S.A.S. [...] 34200 SETE représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0242, SCP BOUCHARD & TRESSEAVOCATS AU Barreau de DIJON DÉFENDEURS SOCIETE AGRICOLE DE TERRA VECCHIA S.A.S Lieu-dit Terra Vecchia 20270 TALLONE Monsieur Jean François R représentés par Maître Jean-Yves BOURTHOUMIEU de la SELARL PENAFIEL & ASSOCIE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G0585, Me Rémi H, avocat au Barreau de LYON COMPOSITION DU TRIBUNAL François A, Premier Vice-Président adjoint Françoise BARUTEL, Vice-Présidente Marie-Christine C, Vice-Présidente assistés de Jeanine R, Faisant fonction de Greffier, DÉBATS À l'audience du 09 mars 2018 tenue en audience publique devant François A, Françoise BARUTEL, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort FAITS. PROCEDURE, MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES : La société LES VINS SKALLI était propriétaire avec la société SAS S de la société Agricole de TERRA VECCHIA créée en 1979, qui a pour objet l'exploitation du domaine viticole de TERRA VECCHIA dans le département de la Haute Corse. La société LES VINS SKALLI est titulaire des marques TERRA VECCHIA : - de l'Union européenne n° 7489925 déposée le 15 décembre 2008 pour désigner dans la classe 33 du vin ; - française n° 776091 enregistrée le 18 février 1999 pour désigner dans la classe 33 du vin. Par acte des 25 mai et 7 juin 2011, la société LES VINS SKALLI et la société SAS S ont conclu avec Monsieur Jean-François R, viticulteur et arboriculteur en Corse, un protocole d'accord aux fins de convenir des modalités de la cession à Monsieur Jean-François R des actions de la Société Agricole TERRA VECCHIA ayant pour actif le domaine de TERRA VECCHIA, l’article 1er dudit Protocole stipulant notamment que la marque TERRA VECCHIA reste la propriété de la société LES VINS SKALLI et que l'acquéreur commercialisera le vin récolté sur le domaine de TERRA VECCHIA sous une marque différente. La cession de la Société Agricole TERRA VECCHIA au profit de Monsieur Jean-François R est intervenue par acte définitif de cession du 24 octobre 2011. La Société Agricole TERRA VECCHIA a déposé à Hong Kong le 17 mars 2014 les marques verbales « DOMAINE TERRA VECCHIA - CLOS POGGIALE » et « DOMAINE TERRA VECCHIA ». Ayant constaté que M. R et la société agricole de TERRA VECCHIA commercialisaient des vins sous la dénomination TERRA VECCHIA et DOMAINE DE TERRA VECCHIA et que la société agricole de TERRA VECCHIA avait déposé à Hong Kong les marques « DOMAINE TERRA VECCHIA - CLOS POGGIALE » et « DOMAINE TERRA VECCHIA », après les avoir mis en demeure les 10 avril 2012, 6 décembre 2012 et 26 février 2015, la société LES VINS SKALLI a, par exploit d'huissier en date du 10 juillet 2015, assigné M. R et la société agricole de TERRA VECCHIA en contrefaçon par imitation de marque, en concurrence déloyale et en violation d'engagements contractuels. Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique en date du 10 octobre 2016, la société LES VINS SKALLI, au visa des articles L 713-2, L 713-3, L 716-14 et L716-7-1 du Code de propriété intellectuelle et des articles 1142 et 1143 du code civil, demande en ces termes au tribunal de : DIRE ET JUGER que la marque communautaire TERRA VECCHIA qui appartient à la société LES VINS SKALLI est parfaitement valable pour commercialiser du vin. DEBOUTER Monsieur R et la Société Agricole de Terra Vecchia de leur demande en déchéance pour déceptivité de la marque TERRA VECCHIA. DIRE ET JUGER que l'usage de la dénomination DOMAINE TERRA VECCHIA par Monsieur R et par la Société Agricole de Terra Vecchia constitue un acte de contrefaçon de la marque TERRA VECCHIA. ORDONNER à Monsieur R et à la Société Agricole de Terra Vecchia de cesser d'utiliser la dénomination DOMAINE TERRA VECCHIA, ou la marque TERRA VECCHIA, de la supprimer de tous ses supports dans le délai de 15 jours de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée. ORDONNER à la société Agricole de TERRA VECCIA de modifier sa dénomination sociale, ses noms commerciaux en supprimant les termes "terra vecchia" et de faire modifier ses statuts