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Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème Chambre, 18 mai 2017, 15MA02958

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    15MA02958
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Rapporteur public :
    M. SALVAGE
  • Rapporteur : M. Bruno COUTIER
  • Nature : Texte
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Montpellier, 3 juillet 2015
  • Identifiant Légifrance :CETATEXT000034797139
  • Président : M. GUIDAL
  • Avocat(s) : MARGALL, D'ALBENAS
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Marseille
18 mai 2017
Tribunal administratif de Montpellier
3 juillet 2015

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : Me B..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SA BCT Aménagement, a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune de Saint-Georges-d'Orques sur sa demande de restitution de la parcelle cadastrée AV n° 197, d'autre part, d'enjoindre à la commune de lui restituer cette parcelle, d'ordonner le transfert de sa propriété et de modifier le compte cadastral, enfin de condamner la commune à verser à Me B..., en sa qualité de mandataire liquidateur, la somme de 1 616 615 euros en contrepartie de l'occupation passée de la parcelle cadastrée section AV n° 197 et de fixer l'indemnité pour l'avenir, ainsi qu'à verser la somme de 5 483 210 euros en contrepartie de l'occupation des parcelles cadastrées section AV n° 181, 196, 269, 271, 272, 274, 279, 289, 290, 291, 292, 293 et 294, et de fixer l'indemnité pour l'avenir. Par un jugement n° 1400899, 1502552 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 juillet 2015, le 1er septembre 2015 et le 30 septembre 2015, Me B..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SA BCT Aménagement, représenté par la SCP Margall-d'Albenas, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2015 ; 2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune de Saint-Georges-d'Orques sur sa demande tendant à la restitution de la parcelle cadastrée AV n° 197 ; 3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Georges-d'Orques, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, de lui restituer cette parcelle, d'ordonner le transfert de la propriété de cette parcelle à son profit et d'ordonner à la commune de modifier en conséquence le compte cadastral afférent à cette parcelle ; 4°) de condamner la commune de Saint-Georges-d'Orques à verser à Me B..., en sa qualité de mandataire liquidateur, la somme de 1 616 615 euros correspondant à l'indemnité annuelle pour la période du 13 février 2001 au 13 février 2014 en contrepartie de l'occupation de la parcelle cadastrée section AV n° 197, assortie des intérêts légaux à compter du 13 février 2001, jusqu'au 13 février 2014, et de fixer l'indemnité pour l'avenir ; 5°) de condamner la commune de Saint-Georges-d'Orques à verser à Me B..., en sa qualité de mandataire liquidateur, la somme de 5 483 210 euros correspondant à l'indemnité annuelle, pour la période du 3 octobre 1995 au 20 février 2014, en contrepartie de l'occupation des parcelles cadastrées section AV n° 181, 196, 269, 271, 272, 274, 279, 289, 290, 291, 292, 293 et 294, assortie des intérêts légaux à compter du 3 octobre 1995, et de fixer l'indemnité pour l'avenir ; 6°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Georges-d'Orques la somme de 4 000 euros à lui verser, ainsi qu'à Me B..., en sa qualité de mandataire liquidateur, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - en exécution de l'arrêt du Tribunal des conflits du 9 mars 2015, il y a lieu de statuer sur la question de la restitution de la parcelle AV n° 197, sans que puisse être opposée l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Montpellier dans son jugement du 11 avril 2013 s'agissant de cette question ; - elle n'a pas à justifier d'un préjudice pour obtenir réparation d'une atteinte à son droit de propriété s'agissant de cette parcelle ; - elle a été privée, et le restera pour l'avenir, de la jouissance de son bien ; - il y a lieu d'homologuer les termes du rapport de l'expert Trabe pour fixer le montant de l'indemnisation à laquelle elle a droit, pour le passé et pour l'avenir ; - il y a lieu de l'indemniser de l'occupation sans droit ni titre des parcelles cadastrées section AV n° 181, 196, 269, 271, 272, 274, 279, 289, 290, 291, 292, 293 et 294, qui lui appartiennent ; Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 septembre 2015 et le 29 juillet 2016, la commune de Saint-Georges-d'Orques, représentée par la SCP d'avocats CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que