ARRET
N°389
CPAM DE L'ARTOIS
C/
[R]
VC
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 07 JUIN 2022
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N° RG 20/04930 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H35U
JUGEMENT DU POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS EN DATE DU 24 juillet 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
CPAM DE L'ARTOIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
11 boulevard du Président Allende
CS 90014
62014 ARRAS CEDEX
Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD, dûment mandatée
ET :
INTIME
Monsieur [I] [R]
118 route de Béthune
62300 LENS
Comparant assisté de M.NAPORA Léon, vice-président de l'ADEVARTOIS, en vertu d'un pouvoir
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Mars 2022 devant Véronique CORNILLE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles
786 et
945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juin 2022.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. [J] [N]
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:
Madame Jocelyne RUBANTEL, Président,
Mme Chantal MANTION, Président,
et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 07 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article
450 du code de procédure civile, Madame Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Audrey VANHUSE, Greffier.
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DECISION
Le 14 juin 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (ci-après, la CPAM) a notifié à M. [I] [R] l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % en réparation des séquelles de sa maladie professionnelle n°57 B (syndrome du nerf ulnaire droit) consolidée le 14 février 2019.
M. [R] a saisi la commission médicale de recours amiable de la CPAM puis le tribunal d'un recours contre la décision implicite de rejet de sa contestation par ladite commission.
Par jugement du 24 juillet 2020, le tribunal de grande instance d' Arras, devenu depuis tribunal judiciaire, pôle social, a :
- fixé le taux d'incapacité permanente de M. [R] au titre de la maladie professionnelle 57B dont il est atteint et qui a été consolidée le 14 février 2019, à 10%,
- renvoyé M. [R] à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois pour régularisation de ses droits,
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Par courrier recommandé expédié le 25 septembre 2020, la CPAM a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 31 août 2020.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 3 mars 2022.
Par conclusions visées par le greffe le 3 mars 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et fondé,
- constater l'absence de raideur articulaire,
- constater qu'il persiste une symptomatologie douloureuse,
- infirmer ainsi le jugement en ce qu'il portait à 10% le taux d'IPP de M. [R],
- confirmer la décision de la caisse fixant un taux d'IPP à 5% dans les suites directes et exclusives avec la pathologie professionnelle,
- débouter M. [R] de toutes ses demandes.
La CPAM soutient en substance que seules des hypoesthésies et une diminution de la force de préhension motivent le taux de 5% qui indemnise les conséquences directes et exclusives de la pathologie professionnelle ; que le taux de 10% indemnise les conséquences de la pathologie interférente.
Par conclusions réceptionnées le 12 janvier 2022 soutenues oralement, M. [R] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- lui accorder un taux d'IPP de 10%,
- débouter la CPAM de ses demandes.
Il fait essentiellement valoir que le taux de 10% correspond aux séquelles (coude et main) de sa maladie en référence au guide barème (paragraphe 4.3 du barème MP névrites-polynévrites et chapitre 4.2.5 barème AT) ; qu'il faut considérer la gêne fonctionnelle entraînée par les différents facteurs d'atteinte neurologique ; que la perte musculaire est en effet réelle de même que les séquelles sensitives et motrices ; que le médecin consultant a écarté tout état antérieur ; que la CPAM ne désigne pas la pathologie interférente alléguée.
Dans une note en délibéré dûment autorisée sur la pathologie interférente, la CPAM indique que le compte rendu électrologique du 19 septembre 2018 du docteur [O] fait état d'une atteinte ulnaire évoluant « sur un fond neuropathique diffus » ; que cette pathologie n'est pas asymptomatique contrairement à ce que pense le médecin consultant du tribunal, dès lors qu'elle fait l'objet d'une prise en charge à 100% par la caisse (exonération du ticket modérateur depuis le 15 avril 2011).
Conformément aux dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé plus ample des
MOTIFS
Ecation de l'article
L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
En l'espèce, M. [R], maçon fumiste, a, le 3 octobre 2018, établi une déclaration de maladie professionnelle visant un 'syndrome canalaire nerf ulnaire droit chez un droitier", à laquelle il a joint un certificat médical initial du 20 septembre 2018 mentionnant : ' tableau 57 b : syndrome canalaire nerf ulnaire main droite chez un droitier; avis chirurgical en attente'. La consolidation de son état de santé est en date du 14 février 2019.
Le médecin-conseil de la caisse a retenu l'état séquellaire suivant pour fixer le taux à 5 % à la date de consolidation : « après libération du nerf ulnaire au coude droit chez un droitier : séquelles à type d'hypoesthésie dans le territoire cubital droit et altération modérée de la force de préhension ».