à cet égard et inscrire les modifications au RCS. ORDONNER à la société Agricole de Terra Vecchia de procéder à la radiation des marques qu'elle a déposées à Hong-Kong dans le délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et ce, sous astreinte de 1,000€ par jour de retard. ORDONNER à Monsieur R et à la Société Agricole de Terra Vecchia de produire le montant du chiffre d'affaires qu'ils réalisent sur les produits qu'ils vendent sous la dénomination DOMAINE TERRA VECCHIA ainsi que la marge qu'ils réalisent sur ces produits. À défaut, nommer un expert qui aura pour mission de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par Monsieur R et par la Société Agricole de Terra Vecchia sous les références DOMAINE TERRA VECCHIA ainsi que la marge réalisée sur ces produits. ORDONNER le rappel de tous les produits DOMAINE TERRA VECCHIA aux frais de Monsieur R et de la Société Agricole de Terra Vecchia. ORDONNER la destruction de tous les produits DOMAINE TERRA VECCHIA aux frais de Monsieur R et de la Société Agricole de Terra Vecchia sous contrôle d'huissier dans le délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et ce, sous astreinte de 1.0006 par jour de retard. CONDAMNER, in solidum, Monsieur R et la Société Agricole de Terra Vecchia à payer à la société LES VINS SKALLI la somme de 800.000 € en réparation du préjudice de contrefaçon, sauf à parfaire par expertise. LES CONDAMNER, in solidum, à payer à la société LES VINS SKALLI la somme de 500.000 € en réparation du préjudice de concurrence déloyale, sauf à parfaire par expertise. CONDAMNER, in solidum, Monsieur R et la Société Agricole de Terra Vecchia à payer à la société LES VINS SKALLI la somme de 1.000.000 € en réparation du manquement aux obligations contractuelles. ORDONNER la publication du jugement dans 3 journaux au choix de la société LES VINS SKALLI et aux frais avancés de Monsieur R ou de la Société Agricole de TerraVecchia pour un montant de 3.0006 par insertion et ce sous astreinte de 500€ par jour de retard dans les trois jours de la communication du bon à tirer à Monsieur R. DIRE ET JUGER que le tribunal se réserve le pouvoir de liquider les astreintes conformément à l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991. Débouter Monsieur R et la Société Agricole de Terra Vecchia de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions. Condamner chacun, Monsieur R et la Société Agricole de Terra Vecchia à payer à la société LES VINS SKALLI la somme de 15.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Le condamner en tous les dépens de l'instance qui pourront être recouvrés par Maître Martine CHOLAY, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Dans leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique en date du 27 février 2017, la société agricole de TERRA VECCHIA et M. R, au visa des dispositions du code de la propriété intellectuelle, des règlements CE n°207/2009 du 26 février 2009 et n°2015/2424 du 16 décembre 2015, des articles 1108, 1128, 1382 et 1383 du Code civil, de l'article L.131-1 du Code des procédures civiles d'exécution et des articles 514, 515 et 700 du Code de procédure civile, demandent en ces termes au tribunal de : 1. SUR L'ACTION EN CONTREFAÇON ET LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DIRE ET JUGER que « TERRA VECCHIA » est un nom de cru indétachable du Domaine TERRA VECCHIA, la société LES VINS SKALLI ne pouvant s’en réserver l'utilisation au moment de la cession; DIRE ET JUGER que l'usage qui en est fait par la société TERRA VECCHIA et Monsieur R, depuis la cession, est légitime ; DIRE ET JUGER qu'au contraire, - la marque communautaire TERRA VECCHIA n°7 489 925 déposée le 15 décembre 2008 pour désigner des produits de la classe 33 (vins), - la marque française TERRA VECCHIA déposée en classe 33 (vins) le 18 février 1999 et enregistrée sous le numéro 99776091, initialement déposées pour l'exploitation du domaine viticole TERRA VECCHIA et la commercialisation des vins issus de cette exploitation, sont devenues trompeuses depuis la cession de cette même exploitation le 24 octobre 2011 ; DIRE