la SA BCT Aménagement soit condamnée aux dépens de l'instance et lui verse une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la cession à la commune de la parcelle AV n° 197 était l'une des contreparties à la convention d'aménagement de la ZAC conclue avec la société BCT et à laquelle cette dernière avait consenti ; - le montant de la cession des lots encaissé par la société BCT aménagement résulte de la prise en compte des travaux assurés par la commune, notamment de l'édification d'un bassin de rétention propre à éviter les inondations sur la zone ; - la société BCT Aménagement entend conserver les profits tirés de la vente des lots mais souhaite en revanche que l'intégralité des participations mises à sa charge lui soit restituée ; - la société n'a pas correctement exécuté la convention d'aménagement de la ZAC ; - la zone présentait un risque d'inondation et il était prévu que la parcelle en litige soit aménagée en bassin de rétention des eaux pluviales ; - le juge a dû prononcer le transfert de propriété de cette parcelle face au refus de la société de la céder à la commune alors que la convention d'aménagement le prévoyait ; - la parcelle AV n° 197 est entrée dans son domaine public et ne peut pas être transférée à défaut de déclassement ; - les conditions auxquelles est subordonnée la possibilité de démolir un ouvrage public ne sont pas réunies, compte tenu, notamment, du risque d'inondation auquel la zone est soumis ; - la juridiction administrative est incompétente en matière de rectification du fichier de la conservation des hypothèques ; - la société requérante ne justifie pas d'un préjudice tenant à l'occupation de parcelle AV n° 197 alors qu'elle a tiré bénéfice de l'aménagement de l'ouvrage public qui y est érigé ; - le montant de l'indemnisation sollicitée ne peut valablement reposer sur le rapport produit par la société BCT Aménagement, lequel n'a pas été établi au contradictoire ; - ce montant n'est pas pertinent ; - les parcelles cadastrées section AV n° 181, 196, 269, 271, 272, 274, 279, 289, 290, 291, 292, 293 et 294 sont des dépendances du domaine public ; - la société requérante ne saurait être indemnisée pour l'occupation de ces parcelles pour les mêmes motifs que ceux invoqués dans le cas de la parcelle AV n° 197. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coutier, premier conseiller, - les conclusions de M. Salvage, rapporteur public, - et les observations de Me A...représentant la commune de Saint-Georges d'Orques. 1. Considérant que, le 5 décembre 1991, la commune de Saint-Georges d'Orques a conclu une convention d'aménagement avec la société Guiraudon-Guipponi, à laquelle s'est substituée la SA BCT Aménagement ; que, celle-ci n'ayant pas procédé à la cession gratuite d'une parcelle à la commune, que prévoyait la convention au titre de la participation au financement des équipements publics, le tribunal de grande instance de Montpellier a, par un jugement du 13 février 2001, prononcé le transfert de la parcelle à la commune ; que la convention d'aménagement ayant été déclarée nulle par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 novembre 2002, confirmé en appel par un arrêt du 22 décembre 2003 de la cour administrative d'appel de Marseille, la cour d'appel de Montpellier a, par un arrêt du 19 janvier 2010, infirmé le jugement du tribunal de grande instance du 13 février 2001 sur le transfert de la parcelle ; qu'entre-temps, la commune a édifié sur cette parcelle un bassin de rétention des eaux ; que, par un jugement du 11 avril 2013 devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SA BCT Aménagement et de son mandataire liquidateur tendant à ce qu'il soit ordonné à la commune de remettre la parcelle dans son état initial, mais s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi par la société ; que saisi par la cour d'appel de Montpellier en vue de prévenir un conflit négatif de compétence, le Tribunal des conflits, par une décision du 9 mars 2015, a confié à la juridiction administrative le soin de statuer sur ces conclusions indemnitaires ; que la SA BCT Aménagement relève appel du jugement n° 1502552 du 3 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté, outre ses prétentions indemnitaires, ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commune de Saint-Georges-d'Orques sur sa demande de restitution de la parcelle cadastrée AV n° 197 ainsi que celles tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui restituer cette parcelle et qu'il lui soit ordonné de procéder au transfert de sa propriété et de modifier le compte cadastral ;