Le médecin conseil a noté une reprise du travail le 2 janvier 2019 au même poste, à l'examen clinique : une hypoesthésie dans le territoire cubital droit, des mensurations comparatives des membres supérieurs non déficitaires côté droit hormis à la main droite, une absence de déficit d'enroulement et d'extension des doigts longs de la main droite, une fonction du coude droit en flexion extension pronosupination conservée, une pointe pouce 5ème doigt plus difficilement tenue contre résistance, handigrip : 40 degrés à droite et 50 degrés à gauche. Il relate un « fond neuropathique diffus » mentionné dans le compte rendu EMG du 19 septembre 2018.
Le médecin consultant commis par le premier juge a évalué le taux d'incapacité à 10 %.
Le docteur [Z] indique dans son avis :
« Monsieur [R] [I] (') a déclaré un syndrome canalaire ulnaire droit. Confirmé lors d'un examen électromyologique du 19 septembre 2018 qui mentionnait une atteinte tronculaire sévère sensitivo motrice sur fond neuropathique diffus. Il bénéficiera d'une chirurgie de libération du nerf ulnaire au coude droit le 9 novembre 2018, les suites post-opératoires ne sont pas documentées.
Le 14 février 2019, soit cinq mois après la déclaration, le certificat final fait état de fourmillements persistants du 5ème rayon de la main droite, une perte de force motrice, des sensations de tiraillements au coude droit lors des efforts. ».
Le docteur [Z] poursuit après avoir relaté l'examen du médecin conseil de la caisse, ainsi : « En résumé, le médecin conseil indique qu'il persiste des séquelles à type d'hypoesthésie dans le territoire cubital droit et une altération modérée de la force de préhension et conclut à un taux de 5%. Le nerf ulnaire a une incidence motrice et sensitive. Donc Monsieur a des troubles de sensibilité du nerf cubital, essentiellement le bord cubital de la main et surtout les deux premiers doigts, il a une perte de force au niveau des pinces pouce-annulaire et pouce-auriculaire, il peut y avoir une amyotrophie de la main mais ce n'est pas signalé. (Monsieur indique qu'il a effectivement une amyotrophie, il n'a pas récupéré son muscle à cet endroit). Le chirurgien, dans une consultation du 10 décembre 2018 mentionne des engourdissements dans le territoire du nerf.
En conclusion, il existe des troubles de la sensibilité dans le territoire cubital, une perte de force expliquée par l'amyotrophie. 5% ne paraît pas suffisant. 10% paraît plus approprié. L'état antérieur est asymptomatique donc à écarter et la fonction du coude est normale ».
Ainsi que le relève le tribunal, les différents praticiens s'accordent sur la nature des séquelles, à savoir une hypoesthésie, c'est-à-dire des troubles sensitifs des 4ème et 5ème doigts de la main droite et des troubles moteurs consistant en une perte de force de la pince entre le pouce et les 4ème et 5ème doigts, mais également sur le fait que ces séquelles peuvent être qualifiées de modérées et que la fonction du coude est normale.
Reste la question de l'état antérieur que la CPAM allègue pour contester le taux de 10%.
Il est constant qu'en cas d'état antérieur, il y a lieu de faire la part entre ce qui revient à l'état antérieur et ce qui revient au sinistre professionnel, et que les séquelles rattachables à ce dernier sont seules indemnisables.
La Cour observe que la CPAM ne caractérise pas de façon précise l'état antérieur qu'elle déduit de la seule expression figurant dans la conclusion du bilan électrologique du 19 septembre 2018 réalisé avant l'intervention chirurgicale qui a mis en évidence une atteinte tronculaire sévère du nerf ulnaire au coude avec perte axonale motrice et sensitive, à savoir « cette atteinte évolue sur fond neuropathique diffus ».
Par ailleurs, la CPAM conteste la qualification d'asymptomatique de l'état antérieur retenue par le médecin consultant au motif que la neuropathie est prise en charge à 100%. Or cette seule affirmation qui n'est pas documentée ne peut suffire à remettre en cause l'analyse motivée du médecin consultant ayant conduit à écarter l'état antérieur et à fixer le taux à 10%. Elle ne justifie pas non plus que soit ordonnée une mesure d'instruction.
Le jugement sera confirmé.
Les dépens sont à la charge de la CPAM en application de l'article
696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la CPAM de l'Artois aux dépens de l'instance d'appel.
Le Greffier,Le Président,