ET JUGER en conséquence que lesdites marques sont déchues, en raison de leur caractère déceptif, à compter du 24 octobre 2011, ORDONNER en conséquence, l'inscription de la décision à intervenir au registre des marques de l'Union Européenne et au registre national des marques, DIRE ET JUGER, dans ces conditions, qu'il ne saurait y avoir contrefaçon, DIRE ET JUGER en conséquence la société LES VINS SKALLI irrecevable, à tout le moins mal fondée en ses demandes à ce titre, et l'en débouter 2. SUR L'ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE ET LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE À titre principal CONSTATER que les faits invoqués par la société LES VINS SKALLI au soutien d'une action en concurrence déloyale sont strictement identiques à ceux invoqués au soutien de son action en contrefaçon.

En conséquence

, DIRE ET JUGER irrecevable l'action en concurrence déloyale de la société LES VINS SKALLI. À titre subsidiaire DIRE ET JUGER qu'il n'est démontré aucun acte de concurrence déloyale, DIRE ET JUGER que la société LES VINS SKALLI ne démontre ni n'apporte en tout état de cause aucune justification à ses demandes d'indemnisation et au lien de causalité entre la faute alléguée et son prétendu préjudice ; À titre reconventionnel CONSTATER que l'utilisation, par la société LES VINS SKALLI, de la marque « TERRA VECCHIA » pour désigner des vins non issus du lieu ainsi dénommé constitue une pratique anticoncurrentielle de nature à induire le consommateur en erreur sur l'origine du produit, Dire et juger que M. R et la société TERRA VECCHIA ont subi un préjudice en conséquence, En conséquence, DEBOUTER la société LES VINS SKALLI de l'ensemble de ses demandes au titre d'une prétendue concurrence déloyale ; ORDONNER à la société LES VINS SKALLI de cesser toute commercialisation de vin sous marque « TERRA VECCHIA », dans un délai de 8 jours qui suivra la signification du jugement à intervenir, sous peine d'astreinte de 1.000 euros par jour de retard, ORDONNER à la société LES VINS SKALLI de cesser toute référence, sur tout support de communication qu'elle utilise, notamment ses sites internet, au Domaine de TERRA VECCHIA dont elle n'est plus propriétaire, dans un délai de 8 jours qui suivra la signification du jugement à intervenir, sous peine d'astreinte de 1.000 euros par jour de retard, CONDAMNER la société LES VINS SKALLI à verser aux défendeurs la somme de 3.000.000 d'euros à titre de dommages et intérêts. 3. SUR LA PRETENDUE VIOLATION D'OBLIGATIONS CONTRACTUELLES DIRE ET JUGER la clause stipulant au protocole des 25 mai et 7 juin 2011 que «la marque TERRA VECCHIA est et reste la propriété de la société des vins SKALLI et que la cession ne portant ni sur la marque TERRA VECCHIA ni sur la clientèle, l'acquéreur commercialisera le vin récolté sur le domaine de Terra Vecchia sous une marque différente qu'il créera » nulle et réputée non écrite ; DIRE ET JUGER au surplus mal fondée la société LES VINS SKALLI en sa demande, fondée sur ses propres marques devenues déceptives et encourant la déchéance, En conséquence, DEBOUTER la société LES VINS SKALLI de ses demandes à ce titre, EN TOUT ETAT DE CAUSE DEBOUTER la société LES VINS SKALLI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, CONDAMNER la société LES VINS SKALLI à verser à chacun des défendeurs la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, CONDAMNER la société LES VINS SKALLI aux entiers dépens ; ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir. L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2017. MOTIFS DE LA DECISION 1- Sur la demande reconventionnelle en déchéance de marques devenues déceptives La société agricole de TERRA VECCHIA et Monsieur R font valoir sur le fondement de l'article 51 du Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l'Union européenne et des articles L.714-6 et L.711-3 du code de la propriété intellectuelle que les marques communautaires et françaises TERRA VECCHIA sont devenues déceptives. Ils prétendent en effet qu'en cédant les titres de la société agricole de TERRA VECCHIA à M. R, et les domaines