Sur la

régularité du jugement attaqué : 2. Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement contesté que le tribunal administratif, après avoir donné une portée utile aux conclusions présentées devant lui par la SA BCT Aménagement, a statué sur l'ensemble de ces conclusions et a examiné tous les moyens dont elles étaient assorties ; que la société requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que ce jugement ne répond pas aux différentes demandes et moyens qu'elle a présentés ; Sur le bien-fondé du jugement : S'agissant des conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de la demande tendant à la restitution de la parcelle cadastrée AV n° 197 : 3. Considérant qu'il ressort des énonciations de la décision rendue le 9 mars 2015, que le Tribunal des conflits, après avoir relevé que la SA BCT Aménagement est propriétaire de la parcelle cadastrée AV n° 197 et que la décision de la commune de Saint-Georges-d'Orques d'y édifier un bassin de rétention des eaux, qui présente le caractère d'un ouvrage public, a porté atteinte à sa propriété, a jugé que la juridiction administrative était compétente pour connaître des conséquences dommageables de la décision de la commune d'édifier cet ouvrage ; que si le Tribunal des conflits a, par l'article 2 du dispositif de cet arrêt, déclaré nul et non avenu le jugement du 11 avril 2013 du tribunal administratif de Montpellier, ce n'est seulement qu'en tant qu'il a statué sur la demande indemnitaire présentée par la SA BCT Aménagement ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif de Montpellier n'a pas, par le jugement contesté du 3 juillet 2015, méconnu la portée de cet arrêt en excipant, pour rejeter les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet de sa demande tendant à la restitution de cette parcelle, de l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement du 11 avril 2013 rendu par ce même tribunal ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA BCT Aménagement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de rejet ; S'agissant des conclusions aux fins d'injonction : 5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; 6. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus, les conclusions présentées par la SA BCT Aménagement tendant à ce que la Cour enjoigne à la commune de Saint-Georges-d'Orques de lui restituer la parcelle en litige, ordonne le transfert de la propriété de cette parcelle à son profit et ordonne à la commune de modifier en conséquence le compte cadastral afférent à cette parcelle ne peuvent qu'être rejetées ; S'agissant des conclusions indemnitaires : 7. Considérant qu'en l'absence d'extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle et tenant compte de l'intérêt général qui justifie le maintien de cet ouvrage ; En ce qui concerne les parcelles cadastrées section AV n° 181, 196, 269, 271, 272, 274, 279, 289, 290, 291, 292, 293 et 294 : 8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la propriété des parcelles cadastrées section AV n° 181, 196, 269, 271, 272, 274, 279, 289, 290, 291, 292, 293 et 294, qui supportent la voirie au sein de la ZAC de La Gaillarde aménagée par la SA BCT Aménagement, ait été transférée à la commune, alors même que cette voirie est ouverte à la circulation générale ; que la société requérante ne saurait, dès lors, revendiquer une quelconque indemnité en compensation d'une prétendue occupation irrégulière, par la commune, de ces parcelles ; En ce qui concerne la parcelle AV n° 197 : 9. Considérant que la présence même du bassin de rétention des eaux pluviales érigé par la commune sur la parcelle AV n° 197, dont elle est réputée, par l'effet qui s'attache à l'arrêt définitif du 19 janvier 2010 de la cour d'appel de Montpellier, n'avoir jamais été propriétaire, et ce, alors même que cet ouvrage public a été régulièrement implanté lorsqu'elle disposait d'un titre pour l'occupation de cette parcelle, constitue une emprise irrégulière sur la propriété de la SA BCT Aménagement ; Pour la période du 13 février 2001 au 19 janvier 2010 : 10. Considérant que, s'agissant de la période courant du 13 février 2001, date du jugement par lequel le tribunal de grande instance de Montpellier a prononcé le transfert de la parcelle AV n° 197 à la commune, au 19 janvier 2010, date de l'arrêt définitif par lequel la cour d'appel de de Montpellier a infirmé ce jugement, la SA BCT Aménagement ne pouvait ni tirer, ni même raisonnablement escompter, un quelconque revenu ou gain de la cession ou de la location de ce terrain, qui supportait le bassin de rétention des eaux pluviales, ouvrage public nécessaire ainsi qu'il résulte de l'instruction ; qu'en l'absence de préjudice, les conclusions indemnitaires présentées par la société requérante au titre de cette période doivent être rejetées ; Pour la période du 20 janvier 2010 au 13 février 2014 : 11. Considérant, en revanche, qu'à compter du 20 janvier 2010, la SA BCT Aménagement a le droit à la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur la parcelle dont la propriété lui a été reconnue ; que pour fixer le montant de l'indemnité à laquelle elle estime avoir droit à raison de l'occupation sans droit ni titre, par la commune, de sa parcelle, la SA BCT Aménagement retient, pour chaque année d'occupation, le coût moyen du m², frais d'acquisition compris, multiplié par la surface de la parcelle, soit 6 589 m² ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, l'indemnisation due ne saurait correspondre, en l'absence d'extinction du droit de propriété, à la valeur vénale de la parcelle ; que la SA BCT Aménagement ne peut prétendre qu'à une indemnité d'immobilisation ou de location ; qu'à défaut, pour la Cour, de disposer d'éléments utiles lui permettant de fixer le montant de cette indemnisation, il y a lieu, avant d'y statuer, de prescrire une mesure d'instruction tendant à ce que la SA BCT Aménagement produise, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, tous éléments de nature à établir la valeur locative de la parcelle cadastrée AV n° 197, compte tenu des règles d'urbanisme qui s'y appliquaient au cours de la période du 20 janvier au 13 février 2014 ;

D É C I D E :

Article 1er : Est prescrite, avant dire droit, la production par la SA BCT Aménagement de tous éléments de nature à établir la valeur locative de la parcelle cadastrée AV n° 197 sur le territoire de la commune de Saint-Georges-d'Orques, tenant compte des règles d'urbanisme en vigueur au cours de la période du 20 janvier au 13 février 2014. Cette production devra intervenir dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA BCT Aménagement, à Me B... et à la commune de Saint-Georges-d'Orques. Délibéré après l'audience du 2 mai 2017, à laquelle siégeaient : - M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. Chanon, premier conseiller, - M. Coutier, premier conseiller. Lu en audience publique le 18 mai 2017. 2 N° 15MA02958