viticoles exploités par celle- ci, la société LES VINS SKALLI a transféré à l'acquéreur le droit d'usage du toponyme et n'exploite plus les parcelles situées sur le lieu que ce toponyme désigne, de sorte qu'en continuant à vendre du vin sous la marque Terra Vecchia qui n'est plus issu des parcelles du domaine de Terra Vecchia, la société les vins S trompe le public sur l'origine du produit. Ils ajoutent que cette tromperie est illustrée par le site internet skalli.fr sur lequel est mentionné que la famille S possède depuis les années 60 un des plus grands vignobles de Corse, le « domaine Terra Vecchia » de 220 hectares sans mentionner qu'elle a cédé le domaine depuis le 24 octobre 2011, si bien qu'elle ne peut prétendre sans tromper le public produire du vin qui serait issu de ce domaine. En tout état de cause, ils font sommation à la demanderesse de communiquer l'intégralité des actes et notamment l'acte de cession des titres de la société LES VINS SKALLI au profit du groupe BOISSET. Ils en concluent que les marques communautaire et française TERRA VECCHIA doivent être déchues en raison de leur caractère déceptif à compter du 24 octobre 2011. La société LES VINS SKALLI rétorque que son action est exclusivement fondée sur sa marque communautaire de sorte que la demande de déchéance formée à propos de la marque française est irrecevable. Elle prétend en outre que la marque TERRA VECCHIA qui était valable lors de son dépôt est toujours valide en ce qu'elle ne constitue en aucune façon un toponyme ou une appellation de repli pour les vins ou une provenance géographique, la famille S n'ayant jamais utilisé le nom du domaine agricole pour commercialiser ses vins, raison pour laquelle elle a déposé des marques Sur ce. Sur la recevabilité de la demande en déchéance L'article L. 714-5 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle réserve la demande en déchéance aux "personnes intéressées", c'est à dire justifiant, en application de l'article 31 du code de procédure civile, d'un intérêt à agir. S'agissant d'une demande reconventionnelle à une action principale en contrefaçon, les défendeurs ne peuvent demander la déchéance que pour des marques et des produits qui leur sont opposés. En l'espèce, la société LES VINS SKALLI ne vise dans son assignation introductive que la marque de l'Union européenne TERRA VECCHIA n° 7489925 dont elle est titulaire pour désigner des vins en classe 33, mais il n'est cependant pas contesté qu'elle est également titulaire d'une marque française TERRA VECCHIA pour désigner également du vin, et ce faisant strictement identique à la marque de l'Union européenne. Il s'ensuit que la société agricole de TERRA VECCHIA et Monsieur R qui sont assignés en contrefaçon aux fins de se voir interdire l'utilisation de la dénomination Domaine TERRA VECCHIA et la marque TERRA VECCHIA ont bien intérêt à agir en déchéance des droits de la société VINS SKALLI sur ses marques européenne et française TERRA VECCHIA, de sorte que les demandes reconventionnelles en déchéance des défendeurs pour déceptivité des marques européenne n° 7489925 et française n°776091 désignant en classe 33 des vins sont bien recevables. Sur la déchéance pour déceptivité L'article L.714-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait: (...) b) propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ». L'article 51 du Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 devenu l'article 58 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (texte codifié) dispose que : « Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : (...) c) si, par suite de l'usage qui en est fait par le titulaire de la marque ou avec son consentement pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, la marque est propre à induire le public en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique de ces produits ou de ces services ». En l'espèce, il est constant que la société agricole de TERRA VECCHIA exploite depuis 1979 plusieurs domaines viticoles en Haute Corse et notamment le domaine dit TERRA VECCHIA dont il résulte du protocole d'accord litigieux qu'il est situé sur la commune de Tallone, qu'il présente une surface de 159 ha 68 a et 89 ca dont 84,9543 hectares de vignes, et de la matrice cadastrale versée aux débats qu'il est localisé comme lieu-dit de plusieurs parcelles de la commune de Tallone, et notamment la parcelle E43 expressément visée dans ledit protocole qui représente une surface de 32 ha 13 a et 34 ca. Il en résulte que TERRA VECCHIA est le nom de l'une des parcelles cadastrées les plus importantes du domaine viticole TERRA VECCHIA ainsi que le nom du domaine viticole lui-même, et que les marques TERRA VECCHIA ont été déposées postérieurement par la société LES VINS SKALLI, alors propriétaire de la société agricole TERRA VECCHIA exploitant le domaine viticole de TERRA VECCHIA, pour désigner des vins. Il est également constant que depuis l'acte définitif de cession intervenu le 24 octobre 2011, dont l'article 13 intitulé « continuité de l'exploitation et transmission » stipule que les sociétés SKALLI « s'engagent à faire leurs meilleurs efforts pour transmettre à l'acquéreur les éléments techniques et de savoir-faire nécessaires à l'exploitation du domaine de TERRA VECCHIA », la société LES VINS SKALLI n'exploite plus le domaine TERRA VECCHIA. Ainsi alors que la marque doit demeurer un instrument loyal d'information pour le consommateur en garantissant l'origine des produits, la société LES VINS SKALLI, en continuant à vendre du vin sous les marques TERRA VECCHIA alors qu'elle n'exploite plus, le domaine TERRA VECCHIA, mentionné au cadastre et préexistant auxdites marques, et qu'elle n'est plus propriétaire de la société TERRA VECCHIA qui produit les vins dudit domaine viticole, a rendu les marques TERRA VECCHIA déceptives aux yeux des consommateurs de vins qui peuvent raisonnablement croire que le vin provient de vignobles du domaine de TERRA VECCHIA exploité par la société TERRA VECCHIA, et ce d'autant qu'elle communique ainsi qu'il résulte d'un extrait de son site internet daté du 22 janvier 2013 sur le fait que c'est en 1961 que « Francis S a eu un coup de cœur pour un terroir vierge de la côte orientale corse : Terra vecchia, l'un des plus beaux vignobles de l'île » et qu'il s'agit d'une « marque authentique issue de nos vignobles corses ». Il convient en conséquence de dire que la société LES VINS SKALLI est déchue de ses droits sur les marques TERRA VECCHIA française n° 776091 et de l'Union européenne n° 7489925 devenues déceptives et ce depuis le 24 octobre 2011, date à laquelle elle a définitivement cédé la société agricole TERRA VECCHIA qui exploite le domaine éponyme. Il s'ensuit que l'ensemble des demandes de la société LES VINS SKALLI, d'interdiction d'utilisation, de rappel et de destruction des produits, d'injonction de procéder à la radiation de marques déposées à Hong Kong et les demandes indemnitaires fondées sur la contrefaçon desdites marques, sera donc déclaré irrecevable. 2- Sur la violation d'obligations contractuelles La société LES VINS SKALLI fait valoir que le protocole d'accord signé le 25 mai et le 7 juin 2011 prévoit que « la marque TERRA VECCHIA est et reste la propriété de la société LES VINS SKALLI et que la cession ne portant ni sur la marque TERRA VECCHIA ni sur la clientèle, l'acquéreur commercialisera le vin récolté sur le domaine de Terra Vecchia sous une marque différente qu'il créera », en déduit qu'en commercialisant du vin sous les dénominations TERRA VECCHIA et domaine de TERRA VECCHIA Monsieur R a violé ses obligations contractuelles, et demande en conséquence de lui interdire d'utiliser la dénomination TERRA VECCHIA et domaine de TERRA VECCHIA et d'obtenir la destruction de tous les stocks de vins TERRA VECCHIA. En réponse, les défendeurs opposent en application de la jurisprudence Cassevert de la Cour de cassation, la nullité de la clause, la société LES VINS SKALLI ne pouvant se réserver l'usage de la marque TERRA VECCHIA correspondant au domaine viticole et à l'exploitation de la société agricole qu'elles ont cédée, et empêcher de la sorte l'acquéreur d'user de la marque viticole domaniale. Ils ajoutent qu'en tout état de cause les marques TERRA VECCHIA étant devenues trompeuses et donc déchues la société LES VINS SKALLI ne peut leur opposer un quelconque manquement. Sur ce. Outre que la société TERRA VECCHIA ne peut être empêchée d'user du nom TERRA VECCHIA, pour commercialiser les vins du domaine éponyme sur lequel ils sont produits, aucune violation contractuelle n'est en tout état de cause caractérisée alors que la société LES VINS SKALLI a été déchue de ses droits à compter du 24 octobre 2011 sur les marques TERRA VECCHIA qui font l'objet de la clause invoquée, de sorte que les demandes de la société LES VINS SKALLI sur ce fondement seront également rejetées. 3- Sur les demandes en concurrence déloyale La société LES VINS SKALLI soutient que l'adjonction à la marque TERRA VECCHIA du terme « domaine », qui contribue à placer le vin dans une catégorie supérieure, relève d'une intention maligne et procède de la volonté d'avilir la marque antérieure, et de détourner la clientèle acquise à la marque. En réponse à la demande reconventionnelle en concurrence déloyale elle réplique que les vins qu'elle commercialise sous la marque TERRA VECCHIA et l'IGP Ile de beauté proviennent de différentes coopératives corses, que la marque TERRA VECCHIA n'est pas une IGP ou une AOP ni une dénomination géographique ou une mention complémentaire dont l'utilisation est prévue au cahier des charges de l'AOP Corse de sorte que la marque TERRA VECCHIA n'est pas de nature à induire le consommateur en erreur. La société agricole de TERRA VECCHIA et Monsieur R estiment qu'aucune faute n'est démontrée en ce que la société agricole de TERRA VECCHIA est légitime en qualité d'exploitant du domaine TERRA VECCHIA lequel fait l'objet d'une origine protégée, à utiliser le terme « domaine » conformément au décret du 4 mai 2012 et ajoute qu'en tout état de cause aucun préjudice n'est établi. Au soutien de leur demande reconventionnelle en concurrence déloyale ils prétendent que l'utilisation, par la société LES VINS SKALLI, qui est basée dans le Languedoc et n'a plus aucun vignoble en Corse, de la marque « TERRA VECCHIA » pour désigner des vins non issus du lieu ainsi dénommé constitue une pratique trompeuse de nature à induire le consommateur en erreur sur le produit d'origine. Sur ce. Sur la demande principale en concurrence déloyale Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil (anciennement 1382 et 1383 du code civil) que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Il est également établi que le principe est celui de la liberté du commerce, et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. En outre, l'article 7 du décret n°2012-655 du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques œnologiques dispose : « Les mots : « abbaye », « bastide », « campagne », « chapelle », « commanderie », « domaine », « mas », « manoir », « monastère », « monopole », « moulin », « prieuré » et « tour » sont réservés aux vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée issus des raisins récoltés sur les parcelles d'une exploitation ainsi dénommée et vinifiés dans cette exploitation ». En l'espèce, il est justifié de ce que la Société agricole de TERRA VECCHIA exploite le domaine dit Terra Vecchia situé sur la commune de Tallone qui présente une surface de 159 ha 68 a et 89 ca dont 84,9543 hectares de vignes bénéficiant de l'indication géographique protégée (IGP) Ile de Beauté, que le chai se situe sur la parcelle E226 également cadastré « TERRA VECCHIA » l'atelier occupant une partie des parcelles E45 et E227, et qu'ont été transmis à Monsieur R « les éléments techniques et de savoir-faire nécessaires à l'exploitation du domaine de TERRA VECCHIA » ainsi qu'il résulte de l'article 13 du protocole litigieux intitulé « continuité de l'exploitation et transmission », de sorte que la société LES VINS SKALLI échoue en l'état des éléments versés à la procédure à démontrer que le fait que la société agricole de TERRA VECCHIA et Monsieur R apposent sur les bouteilles de vins produites sur le domaine de TERRA VECCHIA, à côté de l'indication géographique protégée « Ile de beauté », la dénomination « domaine de TERRA VECCHIA » serait constitutif d'une quelconque faute caractérisant des agissements déloyaux à l'encontre de la société LES VINS SKALLI. La société LES VINS SKALLI sera donc déboutée de ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale. Sur la demande reconventionnelle sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses et déloyales Il a été démontré que la société LES VINS SKALLI, en continuant à vendre du vin sous les marques TERRA VECCHIA alors qu'elle n'exploite plus le domaine TERRA VECCHIA a rendu les marques TERRA VECCHIA trompeuses aux yeux des consommateurs de vins qui peuvent raisonnablement croire que ledit vin provient de vignobles du domaine de TERRA VECCHIA, et ce d'autant qu'elle communique ainsi qu'il résulte de deux extraits de son site internet en 2013 et en 2016 que c'est en 1961 que « Francis S a eu un coup de cœur pour un terroir vierge de la côte orientale corse : Terra vecchia, l'un des plus beaux vignobles de l'île » et qu'il s'agit d'une « marque authentique issue de nos vignobles corses ». Il s'ensuit qu'il convient en conséquence de faire droit aux demandes d'interdiction formées par la société agricole de TERRA VECCHIA et Monsieur R sous astreinte dans les conditions prévues au dispositif ci- après. En revanche faute de justifier d'un quelconque préjudice financier en l'absence de production d'aucun élément chiffré sur l'évolution des ventes et du chiffre d'affaires, et le dommage étant ainsi suffisamment réparé, il ne sera pas fait droit aux demandes complémentaires de. dommages-intérêts. Sur les dépens et les frais irrépétibles Il y a lieu de condamner la société LES VINS SKALLI, partie perdante, aux dépens. En outre, elle doit être condamnée à verser à la société agricole de TERRA VECCHIA et à Monsieur Jean-François R, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 15. 000 euros. L'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec les faits de l'espèce sera prononcée, sauf en ce qui concerne la mesure de publication de la déchéance des marques.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire en premier ressort ; DIT que les demandes reconventionnelles en déchéance pour déceptivité des marques européenne n° 7489925 et française n°776091 désignant des vins en classe 33 sont recevables ; PRONONCE à rencontre de la société LES VINS SKALLI à compter du 24 octobre 2011, la déchéance de ses droits sur les marques TERRA VECCHIA française n°776091 enregistrée le 18 février 1999 et de l'Union européenne n° 7489925 enregistrée le 15 décembre 2008 désignant les vins en classe 33, devenues déceptives ; DIT que la présente décision sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription au registre national et au registre européen des marques ; DECLARE en conséquence irrecevable l'ensemble des demandes de la société LES VINS SKALLI, d'interdiction, de rappel, de destruction des produits, d'injonction de procéder à la radiation et les demandes indemnitaires fondées sur la contrefaçon des marques TERRA VECCHIA française n° 776091 et de l'Union européenne n° 7489925; DEBOUTE la société LES VINS SKALLI de ses demandes fondées sur la violation des obligations contractuelles ainsi que sur celles fondées sur la concurrence déloyale ; ORDONNE à la société LES VINS SKALLI de cesser toute commercialisation de vin sous marque « TERRA VECCHIA », ainsi que toute référence sur tout support de communication qu'elle utilise et notamment ses sites internet au Domaine de TERRA VECCHIA, et ce sous astreinte de 200 euros par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du présent jugement pendant un délai de 6 mois ; DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ; DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ; CONDAMNE la société LES VINS SKALLI à payer à la société agricole de TERRA VECCHIA et à Monsieur Jean-François R la somme globale de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société LES VINS SKALLI dépens ; ORDONNE l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne les mesures de publication de la marque.